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    Geraldina Colotti-Frantz Fanon, cent ans après sa naissance

    Publié le 1 juillet 2025 · dans Discours ·

    C’est un centenaire dramatique, celui qui célèbre la naissance de Frantz Fanon, qui a eu lieu en Martinique le 20 juillet 1925. C’est dramatique pour la référence évidente, évidente et traumatisante à ce qui se passe à Gaza à partir du 7 octobre 2023. Et c’est dramatique parce qu’elle nous oblige à entrer en contact direct avec la partie la plus cinglante de la pensée et de la vie du psychiatre antillais : celle des muscles qui se plient en attendant d’atterrir la patte, celle de « l’homme à la serpe », inquiet de l’avoir sous la main, lorsqu’il « entend un discours sur la culture occidentale » (Frantz Fanon, Les damnés de la terre, Turin, p. 10)

    Il est inutile de faire comme si de rien n’était. Les cinquantièmes anniversaires et centenaires qui se succèdent sans cesse au premier siècle du nouveau millénaire, nous habituent à dérouler le film du XXe siècle en touristes de l’histoire. C’est ambiguëment agréable. Activez la nostalgie. Cela justifie la mélancolie. Elle produit une désorientation réfléchie qui est fondamentalement rassurante, dans la mesure où elle légitime la contemplation sceptique des sacrifices et des échecs accumulés par les générations précédentes.


    Avec Fanon, maintenant, cette pièce est impossible. C’est comme si, pour un mauvais tour joué par hasard dans les départements d’études culturelles, il fallait à nouveau se cogner la tête sur des mots durs : sur le scandale de la violence qui détoxifie1, sur l’hérésie qui met en quarantaine l’éthique immaculée, car « le bien est tout simplement ce qui leur fait mal »2.

    Certes, ce sont des positions qu’il faut replacer dans leur contexte. Et le contexte est celui de la guerre d’Algérie. Des centaines de milliers de morts parmi la population et les combattants qui luttent pour l’indépendance nationale. Les Français qui réagissent par des massacres, par des lynchages d’Arabes organisés par des colons, par des tortures régulièrement pratiquées sur les militants du Front de libération nationale, mais aussi, à très grande échelle, sur la population civile. Le FLN algérien a réagi par tous les moyens, allant même jusqu’à tuer des civils français, avec des bombes posées dans les bars des pieds-noirs et des coups de couteau aléatoires sur des colons, surpris en train de marcher dans leurs quartiers calmes et blindés. Molto crudo, n’est-ce pas ? Et il ne faut pas oublier que les communistes français étaient du côté de leur gouvernement et avaient voté en faveur des mesures de répression de l’insurrection algérienne.

    Dans ce tableau peint de sang, de férocité et même de mystification, Frantz Fanon rencontre le combat d’un peuple soumis au chantage de l’humanisme hypocrite de l’Occident et déterminé à faire tous les sacrifices pour se libérer de l’oppression coloniale. Fanon est prêt à comprendre pourquoi il a déjà derrière lui un chemin d’indépendance personnelle tourmentée. Il est originaire de Martinique et au lycée, il a été l’élève d’Aimé Césaire, l’un des fondateurs, avec Senghor, du mouvement de la négritude. Fanon respectait et admirait le professeur de littérature communiste, mais déjà en 1952, dans son premier ouvrage, Peau noire, masques blancs, il cherchait quelque chose de plus qu’un programme, bien que subversif, d’indépendance culturelle. Par où commencer ? De « la seule chose au monde qui vaille la peine de commencer : la fin du monde, que diable ». Ce sont les paroles de Césaire, citées non par hasard par Fanon dans son livre3. Mais la vérité est que, dans cette « fin du monde », le psychiatre antillais voit d’abord l’obligation de se réconcilier avec lui-même, et avec l’illusion d’un salut possible par le saut dans une archéologie mythologique dont la résurrection ébranlerait la conscience occidentale. N’y croyez pas, dit Fanon. Ne tombez pas dans le piège de la construction d’un « passé noir » qui peut être consommé comme apaisant pour l’intolérabilité du présent. Déjà là, en 1952, Fanon est volontairement drastique : « Ce n’est pas parce qu’il a découvert une culture qui lui est propre, écrit-il, que les Indochinois se sont révoltés. C’est qu’il lui était ‘simplement’ devenu impossible de respirer, pour plusieurs raisons »4.


    Bien sûr, dans Peau noire, masques blancs, il y a beaucoup d’autres thèmes culturels d’une importance précieuse. Il y a la critique de la littérature nègre avancée, qui est très agréable et, en partie, rappelle l’impitoyable réquisitoire prononcé par Marx dans la Sainte Famille contre l’humanitarisme philanthropique des Mystères de Paris. Il y a la discussion sur le langage, sur les fantômes conscients et inconscients générés par le racisme, qui frappe encore aujourd’hui par le potentiel analytique des dommages causés par le mécanisme colonial dans la psyché du Blanc et dans celle du Noir. Mais la force d’attaque du programme de Fanon (qui est aussi un projet de vie) réside, d’une certaine manière, dans sa simplicité : « En tant que psychanalyste, je dois aider mon client à rendre son inconscient conscient, à ne plus tenter la lactification hallucinatoire, mais à agir dans le sens d’un changement des structures sociales »5.

    Évident. Dans un certain sens, même banal. Et pourtant, lorsque Fanon se livre à la digression sur la reconnaissance hégélienne, nous sentons que quelque chose de plus est en jeu qu’une démonstration compréhensible de la culture, visant à préconiser un dépassement dialectique facile de l’antithèse raciste. Le noir, plongé dans une servitude inessentielle qui exclut le chemin de la conscience de soi tracé par la Phénoménologie de l’Esprit, a été libéré par le maître. « Il ne soutenait pas la lutte pour la reconnaissance », dit Fanon. « Le noir a été joué. Des valeurs qui ne sont pas nées de son action, des valeurs qui ne résultent pas de la montée systolique de son sang, sont venues danser leur patrouille autour de lui6.


    C’est ici que Fanon tourne son visage et regarde ailleurs. Dien Bien Phu est sur le point d’humilier la grandeur de la France. Et, à mesure qu’il approche des conclusions, le psychiatre qui est un élève de Césaire ressent le besoin d’indiquer un chemin qui, selon lui, observé par l’Europe, ne peut être compris :

    Un camarade, avec qui je m’étais retrouvé lors de la dernière guerre, est revenu d’Indochine. Il m’a fait prendre conscience de beaucoup de choses. Par exemple, la sérénité avec laquelle de jeunes Vietnamiens de seize ou dix-sept ans tombaient devant un peloton d’exécution. Une fois, m’a-t-il raconté, nous avons été contraints de tirer à genoux : les soldats tremblaient devant ces jeunes « fanatiques ». En conclusion, il a ajouté : « La guerre que nous avons menée ensemble était un jeu comparé à ce qui se passe là-bas ».7.

    Nous comprenons que, dans le feu de ses pensées, Fanon fait les choses sacrément sérieusement. Nous comprenons que la rencontre avec Francesc Tosquelles, un exilé communiste de la guerre civile espagnole et promoteur de la soi-disant sociothérapie à l’hôpital de Saint-Alban, n’a pas eu lieu en vain. Certes, Fanon nous apparaît bourré de phénoménologie et d’existentialisme. Quand, à la dernière page de Peau noire, masques blancs, il écrit que « la densité de l’Histoire ne détermine aucun de mes actes », on ressent même trop d’influence sartrienne. « Je suis ma propre fondation », ajoute-t-il dans le pur style de la rive gauche. « Et c’est en dépassant les données historiques et instrumentales que j’introduis le cycle de ma liberté », conclut-il avec des mots faits exprès pour susciter la méfiance parmi les marxistes8.


    Mais qu’était le marxisme à cette époque en Europe occidentale ? L’humanisme rusé et gardé de Roger Garaudy ? L’historicisme astucieux et protéiforme de Palmiro Togliatti ? Staline est sur le point de partir. Puis ce sera le tour du dégel, de la coexistence pacifique, des voies nationales et démocratiques vers le socialisme. L’humanisme dont parle Fanon à la fin de son premier livre, âcre et pas parfaitement calculé, est certainement autre chose. Il est peut-être naïvement sartrean, mais, dans son authenticité radicale, il a le mérite de chercher les mêmes choses que les Chinois et les Vietnamiens ont déjà cherchées et trouvées, que les Algériens sont sur le point d’expérimenter et que, dans quelques années, Castro et Guevara rencontreront également dans la Sierra Maestra de Cuba.

    Frantz Fanon décide donc de quitter la France. Nous n’avons pas à nous demander qui sait quel design. Dans sa courte parabole, il n’y a pas de prédestination à l’œuvre. Il aimerait travailler quelques années en Afrique noire puis revenir en Martinique. Mais une place se libère à l’hôpital psychiatrique de Blida-Joinville, et Fanon accepte, s’installant à une cinquantaine de kilomètres d’Alger en novembre 1953. Un an et demi plus tôt, un de ses articles intitulé Le « Syndrome nord-africain » avait été publié dans « Esprit ». Ce sont quelques pages vraiment magnifiques, d’une beauté insupportable. Les Arabes dans la ville dans la métropole ne peuvent pas s’expliquer. Ils ont mal partout. Le médecin finit par se lasser de les interroger, et conclut qu’ils sont tous des vantards, tous rusés. Fanon illustre ce dialogue entre sourds sans remettre en cause les mauvaises volontés. La communication ne fonctionne pas parce qu’elle ne peut pas fonctionner. Remarquez, l’Histoire de la folie à l’âge classique de Foucault date de 1961. Nous sommes presque dix ans plus tôt. Fanon écrit : « ce corps que je suis forcé de supposer traversé par une conscience, ce corps qui n’est plus un corps du tout, ou du moins il l’est doublement, parce qu’il est assommé par l’effroi – ce corps qui demande à être écouté sans hésitation – provoquera en moi une révolte »9.

    Voici le tempérament, le Stimmung si vous voulez, capturé dans lequel Fanon atterrit en Afrique du Nord. Un an plus tard, le 1er novembre 1954, par une série d’actions de démonstration, le Front de libération nationale algérien annonce sa fondation et sa lutte armée contre l’occupation coloniale. Dans son hôpital, Fanon soigne les tortionnaires et les personnes torturées. Mais il n’y a pas et il ne peut y avoir d’équidistance, de sorte qu’en 1956, le psychiatre brillant et sans aucun doute évolué a démissionné du dispensaire colonial. Il a écrit une lettre amère à Robert Lacoste, proconsul du gouvernement français, dans laquelle il a qualifié le statut de l’Algérie de « déshumanisation systématique »10. Là aussi, on note au passage que Lacoste avait été une figure marquante de la résistance française au nazisme, et que, en ce qui concerne l’Algérie, il avait personnellement œuvré à la répression sanglante de l’insurrection du FLN.

    En bref, le cri strident des comportements, des choix, des intérêts et des idéologies est vraiment absolu. Mais c’est la fameuse Histoire, la Weltgeschichte qui avance en déchiquetant tout, et dans laquelle Fanon se glisse volontiers, sans renier les atmosphères existentialistes compliquées dont il s’est nourri à Paris. C’est pourquoi, sans trop parler, il abandonne son travail de psychiatre à Blida-Joinville et entre au service du Front de libération nationale algérien. C’est le tournant. Il en est de même pour quiconque vient soumettre son ego à un pouvoir transcendant, suprapersonnel : le pouvoir matériel d’une communauté en lutte.


    C’est le Fanon que nous connaissons tous. Les combattants ne sont pas des intellectuels, ni des psychiatres. Leur tâche n’est pas de guérir, mais d’organiser efficacement la colère des colonisés contre les colonisateurs. De son côté, le psychiatre antillais est le mieux placé pour analyser, comprendre et justifier le défi que les Algériens ont lancé à l’orgueil insensé des Français. Derrière la rhétorique de la République, il n’y a que la violence : une usurpation aveugle et inhumaine déguisée en civilisation. Il est donc inévitable de couper les liens. Il est sain et nécessaire d’adopter un point de vue qui mette fin, une fois pour toutes, au langage démocratique des tortionnaires.

    Dans les années vingt, en Europe, cette façon de raisonner s’appelait l’esprit de séparation. Dans les années 1930, Brecht poursuivait encore cette conjonction de radicalisme et de réalisme, rappelant aux écrivains démocratiques réunis pour combattre le fascisme que les cruautés d’Hitler et de Mussolini étaient des cruautés nécessaires11. Qu’il le sache ou non, qu’il le veuille ou non, Fanon avance dans cette voie. On le voit clairement dans les articles écrits pour « El Moudjahid » entre 1957 et 1960. L’un d’entre eux, en particulier, mérite qu’on se souvienne de la lucidité poussée à l’extrême qui le caractérise. L’article s’intitule L’Algérie et les tortionnaires français, et Fanon se moque des scrupules de conscience du colonialisme démocratique :

    Les Français qui s’indignent de la torture, ou qui déplorent son usage massif, font invariablement penser aux belles âmes dont parlait le philosophe, et l’appellation d’« intellectuels fatigués » qui leur a été donnée par leurs compatriotes Lacoste et Lejune est vraiment pertinente. Il n’est pas possible de vouloir à la fois le maintien de la domination française en Algérie et de condamner les moyens mis en œuvre pour la maintenir12.

    Portrait de la patriote algérienne Djamila Boupacha par Picasso

    Quiconque a participé à une lutte pour utiliser les armes contre une nation ou une classe dominante et oppressive, quiconque l’a étudiée et comprise sérieusement, sait que Fanon a absolument raison. Et il a aussi tout à fait raison lorsqu’il parle de « perversion morale », mettant à nu l’hypocrisie des intellectuels terrifiés par la déshumanisation provoquée dans la jeunesse française par son utilisation dans la répression des patriotes algériens. « Seules les conséquences morales de tels crimes sur l’esprit des Français, écrit-il, intéressent ces humanistes. »13. L’accent bat toujours sur le même point : les masques démocratiques du colonialisme, la mystification du dialogue, qui constitue une arme de réserve puissante et sournoise de l’oppression, dans la mesure où elle parvient à infiltrer la conscience des opprimés, obscurcissant le concret dépourvu d’illusions dont le combattant a besoin comme l’air. Pour cette raison, Fanon ne donne aucun répit aux écrivains et artistes noirs eux-mêmes, leur demandant de faire taire la trompette du « vieux nègre pris entre cinq whiskies »14. C’est pourquoi, face à la demande de prendre ses distances avec telle ou telle action trop grossière de la guérilla, il rétorque sarcastiquement : « La lutte d’un peuple pour son indépendance doit donc être claire comme de l’eau de roche s’il veut le soutien des démocrates »15.

    Le regard fiévreux que le lecteur français de Peau Noire, Masques Blancs n’a pu s’empêcher d’éprouver avec une certaine contrariété, a aujourd’hui acquis un horizon solide : une perspective effrontément autonome, dont l’autosuffisance est proclamée sans mâcher ses mots face à l’arrogance de l’Esprit européen. Aux écrivains et artistes noirs réunis à Rome en 1959, Fanon rappelle qu’après tout, les « récriminations amères et désespérées », la « violence expliquée et retentissante », rassurent l’oppresseur. Ce qu’il faut à la place, c’est une « littérature de combat » qui soit une « volonté temporalisée ». « Le présent », intimide presque Fanon avec des mots qui semblent sortir d’une salle d’opération ou d’un abattoir, « n’est plus fermé sur lui-même mais déchiré »16.
    Et pourtant, il ne faut pas croire que cet écart ne consiste qu’en une violence révolutionnaire mise en œuvre sans complexes de culpabilité. En l’an V de la révolution algérienne, Fanon insiste beaucoup sur le côté constructif de la lutte pour l’indépendance. Un peuple qui lutte, qui fait des sacrifices sans précédent pour parvenir à sa propre libération, est un groupe de femmes et d’hommes qui se transforme de manière irréversible. L’Algérie lève son voile, suit l’évolution du rôle des femmes dans la lutte armée avec une participation psychologique et une finesse d’analyse qui nous laissent encore aujourd’hui sidérants17. Et, en général, la révolution est toujours, pour Fanon, « l’oxygène qui invente et prépare une humanité nouvelle »18.

    Cela nous amène au cœur du problème. Quel est le trait le plus authentique de l’humanisme particulier de Fanon ? On en parle depuis longtemps, pour la raison évidente que Les Damnés de la Terre a souvent été considéré, même par de nombreux marxistes, comme une apologie exagérée et vitaliste de la violence, écrite convulsivement par un homme qui savait que ses jours étaient comptés. La préface fascinante et controversée de Jean-Paul Sartre aux Damnés a contribué à cette perception, ajoutant menace sur menace, et transformant le texte de Fanon en une sorte d’ultimatum adressé à la conscience occidentale. Sans doute la prose de Fanon n’épargne-t-elle pas au lecteur l’hyperbole, et n’est-elle pas faite pour l’apaiser dans « ce mouvement immobile où la dialectique, peu à peu, s’est transformée en logique d’équilibre »19. Il y a aussi de la satisfaction dans sa façon d’écrire : une charnalité de langage qui s’exprime parfois dans des images vraiment furieuses. La révolution populaire est présentée comme une « formidable machine à pétrir et à broyer »20. Et l’homme sur la serpe fait peur, il ne sert à rien de le nier. Mais les projets de Fanon pour l’Afrique, ses considérations amères sur les « mésaventures de la conscience nationale », l’attention qu’il porte à une idée du monde potentiellement émancipé des rythmes déraisonnables et désastreux du capitalisme, nous en disent long sur son programme de « désaliénation ». Quand, en effet, le psychiatre antillais parle avec acuité d’une « brutalité et d’un mépris des subtilités et des cas particuliers typiquement révolutionnaires », il s’empresse alors de la distinguer de la « brutalité pure et totale » qu’il faut combattre avec acharnement, afin d’éviter des défaites ruineuses et soudaines21. En temps de guerre, il n’est pas facile de tracer la ligne de démarcation entre les deux attitudes. Et il n’est même pas certain qu’elle corresponde au paramètre arithmétique rassurant de la participation populaire. Fanon y revient et y revient dans le chapitre tourmenté intitulé « Grandeur et faiblesse de la spontanéité ». Le marxiste doctrinaire peut lire ces pages avec le sourire de quelqu’un qui sait déjà tout à l’avance. Mais il ne gagne pas grand-chose. Et il perd l’occasion de repenser les formules gravées dans le marbre de l’orthodoxie, en les comparant au processus vivant des phénomènes sociaux dramatiques, qui inventent l’histoire en train de se faire.


    Après tout, quoi qu’on en dise, Fanon ne s’est pas posé en théoricien de la révolution algérienne. Mais il est difficile de nier que les Damnés de la terre atteignent souvent des accents prophétiques d’une arrogance peu commune. La conclusion du livre nous laisse sans aucun doute enthousiastes.

    La simplicité colossale de l’invitation semble presque compenser l’implacable férocité avec laquelle bien des raisonnements ont été proposés au lecteur. « Pour l’Europe, écrit Fanon, pour nous-mêmes et pour l’humanité, camarades, nous devons nous renouveler, développer une nouvelle façon de penser, essayer de construire un homme nouveau. »22. Au final, on comprend mieux pourquoi Fanon a voulu titrer sa dernière œuvre (sachant que ce serait la sienne) au premier verset de l’Internationale. Debout, les damnés de la terre, écrivait Eugène Pottier, ancien combattant du massacre de la Commune. Des vers forts et apocalyptiques. Nous devons faire table rase du passé, nous ne sommes rien et nous serons tout, unissons-nous dans la lutte finale, l’Internationale sera la race humaine23. Fanon a dû lire ces mots de nombreuses fois avant de choisir le titre de son livre. L’humanisme auquel il fait appel est donc vrai, mais très exigeant. Et le parcours de son œuvre en atteste sans aucun doute, capable de raviver et de soutenir l’engagement théorique et pratique, les choix individuels et collectifs, de tant de révolutionnaires dans de nombreux pays.

    Cela dit, il est bon de ne pas faire de rhétorique ou de simplification facile sur l’influence de la pensée de Fanon dans les deux décennies qui ont suivi la parution des Damné. Fanon n’est pas Mao Tse Tung. Et il n’est même pas Guevara. Il y a une irrégularité de sa pensée qui ne peut être apprivoisée, ni rangée en catégories confortables. En outre, il convient de rappeler que le psychiatre antillais n’a jamais exercé de fonctions de direction effective dans la lutte de libération algérienne. Au nom du FLN, il a certainement occupé des postes diplomatiques délicats dans le contexte du panafricanisme précoce. Et il a également été le protagoniste d’une mission en Afrique subsaharienne (dont il reste un carnet de voyage court mais intense)24, entrepris dans le but de tester l’ouverture éventuelle d’un nouveau front sud dans la guerre d’Algérie. Il est émouvant d’apprendre que, désormais désespérément malade, il a pensé à s’installer à Cuba en tant que représentant permanent du gouvernement provisoire algérien. Et il n’est pas moins significatif que, lors de son bref séjour à l’hôpital américain où il est mort, il ait déclaré à un membre du département d’État américain que dans les années à venir, l’impérialisme américain devrait se heurter aux guérillas en Amérique latine et aux révoltes noires dans les ghettos des métropoles25. Nous savons que Fanon était très méfiant à l’égard du prolétariat européen et de ses dirigeants politiques et syndicaux. Nous savons aussi que, précisément chez les Damnés de la terre, cette méfiance atteint également le prolétariat indigène employé dans les usines et les services des villes algériennes, car il est considéré comme compromis dans les mécanismes de privilèges induits par le colonialisme. D’autre part, il suffit de lire l’article écrit par Fanon sur la mort de Patrice Lumumba, pour comprendre combien et comment le crédit qu’il accordait aux masses paysannes africaines devait faire face à des problèmes tragiques et complexes. La « confiance illimitée dans le peuple » dont Lumumba avait donné une preuve héroïque, jusqu’au sacrifice de sa vie, n’avait pas suffi. À la première grande crise de sa nouvelle voie, l’Afrique s’était montrée désunie et avait oublié « que l’ennemi ne recule jamais sincèrement. Qui n’apprend jamais. Il capitule, mais il ne convertit pas »26.

    Che Guevara et Jean Paul Sartre

    En lisant ces paroles amères, et en pensant aussi aux critiques de Fanon à l’égard de la bourgeoisie coloniale dans les Damnés, ou à l’évolution des événements algériens après l’accession à l’indépendance, on pourrait libérer cette mélancolie postmoderne dont nous parlions au début, qui est au fond le jumeau inversé des triomphalismes les pires et les plus grotesques du XXe siècle. Mais la vérité est que Fanon vivait et pensait à l’intérieur d’un monde entier qui levait la tête, avec d’énormes masses de femmes et d’hommes qui s’étaient mis en mouvement, prêts à payer très cher pour cela. Il dit : je n’écris pas pour les Européens, ça ne servirait à rien. Et, faisant allusion à sa propre biographie, il parle de l’homme de lettres colonisé qui choisit de briser les ponts derrière lui, et « passe d’étonnement en étonnement (…) littéralement désarmé par la bonne foi et l’honnêteté du peuple ». Pour les intellectuels, insiste-t-il, c’est une bénédiction de « s’enterrer parmi le peuple ». Ce n’est pas un refuge, ni une niche protégée. C’est une communauté qui, enfin, a appris à se soucier des valeurs créées pour l’apprivoiser, et, si nécessaire, pour la tuer. Ces valeurs, la masse colonisée les insulte maintenant : « ils les vomissent la gorge flamboyante »27.

    Oui, il les vomit vraiment. Comme le vieil homme de Patmos qui criait : « Puisque tu es tiède, c’est-à-dire que tu n’es ni froid ni chaud, je vais te vomir de ma bouche »28. Il est donc facile de comprendre la première réception européenne de Fanon, dont le discours a été principalement reçu comme une question inconfortable et tranchante, comme un fait très troublant, capable d’embarrasser les certitudes morales d’une gauche malade de la coexistence pacifique et des guerres de position prévoyantes. Aujourd’hui encore, par exemple, le jugement olympique de Simone De Beauvoir nous fait réfléchir. Tout en rappelant la parfaite concordance des vues entre Sartre et l’intellectuel martiniquais, dont la vie « semblait une aventure tragique, souvent horrible, mais d’une valeur infinie », le Castor définissait Les Damnés de la Terre comme « un manifeste du Tiers-Monde, excessif, rigide, incendiaire, mais aussi complexe et subtil »29. Avec moins de subtilité et plus d’élan, la jeune Grazia Cherchi s’expose dans les « Quaderni Piacentini », présentant les Damnés comme le « plus grand document théorique de la révolution des peuples coloniaux »30. Une toute autre pondération a été utilisée sur la « Rinascita », alors plus autorisée, où Romano Ledda a parlé du livre en manipulant sa radicalité avec diplomatie, mais en soulignant aussi, avec une touche de paternalisme togliattien, la « limite » de la vision totalement anti-européenne31.

    Le problème était là. Nous ne pouvions pas faire comme si de rien n’était. L’accusation de violence du livre était difficile à cacher. Et la préface de Sartre amplifiait hors de toute proportion l’intrépide révolte contre l’Europe, berceau du mouvement ouvrier, encore tout juste sorti de la résistance au nazisme-fascisme, et néanmoins tiède et méfiant face aux problèmes explosifs causés par la lutte anticoloniale. Il n’est donc pas surprenant que les réflexions les plus intéressantes soient venues de deux interprètes qui sont partis d’une perspective asiatique. Enrica Collotti Pischel, en 1962, a publié un long et intéressant article qui était en fait une conversation très respectueuse tissée avec Fanon, et menée principalement à la lumière de l’expérience maoïste32. Un an plus tard, dans la revue théorique du Parti communiste français, l’historien vietnamien Nguyễn Khắc Viện, sous le pseudonyme de Nguyen Nghe, publie un essai assez orthodoxe qui, compte tenu de l’indépendance de l’Algérie qui a maintenant eu lieu, dans les intentions des rédacteurs de la revue, est de servir à fixer et à protéger l’indolence antérieure des communistes français sous l’égide du raisonnement formulé par un marxiste anticolonialiste au-dessus de tout soupçon33. De fait, les Vietnamiens se sont montrés beaucoup plus rigides que les Italiens, qui, de leur côté, ont refusé de « tester » les thèses de Fanon dans le cadre facile et évident de la schématisation du marxisme. Mais les deux écrits étaient pleins de perspicacité. Ils rapprochèrent les déclarations du psychiatre antillais des premières réflexions anticoloniales du Komintern. Ils ont donné du souffle à ses déclarations les plus dures, les replaçant dans le contexte de la gigantesque vague qui a commencé, militairement mais aussi éthiquement, avec la révolution chinoise. Ils reconnaissaient surtout sa capacité à exprimer, avec le langage de la colère, la force créatrice et insoupçonnée des masses engagées dans une guerre de libération.

    Les masses, cependant, étaient aussi celles qui, en 1960, avaient chassé Tambroni en retournant le pavé de Gênes et s’étaient lancées dans l’assaut du siège de l’UIL de Turin sur la Piazza Statuto en 1962. Mario Tronti s’apprêtait à écrire Lénine en Angleterre, un essai qui n’était jamais loin de l’atmosphère de Fanon. Mais un an plus tôt, toujours dans les « Quaderni Piacentini », Giovanni Giudici avait essayé de confronter Fanon, se demandant où en Italie nul autre que l’homme à la serpe ne pouvait être. Le poète parlait des pro-chinois, de la dissidence ouvrière qui commençait à prendre son envol dans les usines, de l’aliénation des techniciens, identifiant dans ces figures les frères potentiels de l’Algérien furieux de Fanon. D’autre part, Giudici observait qu’au début du XIXe siècle, même les ouvriers organisés dans les premières associations de lutte avaient dû rompre avec le philanthropisme hypocrite des humanistes bourgeois, se moquant de l’univers des valeurs du citoyen démocratique. Rien n’excluait que le voile somnolent de la guerre de position soit déchiré par une nouvelle coagulation de forces capables non pas de « dialoguer », mais de combattre aux côtés des peuples opprimés par l’impérialisme. Cependant, le poète a averti que ces nouveaux trouble-fête du néocapitalisme européen seraient frappés par les accusations habituelles : hooligans, provocateurs. La marque de l’infamie était prête à être déversée sur eux, imprimée non seulement par la droite patronale, mais aussi par une gauche officielle, qui n’a pas renoncé à projeter sa moralité épuisée sur les destinées de la révolution mondiale, hypothéquant la naissance d’un véritable horizon commun parmi les opprimés de tous les continents34.

    Eh bien, l’horizon commun a rapidement commencé à prendre forme, dans un jeu de rebonds qui semble aujourd’hui extraordinaire. En 1971, en effet, Giovanni Pirelli (certainement l’homme qui avait fait plus que quiconque pour faire connaître Fanon en Italie) a pu écrire : « Une décennie s’est écoulée. Entre-temps, c’est ce qui s’est passé : interdit et finalement ignoré par le marxisme orthodoxe et les radicaux européens ainsi que par les dirigeants les plus « socialistes » des pays nouvellement indépendants, Fanon a trouvé la citoyenneté et en trouve de plus en plus parmi les nouvelles générations et dans les nouvelles situations de lutte.35.


    Que s’était-il passé ? Nous n’avons pas la prétention d’épuiser la question. Nous nous limitons à quelques faits.
    À Cuba, le poète haïtien René Depestre présenta Fanon à Guevara qui, en avril 1964, lors d’un voyage à Paris, discuta avec Maspero d’une possible préface à une éventuelle préface d’une édition cubaine des Damnés de la terre 36.

    En décembre de la même année, le Che accorde une interview à Josie Fanon, l’épouse de Frantz, dans laquelle il définit l’Afrique comme « l’un des champs de bataille les plus importants, sinon le plus important, contre toutes les formes d’exploitation existant dans le monde »37. Ce ne sont pas des mots prononcés par déférence pour la veuve de l’homme enterré incognito en terres algériennes. Guevara part vraiment pour le Congo. Et ce sera une entreprise silencieusement malheureuse, dramatiquement inachevée. Le Che réapparaît à Cuba en mars 1965, pour partir immédiatement pour la Bolivie. Qu’en aurait pensé Fanon ? Question stupide. Mais dans le premier numéro de la revue « Tricontinental », publié en septembre 1967, il y a son article sur la mort de Lumumba.
    Et puis quelque chose d’autre se produit. Dans les Damnés, Fanon avait proposé un jugement, assez original pour l’époque, sur le Lumpenprolétariat :

    Les hommes que la population croissante des campagnes, l’expropriation coloniale ont conduit à déserter la terre familière, tournent inlassablement autour des différentes villes, espérant qu’un jour ou l’autre ils seront autorisés à y entrer. C’est dans cette masse, c’est dans ce peuple des bidonvilles, au sein du lumpenprolétariat que l’insurrection trouvera son point urbain. Le Lumpenprolétariat, une cohorte de détribalisés, déclanisés, affamés, constitue l’une des forces les plus spontanément et radicalement révolutionnaires du peuple colonisé38.

    Ce raisonnement arrive à Harlem et produit ce qu’on appelle un court-circuit. Les Noirs sont une colonie interne des États-Unis racistes. Malcolm X meurt en 1965. Il est né le 19 mai 1925. Pour lui aussi, en 2025, le centenaire de sa naissance arrive. Au passage, Patrice Lumumba est également né en 1925. C’est le cas, et il ne faut pas lui accorder trop d’importance. Mais ce n’est pas une coïncidence si Fanon se transforme en huile sur le feu de la lutte des Noirs américains. Il suffit de lire Bobby Seale39, Stokely Carmichael40, Eldridge Cleaver41, George Jackson42, pour comprendre combien Fanon a compté dans le combat des Black Panthers. Et de là, Fanon rebondit vers l’Europe, mais cette fois sans produire de drames de conscience. Rudi Dutschke, le leader de la manifestation étudiante berlinoise, le lit43; Renato Curcio le lit à Trente44; les militants de la Rote Armee Fraktion allemande l’ont lu45;

    Bobby Sands le lit à la prison de Maze46;

    les combattants de l’ETA l’ont lu47, il a été lu par les prisonniers italiens, dont les luttes ont été relatées dans la chronique que, à partir de juin 1971, Lotta Continua a incluse dans son journal, intitulée « Les damnés de la terre ». C’est peut-être précisément ici, précisément en Italie, que se produit la greffe la plus concrète et la plus dramatique de la dureté de Fanoni sur le territoire européen. Il s’agit des Noyaux Armés Prolétariens, construits dans des prisons, fiers de leur origine du Lumpenprolétariat, capables de lutter ensemble avec les ouvriers en chaîne, et pour lesquels Fanon est un point de référence absolu48. Bref, poussé par les courants pas si mystérieux qui animent les luttes des opprimés, l’auteur de Peau noire, masques blancs revient dans l’Europe qu’il avait abandonnée avec fureur et amertume. C’est une Europe qui l’a compris. C’est une Europe qui le mêle sans problème à Mao et Guevara, parce qu’il parie sur lui-même, capable de gagner, pour cette raison, le respect des hommes avec des serpes. Voulons-nous le dis-le ? Fanon se bat avec cette Europe. Avec cette Europe, Fanon est vaincu.

    Or, il est étonnant que, dans l’interminable littérature fanonienne nourrie et stimulée par les très respectables études postcoloniales, il n’y ait très souvent presque rien de tout cela. Entre-temps, quelqu’un a aussi commencé à parler de Schmitt, et des analogies entre l’inimitié absolue théorisée par le juriste nazi et la haine musclée revendiquée par le psychiatre antillien. Le truc est très original. Dans le cadre d’études consacrées aux Global Sixties, elle peut aussi construire un pont, une véritable liaison dangereuse, entre les Damnés de la Terreet les Travailleurs et le Capital. Mais nous sommes moins brillants. Et, compte tenu de notre simplification, à ce stade, nous voulons nous demander : où est passé Frantz Fanon ? Dans les départements universitaires ? Dans les conférences internationales d’études culturelles ? Dans les citations des lettrés soucieux d’embellir leurs angoisses par une expression particulièrement grossière ?
    Bien sûr que c’est le cas. Mais ce n’est pas tout. Il y a des mouvements karstiques dans l’histoire qui reconnectent des fils apparemment brisés. Il y a des branches qui, à première vue, ont disparu et reviennent à la vie de manière compliquée et douloureuse. Regardez l’ensemble des soulèvements, militaires et autres, qui ont secoué l’Afrique ces dernières années, sapant l’emprise continentale de l’impérialisme français et américain. Attention aux Mapuches. Regardez les banlieues françaises. Jetez un coup d’œil au comportement des enfants qui vivent en Italie en tant qu’immigrants de deuxième génération et commencent à se rassembler en gangs pour piller la jeunesse dorée de la vie nocturne romaine et milanaise. Nous avons commencé par parler d’une réalité traumatisante de Fanon. Nous terminons en proposant une expérience. Lisez, ou relisez, Les Damnés de la Terre. Prenons ensuite le testament de Yahya Sinwar, écrit dans les tunnels de Gaza. Essayer. Lire. Ressentez l’effet que cela a.


    1. Frantz Fanon, Les Damnés de la Terre, Turin, p. 53. 
    2. Ibid., p. 16. 
    3. Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs, Pise 2015, p. 97. 
    4. Ibid., p. 202 à 204. 
    5. Ibid., p. 100. 
    6. Ibid., p. 196 et 197. 
    7. Ibid., p. 204. 
    8. Ibid., p. 207. 
    9. Frantz Fanon, Écrits politiques. Pour la révolution africaine, I, Rome 2006, p. 27. 
    10. Ibid., p. 63. 
    11. Bertolt Brecht, Écrits sur la littérature et l’art, Turin 1975, pp. 132-136. 
    12. Frantz Fanon, Écrits politiques. Pour la révolution africaine, I, cit., p. 75. 
    13. Ibid., p. 79. 
    14. Frantz Fanon, Les Damnés de la Terre, cit., p. 179. 
    15. Frantz Fanon, Écrits politiques. Pour la révolution africaine, I, cit., p. 94. 
    16. Frantz Fanon, Les Damnés de la Terre, cit., pp. 176-177. 
    17. Frantz Fanon, Sociologia della rivoluzione algerina, Turin 1963, pp. 23-50. 
    18. Ibid., p. 145. 
    19. Frantz Fanon, Les Damnés de la Terre, cit., p. 242. 
    20. Ibid., p. 16 
    21. Ibid., p. 97. 
    22. Ibid., p. 244. 
    23.  Eugène Pottier, Chants révolutionnaires, Paris 1937, p. 29-31.  
    24. Frantz Fanon, Écrits politiques. Pour la révolution africaine, I, cit., pp. 169-180. 
    25. Pour cette information, voir la notice biographique écrite par Giovanni Pirelli et contenue dans Frantz Fanon, Opere scelte, I, Turin 1971, pp. 17-37. 
    26. Frantz Fanon, Écrits politiques. Per la rivoluzione africana, I, cit., pp. 181-186. 
    27. Frantz Fanon, Les Damnés de la Terre, cit., pp. 10-14. 
    28. Apocalypse 3:16. 
    29. Simone De Beauvoir, La forza delle cose, Turin 1966, pp. 562-567. 
    30. « Quaderni Piacentini », Année I, n. 2-3, juillet 1962, pp. 26-28. 
    31. « Rinascita », an XIX, n. 10, juillet 1962, pp. 11-12. 
    32. « Problemi del socialismo », n. 9-10, septembre-octobre 1962, pp. 834-864. 
    33. « La Pensée », Nouvelle Série, n. 107, février 1963, pp. 23-36. 
    34. « Quaderni Piacentini », an II, n. 12, septembre-octobre 1963, pp. 4-12. 
    35. Giovanni Pirelli, Frantz Fanon, dans I protagonisti della storia universale, XIV, La pace e la rivoluzione, Milan 1971, p. 396. 
    36. Pierre Kalfon, Il Che. Una leggenda del secolo, Milan 2003, p. 423. 
    37. Ernesto Che Guevara, Opere, III, t. 2, Milan 1969, p. 340. 
    38. Frantz Fanon, Les Damnés de la Terre, cit., p. 82. 
    39. Bobby Seale, saisissant l’occasion. La storia del Black Panther Party e di Huey P. Newton, Turin 1971, pp. 33-34, pp. 37-40. 
    40. Stokely Carmichael, Potere negro, dans Dialettica della liberazione, Turin 1969, pp. 77-78. 
    41. Entretien avec Eldridge Cleaver, dans The Black Panther Party, Turin 1971, p. 94. 
    42.  Les frères de Soledad. Lettres de la prison de George Jackson, Turin 1971, p. 31 ; George L. Jackson, Col sangue agli occhi, Turin 1972, p. 36, p. 40-42, p. 142. 
    43. Uwe Bergmann – Rudi Dutschke – Wolfgang Lefèvre – Bernd Rabehl, La rébellion des étudiants, ou la nouvelle opposition, Milan 1968, p. 103, p. 116. 
    44. Renato Curcio, A viso aperto, Milan 1993, p. 31. Cette circonstance est confirmée dans le premier numéro de la revue « Lavoro Politico » (1er octobre 1967), où un encart monographique est consacré au Black Power (pp. 25-37) avec de nombreuses références élogieuses à Fanon. Pour l’importance de Fanon parmi les militants du noyau originel de la BR cf. aussi Prospero Gallinari, Un paysan dans la métropole, Milan 2023 (2e éd.), p. 60. 
    45. RAF, La guerriglia nella metropoli, vol. I, Vérone 1979, p. 82 ; vol. II, Vérone 1980, p. 30. Mais cf. aussi, de manière plus complète, les occurrences présentes dans le long et important document de janvier 1976, reproduit intégralement dans Rote Armee Fraktion, Texte und Materialen zur Geschichte der RAF, Berlin 1997, pp. 198-265. 
    46. Richard English, Lutte armée. L’histoire de l’IRA, New York 2003, p. 197-199, 234-235 ; Denis O’Hearn, Rien qu’une chanson inachevée. Bobby Sands, le gréviste de la faim irlandais qui a enflammé une génération, New York 2006, pp. 52-55. 
    47. Le recueil Pour la révolution africaine, publié chez Maspero en 1964, a été traduit en basque en 1970 (Frantz Fanon, Afrikar iraultzaren alde, San Sebastian 1970) ; mais déjà la célèbre Carta a los intelectuales, de 1965, semble être influencée par les exhortations de Fanon aux écrivains noirs. 
    48. Pasquale Abatangelo, Correvo pensando ad Anna, Milan 2018 (2e éd.), p. 87. 

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    Source : Carmilla en ligne | Frantz Fanon, cent ans après sa naissance

  • الطاهر المعز – في جبهة الأعداء – المستفيدون من الإبادة الجماعية

    الطاهر المعز – في جبهة الأعداء – المستفيدون من الإبادة الجماعية

    أدْرجت فرانشيسكا ألبانيز، المقررة الخاصة المعنية بالأراضي الفلسطينية المحتلة، ضمن تقرير عن العدوان الصهيوني والإبادة الجماعية، 48 شركة ومؤسسة، منها بالانتير تكنولوجيز ولوكهيد مارتن وألفابت وأمازون وآي بي إم وكاتربيلر ومايكروسوفت ومعهد ماساتشوستس للتكنولوجيا، فضلا عن مصارف ومؤسّسات مالية مثل بلاك روك وشركات تأمين وشركات عقارية وجمعيات خيرية، ضمن الأطراف المُستفيدة عبر تحقيق الأرباح من  » الاحتلال الذي ينتهك القانون الدّولي ويمارس الإبادة الجماعية للفلسطينيين »، فضلا عن أكثر من ألف مؤسسة وكيان متعاون مع الإحتلال، ويخلص التقرير إلى مطالبة هذه الشركات والمؤسسات « بقطع علاقاتها مع إسرائيل أو محاسبتها على التواطؤ في جرائم حرب »، ويُشير التقرير إلى اختبار مُصنّعي الأسلحة وشركات التكنولوجيا لإنتاجهم الذي يستخدمه الإحتلال الصهيوني، لتحسين « إنتاجية المُراقبة والقمع والإغتيال » مما يرفع الطّلب على هذه الأسلحة والإبتكارات التكنولوجية، ويرفع أرباح الشركات المتورّطة في جرائم الإبادة، في غياب الرقابة الدّولية والمُساءلة والمُحاسبة، وفي ظل رفض الدّول الإمبريالية تنفيذ    قرارات محكمة العدل الدولية التي تُلزم الكيانات « بعدم الانخراط في أي تعاملات ذات صلة، أو الانسحاب منها كليًا ودون قيد أو شرط، وضمان أن يُمكّن أي تعامل مع الفلسطينيين من تقرير مصيرهم ».

    صرّحت فرانشيسكا ألبانيز: « لم تتوقف الإبادة الجماعية في غزة لأن اقتصاد الإحتلال يُمثل تجارة مربحة للعديد من الكيانات والشركات والمصارف وشركات التّأمين وصناديق التقاعد، مما شجّع ( الكيان الصهيوني) على  مصادرة المزيد من الأراضي والمياه والموارد الفلسطينية، وشكّل الفلسطينيون في الأراضي المحتلة أهدافًا حيّة ومجالا واسعًا لاختبار تقنيات المراقبة والأسلحة والتجهيزات المُستخدمة لتدمير المنازل والمدارس والمستشفيات وأماكن الترفيه والعبادة وسبل العيش والأصول الإنتاجية، مثل بساتين الزيتون والحقول والمزارع… أما الجامعات الأوروبية والأمريكية فقد دعمت الجامعات ومراكز البحث الإسرائيلية التي تمثل مَصْدر الفكر والإيديولوجيا الإستعمارية التي تُبرّر الإستعمار الإستيطاني لأرض فلسطين وتَمْحُو الهوية والمعالم الحضارية الفلسطينية، كما ساهمت مؤسسات البحث العلمي في تطوير الأسلحة وتقنيات المراقبة والاحتجاز، ووفرت شركات تصنيع الأسلحة الأجنبية والمحلية منصات الدفاع الجوي والطائرات الآلية استخدام الذكاء الاصطناعي لاغتيال الفلسطينيين، ثم تسويق هذه الأسلحة والمُعدّات التي أثبتَت فعاليتها على السّاحة، وهو ما تفعله شركات إسرائيلية مثل ألبيت سيستمز أو شركة صناعات الفضاء التي تدعمها الشركات الأمريكية مثل لوكهيد مارتن والشركات الأوروبية « 

    قَدّرت  فرانشيسكا ألبانيز « إن طائرات الجيش الصهيوني من طراز إف-35 وإف-16 ألقت بين تشرين الأول/اكتوبر 2023 وأيار/مايو 2025، ما لا يقل عن 85 ألف طنًّا من القنابل لقتل وإصابة أكثر من 179,411 فلسطينيًا وتدمير غزة بالكامل، فضلا عن الطائرات المسيرة والطائرات المروحية التي ساهمت شركات عديدة مثل مجموعة شركات FANUC اليابانية، ومراكز البحوث الأجنبية (مثل معهد ماساتشوستس للتكنولوجيا، حيث يُدرّس نوعام شومسكي ) في تطوير فعاليتها، وساهمت شركات الشحن مثل شركة AP Moller – Maersk A/S الدنماركية في نقل المكونات والأجزاء والأسلحة والمواد الخام، مما يحافظ على تدفق ثابت للمعدات العسكرية التي توفرها الولايات المتحدة منذ شهر تشرين الأول/أكتوبر 2023″، ويعسر حصر الشركات المُشاركة في جرائم العدو الصهيوني ونكتفي بأهمها، مع ذكر بعض الجوانب غير المعروفة، وعلى سبيل المثال كانت شركة « هيونداي » الكورية الجنوبية والشركة التابعة لها « دوسان »، إلى جانب مجموعة فولفو السويدية وغيرها من الشركات المصنعة للمعدات الثقيلة متكتمة بخصوص مساهمتها في الإحتلال وعمليات التدمير والقتل، وهي ضالعة منذ فترة طويلة بتدمير الممتلكات الفلسطينية، حيث تقوم كل منها بتوريد المعدات من خلال تجار من المستوطنين الصهاينة، كما ساهمت الشركات الأجنبية في تطوير الطرق والبنية التحتية للنقل لإنشاء المستوطنات وتوسيعها، وربطها بالأراضي المحتلة سنة 1948، مع استبعاد الفلسطينيين وعزلهم، وتدرج منصات التأجير، بما في ذلك Booking.com  وAirbnb، العقارات وغرف الفنادق في المستوطنات اليهودية التي يعتبرها القانون الدّولي غير قانونية في الضفة الغربية…

    ارتفع الإنفاق العسكري الصهيوني بنسبة 65% بين سنتَيْ 2023 و2024، ليصل إلى 46,5 مليار دولار، وهو من أعلى المعدلات للفرد في العالم، واستفادت شركات الأسلحة المحلية والأجنبية، وخاصةً شركات إنتاج الذخائر والمعدات العسكرية، من هذه الزيادة، كما استفادت شركات التكنولوجيا من الإبادة الجماعية من خلال « توفير بنية تحتية ثنائية الاستخدام لدمج جمع البيانات الجماعية والمراقبة، مع الاستفادة من التجارب الفريدة للتكنولوجيا العسكرية التي توفرها الأراضي الفلسطينية المحتلة، فهي تُعزز خدمات السجون والمراقبة البيومترية ومراقبة الهواتف وتحليل البيانات واستخدام الذكاء الإصطناعي لاستهداف القادة والصحفيين والمدافعين عن حقوق الإنسان والأطباء وفِرق الإنقاذ…  

    كما ساهمت شركة « آي بي إم –  IBM  » منذ سنة 1972 في تدريب فَنِّيِّي التجسس والمراقبة وجَمع معلومات الإشارة وفَكّ التّشفير والحرب السيبرانية، للوكالات العسكرية والاستخباراتية الصهيونية إسرائيلية، وقامت شركة آي بي إم، منذ سنة 2019، بتشغيل وتطوير قاعدة البيانات المركزية لهيئة السكان والهجرة، مما مكّن من جمع وتخزين واستخدام البيانات البيومترية عن الفلسطينيين من قبل الحكومة الصهيونية، « ودعم نظام التصاريح التمييزي في إسرائيل »، كما يشير التقرير، وتجدر الإشارة إلى الدّور الأساسي الذي لعبته شركة آي بي إم في إنشاء وتطوير تقنيات القمع وإحصاءات سكان أحياء اليهود والخدمات اللوجيستية العسكرية لألمانيا النازية، وأشرفت على إدارة حركة القطارات التي حملت اليهود إلى معسكرات الاعتقال التي ساهمت آي بي إم في الإشراف على إدارتها، واستخدمت الشركة الأمريكية العابرة للقارات ( آي بي إم) هذه الخبرة الطويلة لتصبح مرة أخرى شريكة في الإبادة الجماعية الحالية التي يتعرّض لها الشعب الفلسطيني..ز

    بدأت شركة مايكروسوفت العمل في فلسطين المحتلة سنة 1989 ( بعد أقل من سنتَيْن من انطلاق انتفاضة كانون الأول/ديسمبر 1987) وأشرفت على برامج القمع في مراكز شرطة العدو وفي مراكز الإعتقال وفي السجون وفي مؤسسات التعليم، وأشرفت على استخدام جيش الإحتلال تقنياتها وأنظمتها بداية من سنة 2003، بالتزامن مع استحواذها على شركات محلية ناشئة في مجال الأمن السيبراني والمراقبة.

    استفادت شركتا ألفابت ( الشركة الأم لغوغل) وأمازون من تزايد حجم البيانات المُولّدة من نظام الفصل العنصري الصهيوني، والأنظمة العسكرية، وأنظمة التحكم السكاني، ومن تزايد اعتماد الإحتلال على التخزين السحابي والحوسبة، وحصلت الشركتان الأمريكيتان، سنة 2021، على عقد بقيمة 1,2 مليار دولار لتوفير البنية التحتية التقنية الأساسية التي يستخدمها جيش الإحتلال، ضمن  مشروع نيمبوس للتّجسّس…  

    أتاحت شركات مايكروسوفت وألفابت وأمازون للجيش الصهيوني إمكانية الوصول إلى تقنيات الحوسبة السحابية والذكاء الاصطناعي وتعزيز قدرات معالجة البيانات واتخاذ القرار والمراقبة والتحليل، وساعدت هذه الشركات جيش الإحتلال على تطوير أنظمة الذكاء الإصطناعي لمعالجة البيانات وإنشاء قوائم بالفلسطينيين المُستهدفين بالإغتيال، وساهمت هذه الشركات في إعادة تشكيل الحرب الحديثة وتوضيح الطبيعة المزدوجة ( المدنية والعسكرية ) الاستخدام للذكاء الاصطناعي ».

    ارتبطت شركة بالانتير للتكنولوجيا بعلاقة طويلة الأمد بالكيان الصهيوني ف »قدمت تكنولوجيا الشرطة التنبؤية التلقائية، والبنية التحتية الأساسية للبناء السريع والواسع النطاق ونشر البرامج العسكرية، ومنصة الذكاء الاصطناعي الخاصة بها، والتي تسمح بدمج بيانات ساحة المعركة في الوقت الفعلي لاتخاذ القرارات الآلية »، وفق تقرير فرنشيسكا ألبانيز، وبرّر الرئيس التنفيذي لشركة بالانتير ( نيسان/ابريل 2025) مشاركة الشركة في جرائم الإبادة قائلا: « معظمهم إرهابيون، هذا صحيح ».

    تعتمد العمليات العسكرية الصهيونية بشكل كبير على معدات من كبرى الشركات المصنعة العالمية لانتزاع أراضي الشعب الفلسطيني وهدم المنازل والمباني العامة وتجريف الأراضي الزراعية والطرقات وغيرها من البنى التحتية الحيوية، وكانت هذه الآليات، منذ تشرين الأول/اكتوبر 2023، جزءًا لا يتجزأ من إتلاف وتدمير نحو 80% من المباني و85% من الأراضي الزراعية في غزة، ومن هذه الشركات مجموعة كاتربيلر التي تُزوّد الجيش الصهيوني، منذ عقود، بمعدات لهدم المنازل الفلسطينية والمساجد والمستشفيات، فضلاً عن « دفن الجرحى الفلسطينيين أحياء، وسبق قَتْلُ المناضلة الشابة الأمريكية  راشيل كوري سنة 2003، بواسطة جرافة من طراز كاتربيلر »  وتم تطوير هذه الجرافات لتصبح سلاحًا أساسيًا آليًا يُدار عن بُعد، ويُستخدم في كل نشاط عسكري تقريبًا منذ سنة 2000، وحصلت كاتربيلر سنة 2025 على عقد إضافي مع دولة الإحتلال، للمساهمة في بناء المستوطنات والبنية التحتية، واستخراج وتجارة المواد والطاقة والمنتجات الزراعية، كما تُساهم شركات هيونداي (كوريا الجنوبية) وفولفو ( السويد) وشركة هايدلبرغ ماتيريالز الألمانية، في نهب ملايين الأطنان من صخور الدولوميت من محجر على أراضٍ صودرت من قرى فلسطينية في الضفة الغربية، ويُستخدم هذا الدولوميت المستخرج في بناء المستوطنات اليهودية في الضفة الغربية، وتبيع شركات العقارات العالمية ( خصوصًا من كندا والولايات المتحدة وأوروبا ) عقارات في المستعمرات الإستيطانية…  

    ساعدت الشركات الأمريكية الكيان الصهيوني على التنقيب واستخراج الغاز المسروق من المياه الإقليمية الفلسطينية ومن بينها شركة بي بي التي تُزود الكيان الصهيوني بالنفط وبوقود الطائرات، وشركة شيفرون التي تستخرج الغاز الطبيعي بالتعاون مع شركة نيوميد إنرجي (شركة تابعة لمجموعة ديليك المدرجة في قاعدة بيانات مفوضية الأمم المتحدة السامية لحقوق الإنسان)، من حقلي ليفياثان وتمار، قبالة سواحل حيفا، ويغطي ائتلاف شيفرون أكثر من 70% من استهلاك الطاقة للصهاينة، كما تستفيد شيفرون من ملكيتها الجزئية لخط أنابيب غاز شرق البحر الأبيض المتوسط، الذي يمر عبر الأراضي البحرية الفلسطينية، ومن مبيعات تصدير الغاز إلى أنظمة التّطبيع في مصر والأردن، ومن توريد الغاز من أذربيجان وكازاخستان، كما « ساهمت المصارف والشركات المالية العالمية في دعم الإبادة الجماعية من خلال شراء سندات الخزانة الإسرائيلية » وفق تقرير الأمم المتحدة، لتصبح سندات الخزانة المصدر الرئيسي لتمويل ميزانية دولة الإحتلال وتمويل العدوان المستمر على غزة، وبلغت قيمة السندات 13 مليار دولارا بين آذار/مارس 2024 و شباط/فبراير 2025، كما جاء في التقرير الذي يُشير إلى الدعم الذي حظي به الكيان الصهيوني من قِبَل مصارف دولية مثل بي إن بي باريبا  و باركليز، وشركات إدارة الأصول مثل بلاك روك و فانغارد وشركة إدارة الأصول التابعة لشركة أليانز بيمكو وحوالي أربعمائة مستثمر من أكثر من 36 دولة اشتروا هذه السندات…

    كشف تقرير فرانشيسكا ألبانيز نفاق وخداع جمعيات خيرية من 32 دولة، وتدعم هذه المنظمات « الإنسانية » أو « الخيرية » أو « المسيحية » ( من أمريكا الشمالية وهولندا وغيرها) التّوسّع الصهيوني في الضفة الغربية والقدس والمشاريع المرتبطة بالجيش والمستوطنين الأشدّ تطرّفًا، كما ينتقد التقرير الجامعات التي تتعاون مع جامعات ومؤسسات الإحتلال، مثل مختبرات معهد ماساتشوستس للتكنولوجيا ( جامعة نوعام شومسكي) التي تجري أبحاثًا في مجال الأسلحة والمراقبة بتمويل من وزارة الحرب الصهيونية وتشمل هذه المشاريع « السيطرة على أسراب الطائرات بدون طيار – وهي سمة مميزة للهجوم الصهيوني على غزة منذ تشرين الأول/اكتوبر 2023 – وخوارزميات المطاردة، والمراقبة تحت الماء، وفق طلاب معهد ماساتشوستس للتكنولوجيا الذين كشفوا عن التعاون بين معهد ماساشوستس والجيش الصهيوني…

     لم يكن بإمكان الكيان الصهيوني تنفيذ المذبحة الجماعية للفلسطينيين بدون هذه المنظومة ( الدّول الإمبريالية ومصارفها وشركاتها العابرة للقارات وتواطؤ الأنظمة الرجعية العربية)، لأن الإبادة الجماعية تتطلب شبكةً واسعةً ومليارات الدولارات لاستدامتها، وتستفيد هذه الشركات والمؤسسات والمصارف الكيانات من العنف المتواصل ضد الشعب الفلسطيني والتهجير الجماعي، وتُعتَبَر، وفق « القانون الدّولي » مذنبةٌ بالإبادة الجماعية تمامًا مثل الوحدات العسكرية الصهيونية التي تُبيد سكان غزة، لذا يجب اعتبار جميع المتعاونين والدّاعمين مجرمي حرب ووجبت محاسبتهم.

    الطاهر المعز

  • Mohamed Adjou – Entre kaki et kamis…

    Mohamed Adjou – Entre kaki et kamis…

    26/10/2011

    A l’évidence, le printemps arabe aura pour inévitable conséquence de draper de vert les régimes incolores qui en sont ou furent sujets pour ne pas dire victimes.

    La Tunisie a déjà un pied dans le kamis et la Libye, au vu des déclarations des barbus qui nettoyaient les poches de résistance derrière les avions de l’OTAN en posant avec le V de Churchill devant les caméras d’El Djazira, ne tardera pas à troquer le drapeau senoussite contre un étendard plus verdoyant que celui de Kaddafi.

    Quant à l’Egypte, au Yémen et la Syrie, on peut déjà affirmer que les principaux gagnants de la chute effective ou à venir de leurs régimes seront sans l’ombre d’un doute les frères musulmans et autres tendances théologiques extrémistes.

    La question essentielle qu’il faut se poser c’est celle de savoir si ceux qui ont actionné puis qui ont aidé ou aident encore par l’intox médiatique, le forcing diplomatique et les bombardements aériens ces « révolutions » atypiques savaient où cela les mènerait ou pas.

    Il faut être naïf pour croire qu’avec ses formidables moyens prospectifs, l’Europe de Sarko, Cameron et Berlusconi naviguait à vue…et c’est parce que tout indique la préméditation que l’inquiétude est vraiment de rigueur autant pour les pays qui sont tombés comme des fruits mûrs dans l’escarcelle de la théologie politique, désillusionnant ces foules qui ne se sont libérées du kaki que pour se retrouver sous la menace peut-être plus terrible du kamis, que les pays qui attendent leur tour de basculer dans un printemps trop vert pour ne pas être précurseur d’hiver…

    En réalité la « théologisation » du monde arabe est une tentation occidentale aussi vieille que la colonisation et ce ne sont pas les gesticulations apeurées, les mises en scène sécuritaires et les cris d’orfraie des identaristes et autres lepenistes devant le péril vert qui feront oublier l’asile doré réservé à Khomeiny à Neauphle-le-Château, le « il faut… » de Mitterrand devant les janvieristes algériens, le « qui tue qui » insistant des faiseurs d’opinions, de l’hexagone et de ses affidés, les rançons payés aux preneurs d’otages terroristes pour mieux renflouer leurs caisses qui démentiront la collusion vieille comme la perfidie entre l’Europe et les mouvements intégristes qui sapent toute volonté d’émancipation réelle de ses anciennes colonies…

    Mais pourquoi cette collusion se diront ceux qui croient encore que l’islamisme politique représenterait un danger pour les intérêts occidentaux comme l’ont toujours voulu faire accroire leurs dirigeants en n’arrêtant pas de flirter avec lui ?…

    Il ne faut pas être grand stratège pour savoir que le capital a toujours bénéficié de l’appui des religieux… c’est le pape Jean Paul II et les Moudjahidines Afghans qui ont participé dans une parfaite symbiose à abattre l’ex URSS… C’est le Dalai Lama qu’on a déifié pour mieux sataniser Mao et c’est en opposant le judaïsme à l’islam qu’on a créé la poudrière moyen orientale où les marchands de canons prospèrent depuis Deir Yassine… d’autres exemples peuvent être donnés du bon usage des religions pour les affaires de cette Europe qui se retrouve aujourd’hui contrainte de réveiller les démons de la bigoterie pour remplacer le choléra de la brutalité militaire par la peste de l’intolérance et de l’inquisition intégriste…

    L’œuvre de théologisation à grande échelle permettra d’autre part de « bazardiser » les économies de ces pays pour en faire des marchés juteux aux économies européennes qui se réduisent comme peau de chagrin face à l’agressivité des pays émergents…

    Cette théologisation est d’autre part la meilleure méthode pour entraîner ces pays vers les abysses des guerres civiles et des conflits régionaux afin de les occuper à s’autodétruire pour offrir à leurs entreprises quoi reconstruire…

    C’est aussi une aubaine pour l’état hébreux, bâti par l’Europe des pogroms et de l’Étoile Jaune, sur une idée biblique et auquel personne ne pourra nier son droit à l’existence au même titre que les autres états « islamiques » qui l’entourent; 𝐞𝐭 𝐜’𝐞𝐬𝐭 𝐮𝐧 𝐚𝐥𝐢𝐛𝐢 𝐚𝐮𝐱 𝐞́𝐩𝐮𝐫𝐚𝐭𝐢𝐨𝐧𝐬 𝐫𝐞𝐥𝐢𝐠𝐢𝐞𝐮𝐬𝐞𝐬 𝐪𝐮𝐞 𝐥’𝐄𝐮𝐫𝐨𝐩𝐞 𝐝’𝐞𝐱𝐭𝐫𝐞̂𝐦𝐞 𝐝𝐫𝐨𝐢𝐭𝐞 𝐝𝐞́𝐜𝐢𝐝𝐞𝐫𝐚 𝐭𝐨̂𝐭 𝐨𝐮 𝐭𝐚𝐫𝐝 𝐝𝐞 𝐦𝐞𝐧𝐞𝐫 𝐩𝐨𝐮𝐫 𝐫𝐞𝐭𝐫𝐨𝐮𝐯𝐞𝐫 𝐮𝐧𝐞 𝐯𝐢𝐫𝐠𝐢𝐧𝐢𝐭𝐞́ 𝐪𝐮’𝐞𝐥𝐥𝐞 𝐜𝐫𝐨𝐢𝐭 𝐚𝐯𝐨𝐢𝐫 𝐩𝐞𝐫𝐝𝐮𝐞 𝐞𝐧 𝐬𝐞 𝐩𝐫𝐞𝐧𝐚𝐧𝐭 𝐚̀ 𝐬𝐨𝐧 𝐩𝐫𝐨𝐩𝐫𝐞 𝐣𝐞𝐮 𝐝𝐮 𝐫𝐞𝐬𝐩𝐞𝐜𝐭 𝐝𝐞𝐬 𝐝𝐫𝐨𝐢𝐭𝐬 𝐝𝐞 𝐥’𝐡𝐨𝐦𝐦𝐞, 𝐝𝐞 𝐥𝐚 𝐥𝐢𝐛𝐞𝐫𝐭𝐞́ 𝐝𝐞 𝐥’𝐞́𝐠𝐚𝐥𝐢𝐭𝐞́ 𝐞𝐭 𝐝𝐞 𝐥𝐚 𝐟𝐫𝐚𝐭𝐞𝐫𝐧𝐢𝐭𝐞́ 𝐚𝐮𝐪𝐮𝐞𝐥 𝐞𝐥𝐥𝐞 𝐧’𝐚 𝐞𝐧 𝐫𝐞́𝐚𝐥𝐢𝐭𝐞́ 𝐣𝐚𝐦𝐚𝐢𝐬 𝐜𝐫𝐮…

    C’est une aubaine aussi pour les rois et émirs arabes qui ont fait front commun avec l’Occident car les nouveaux régimes plus despotiques et liberticides que ceux qui les ont précédés inciteront les peuples à la discipline et l’inféodation aveugle de peur de troquer le confort que leur confère leur assujettissement à leur roi à la mise au pas que leur imposeront les despotes de la foi.

    Alors, l’islamisme politique, un avorton du printemps arabe ? Non… plutôt un objectif, une fin programmée par ceux qui l’ont actionné.

    Mohamed Adjou.

    26/10/2011

    Source : https://www.facebook.com/100000246702335/posts/24330629316528620/?mibextid=rS40aB7S9Ucbxw6v

  • وليد عبد الحي-قراءة ابتدائية لاتفاق ملغوم

    وليد عبد الحي-قراءة ابتدائية لاتفاق ملغوم

    حاولت جهدي الحصول على مضمون الاتفاق بين اسرائيل والمقاومة في غزة ، وقارنت نصوصا متعددة لكي استقر على ما هو متفق عليه في النصوص المنشورة، وطبقا لما راجعته تبين لي ما يلي:

    أولا: ليس هناك اي نص  » رسمي » في كل ما اطلعت عليه على الانسحاب من القطاع، وكل ما يجري الحديث عنه هو  » اعادة انتشار »(Redeployment )، فالانسحاب يعني الخروج التام من الحيز الجغرافي الذي يتم تحديده ، بينما اعادة الانتشار تعني اجرائيا تقليص عدد المواقع العسكرية التي تعمل في المكان مع بقاء السيطرة على نفس الحيز( اي بدلا ان يكون هناك خمسة مواقع للسيطرة على مساحة معينة او حي ، يتم تقليص المواقع الى 3 مع بقاء المساحة نفسها تحت سيطرة المواقع الثلاث المحددة،) ، ويكفي العودة الى ما جرى تطبيقه في الضفة الغربية في نص اتفاق اوسلو على « اعادة الانتشار فيها » لا على الانسحاب.

    كذلك لا بد ان يشمل الانسحاب المياه الاقليمية لغزة، بخاصة ان نسبة الغزيين المعتمدين على الصيد البحري عالية جدا.،

    ثانيا: تبدأ عملية اعادة الانتشار الاسرائيلي اولا في الجزء الشمالي وفي ممر نتساريم ، لكن خرائط اعادة الانتشار يجري الاتفاق عليها لاحقا، (وهنا لا توجد اشارة الى المناطق التي سيتم اعادة الانتشار لها بشكل واضح وبتحديد جغرافي دقيق،ولا يوجد اي جدول زمني يشير لمدى التزامن بين تسليم الرهائن وبين اعادة الانتشار )، ذلك يعني احتمال كبير للمماطلة الاسرائيلية بعد استلام الرهائن ، كما ان الاتفاق ينص على اعادة الانتشار في الجنوب في اليوم السابع من الاتفاق وفق « خرائط يتفق عليها » ، وهو ما يفتح الباب امام اسرائيل الى التلاعب، لذا لا يجوز تسليم اي رهينة الا بعد اكتمال التوافق تماما على النص وعلى التطبيق ، فلا يجوز التفاوض اثناء تنفيذ الاتفاق .

    ثالثا: عدم النص في الاتفاق المنشور على التزامن في كل مقايضة، فمثلا لماذا يتم اطلاق الرهائن الاسرائيليين قبل اطلاق الرهائن الفلسطينيين، ولاحظنا في المرات السابقة المماطلة الاسرائيلية وتاخير اطلاق سراح الاسرى الفلسطينيين احيانا ليومين كما جرى في المرات السابقة، لذا لا بد من النص الواضح على:

    أ‌- مساحات الانسحاب (او حتى اعادة الانتشار)

    ب‌- مواعيد انجاز الانسحاب باليوم والساعة.

    ت‌- التزامن الدقيق بين اطلاق الاسرى من الجانبين.

    ث‌– ليس هناك اي اشارة الى معادلة التبادل للاسرى، فلا يوجد نص على عدد الاسرى الفلسطينيين الذين سيطلق سراحهم مقابل كل اسير اسرائيلي حي او جثة لاسير اسرائيلي.

    ج‌- من الضروري ان يراعي الطرف الفلسطيني ان ثمن الاسرى الاسرائيليين يجب ان يتباين بين الجندي والضابط الصغير والضابط الكبير( وهذا وقع في الحرب العالمية الثانية بين المتحاربين وليس بدعة )

    عدد الرهائن الاسرائيليين (الاحياء والجثث )هو 58 ، سيتم اطلاق 10 احياء و 18 جثة خلال الشهرين المحددين لوقف اطلاق النار. وهناك ملاحظات تستحق التامل في هذا الجانب مثل:

    أ‌- ان عدد الاسرى الاسرائيليين الذي سيفرج عليهم في اليوم الاول هو 8، وهو رقم كبير للغاية ، وان مجموع من سيتم اطلاقهم في الشهرين هو 10 احياء و18 جثة (اي 28، وهو ما يعادل 50% تقريبا من عدد الرهائن الاحياء والموتى)، وهذا فيه غُبن كبير ، ومن الضروري مراجعة معادلة التبادل ، وان يكون العدد اقل من ناحية وان يتم الاصرار مقابل الرقم الحالي على الانسحاب التدريجي بدلا من اعادة الانتشار لقبول هذا الرقم،. ومن الافضل ان يكون العدد الاقل ممن يطلق سراحه من اسراهم في بداية الاتفاق حتى مع الالتزام بالمراحل الخمسة المنصوص عليها في الاتفاق.

    ب‌- جاء في النص  » التزام امريكي مصري قطري بمفاوضات جادة بهدف « انهاء الحرب »، وهذه عبارات غير ملزمة، ناهيك عن ان مصر وقطر لا يملكان اي قوة الزامية على اسرائيل، لذا يجب ان تطلب المقاومة من الجزائر عرض الاتفاق على مجلس الامن الدولي ويجري التصويت عليه لتضمنه القوى الكبرى دائمة العضوية

    ت‌- لعل من اغرب االنصوص هو النص على أن المساعدات  » سيتم التوافق عليه خلال مدة الاتفاق ، وتكون كميات « كافية » دون تحديد ، ويتم التوزيع من خلال قنوات « يتفق عليها » منها الامم المتحدة والهلال الاحمر.وهذا النص يخلو من تحديد الكميات، وترك قنوات نقلها وايصالها للتفاوض ، وعليه يجب ان تصر المقاومة على تحديد الكميات اليومية ونوعية المساعدات الملحة اكثر من غيرها ، واقتصار آلية التوزيع والمراقبة على الامم المتحدة، وان تشمل قنوات عبورها كافة المعابر.

    ث‌- هناك امور استراتيجية تركت بصياغات عامة للغاية، مثل  » مناقشة ترتيبات امنية طويلة الامد »، وهو ما يعني احتمال مطالبة اسرائيل نزع سلاح المقاومة اوالمطالبة بحقها في الرقابة على المعابر …الخ. كذلك  » يدعو الاتفاق الى التفاوض  » على الوقف الدائم لاطلاق النار ، وليس هناك اي افق زمني لانجاز ذلك.

    ج‌- نص الاتفاق على « امتناع حماس عن تنظيم مراسم متلفزة لتسليم الاسرى ، ويجب ان يكون لهذا المطلب الاسرائيلي ثمن مثل تقليص ساعات النشاطات العسكرية وزيادة ساعات امتناع الطيران الاسرائيلي عن الاستطلاع الى 15 ساعة (بدلا من 10) في الايام العادية ، و20 ساعة في الايام التي يتم فيها تسليم بعض الرهائن بدلا من 12.او المطالبة مقابل ذلك بزيادة آليات الإسعاف والجرافات المسموح لها بدخول القطاع لرفع الانقاض

    على المقاومة ان تعمل خلال التفاوض على تحديد دقيق لمعنى « كل كلمة » ، وان يكون ذلك ملحقا للاتفاق وجزء لا يتجزأ منه ، فكلمة مساعدات لا بد من تحديدها وتحديد كمياتها اليومية وطرق ايصالها واولوياتها ومعايير تحديدها، وكذلك معنى اعادة الانتشار والانسحاب والاستطلاع وقواعد التبادل للاسرى .

    على المفاوض الفلسطيني ان يستفيد من الخبرة التاريخية للتفاوض مع اسرائيل، وان يتنبه الى ان اسرائيل تعمل وفق القواعد التالية:

    اما دالة التفاوض فهي ذات بعدين :الاول هو العمل على : وقف دائم لاطلاق النار ، انسحاب تام من غزة ، فتح المعابر تمهيدا لوضع خطة عاجلة لاعادة الاعمار ،أما البعد الثاني فهو أن الثقة فيما يقوله نيتنياهو او ترامب او الاطراف العربية يجب ان لا تتزحزح عن صفر%، ان موضوع الرهائن هو المرار الذي يغص حلق نيتنياهو، ويريد ان يحصل عليهم بالخديعة بعد فشله في تخليصهم ، وفي حالة تحقيقه ذلك ، سيصبح متحررا من هذا الموضوع ليبدا بالتفكير في مرحلة افراغ القطاع او على الاقل تقليص سكانه باكبر قدر ممكن، وسيماطل الى ابعد الحدود في تمرير مشروعات الاعمار ، وستسانده دول عربية مهما كان جرمه واضحا …..وبدون ربما.

    وليد عبد الحي

  • Laurent Guyénot- Christianisation et dépaganisation de l’Empire Romain (1ère partie)

    Laurent Guyénot- Christianisation et dépaganisation de l’Empire Romain (1ère partie)

    Sous mon article «The Satanic False Flag» paru sur unz.com, un commentateur me reproche de ne pas avoir compris que «le christianisme s’est répandu par adoption volontaire» et que cette «adoption volontaire» prouve la supériorité du christianisme, qui constitue «une bien meilleure compréhension de la transcendance par rapport à d’autres croyances». En conclusion, «le rejet du Christ est une folie et ne peut pas améliorer la situation dans laquelle se trouve l’Occident».

    Ce sont des points importants à discuter. En ce qui concerne la dernière affirmation, ma position est qu’il est vital, non seulement pour l’amélioration, mais pour la survie de la civilisation occidentale d’aller au fond de la question juive, et le fond de la question juive est le Dieu juif (le dieu d’Israël qui prétend être Dieu qui prétend avoir choisi les juifs). Nous ne pouvons donc pas faire l’économie d’une critique du christianisme et de la chrétienté. La question chrétienne est tout simplement l’autre face de la question juive : c’est la question de la vulnérabilité de la chrétienté au pouvoir juif, et c’est aussi la question de la contribution du christianisme au pouvoir juif.

    Cependant, une critique du christianisme ne signifie pas «le rejet du Christ». Cela peut signifier au contraire la libération du Christ.

    J’insiste : Je ne confonds pas le Christ et le christianisme. En fait, mon sujet n’est même pas le christianisme en tant que tel : c’est le processus par lequel un certain christianisme est devenu la religion obligatoire et exclusive de tous les Européens, et les conséquences à long terme de ce processus.

    Je ne cherche pas à déranger qui que ce soit dans sa foi ancestrale. Ce qui m’importe, c’est de comprendre la civilisation à laquelle j’appartiens, comment elle en est arrivée à ce niveau de judaïsation et de corruption morale, et ce que l’on peut faire pour y remédier.

    Le christianisme est la religion institutionnelle formalisée pour la première fois sous Constantin le Grand (Concile de Nicée, 325). Est-il vital pour la civilisation occidentale ? J’en doute, et j’ai expliqué pourquoi dans «Le génie helléno-romain de la Renaissance» : la grandeur de la civilisation occidentale, dans les domaines de la science, de la philosophie, de l’art et de la politique, découle principalement de sa racine helléno-romaine.

    La conception chrétienne de la transcendance est-elle supérieure à celle des autres religions ? Je ne le pense pas, et j’ai défendu ce point de vue dans «L’Arbre philosophal et le dieu jaloux». Je vais continuer à creuser ces questions essentielles.

    Dans le présent article et les suivants, je réfuterai la théorie selon laquelle «le christianisme s’est répandu par adoption volontaire». Je montrerai que, depuis l’époque de Constantin le Grand, alors que les chrétiens ne représentaient pas plus de deux pour cent de la population impériale totale1, le christianisme a été imposé aux Romains et aux Barbares par la propagande, l’intimidation, la pression politique et fiscale, la persécution judiciaire, les conquêtes militaires, les massacres, le pillage et la destruction des temples, et d’autres formes de terrorisme d’État. La question de savoir si cela a été pour le bien des Européens et de l’humanité est une autre question, que je réserve pour plus tard.

    Cet article est le premier d’une série qui comprendra une douzaine ou plus d’articles traitant de la christianisation de l’Europe, un processus qui doit être décomposé en plusieurs étapes : la propagation précoce du christianisme, la conversion de Constantin (et de ses fils), la conversion de l’aristocratie et de la bureaucratie romaines, la conversion des communautés paysannes, et la conversion des barbares. Je traiterai ces sujets dans un ordre différent. J’aborderai également des questions telles que : Qu’est-ce que le «paganisme» (De quoi les Romains ont-ils été convertis) ? Le christianisme a-t-il contribué à la chute de Rome (comme le suggère Edward Gibbon) ? Le christianisme a-t-il été bénéfique pour les juifs ? Le christianisme a-t-il favorisé l’unité ou la division de l’Europe ? Dans quelle mesure le catholicisme des campagnes prémodernes était-il «païen» ? Jésus peut-il nous aider, et quel Jésus ? Au gré de l’inspiration, je réfléchirai à l’influence du christianisme sur les conceptions européennes de la vérité, de l’individu, de l’humanité, de la judéité, de la race, du sexe, de la filiation, de la vengeance, de la maternité, etc..

    L’idée que la christianisation a été un processus pacifique (parce que le christianisme est une religion pacifique) est, bien sûr, la thèse des historiens ecclésiastiques, à commencer par le conseiller de Constantin, Eusèbe de Césarée, qui admet n’avoir écrit que ce qu’il jugeait «utile» (vous n’apprendrez pas de lui que Constantin a assassiné son beau-père, sa femme et son fils)2. Comme les historiens ont peu d’autres sources écrites primaires, ils ont eu tendance à répéter ce qui s’apparente à de l’apologétique ou à de la propagande chrétienne. En fait, jusqu’au XIXe siècle, les historiens séculiers préféraient laisser le sujet de la christianisation aux «historiens de l’Église», qui étaient, à quelques exceptions près, des théologiens formés dans les séminaires. Une histoire plus objective de la christianisation a commencé à la fin du XIXe siècle (notamment avec Ernest Renan en France)3, mais ce n’est que depuis la seconde moitié du XXe siècle que des historiens rigoureux nous donnent une image fiable, grâce à une approche plus critique des sources chrétiennes, à une plus grande attention portée aux rares sources païennes, à une meilleure prise en compte des facteurs politiques, économiques et même militaires, et aux nouveaux apports de l’archéologie et de l’épigraphie.

    Même un historien plutôt conservateur et favorable au christianisme comme Richard Fletcher, qui dans The Conversion of Europe prétend expliquer le «processus de l’acceptation du christianisme», doit commencer par évoquer l’importance décisive du soutien impérial dans cette «acceptation» :

    «Constantin n’a pas fait du christianisme la religion officielle de l’empire romain, bien que cela soit souvent dit de lui. Il a simplement fait de l’Église chrétienne le bénéficiaire privilégié des ressources quasi illimitées de la faveur impériale. Une nouvelle et gigantesque église Saint-Pierre fut construite à Rome, sur le modèle des basiliques utilisées pour les salles du trône impérial, comme celle qui subsiste à Trèves. Le siège de Rome reçut d’importantes dotations foncières et l’une des résidences impériales, le palais du Latran, pour loger son évêque et son personnel. Constantinople, fondée en 325, devait être une ville résolument et exclusivement chrétienne, même si elle était embellie par des statues païennes pillées dans les temples des provinces orientales. Jérusalem fut dotée d’une splendide église du Saint-Sépulcre. L’Église chrétienne et son clergé bénéficiaient de privilèges et d’immunités juridiques. L’empereur prit une part active aux affaires ecclésiastiques, convoquait et assistait aux conciles, participait aux débats théologiques, et tentait de régler les querelles et les controverses».4

    Le soutien de l’empereur au christianisme s’étend naturellement à la promotion des chrétiens à tous les postes prestigieux et lucratifs de l’administration. Comme l’écrit Ramsay MacMullen dans Christianizing the Roman Empire (A.D. 100-400) :

    «les gens adhéraient à l’Église en partie pour devenir riches, ou en tout cas moins pauvres. C’était un motif supposé par les contemporains. Il n’était pas nécessaire de l’expliquer et il n’y avait pas lieu de s’en vanter. C’est pourquoi les témoignages explicites du type «Je me dis chrétien parce que je n’ai pas les moyens de ne pas l’être» font défaut. Mais l’idée a dû être présente».5

    Mais la promotion du christianisme n’était qu’un aspect de l’histoire. La discrimination à l’égard des autres religions en était l’autre facette. La construction et l’ornementation d’églises somptueuses se faisaient aux dépens des temples païens, qui étaient privés de fonds publics, expropriés ou détruits. Diana Bowder écrit dans The Age of Constantine and Julian :

    «en 331, l’épuisement du trésor public par les travaux de Constantinople et par son extravagante générosité [envers l’Église] a conduit Constantin à ordonner un inventaire général des biens, et probablement des revenus, des temples païens ; ce fut l’occasion de les dépouiller de leur or et de leur argent et d’objets tels que les portes et les tuiles en bronze. Les empereurs précédents, des païens, avaient mis la main sur les trésors des temples lorsqu’ils en avaient besoin, mais cette fois-ci, il y avait un élément intentionnel de dérision, car le placage en or des images de culte était enlevé, de sorte que les matériaux de rembourrage étaient exposés au mépris public. Les terres appartenant aux temples ont également été confisquées, et les sanctuaires les plus importants ont ainsi perdu une grande partie de leurs moyens de subsistance. Un grand nombre de statues – y compris des statues de culte – emportées pour décorer Constantinople ont probablement été pillées à cette époque. Plusieurs temples importants ont même été fermés».6

    Le pillage des temples s’intensifie sous les fils de Constantin, Constance et Constance, encouragés par des chrétiens fanatiques comme Firmicus Maternus : «Enlevez, oui, enlevez calmement, très saints empereurs, les ornements des temples. Laissez le feu des ateliers de monnaie ou le brasier des fonderies les faire fondre, et confisquez toutes les offrandes votives pour votre usage personnel» (De l’erreur des religions profanes, XI).7

    La ruine physique du paganisme a atteint sa phase finale sous Théodose Ier (379-395). Voici les conclusions de MacMullen dans Christianizing the Roman Empire :

    «Précédée par le pillage des temples par Constantin, par des explosions de destruction occasionnelles enregistrées dans les provinces orientales et (attestées archéologiquement) dans les provinces septentrionales, une phase d’attaques physiques nettement plus tranchantes ne peut être perçue qu’à partir de 380. La mission devait être terminée. Les chefs de famille et les propriétaires de grands domaines sont exhortés en chaire à se mettre au travail. Ils doivent utiliser tous les moyens de persuasion : la carotte et le bâton. Des lois visent les lieux de culte non chrétiens, afin d’en réduire l’accès pour les cultes. Et, avec plus d’une longueur d’avance sur toutes les lois, sortis des monastères et des basiliques, sous le regard bienveillant des unités militaires, les zélateurs de la conversion descendent dans la rue ou sillonnent les campagnes, détruisant sans doute plus de trésors architecturaux et artistiques que tous les barbares de passage par la suite. (…), une fois la leçon terminée, moines et évêques, généraux et empereurs avaient chassé l’ennemi de notre champ de vision. Ce que nous ne pouvons plus voir, nous ne pouvons plus le rapporter. C’est donc ici que se termine mon livre».8

    Ramsay MacMullen est l’un des meilleurs historiens de la christianisation de l’Empire romain et, outre Christianizing the Roman Empire (A.D. 100-400), je recommande vivement ses deux autres ouvrages majeurs : Paganism in the Roman Empire (A.D. 100-400), et Christianity and Paganism in the Fourth to Eighth Centuries.

    Ce qu’il faut retenir de tout cela, c’est que la conversion au christianisme ne signifiait pas simplement l’acceptation d’une nouvelle religion ; elle signifiait le rejet de toutes les autres pratiques et croyances cultuelles, parce que tous les autres dieux étaient déclarés être des démons sataniques conspirant pour asservir les humains et les conduire en enfer.

    Le christianisme avait été interdit par Dioclétien précisément en raison de l’irrespect manifeste des chrétiens envers les protecteurs divins de l’Empire. Lorsque Constantin a inversé cette politique et rendu le christianisme légal (Édit de Milan, 313), il n’a pas rendu les autres cultes illégaux, mais dix ans plus tard, sa «déclaration de tolérance» sonnait déjà moins tolérante : «Que ceux qui sont encore aveuglés par l’erreur soient donc accueillis dans le même degré de paix et de tranquillité que ceux qui croient»9. Après Constantin, la politique religieuse impériale s’est de plus en plus concentrée sur l’idée que les temples, les rites et les croyances non chrétiens étaient offensants pour le vrai et seul Dieu, et devaient donc être traités comme un risque pour la sécurité de l’Empire. Plus l’Empire devenait chrétien, plus il devait se montrer destructeur des autres cultes, non pas en vertu de la nature de l’Empire, mais en vertu de la nature du christianisme.

    Le christianisme avait appris de la religion d’Israël que tous les dieux autres que le Dieu révélé dans la Bible étaient des démons. Jusqu’à Jésus-Christ, seul le peuple juif connaissait Dieu, qui s’était révélé à Abraham puis à Moïse. Toutes les autres nations ignoraient Dieu, et les dieux qu’elles adoraient étaient en fait des démons qui se faisaient passer pour des dieux – non pas des daimones au sens grec d’«esprits», qui pouvaient être bons ou mauvais, mais des agents du Diable, de Lucifer, du Serpent qui avait trompé Adam et Ève et les avait détournés de Dieu. Comme je l’ai souligné dans «Belzébuth pour les nuls», le grand Dieu des Cananéens a eu l’honneur de devenir le Diable lui-même, sous le nom de Beelzebul ou Belzébuth, bien qu’il n’y ait aucune source indiquant qu’il ait ordonné des génocides ou des massacres de prêtres.

    Les missionnaires chrétiens ont dénoncé les dieux du «paganisme» comme étant des crypto-démons. Ils ne prétendaient pas que le Christ les avait détruits – car alors il n’y aurait plus besoin du Christ – mais que le baptême et la messe vous purifieraient et vous protégeraient d’eux. La victoire finale n’interviendrait qu’à la fin des temps, sans cesse repoussée. Entre-temps, les démons habitaient tous les temples, et se logeaient même dans les statues des divinités, qu’il fallait donc exorciser en leur crevant les yeux, en les mutilant et en les marquant de la croix sur le front. Un genre particulier d’histoire de miracles raconte que des démons s’échappent des statues en les faisant exploser en mille morceaux à la simple vue d’une croix (par exemple La Vie de Porphyre de Gaza, 61), mais en général, il fallait l’aide d’un burin et d’un marteau.

    Dans leur complot contre les humains, les anges déchus avaient réussi à imiter le salut chrétien avant même qu’il ne soit disponible, grâce à leur prescience démoniaque du plan de Dieu. C’est ainsi que les théologiens répondaient aux païens qui accusaient les chrétiens de plagiat. Par exemple, les similitudes entre le mithraïsme et le christianisme, tant dans leurs mythes que dans leurs sacrements, étaient dues à l’imitatio diabolica de Mithra, selon Tertullien de Carthage. Eusèbe de Césarée a développé cette théorie du complot satanique dans ses Problèmes et solutions de l’Évangile (Quaestio 124, Adversus Paganos) :

    «Mais le diable – je veux dire Satan – pour donner quelque autorité à ses tromperies et colorer ses mensonges d’une fausse apparence de vérité, a usé de son pouvoir, qui est réel, pour instituer des mystères païens pendant le premier mois, au cours duquel il sait que doivent être célébrées les saintes cérémonies du Seigneur. Il a ainsi enchaîné leurs âmes dans l’erreur, et cela pour deux raisons : d’abord parce que le mensonge anticipait sur la vérité ; la vérité apparaissait donc comme un mensonge, l’antériorité même créant un préjugé contre elle ; ensuite parce que, dans le premier mois où les Romains observent l’équinoxe comme nous, cette observation s’accompagne pour eux d’une cérémonie dans laquelle ils prétendent obtenir l’expiation par le sang, comme nous l’obtenons par la croix. Grâce à cette ruse, le démon tient donc les païens dans l’erreur ; ils s’imaginent que la vérité, qui est la nôtre, n’est pas la vérité, mais une imitation, forgée par quelque superstition pour leur faire concurrence. ‘Car il est impossible, affirment-ils, de tenir pour vraie une invention qui vient après coup».10

    En conclusion, il faut comprendre qu’il est dans la nature même du christianisme de lutter à mort contre les autres cultes, et dès que Constantin a apporté son soutien au christianisme, il a enclenché le processus qui ne pouvait que conduire à la défaite et à la mort du paganisme. À l’époque, être chrétien signifie être un soldat du Christ, engagé dans une guerre d’extermination contre les dieux. Construire l’Église, c’est détruire les temples. «C’est ce résultat, la destruction, que les non-chrétiens de l’époque percevaient comme spécifiquement chrétien, écrit MacMullen, et c’est ce résultat qui, à son tour, a donné un sens si grave, du point de vue païen comme du point de vue chrétien, aux vagues successives de persécution. Ce furent autant de vagues de désespoir».11

    Pourquoi le désespoir ? Parce que sous le terme péjoratif de «paganisme», les chrétiens s’attaquaient en fait au fondement même de toute activité sociale. La christianisation/dépaganisation a été une opération d’ingénierie sociale d’une violence inouïe.

    Il n’y avait pas un banquet, une fête ou une réunion à laquelle les dieux n’étaient pas conviés. Les enceintes des temples servaient d’auberges, de théâtres, de places de marché, d’hospices pour les pauvres et de centres médicaux. Toute forme d’art était religieuse. On estime à 30 000 le nombre de statues de divinités dans l’Empire romain12. MacMullen écrit dans Paganism in the Roman Empire :

    «Toute la gamme des instruments de musique connus était mise au service des dieux dans un culte ou un autre, de même que tous les styles imaginables de danse et de chant, de spectacle théâtral, d’hymne en prose, de conférence ou de traité philosophique, de vulgarisation, d’édification, et ainsi de suite – en somme, toute la culture. La même conclusion peut être exprimée de manière négative : enlevez des arts de ces siècles tout ce qui n’était pas largement consacré à la religion, et le cœur de la culture a disparu».13

    Chaque voyage, même à des fins commerciales, était l’occasion de visiter un sanctuaire local, et les foires religieuses attiraient des personnes de tous horizons venant de dizaines, voire de centaines de kilomètres à la ronde. «Quelle que soit leur taille ou leur zone d’attraction, elles constituaient l’un des principaux moyens d’introduire quelqu’un dans un monde plus vaste que celui dans lequel il était susceptible de passer sa vie professionnelle».14

    L’une des plus émouvantes défenses du paganisme est la lettre adressée par le rhéteur païen Libanius à l’empereur Théodose le Grand en 386 (Oration XXX, «Pro Templis», 8-10), plaidant pour la préservation des temples contre la prédation des moines chrétiens qui, selon lui,

    «s’empressent d’attaquer les temples avec des bâtons, des pierres et des barres de fer, et dans certains cas, au mépris de ceux-ci, avec les mains et les pieds. Il s’ensuit une désolation totale, avec le démantèlement des toits, la démolition des murs, l’arrachage des statues et le renversement des autels, et les prêtres doivent se taire ou mourir. Les prêtres doivent se taire ou mourir. Après avoir démoli l’un d’entre eux, ils se précipitent sur un autre, puis sur un troisième, et les trophées s’empilent les uns sur les autres».

    Libanius se souvient avec nostalgie de l’époque où les temples, innombrables, étaient partout «une sorte de recours commun pour les gens dans le besoin». Ils sont «l’âme de la campagne», dit-il ;

    «Ils marquent le début de son peuplement et ont été transmis de génération en génération jusqu’aux hommes d’aujourd’hui. C’est en eux que les communautés agricoles placent leurs espoirs pour les maris, les femmes, les enfants, pour les bœufs et la terre qu’ils sèment et plantent. Un domaine qui a tant souffert a perdu l’inspiration des paysans et leurs espoirs, car ils croient que leur travail sera vain si on leur enlève les dieux qui dirigent leurs travaux vers leur fin. Et si la terre ne jouit plus des mêmes soins, le rendement ne peut plus être le même qu’auparavant et, dans ce cas, c’est le paysan qui s’appauvrit et le revenu qui est mis en péril».

    En résumé, commente MacMullen, «l’ancienne religion convenait très bien à la plupart des gens. Ils l’aimaient, lui faisaient confiance, y trouvaient leur compte et résistaient ainsi au changement, quelle que soit l’éloquence ou la férocité des pressions exercées sur eux».15

    Ceux que les chrétiens appelaient «païens» (ce qui signifie «paysans» ou «gens de la campagne») ne partageaient pas tous une même religion au sens où on l’entend aujourd’hui : le paganisme était une multitude de cultes, de sanctuaires, de rites, de mythes et de croyances. Certains dieux avaient la réputation d’être jaloux, mais jusqu’à l’adoption du christianisme comme religion d’État, les Romains considéraient que la liberté de culte allait de soi. Rome avait même pour tradition d’accueillir les dieux des nations vaincues. L’exception était le dieu des juifs, considéré comme inassimilable en raison de l’intolérance fanatique des juifs à l’égard des autres dieux, ce qui explique que les objets cultuels du temple de Jérusalem aient été traités comme un simple butin en 70 après J.-C..16

    Pour les peuples de l’Empire romain, le culte chrétien n’avait rien d’unique ou d’exceptionnel – certainement pas la notion d’un homme-dieu immortel – si ce n’est son intolérance fanatique à l’égard de toutes les autres religions. En s’opposant à la christianisation, les «païens» ne luttaient pas tant contre le christianisme que pour défendre leur liberté d’adorer les dieux ou les héros de leur choix, pourvu que ce culte ne soit pas hostile à l’État ou ne trouble pas l’ordre public.

    Pour devenir chrétien, il vous fallait renoncer à tous les dieux que vos grands-parents et vos parents vous avaient appris à aimer dans votre enfance : non seulement les dieux protecteurs de votre ville ou de votre peuple, mais aussi les dieux moins importants qui veillaient sur votre famille et votre clan. Le «paganisme» était la «tradition», le lien entre les générations. «Tel est le principal fruit de la piété, disait Porphyre, honorer la divinité selon la coutume ancestrale».17

    On comprend que les Romains ne se soient pas facilement soumis à une christianisation forcée. En 438, Théodose II déplorait que de nombreuses personnes résistent encore au baptême : «Les mille terreurs des lois promulguées, la menace de l’exil ne les retiennent pas… Mais ils pèchent aussitôt par une folie si audacieuse !18» Ce n’est que sous Justinien (527-565) que l’on peut dire que l’Empire est entièrement christianisé, quelques décennies avant la conquête islamique. Toutes les autres religions avaient alors disparu.

    Toutes sauf une : le judaïsme était la seule religion non chrétienne qui restait légale dans tout l’Empire romain, sous l’étrange justification que le peuple juif était un témoin de la vérité du christianisme. Eux, et eux seuls, furent autorisés à mutiler les organes génitaux de leurs nouveau-nés mâles au nom de leur religion, ce que les empereurs païens avaient interdit à maintes reprises.19

    Laurent Guyénot

    source : Kosmotheos

    1. Selon l’estimation récente de Peter Heather dans Christendom : The Triumph of a Religion, Knoff, 2023, p. 24.
    2. Ramsay MacMullen, Christianizing the Roman Empire (A.D. 100-400), Yale UP, 1984, p. 6.
    3. Ernest Renan, Histoire des origines du christianisme, 1863-1881.
    4. Richard Fletcher, The Conversion of Europe : From Paganism to Christianity 371-1386 AD, Fontana Press, 1998, p. 35.
    5. MacMullen, Christianizing the Roman Empire, p. 115.
    6. Diana Bowder, The Age of Constantine and Julian, Barnes & Noble, 1978, p. 80.
    7. Firmicus Maternus, L’erreur des religions païennes, trad. Clarence A. Forbes, Newman Press, 1970, x.7, xxviii.6.
    8. MacMullen, Christianizing the Roman Empire, p. 119.
    9. Peter Heather, Christendom : The Triumph of a Religion, Knopf, 2023, Penguin, p. 83.
    10. Pierre de Labriolle, La Réaction païenne. Étude sur la polémique antichrétienne du Ierau Vesiècle, 1934, p. 496.
    11. MacMullen, Christianizing the Roman Empire, p. 109.
    12. Ramsay MacMullen, Paganism in the Roman Empire, Yale UP, 1981, p. 34.
    13. MacMullen, Paganism in the Roman Empire, p. 24.
    14. MacMullen, Paganism in the Roman Empire, p. 27.
    15. Ramsay MacMullen, Christianity and Paganism in the Fourth to Eighth Centuries, Yale UP, 1997, p. 69.
    16. Emily A. Schmidt, «The Flavian Triumph and the Arch of Titus : The Jewish God in Flavian Rome», UC Santa Barbara : Ancient Borderlands Research Focus Group, 2010.
    17. MacMullen, Paganism in the Roman Empire, p. 2-3.
    18. MacMullen, Christianity and Paganism, p. 24.
    19. «La circoncision seule préservera la nation juive pour toujours», a écrit Baruch Spinoza dans Theological-political treatise, chapitre 3, §12, Cambridge UP, 2007, p. 55.
  • د حبيب بوخليفة -غياب الذات و الموقف في الادب : ازمة تعبير ام ازمة وعي ؟

    د حبيب بوخليفة -غياب الذات و الموقف في الادب : ازمة تعبير ام ازمة وعي ؟


      · 

    اذا كان الادب بمختلف أنواعه( القصة، الشعر، المسرح، السينما، الرواية، النثر ) يفتقد الى الذات و الموقف فلا يمكن اعتباره تعبيرا حقيقيا عن الطبيعة البشرية و تناقضاتها و صراعها مع الوجود.

    في زمن تتسارع فيه الأحداث وتتشظى فيه المعاني، يبدو الأدب ــ في كثير من تجلياته المعاصرة ــ وقد فقد صوته الداخلي، وانفصل عن جذوره العميقة في التجربة البشرية. لم يعد الأدب، كما كان في الماضي، صرخة وجود، أو محاولة لفهم الإنسان في قلقه، وهشاشته، وتمرده؛ بل تحول في أحيان كثيرة إلى خطاب محايد، بارد، تجريدي، أو استعراضي، يفتقد إلى الذات، وإلى الموقف.

    إن سؤال الذات في الأدب ليس سؤالًا بسيطًا. لقد كان محورًا جوهريًا في فكر جان بول سارتر، الذي رأى في الكتابة التزامًا أخلاقيًا وسياسيًا، وفي الكاتب ضميرًا للعصر، لا مجرد حاويًا للّغة أو راويًا للوقائع. في نصه الشهير « ما الأدب؟ » (Qu’est-ce que la littérature?)، يشدد سارتر على أن « الكاتب مسؤول عن العالم »، وأن الأدب بلا موقف هو أدب بلا معنى.

    وفي السياق نفسه، يؤكد ألبير كامو أن الأدب ليس ترفًا، بل « فعل مقاومة ». فالمثقف ــ كما يقول في خطاب استلامه جائزة نوبل ــ يجب أن « يوحد بين وعيه بعالم الظلم، وبين مسؤوليته في تغييره ». ومن هذا المنظور، فإن الأدب الذي لا يعبر عن التمزق الداخلي للذات، وعن صراعها مع الوجود، هو أدب فقد جوهره.

    أما ميخائيل باختين، فقد بيّن في تحليلاته للخطاب الروائي أن قوة الأدب تكمن في تعدّد الأصوات والصراعات، لا في التنميط أو السرد المسطح. فالخطاب الأدبي يجب أن يُحتضن فيه الاختلاف، التوتر، وحتى التناقض، لأن هذه هي طبيعة الإنسان.

    لكن، هل يمكن للكاتب اليوم، وسط ضجيج المنصات، وهيمنة الصورة، وسرعة الاستهلاك، أن يكون ذاتًا فاعلة وصوتًا عميقًا؟

    يبدو أن الأدب الحديث، في انبهاره بالشكل والتقنية، قد خسر جوهر التجربة. لم يعد يجرؤ على قول « أنا »، ولا على الاعتراف بالخوف، بالحب، بالغضب، بالجنون، بالهزيمة… كما فعل دوستويفسكي عندما غاص في أعماق الذات البشرية حتى حدود الجنون والقتل والقداسة. ولا كما فعل كافكا حين جعل الأدب تجسيدًا مرعبًا للاغتراب الإنساني.

    أما نيتشه، فقد رأى أن التعبير الفني الحقيقي لا يمكن أن يكون إلا صادرا عن « الروح المأساوية »، تلك التي تعي مأزقها وتصر على الصراخ من داخله. والكاتب الذي يتهرب من صراعه مع ذاته، مع قضاياه، مع أخلاقياته، يتحول إلى موظف في صناعة ثقافية فارغة، لا إلى ضمير حي.

    في غياب الذات والموقف، يُختزل الأدب إلى لعبة شكلانية، أو إلى منتج استهلاكي لا يُزعج، لا يُسائل، لا يُحرّك. وربما لهذا السبب لم تعد الرواية، كما كانت في الماضي، مرآة للتاريخ، ولا الشعر مرآة للروح، ولا المسرح ساحة للتطهير.، كما نطالعه عند بعض الروائيين الجزائريين الذي يتمسكون بالمظاهر من خلال نرجسية نتنة، معتمدين الابتداع و الاتباع. لقد كتبوا بالعربية الظعيفة ثم انتقلوا الى الكتابة بالفرنسية الرديئة، محاولين ارضاء دوائر الجوائز الفرنسية، مثلما فعل كمال داود على سبيل المثال لا الحصر.

    لقد كتب إدوارد سعيد أن « الكاتب الحقيقي هو من يقف خارج السلطة، لا من يسعى للتموضع داخلها ». والمقصود هنا بالسلطة، ليس فقط السياسة، بل كل منظومات الهيمنة: السوق، الذوق العام، الموضة الثقافية، وحتى المعايير الأكاديمية المعلبة التي تحافظ على استقرار اصحابها.

    فهل يمكن استعادة الذات في الكتابة؟ وهل نملك، في زمن الرقابة الذاتية والخوف والرقمنة، شجاعة اتخاذ موقف؟

    الجواب ربما في العودة إلى جوهر الكتابة: أن تكون شاهدًا على العصر، ومجسّدًا لما لا يُقال، ورافعًا لصوت الإنسان في هشاشته القصوى. كما قال هنري ميلر: « الأدب الحقيقي لا يُكتب بالأفكار فقط بل بالحياة نفسها »

    ( هذا تعليقي للصديق الكاتب و المفكر عمر ازراج حول تساؤله حول ماهية الادب، ارتايت مهما نشره)

    د_حبيب_بوخليفة

    : المصدر

     
  • Faim et spéculation à Gaza-Chris Hedges interviewe Francesca Albanese

    Faim et spéculation à Gaza-Chris Hedges interviewe Francesca Albanese

    Francesca Albanese : Faim et spéculation à Gaza

    Nous vous présentons la transcription de l’entretien entre le journaliste Chris Hegdes, lauréat du prix Pulitzer, et la rapporteuse de l’ONU pour la Palestine, Francesca Albanese, sur le génocide d’Israël dans la bande de Gaza
    Lorsque l’histoire du génocide à Gaza sera écrite, l’une des figures les plus courageuses et les plus franches de la défense de la justice et du respect du droit international sera Francesca Albanese, Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les droits de l’homme dans les territoires palestiniens. Albanese, juriste italien, occupe le poste de rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme dans les territoires palestiniens depuis 2022. Son bureau est chargé de surveiller et de rendre compte des « violations des droits de l’homme » commises par Israël contre les Palestiniens en Cisjordanie et à Gaza.
    Albanese, qui reçoit des menaces de mort et subit des campagnes de diffamation bien orchestrées de la part d’Israël et de ses alliés, cherche courageusement à traduire en justice ceux qui soutiennent et alimentent le génocide. Vous dénoncez durement ce que vous appelez « la corruption morale et politique du monde » pour génocide. Son bureau a publié des rapports détaillés documentant les crimes de guerre commis par Israël à Gaza et en Cisjordanie, dont l’un, Genocide as Colonial Erasure, a été reproduit en annexe de mon dernier livre A Genocide Foretold.
    Il travaille sur un nouveau rapport qui expose les banques, les fonds de pension, les entreprises technologiques et les universités qui aident et facilitent les violations par Israël du droit international, des droits de l’homme et des crimes de guerre. Il a informé les organisations privées qu’elles étaient « pénalement responsables » d’avoir aidé Israël à perpétrer le « génocide » à Gaza.
    Il a annoncé que si, comme cela a été rapporté, l’ancien ministre britannique des Affaires étrangères, David Cameron, menaçait de couper le financement et de se retirer de la Cour pénale internationale (CPI) si celle-ci émettait des mandats d’arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et le ministre de la Défense Yoav Gallant, Cameron et l’ancien Premier ministre britannique Rishi Sunak pourraient être inculpés d’infractions pénales en vertu du Statut de Rome.
    Le Statut de Rome considère comme criminels ceux qui cherchent à empêcher la poursuite des crimes de guerre. Il a appelé les hauts responsables de l’UE à être accusés de complicité ou de crimes de guerre pour leur soutien au génocide, affirmant que leurs actions ne pouvaient rester impunies. Elle était une partisane de la flottille Madleen cherchant à briser le blocus de Gaza et à livrer de l’aide humanitaire, écrivant que le navire, intercepté par Israël, transportait non seulement des fournitures mais aussi un message d’humanité.
    Je suis accompagnée de Francesca Albanese pour discuter du génocide à Gaza et de l’échec des gouvernements occidentaux à intervenir ou à respecter le droit international.

    Chris Hedges* Faisons le point sur la situation à Gaza. C’est très affligeant. Nous ne pouvons pas édulcorer la pilule, surtout après le 2 mars.

    Francesca Albanese Oui, Chris. Tout d’abord, merci de m’avoir invité. C’est un plaisir.

    Écoutez, la situation à Gaza est devenue si désastreuse, si horrible que je n’ai plus de mots pour la décrire. Je me souviens que lorsque j’ai reçu les premiers rapports faisant état de cas de faim, c’était l’année dernière, principalement dans le nord de Gaza, qui, soit dit en passant, est complètement isolé de notre compréhension de ce qui se passe à Gaza.

    D’une certaine manière, la misère que nous voyons se trouve dans le sud de Gaza. Le nord est complètement obscurci. Mais quand j’ai reçu les premiers rapports sur la famine, je me souviens que les gens de Gaza disaient que nous devenions des monstres.

    Et c’est quelque chose que j’entends de plus en plus de la part des gens. La faim est si grande, si répandue, si profonde qu’elle transforme les gens en un stade pré-humain, et c’est ce qui arrive à ceux qui souffrent de cette brutalité. Ils sont forcés, ils sont repoussés dans un espace qui est antérieur à la civilisation et, une fois de plus, penser que c’est stratégique, que c’est intentionnel de la part d’Israël, est une tache pour nous tous.

    Comment pouvons-nous permettre que cela se produise ? Pourquoi les États européens, pourquoi les États arabes n’ont-ils pas encore envoyé leurs marines pour briser le blocus ? Il faut le faire. C’est une obligation, ce n’est pas un acte de charité. Ils doivent briser le siège. Et il est déjà trop tard, vous savez ? Telle est la situation à Gaza. C’est dévastateur.

    Chris Hedges Eh bien, c’est le genre d’action de la flottille avec Greta Thunberg, évidemment ils n’auraient pas pu passer, mais c’était un acte de protestation, un acte de conscience, certainement un acte de courage. Votre voix n’a jamais faibli depuis le début du génocide. Pourtant, en même temps, je pense que beaucoup d’entre nous qui se prononcent contre le génocide doivent accepter le fait que nous n’avons pas été en mesure de sauver une seule vie, et pourtant nous devons continuer à parler de toute façon.

    Francesca Albanese Oui, regardez, je me demande souvent à quoi ça sert. Parce que, encore une fois, je me sens dans un certain sens agité. Je n’arrête pas de parler de Gaza, de la Cisjordanie, des Palestiniens. Parce que je pense que je suis comme beaucoup d’autres, je porte une blessure avec moi en ce moment. C’est quelque chose que je n’ai jamais voulu voir se répéter.

    J’appartiens aussi à une génération qui a vu le génocide au Rwanda, qui a lu sur le génocide au Rwanda. J’ai des souvenirs très vifs du génocide en Bosnie-Herzégovine et voir le génocide des Palestiniens se dérouler au ralenti et être le chroniqueur de ce génocide m’a en quelque sorte blessé au-delà de toute réparation, mais ce n’est pas grave.

    La seule façon que j’ai de trouver la paix est de m’assurer que les gens se réveillent et se rendent compte que tout cela porte les traces de nous tous. Et quand je dis que je ne l’utilise pas au sens figuré, c’est vrai. Parce que quand vous voyez les profits que les entreprises enregistrées dans les pays occidentaux et d’autres pays tirent du génocide des Palestiniens, vous comprenez, je veux dire, vous perdez la foi en l’humanité pour toujours.

    Et il est vrai que nous n’avons pas pu sauver des vies, mais nous ne le savons pas. Nous ne le savons pas, Chris, parce que je crois que si Israël avait eu les mains libres, il aurait déjà éliminé les Palestiniens de Gaza, alors qu’en fait, en exposant ce que fait Israël, nous contribuons à ce que la Palestine ne disparaisse pas de la carte.

    Parce que d’une certaine manière, j’ai le sentiment en moi que le sacrifice des Palestiniens à Gaza va continuer, il va vraiment continuer, il continuera à moins qu’il n’y ait un embargo sur les armes et à moins que le blocus, c’est-à-dire le siège, ne soit brisé, et cela ne peut se faire sans mesures coercitives. La seule façon de protéger Israël, de s’assurer qu’Israël est protégé, c’est d’arrêter Israël. Israël est nuisible aux Palestiniens, à la région, il est nuisible à beaucoup d’entre nous et il est nuisible à lui-même et à ses citoyens.

    C’est quelque chose que les Israéliens doivent comprendre. Aucun d’entre nous qui œuvrons pour les droits de l’homme et la justice n’a quoi que ce soit… Personnellement, je ressens beaucoup de douleur pour les Israéliens eux-mêmes parce que je pense qu’ils doivent être traumatisés au point d’avoir perdu leur humanité. Et je ne peux penser qu’à une énorme forme de guérison pour les Palestiniens et les Israéliens.

    Mais je le répète, je ne sais pas, nous n’avons certainement pas sauvé des vies, mais nous avons contribué à montrer le vrai visage de l’apartheid israélien.

    Chris Hedges Lorsque vous parlez de mesures coercitives, j’ai suivi le retrait des forces irakiennes du nord de l’Irak alors qu’elles menaient une campagne génocidaire contre les Kurdes. Les forces de l’OTAN ont établi une zone d’exclusion aérienne. Les forces irakiennes ont dû battre en retraite d’où elles frappaient les Kurdes. Enfin, il n’y a rien de comparable avec ce qui arrive aux Palestiniens de Gaza.

    Mais à l’époque, il était clair que seules des mesures coercitives sauveraient les Kurdes. Et vous, bien sûr, soulignez à juste titre que c’est exactement la situation dans laquelle nous nous trouvons actuellement avec les Palestiniens. En l’absence de mesures coercitives, qui doivent être imposées de l’extérieur, la campagne de génocide et de déplacements probables d’Israël ne sera pas arrêtée.

    Francesca Albanese Absolument. Et vous savez ce qui me dérange ? Quand je m’adresse aux États membres, même aux plus éclairés, pour ainsi dire, au niveau mondial, je veux dire à l’Occident, que j’appelle la minorité mondiale, compte tenu de notre insignifiance territoriale dans ce monde. Mais aussi lorsque vous parlez à des États membres qui semblent avoir une position éclairée et axée sur les droits de l’homme sur la Palestine. Quand je leur fais mes recommandations, ils me disent : « Oh, mais vous attendez-vous vraiment à ce que nous boycottions Israël ?

    Eh bien, vous êtes un État, ce n’est pas à vous de boycotter. Vous avez l’obligation de ne pas aider, de ne pas aider, de ne pas commercer avec Israël, de ne pas envoyer d’armes, de ne pas acheter d’armes, de ne pas fournir de technologie militaire, de ne pas acheter de technologie militaire. Ce que je vous demande n’est pas un acte de charité. C’est votre obligation.

    Et cette sorte de nonchalance que les États membres, même ceux qui semblent avoir les plus de principes, à l’égard du non-respect du droit international, parce que c’est ce qu’ils font avec une grande nonchalance, viole le droit international partout.

    Et la seule chose qui leur vient à l’esprit, c’est : pensez-vous vraiment que nous allons isoler Israël ? Oui, oui, le fait qu’ils aient vraiment du mal avec cette façon de penser est une mesure de la distance qui nous sépare de la solution du problème.

    Chris Hedges Que pensez-vous, je veux dire, la faim et plus d’un demi-million de Palestiniens sont maintenant au bord de la famine. Et puis il y a toute la question de l’eau. Il n’y a pas d’eau potable. Et puis, bien sûr, les fournitures médicales ou l’aide humanitaire ou autre, 90 % des Palestiniens vivent dans des tentes ou en plein air. Où va-t-il ?

    Ils attirent les Palestiniens comme des rats dans un piège dans le sud avec ces… Et personne ne pense que les centres d’aide ou la quantité de nourriture, la maigre quantité de nourriture, sont autre chose qu’un appât pour entasser les Palestiniens dans des complexes gardés dans le sud. Et bien sûr, ils tirent sur des dizaines de Palestiniens par jour qui essaient désespérément d’avoir quelque chose à manger.

    Vont-ils les pousser dans le Sinaï ? Avez-vous des idées ou peut-être qu’Israël ne le sait pas, mais avez-vous une idée de l’endroit où cela finira ?

    Francesca Albanese Je n’ai pas d’idée précise, si ce n’est qu’Israël accepterait une solution qui éloignerait les Palestiniens de la bande de Gaza pour l’instant, puis de la Cisjordanie et enfin probablement d’Israël. Ce sont les trois phases du plan de nettoyage ethnique de la Palestine historique, car votre public ne doit jamais oublier qu’Israël est un État créé en Palestine.

    Ainsi, lorsque nous parlons de la bande de Gaza, de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est, nous faisons référence aux petits morceaux de terre qui restent. Et même là, les Palestiniens ne sont pas autorisés à jouir du droit à l’autodétermination, comme le droit d’exister en tant que peuple. C’est ce qu’Israël vise. Israël ne veut pas que les Palestiniens se mettent en travers de son chemin. C’est la vraie victoire.

    Parce que lorsque 80 % de la population soutient le gouvernement dans le maintien de ce niveau de violence contre les Palestiniens, en particulier ceux de Gaza qui meurent de faim en ce moment même, qui n’ont plus rien d’autre que leur dignité et le peu de choses et d’affections qui leur restent dans leur vie. La seule victoire de ce gouvernement, qui représente une grande partie de la société israélienne, est de se débarrasser des Palestiniens.

    Je veux dire, bien sûr, peu importe que ce soit le Sinaï ou le Congo, ils supplient tous les pays d’accueillir les Palestiniens. Et le problème, c’est que personne ne peut le faire à moins d’y être forcé, à moins que les Palestiniens ne demandent et ne supplient d’être secourus. C’est tellement cruel et c’est ce qui se passe.

    Mais les Palestiniens ne l’ont pas encore fait. Eyal Weizman de Forensic Architecture, qui a étudié d’autres génocides tels que le génocide allemand des peuples Nama et Herero en Namibie, a une façon très intéressante de décrire la façon dont Israël confine les gens dans un endroit où ils ne peuvent pas survivre par eux-mêmes.

    C’est comme un camp de concentration. C’est comme si vous étiez complètement dépendant d’une main qui vous donne, qui distribue quelque chose, mais qui n’est pas durable et tout le reste est détruit. Gaza ne redeviendra pas ce qu’elle était à cause des dommages environnementaux, à cause de la contamination, à cause de tout ce qu’elle est aujourd’hui. Mais cela n’a pas d’importance. S’il y a un endroit où les Palestiniens de Gaza pourront se déplacer, c’est bien Israël.

    C’est l’occasion de permettre aux Palestiniens de retourner dans leur patrie d’origine. Et je comprends que c’est un énorme choc, un énorme choc pour les Israéliens, mais tôt ou tard, ils devront y faire face. Ils vivent comme beaucoup d’autres, comme les autres sociétés coloniales. Je suis désolé, mais vous vivez sur des terres volées.

    Et vous ne pouvez pas, comme les Américains qui ne sont pas Amérindiens et comme les Australiens qui ne sont pas Aborigènes, vous vivez sur des terres volées. Et la seule rédemption que vous pouvez avoir dans cette vie est de réparer, de rattraper les erreurs du passé. C’est donc ce que les Israéliens consciencieux devraient faire.

    Chris Hedges : Je veux parler de l’enlèvement. Israël n’efface pas seulement physiquement la Palestine et, bien sûr, il a attaqué ses universités, ses musées, ses centres culturels. Il a physiquement effacé ou tué, par des assassinats ciblés, sa classe intellectuelle, ses écrivains, ses poètes, plus de 200 journalistes, ses médecins.

    Et dans quelle mesure, et j’aimerais que vous parliez des lourdes campagnes qui ont été lancées contre vous par l’AIPAC et le lobby israélien, non seulement, je pense, parce que vous êtes franc, mais parce que vos reportages rendent difficile pour Israël d’effacer ce qu’il a fait et d’effacer ce qui se passe, ce que tous les meurtriers génocidaires essaient de faire.

    Francesca Albanese Je dis souvent que les attaques dont j’ai été victime sont emblématiques de divers aspects de cette lutte. D’une part, ce qui m’arrive n’est pas unique dans le sens où être accusé d’être pro-Israël, pro-terroriste, antisémite, c’est la litanie de mensonges auxquels tout le monde, du Pape au Secrétaire général, en passant par les universitaires, les militants, les journalistes, tous ceux qui ont un minimum de décence et qui ont osé dénoncer l’abominable réalité en Palestine, ont dû faire face.

    Ce qui m’est arrivé à nouveau n’est donc pas unique. Ce que je trouve unique, c’est l’acharnement des attaques et la façon dont elles ne cessent de croître parce que je n’abandonne pas. Je pense que c’est parce que plus ils me menacent, plus je me dis : voyons comment je peux mieux faire mon boulot, parce qu’il ne s’agit pas… Je les appelle les chiens qui aboient.

    Ce sont vraiment des chiens qui aboient et ils n’ont pas d’importance, leur but est de me distraire et ils ne réussiront pas parce que je les connais, je les comprends, parce que je dis souvent que je viens d’un endroit qui a été gangrené par la mafia. Vous savez combien de choses j’ai comprises ces derniers mois même sur moi-même.

    Pourquoi sont-ils comme ça ? Pourquoi n’ai-je pas peur d’eux ? Parce qu’à chaque fois que je démarre ma voiture, j’ai peur. Bien sûr, il y a des moments où je n’ouvre pas la porte en me disant : « Mon Dieu, qui sera derrière ? » Mais c’est pourquoi je vis ma vie de manière à ce qu’elle soit pleine de sens. J’aime ma famille. J’adore mes enfants. J’aime mon mari. J’adore mes amis. J’aime mes collègues et c’est ce que j’apprécie et chéris chaque jour et chaque jour, quand j’arrive à me coucher et à dormir, je n’ai aucun regret car je fais ce que tout le monde devrait faire.

    Donc, d’un côté, si j’étais quelqu’un à Gaza ou dans d’autres endroits en Palestine, mais aussi l’un des nombreux Israéliens avec lesquels j’interagis constamment et avec qui je me sens désespéré, je me sens dévasté par ce qui est fait en leur nom. Si j’étais l’une de ces personnes, j’aimerais avoir, j’aimerais avoir quelqu’un qui les comprend, qui les écoute et qui fait le lien. C’est la chose qui agace énormément mes détracteurs.

    Le fait que, d’un côté, ils ne peuvent pas me faire taire, au contraire, chaque tentative de les gifler provoque une tempête contre eux. Peu importe d’où ils viennent, peu importe qui ils sont, cela se transforme toujours en plus de soutien pour moi. C’est pourquoi, quand les gens me demandent : comment vous sentez-vous d’être si détesté ? Par qui ?

    De ce groupe de serviteurs et de charlatans qui défendent le génocide. On s’en fout? On s’en fout? Mais il y a tout un monde dans la tourmente et d’une manière ou d’une autre, j’ai la chance d’être entendu, ce qui est un énorme privilège pour moi. Et parce que je sais combien l’être humain peut être fallacieux, excusez-moi, oui, la nature humaine.

    Mon point de référence reste le droit international, dans la meilleure façon de l’interpréter possible, parce qu’il est universel. Cela s’applique à nous tous. C’est pour nous tous. Je n’apporte donc pas mes préceptes ou mon idéologie. J’apporte quelque chose qui appartient à nous tous. Et c’est ce qui agace les détracteurs : j’utilise la solidité des faits et du droit pour leur dire qui ils sont, pour les mettre devant un miroir, et ce n’est pas qu’ils ne m’apprécient pas, mais ils n’apprécient pas l’image qu’ils se font à travers moi d’eux-mêmes, génocidaires ou partisans du génocide.

    Chris Hedges : Dans quelle mesure cela a-t-il changé la communauté mondiale ? Et je me réfère en particulier, bien sûr, au Sud du monde, qui a subi son propre holocauste. Vous avez mentionné les Hereros et les Namakwa, mais aussi les Arméniens, les Kenyans sous le colonialisme britannique, les Indiens, en particulier pendant la famine du Bengale de 1943, au cours de laquelle trois millions d’Indiens sont morts.

    Et ces holocaustes ne sont pas reconnus par leurs auteurs. Aimé Césaire dans son Discours sur le colonialisme affirme que la raison pour laquelle l’holocauste des nazis contre les Juifs a résonné est que les tactiques employées, et ce sont ses mots, contre les coolies en Inde, les Noirs en Afrique et les Algériens par les Français en Algérie étaient simplement dirigées contre d’autres Européens blancs.

    Et bien sûr, c’est le Sud du monde, dirigé par l’Afrique du Sud, qui s’est rebellé et a essayé d’imposer l’État de droit à Israël sur le génocide. Mais est-ce là une reconfiguration de la communauté mondiale ?

    Francesca Albanese Je pense. Je pense. Pas aussi vite qu’il en faudrait pour mettre fin au génocide, mais oui. Je vois donc différentes tendances. Tout d’abord, comme vous le dites, il y a un rapprochement sur certaines questions fondamentales. Je n’ai jamais entendu autant de gens parler le langage du droit international.

    Sérieusement, je veux dire qu’en tant qu’avocat, en tant qu’avocat des droits de l’homme, si j’avais l’occasion de ne pas regarder le génocide un seul instant, j’aurais l’impression que la mission des droits de l’homme est en quelque sorte accomplie parce que les gens sont conscients et ils le sont à travers une lentille commune qui permet à beaucoup, vraiment, de l’Afrique à l’Asie, aux minorités mondiales et à d’autres endroits, vraiment, de regarder la Palestine et de la reconnaître.

    Il y a quelques points communs. Les gens parlent le langage des droits de l’homme. Phénoménal, non ? Il y a aussi un autre aspect de l’éveil : jamais auparavant je n’ai entendu autant de gens faire le lien entre le passé et le présent, entre le passé colonial et le présent.

    Je ne sais pas si vous êtes d’accord avec moi, mais au moins je perçois qu’il y a une prise de conscience mondiale de quelque chose qui a longtemps été une prérogative, une prérogative douloureuse de la majorité mondiale, du Sud global, à savoir la prise de conscience de la douleur et des blessures du colonialisme.

    Israël, en tant que frontière coloniale des colons, frontière coloniale des colons occidentaux, offre l’occasion de comprendre ce qu’est le colonialisme de peuplement et ce qu’il a fait. La troisième chose est que l’éveil vient en reliant les points. Et écoutez, je veux dire, nous aurons l’occasion d’en parler une fois que mon rapport sera publié.

    Mais je ne cesse de répéter deux choses alors que je me prépare à démêler ce que j’ai découvert à travers les résultats des six derniers mois d’enquête : le génocide à Gaza n’a pas cessé parce qu’il est rentable, il est bénéfique à trop de gens. C’est une entreprise. Les gens ont exploité, je veux dire, il y a des entreprises, même d’États amis de la Palestine, qui pendant des décennies ont fait des affaires et profité de l’économie d’occupation, parce qu’Israël a toujours exploité la terre, les ressources et la vie des Palestiniens.

    Mais je veux dire, les profits ont continué et ont même augmenté lorsque l’économie du travail s’est transformée en une économie de génocide. Et encore une fois, les gens doivent comprendre que les Palestiniens ont simplement, et je dis bien simplement avec beaucoup de douleur, et je ne veux pas dire manquer de respect aux Palestiniens, mais ils ont fourni ce terrain d’entraînement illimité pour tester des technologies, tester des armes, tester des techniques de surveillance qui sont maintenant utilisées contre les gens partout, du Sud au Nord.

    Regardez ce qui se passe aux États-Unis ou en Allemagne. Nous sommes espionnés. Je veux dire, regardez l’utilisation des drones, la biométrie. Ce sont toutes des choses qui ont été expérimentées en premier lieu sur les Palestiniens. Je pense donc qu’il y a ce lien entre le capitalisme débridé et le capitalisme illimité, qui était aussi un capitalisme colonial racial pour les Palestiniens, nuisible à nous tous.

    Comment répondre à tout cela ? Je vois un mouvement, je vois une révolution qui se déroule, je l’appelle la révolution de la pastèque et c’est là. Il y a des jeunes, des travailleurs, des juifs antisionistes ou des juifs qui ne se reconnaissent pas comme antisionistes mais qui ne veulent toujours rien avoir à faire avec les crimes d’Israël et ne veulent pas qu’ils soient commis en leur nom.

    Donc il y a ce mouvement et au niveau des pays je vois, par exemple, le Groupe de La Haye, qui est une coalition composée principalement de pays du Sud, et ça ne devrait pas être comme ça. J’ai donc soutenu, j’ai soutenu, j’ai fait l’éloge de ces pays et j’invite d’autres États d’Asie à l’Afrique et surtout à l’Occident à rejoindre le Groupe de La Haye, qui dit : commençons par quelques petits pas, quelques mesures minimales pour respecter le droit international.

    Pas d’impunité, pas de refuge et pas d’armes pour Israël. Ce qui est vraiment crucial, mais c’est là où nous en sommes. Petits pas.

    Chris Hedges Pouvez-vous nous parler de ce rapport qui est sur le point d’être publié, des entreprises qui profitent du génocide et de la façon dont elles le font ?

    Francesca Albanese Je ne peux pas vous en dire beaucoup parce que le rapport est encore confidentiel. Mais j’ai décidé d’énumérer une cinquantaine d’entreprises, des fabricants d’armes aux grandes entreprises technologiques, en passant par les entreprises qui fournissent des matériaux de construction ou qui extraient des matériaux de construction des territoires palestiniens occupés, de l’industrie du tourisme, des biens et services et de la chaîne d’approvisionnement.

    Ce sont aussi les deux principaux secteurs de déplacement et de déplacement palestiniens. Et puis il y a un réseau d’animateurs tels que des assureurs, des fonds de pension, des fonds de fortune, des banques, des universités, des organisations caritatives. C’est un écosystème qui soutient cette illégalité.

    Vous savez, le secteur privé a tendance à devenir incontrôlable, il est très intelligent. Et en effet, le secteur privé a toujours été l’un des moteurs du colonialisme de peuplement. Dans les années 1600, par exemple, pensez aux compagnies des Indes. Ils ont quitté les Pays-Bas, depuis les ports néerlandais, pour atteindre et coloniser les Antilles ou l’Asie du Sud-Est. Mais pourquoi? Pourquoi? Et c’est ce qui s’est passé.

    Mais il y a aussi des cas où des sociétés ou des entités privées n’ont pas été les moteurs, mais les facilitateurs qui ont fourni des outils et des fonds aux entreprises coloniales qui en ont ensuite profité. Et c’est pourquoi les grandes entreprises et les intérêts des entreprises ont contribué à façonner la loi de sorte qu’elle devienne incontrôlable.

    Ce n’est pas nouveau que des entreprises aient profité du génocide, mais pensez à ce qui s’est passé pendant l’Holocauste. Les procès des industriels de l’Holocauste ont aidé à comprendre comment les entreprises faisaient des affaires sur la tragédie de millions de Juifs.

    Et il est choquant de voir que certaines des entreprises tenues pour responsables des procès des industriels de l’Holocauste sont toujours impliquées dans le génocide des Palestiniens. Et puis il y a eu l’expérience de l’Afrique du Sud après la conclusion des travaux de la Commission vérité et réconciliation. Certaines entreprises ont été condamnées à verser des indemnités. Il y a donc eu des moments historiques qui ont conduit à une plus grande réglementation des entreprises.

    Par exemple, les Principes directeurs de l’ONU qui imposent aux entreprises une diligence raisonnable sont le résultat de l’expérience sud-africaine. Pourtant, ce n’est pas encore suffisant. Ce n’est absolument pas suffisant car les entreprises continuent d’opérer dans les zones grises de la responsabilité de l’État.

    Par exemple, j’ai prévenu 48 entreprises et la réponse a été : oui, mais ce n’est pas de notre faute, c’est de la faute d’Israël. Oui, ce n’est pas à vous de nous dire ce que nous devons faire, c’est aux États. Donc non, je suis désolé. Aujourd’hui, l’occupation est illégale. Israël a été averti et fait l’objet d’une enquête directe ou indirecte dans au moins trois procédures pour génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Et vous ne pouvez pas continuer à faire des affaires comme si de rien n’était.

    Et si vous le faites, vous ferez face à la justice. C’est donc probablement la tempête que je vais aider à déclencher contre eux : s’assurer que la société civile et les avocats de chaque pays où ces entreprises sont enregistrées sont actifs, et aussi que les consommateurs sachent qu’ils peuvent voter, qu’ils peuvent se retirer. Ils peuvent s’assurer, par exemple, qu’il existe des agences de tourisme qui recommandent des propriétés dans les villages. Vous devriez voir, par exemple, des agents immobiliers vendant de beaux quartiers anglophones au cœur de la Judée et de la Samarie.

    C’est donc la normalisation de l’occupation par une clique et vous serez punis. Peut-être pas devant les tribunaux, mais vous perdrez certainement beaucoup de clients lorsqu’ils sauront ce que vous faites.

    Chris Hedges : Nous concluons en parlant des organismes internationaux, de la Cour pénale internationale, des Nations Unies. Certes, ils ont pris position et se sont prononcés contre le génocide, ils ont essayé de tenir Israël responsable du génocide, mais ils n’ont aucun mécanisme d’application. Comment évaluez-vous ces organisations internationales et le rôle qu’elles ont joué dans le génocide ?

    Francesca Albanese Écoutez, je ne suis pas tout à fait d’accord avec l’affirmation selon laquelle il n’y a pas de mécanismes d’application. Les mécanismes d’application existent et ce sont les États membres. Les États membres ont l’obligation d’appliquer les décisions de la Cour internationale de Justice.

    Il y a aussi le Conseil de sécurité. L’année dernière, le Conseil de sécurité a adopté une résolution ordonnant un cessez-le-feu à Gaza, qui n’a pas été respectée. Ainsi, de nos jours, il n’y a pas d’application de ce qui a été conçu pour mettre une limite à l’impunité d’Israël.

    Et d’une certaine manière, oui, je suis d’accord avec ce que vous disiez plus tôt. Israël est considéré comme faisant partie du colonialisme occidental. Israël est considéré comme faisant partie de la confrontation occidentale avec le reste du monde, ce qui est franchement honteux. Nous ne devrions pas être ici, toujours là, avec cette façon raciale, cette vision raciale, cette façon racialisée de nous regarder les uns les autres.

    Nous faisons partie de la même famille. C’est ce que signifie être humain. Peu importe la couleur de votre peau, peu importe le Dieu que vous adorez ou n’adorez pas, cela n’a pas d’importance. C’est ce qui nous rend humains, et nous sommes si cruels envers tous les animaux, toutes les créatures de ce monde, parce que nous avons vraiment érigé tellement de barrières et nous devons les supprimer.

    C’est maintenant l’opportunité, je ne sais pas si nous avons besoin d’un autre génocide, mais ce génocide déclenche quelque chose de plus, Chris. Voyez-vous la guerre en Iran ? La guerre contre l’Iran ? C’était totalement prévisible. C’était totalement prévisible parce qu’Israël sème des guerres dans la région depuis des décennies. D’abord, c’était l’Irak, puis d’autres pays, même la Libye et la Syrie ont été dévastés. Certes, vous ne pouvez pas blâmer Israël pour tout.

    Eh bien, Israël a certainement bénéficié de l’anéantissement de tous ses adversaires dans la région. Et l’Iran, bombarder l’Iran, c’était comme nourrir un démon. C’était l’objectif à long terme de plusieurs gouvernements israéliens et c’est finalement arrivé.

    Qu’est-ce que les Israéliens gagneraient sérieusement de tout cela ? De la mort de vies innocentes, qu’elles soient iraniennes ou israéliennes ? C’est pourquoi je dis que tout cela doit cesser. Et l’application de la loi est là, mais c’est aux États membres de décider. Eh bien, les États membres continuent de prendre leur temps et s’attendent à ce que ce soit un deus ex machina d’intervenir, qu’il s’agisse de l’Union européenne dans son ensemble ou des Nations unies dans leur ensemble. Non!

    Cela commence par les principaux États membres, et c’est la raison pour laquelle je loue une fois de plus tant le groupe de La Haye, car il n’agit pas comme une organisation régionale ou transrégionale, mais comme une coalition d’États qui partagent les mêmes principes et les mêmes idées.

    (Traduction de L’AntiDiplomatico)

    Journaliste lauréat du prix Pulitzer, il a été correspondant à l’étranger pour le New York Times pendant quinze ans, où il a été rédacteur en chef pour le Moyen-Orient et les Balkans. Auparavant, il a travaillé à l’étranger pour The Dallas Morning News, The Christian Science Monitor et NPR. Il est l’animateur de The Chris Hedges Report.















  • « الطاهر المعز-الثورات الملونة و الحرب « النّاعمة

    « الطاهر المعز-الثورات الملونة و الحرب  « النّاعمة

    إن عبارة « الثورات الملونة » هي ابتكار أمريكي، وتم ترويج هذه العبارة بواسطة وكالات الأنباء والصّحف وشبكات الإعلام المُهَيْمن، وتم إطلاقها لوصف الاحتجاجات والحركات السياسية وحركات العصيان المدني التي ظهرت في عدد من الدول في أواخر القرن العشرين وبداية القرن الواحد والعشرين وخاصة في الدول  التي تحكمها أنظمة تريد الولايات المتحدة الإطاحة بها والتخلص منها بشكل سلمي وللقضاء على دور الدولة وفتح الأسواق لتهيمن عليها الشركات العابرة للقارات، وتُمثل كذلك تكتيكا استخباراتيًّا سياسيًّا انتهجته الإمبريالية وخاصة الأميركية لتوسيع نفوذها وفرض هيمنتها وإقامة « نظام عالمي جديد »، مكان التّوازن الذي كان سائدًا بين الإتحاد السوفييتي والولايات المتحدة بين 1945 وثمانينيات القرن العشرين…

    كانت الولايات المتحدة في بداية سبعينيات القرن العشرين غارقة في مجموعة من الأزمات، حاول الرئيس رتشارد نيكسون معالجة الجانب المالي منها بفك الإرتباط بين الدّولار والذّهب سنة 1971، مُنهيًا بذلك اتفاقية « بريتن وودز » ( 1944) التي أفْضت إلى تأسيس البنك العالمي وصندوق النقد الدّولي، واتّسمت تلك السّنوات – التي أعقبت طفرة النّمو التي تَلت الحرب العالمية الثانية – بسلسلة من فترات الرّكود، وانهيار الأسواق المالية ( 1973 و 1974)، وكانت المفاوضات جارية في باريس بين المقاومة الفيتنامية والغُزاة الأمريكيين، وأسفرت عن اتفاق لوضع حدّ للعدوان العسكري الأمريكي…     

    في ظل هذا المناخ السياسي والأزمات الإقتصادية والسياسية ( أسفرت عن استقالة رتشارد نيكسون بعد فضيحة وترغيت ) والعسكرية، نشر جين شارب ( Gene Sharp – 1928 – 2018)، الذي يعتبر مُنظّر الثّورات المُضادّة التي اشتهرت باسم « الثورات الملونة »، سنة 1973 الجزء الأول من كتابه « سياسات العمل اللاّعُنْفِي » ( ثلاثة أجزاء بعنوان – The Politics of Nonviolent Action – )، ويتناول كتابه الجوانب النظرية والتّطبيقية للعصيان المدني من التّخطيط إلى التنفيذ، ويُؤكّد جين شارب على أهمّية التحضير الجيّد للإطاحة بالحكومات التي لا ترضى عنها الولايات المتحدة أو التي انتهت مُهمّتها، ووجب تغييرها شكْلاً، دون المساس بمصالح الرأسمالية والشركات العابرة للقارات، وتمّت تجربة « الثّورات المُلَوّنة » ( وفق جين شارب) في الصين سنة 1989 (ساحة تيانانمن ) ولاتفيا وتشيكوسلوفاكيا ( قبل تقسيمها)، وتم تمويل هذه الثورات المُضادّة من قِبَل مؤسسات أمريكية مثل الأذْرُع العديدة للوكالة الأمريكية للتعاون الدّولي ( يو إس إيد) والوقف الدّيمقراطي ( NED ) وفريدوم هاوس وغيرها…

    أسّسَ جين شارب مع بيتر أكرمان مؤسسة ألبرت أينشتاين خلال عقد الثمانينيات من القرن العشرين، ولا علاقة لهذه المؤسسة بألبرت إينشتاين، لأن أكرمان مَصْرِفِيّ مُضارب ورئيس مصرف استثماري أمريكي عابر للقارات، وبعد بضعة سنوات من استخدام إسم ألبرت إينشتاين لاجتذاب بعض الدّيمقراطيين والتّقدّميين، اندمجت هذه المؤسسة في شبكة الإستخبارات الأمريكية للتدخل في شؤون الدول، وتبرير العمليات السرية، وتنظيم عمليات تغيير الأنظمة بواسطة الثورات الملونة – باسم الدّفاع عن الدّيمقراطية وحقوق الإنسان – حيثما اعتبرت الولايات المتحدة إن مصالحها مُهدّدة…

    كان جين شارب، بنهاية عقد الستينيات من القرن العشرين طالبًا بجامعة هارفارد التي كانت مُختبرًا للفكر والدراسات والبحوث المناهضة للشيوعية خلال فترة الحرب الباردة، بإشراف مُدرّسين مثل هنري كيسنغر وصامويل هنتنغتون  وزبيغنيو بريجنسكي، ومَوّلت وزارة الحرب ووكالة الإستخبارات الأمريكية بحثًا لجين شارب بشأن الحُلُول التي تُمكّن الإمبريالية الأمريكية من تدارك تأثيرات هزيمتها السياسية (ثم العسكرية) في فيتنام وانتشار المظاهر المُعادية للولايات المتحدة التي أصبحت مُؤشّرًا على تراجع النّفوذ الأمريكي الذي ساد أوروبا وأمريكا الشمالية وجزءًا من آسيا بعد الحرب العالمية الثانية، فضلا عن التراجع الإقتصادي، وتضمّنت دراسة جين شارب حُلُولا عملية باستخدام « القُوّة النّاعمة » لتقويض المنافس السوفييتي ولتعزيز القوة الأمريكية بأساليب غير عسكرية، على غرار ما قامت به وكالة الإستخبارات الأمريكية في أوروبا من استقطاب مُثقّفين ومُفكّرين وفلاسفة ضمن مخطط احتواء « مدرسة فرنكفورت » وإنشاء « مدرسة شيكاغو » واكتساح الساحة العقائدية والثقافية، وكان هذا البحث محل اهتمام المُموّلين ( وزارة الحرب الأميركية والمؤسسات الفكرية التي تُشرف على أدائها وكالة الاستخبارات المركزية الأميركية، من وراء السّتار، وقَدّم جين شارب   مُخطّطًا لكي تستعين أجهزة الدّولة، بما في ذلك الجيش، ب »مصادر خارجية » أي شركات خاصّة، من خلال عُقُود، لتنفيذ بعض « مهام الأمن والدفاع والوظائف العسكرية التّنفيذية »، إلى جانب إغواء « النخب الفكرية بهدف التَّسَلُّل الإيديولوجي بواسطة المنظمات غير الحكومية ووسائل الإعلام والطّوائف الدّينية والمنظمات الخيرية ووكالات الإغاثة، ومجموعات اللاّجئين والمهاجرين… »

    صدور كتاب « سياسات العمل اللاعنفي » 

    كانت الولايات المتحدة تُعاني من أزمة اقتصادية تمثلت بعض مظاهرها في عجز ميزان المدفوعات وارتفاع حجم الدَّيْن العام بفعل حرب فيتنام، والتضخم النقدي وارتفاع قيمة الدولار ( الذي كان آنذاك مُقوّمًا بالذّهب) الذي استنزف احتياطيات الذهب الأميركية، خصوصًا بعد انهيار مجمع الذهب في لندن ( آذار/مارس 1968) مما أدّى – سنة 1970 – إلى تدهوُر مستوى التغطية للذهب ( كان يحق لمن يمتلك دولارات استبدالها بالذّهب ) من 55% إلى 22%، واضطرت الولايات المتحدة سنة 1971، إلى  طَبْع كميات كبيرة من الدولارات غير المدعومة بما يقابلها من الذّهب، ولذا قررت إدارة الرئيس رتشارد نيكسون التخلص من الدولار المدعوم بالذهب، وهو النظام الذي كان سائدًا منذ اتفاق بريتن وودز سنة 1944، ومكّن من ضمان النمو الاقتصادي وتجنّب الأزمات المالية، لكنه مكّن كذلك من صُعود اقتصاد المَحْمِيّات الأمريكية مثل اليابان وألمانيا، ثم استخدمت الولايات المتحدة الدّولار كسلاح ضد أعدائها أو منافسيها أو خُصُومها.   

    عندما تم نَشْرُ كتاب جين شارب، سنة 1973، انخفضت قيمة الدّولار بنسبة 10% بسبب « تعوِيمه » أي التّخلِّي عن سعر الصّرف الثّابت النّاجم عن ارتباطه بالذّهب، وهو ما اعتبره جورج سوروس ( مؤسس ومُموّل مؤسسة « أُوبن سوسايتي » أو ما  تُرْجِمَ ب »المجتمع المفتوح » ) في كتابه « كيمياء التمويل » ثورةً مكّنته من زيادة ثروته بفعل المُضاربة، وبفعل زيادة حركة تدفق رأس المال، والتّخلِّي عن السياسات الكينزِيّة التي كانت تولي أهمّية لدور الدّولة في تعديل الأُجُور والأسعار والسياسات النّقدية…

    كانت القرارات الأمريكية بشأن السياسات النّقدية ودَوْر الدّولار، سنة 1973 ، بدايةً للتحولات التي أدّت إلى انهيار أُسُس « بريتون وودز » وهيمنة الدّولار ورأس المال المالي والشركات متعددة الجنسيات على السلطة السياسية التي قامت بإلغاء القيود التنظيمية وعَمّمت عمليات الخصخصة، فضلا عن زيادة دَوْر المُجمّع الصناعي العسكري في الولايات المتّحدة، وتزامن ذلك مع تدهْوُر ظُروف العمل ودَخْل الطبقة العاملة…

    كان فكّ ارتباط الدّولار بالذّهب منعرجًا وبداية لمرحلة جديدة من تطوّر النظام الرّأسمالي، بدل المرحلة التي سادت منذ سنة 1945، وشكّلت « الثورات الملونة » حلقة من هذا التّحوّل نحو حقبة جديدة من العولمة الرّأسمالية بزعامة الإمبريالية الأقْوى والأعْظَم التي حثّت ( بل فَرَضت ) إزالة الضّوابِط والكوابح وإلغاء الفصل بين الخدمات المصرفية الإستثمارية والتجارية الذي كان سائدًا في الولايات المتحدة منذ سنة 1933، زمن الأزمة الكبرى، وتُشكّل الثورات المُلوّنة إعلانًا عن نهاية مرحلة التوسع الرأسمالي التجاري والصناعي، وتعزيز هيمنة الرأسمالية المالية والمُضاربة و »المشتقات المالية  » وتزامنت مع بعض التراجع للإقتصاد الأمريكي ( وللهيمنة الأمريكية) وأدّت هيمنة رأس المال المالي إلى جعل السياسة النقدية أداة رئيسية لمعالجة المشاكل الاقتصادية، من خلال التمويل المتزايد للاقتصاد الأميركي بواسطة الدّيون والسّندات وضخّ الدّولارات في الخارج، ونهب موارد البلدان الفقيرة ومتوسطة الدّخل بواسطة المؤسسات المالية مثل صندوق النقد الدّولي والبنك العالمي ومنظمة التجارة العالمية…  

    فرضت مؤسسات بريتن وودز خصخصة المصارف وقطاعات الصناعة والفلاحة والخدمات والتجارة، وأدّت الخصخصة وخَفْض الإنفاق الحكومي وإلغاء دعم السلع والخدمات الأساسية في البلدان الفقيرة ومتوسّطة الدّخل إلى تضخّم دور المنظمات « غير الحكومية » والخَيْرِيّة والإنسانية، لتملأ بعض الفراغ الذي تركته الدّولة، وتحتاج هذه المنظمات إلى التّمويل في شكل مِنَح أو مساعدات ليست متوفّرة في البلدان الفقيرة، وهنا يأتي دَوْر المُنَظِّر جين شارب والمُمَوِّل ( المُستَثْمر) جورج سوروس وأمثالهما، لتمويل منظمات « المجتمع المدني » (بشروط ) وهي عملية نقل السُّلطة والنّفوذ من مؤسّسات الدّولة إلى القطاع الخاص الذي لا يتبرّع بل يستثمر، ولا يعزز الديمقراطية، بل يُعزّز دَوْر الدّول الإمبريالية وشركاتها العابرة للقارات التي تفرض « اقتصاد السّوق » بدل الإقتصاد المُوَجَّه من قِبَل الدّولة ( الذي قد يكون رأسماليا أيضًا) والقواعد التي تفرضها هيمنة الدّولار والأسواق المالية أو ما اصطلح على تسميتها بالليبرالية الجديدة التي هيمنت – بواسطة المؤسسات المالية والشركات العابرة للقارات والمنظمات غير الحكومية ووسائل الإعلام – على مجمل فئات وقطاعات المجتمع، بالتوازي مع القضاء على المنافسة على المستوى الدّاخلي كما على المستوى العالمي، أي هيمنة الإحتكارات باسم الحرية أي حرية السّوق وأصبح تصدير رأس المال متفوّقًا على تصدير السّلع، وأدّى استغلال العمالة الرخيصة والكثيفة في البلدان الفقيرة إلى استنزاف موارد هذه البلدان الفقيرة، واحتكار الدّول الإمبريالية القطاعات الإستراتيجية مثل صناعة الأسلحة والقطاعات ذات القيمة الزّائدة المرتفعة مثل التكنولوجيا المتطورة…  

    الثورة هي حركة شعبية بهدف إحداث تغيير جذري للوضع السياسي والإقتصادي والاجتماعي، أما « الثورات المُلوّنة » فهي حركات سلمية تدعمها الإستخبارات الأمريكية والأوروبية مباشرة أو بواسطة منظمات « غير حكومية » أو « إنسانية » أو « حُقُوقية » تُموّلها القوى الإمبرالية وتكفّل إعلام الدّول الإمبريالية بإضافة لون لها « الثورة البرتقالية » أو « الزّرقاء » أو غيرها من الألوان باستثناء اللّوْنَيْن الأحمر والأسْود، والمقصود بها ثورات سلمية ( غير عنيفة) أو « مَخْمَلِيّة » لا تحدث سوى في بلدان تحكمها أنظمة لا ترضى عنها الإمبريالية الأمريكية وتوابعها بهدف تغيير الأنظمة القائمة بتلك البلدان ( بلدان الإتحاد السوفييتي بعد انهياره وبلدان أوروبا الشرقية والوُسطى) ويُسميها الإعلام « الغربي » ثورات « مُؤيّدة للدّيمقراطية » (pro-democracy revolutions ) أي مؤيدة للغرب، وهي احتجاجات جيّدة التنظيم لها يافطات وشارات وشعارات وألوان مُوحّدة مما يدلّ على قُوّة خَفِيّة تُشرف عليها « من وراء سِتَار »، لها مُنظّرُوها مثل « جين شارب » الذي حَرّض على حُسن التنظيم، مثل رَفْع الرّايات بشكل جماعي وبألوان موحّدة وتعيين ناطقين يُحسنون فن الخطابة والتصريحات ثم يتكفل الإعلام الغربي بنَشْر الشعارات والمطالب التي تقتصر عادة على « إسقاط النظام الديكتاتوري » دون التّعرّض لما سوف يحدث بعد ذلك، ولهذه « الثورات الملونة » من يدعمها ماليا وإعلاميا مثل « جورج سوروس » الذي لعبت مؤسساته دورًا هامًّا في الدّعاية للخصخصة ول »حرية السّوق » كبديل لتدخّل الدّولة في مسائل الأسعار والأجور وأنشأت مؤسسات جورج سوروس منظمات « المجتمع المَدَني » بهدف تغيير الحكومات والأنظمة باسم الدّيمقراطية وبأقل تكاليف ممكنة ثم يتكفّل الإعلام الرّأسمالي ( المملوك لمجموعات مصرفية أو صناعية أو تجارية ) والمحللون والمفكرون ومراكز الأبحاث والمواقع الإخبارية بكيْل المدائح للناطقين باسم هذه الإحتجاجات المُمَوّلة أمريكيًّا، وتقديمها كشكل راقي من ممارسة « الثورة »، ويشرح « جين شارب » ذلك بشكل مُفصّل في كتابه « من الدّكتاتورية إلى الدّيمقراطية » ( 1994) حيث يُؤكّد على « التخطيط المَرحلي » (التّكتيكي) والإستراتيجي « لتحقيق أكبر قدر ممكن من التأثير »، ويستشهد العديد من هؤلاء المفكّرين بتجربة بولندا، خلال عقد الثمانينيات من القرن العشرين، حيث تأسست نقابة « التّضامن » من قِبَل عُمّال الصّلب وميناء مدينة « غدانسك »، ثم استولت على قيادتها مجموعة مُقرّبة من الكنيسة الكاثوليكية والنقابات الأمريكية والأوروبية التي تدعمها وكالة الإستخبارات الأمريكية، وخاضت نقابة « التّضامن » ( سوليدارنوشك) عدّة إضرابات ومظاهرات واعتصامات مُناهضة للشيوعية كفكر وممارسة، وليس للنظام القائم في بولندا فحسْب، وتدعو صراحة إلى اقتصاد السّوق، وانتصر هذا الخط الرّجعي بفعل الدّعم الإمبريالي المادّي والإعلامي الكبير، وأصبح زعيم نقابة « تضامن » ( ليس فاليزا) رئيسًا للدّولة فيما بعد واتّسمت فترة حُكْمِهِ بالفساد والتراجع عن مكتسبات الطبقة العاملة والشباب والنّسْوة، ومع ذلك تكرّرت هذه « الثورات المُلَوّنة » التي روجت لها وسائل الإعلام المهيمنة ووسائل التواصل الاجتماعي والهواتف والكنائس والمنظمات « غير الحكومية » في المجر ويوغسلافيا وجورجيا وأوكرانيا ورومانيا وغيرها لتصبح معظم دول أوروبا الشرقية ومنطقة البلْقان والدّول المحاذية لروسيا أعضاء في حلف شمال الأطلسي والإتحاد الأوروبي…  

    أشرفت الإستخبارات الأمريكية ومؤسسات مثل فريدم هاوس أو الوَقْف الدّيمقراطي على الثورات الملونة، كما كان لجورج سوروس ومؤسساته دور هام، بدوافع مالية وإيديولوجية، وعلى سبيل المثال تأسس معهد أميركان إنتربرايز سنة 1983، وهو مُصنّف كمنظمة غير حكومية ويُديره ويُشرف على برامجه ضُبّاط متقاعدون من الجيش والإستخبارات العسكرية الأمريكية، وتُمَوِّلُهُ الحكومة بواسطة مؤسساتها غير الرّسمية، من ضمنها الصندوق القوْمي للديمقراطية وأمثاله من مراكز البحوث والمنظمات التي تُشَكِّلُ أَذْرع الإمبريالية الأميركية، ومن ضمنها صندوق كوانتوم ( الذي يُشرف على مجموعة صنادق الإستثمار التي أسسها جورج سوروس) المختص في تمويل « العمل الخيري والإنساني » في أوروبا الشرقية منذ نهاية القرن العشرين، وقام بتمويل « العمل الإجتماعي والتّربوي والتّرفيهي » في العديد من دول أوروبا الشرقية وكذلك العديد من الأحزاب السياسية ووسائل الإعلام التي ساهمت بقوة في إطلاق وإدارة « الثورات المُلوّنة »…

    مَوّلت الولايات المتحدة والإمبريالية عمومًا ( والعديد من المنظمات والأحزاب والنقابات والتيارات والأحزاب الديمقراطية الإجتماعية والكنائيس) ثورة مُلَوّنة ناجحة في بولندا، ومولت الولايات المتحدة ودعمت ثورات مُضادة في المجر ورومانيا ويوغسلافيا وفي تشيكوسوفاكيا وفكّكت معظمها وفي تشيكوسلوفاكيا كان الأرستقراطي « فاكلاف هافيل » – الذي كان يُقدّمه الإعلام كأكبر مثقف ديمقراطي ( مسرح العبث) وحصل على العديد من الجوائز، أول رئيس لتشيكيا ما بعد التقسيم ( تشيكيا + سلوفاكيا) وكان استرجاع قُصُور ومنتجعات ومزارع أُسْرَتِهِ من أوَّل قراراته…

    حدثت « الثورة الوَرْدِيّة » في جورجيا سنة 2003، بقيادة حركة « كمارا » ( كَفَى) للإطاحة بالرئيس إدوارد شيفرنادزه الذي لم يُفِدْه انبطاحة أمام الإمبريالية الأمريكية لما كان آخر وزير خارجية للإتحاد السوفييتي خلال العدوان على العراق سنة 1991، ثم جاء دَوْر أوكرانيا و « الثورة البرتقالية » سنة 2004 وكان اللون البرتقالي هو اللون الرسمي للحملة الانتخابية التي قادها المعارض فيكتور يوشنكو الذي يحظى بدعم أمريكي وأوروبي ضد فيكتور يانوكوفيتش، وكان شعار الثورة البرتقالية « بورا » أو « حان الوقت » ونجح الصّخب الإعلامي وشبكات المسيحيين البروتستنت الصهاينة الأمريكيين في إلغاء نتيجة الانتخابات وهيّأت الولايات المتحدة الظروف الكفيلة بفوز فيكتور يوشنكو واستمرت الثورات الملونة في دول الإتحاد السوفييتي المُنهار فكانت « ثورة التُّوليب » في قيرغيزيا سنة 2005  ثم أوزباكستان وغيرها، وعندما ينهزم مُرشّح الثورات الملونة تتم إزاحته بالقُوّة مثلما حدث في أوكرانيا سنة 2014 بإشراف القوى الإمبريالية ومليشيات اليمين المتطرف التي أشرفت على تدريبها الإستخبارات الأمريكية والصّهيونية، وعمومًا كانت هذه الثورات الملونة في أوروبا الشرقية مُوجّهة ضد روسيا التي كانت تُحاول النّهوض بعد إزاحة  زُمّرة بوريس يلتسين وتركيز النفوذ الأمريكي من خلال مجموعة من الأدوات، تبدأ من المنظمات « غير الحكومية » وتصل إلى الإنضمام لحلف شمال الأطلسي، وإبعاد وتشويه الأشخاص غير المُوالين للإمبريالية الأمريكية وللشركات العابرة للقارات، وتتم جميع هذه « الثورات » باسم حُرِّيّة التّعبير وباسم الديمقراطية، لتُغَيِّر الحكومات دون تحسين ظروف عيش المواطنين، بل تدهْوَرَ وضع العاملين والكادحين والنّسوة وفئات عديدة من هذه الشُّعُوب، وشكلت « الثورات المُلونة » فُرصة لتوسيع الإستثمارات الرأسمالية في أوروبا الشرقية لتكون الشركات العابرة للقارات والمصارف الكبرى المُستفيد الوحيد من هذه الأحداث…  

    شخصِيًّا لا أميل إلى تسمية ما حدث في العديد من البلدان العربية خلال نهاية 2010 وبداية 2022 « ربيعًا عربيًّا » ولا أعتبر  انتفاضات تونس ومصر « ثورات مُلَوّنة » فهي انتفاضات شعبية تلقائية، سبقتها انتفاضات جزئية، واستغلّتها القوى الرّجعية ( الإخوان المسلمون) الأكثر تنظيما والتي تمتلك المال وتُشرف على العديد من المنظمات الإنسانية والخيرية، ودعمتها الإمبريالية الأمريكية والأوروبية التي اعتبرتها القوة الوحيدة المُستعِدّة لحُكم هذه البلدان وعدم إعادة النّظر في اقتصاد السّوق وعدم تحدِّي الهيمنة الإمبريالية ( لم تستهدف الإنتفاضتان الهيمنة الإمبريالية ولم تَرِدْ في شعاراتها)، وكانت تلك الإنتفاضات بدون برامج أو أهداف واضحة وبلا قيادة تُخطّط لما بعد الإنتفاضة وإبعاد رأس النظام، وبذلك أزاحت الإمبريالية الأمريكية والأوروبية سلطات موالية لها لكنها فَقَدت مصداقيتها لتستبدلها بقوى أخرى غير متورطة في الفساد رسميا ولكنها لا تطمح لتغيير نمط الإنتاج أو هيمنة الإمبريالية، وما ذَكَرْتُهُ عن تونس ومصر يختلف عن نظرتي لما حدث في ليبيا وسوريا التي كانت تحكمها سلطات غير ديمقراطية لكنها « مُشاغبة » وغير خانعة بنسبة 100% خصوصًا بعد اقتراح القذافي مشروع عملة إفريقية مُوحّدة. أما في سوريا فلم تغفر الإمبريالية للنظام عدم توقيعه اتفاقية للتنازل عن الجولان والأراضي التي يحتلها الكيان الصهيوني، ورفضه مشروع خط أنابيب الغاز القطري الذي كان ينافس مشروعًا إيرانيا لمد خطوط نقل الغاز إلى موانئ سوريا كمرحلة نحو أوروبا…

    الطاهر المعز

Note : 5 sur 5.

« Commencer mon rôle en tant qu’administrateur WordPress a été un plaisir, grâce à son interface intuitive, sa gestion des médias, sa sécurité et son intégration des extensions, rendant la création de sites Web un jeu d’enfant. »

– Keiko, Londres

Note : 4 sur 5.

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– Sarah, New York

Note : 5 sur 5.

« Commencer mon rôle en tant qu’administrateur WordPress a été un plaisir, grâce à son interface intuitive, sa gestion des médias, sa sécurité et son intégration des extensions, rendant la création de sites Web un jeu d’enfant. »

– Olivia, Paris