Déclaration sur la censure d’une émission sur le déluge d’El Aqsa au boni du rôle des USA par Djawad Rostom Touati –

« Un grand destin est promis aux auteurs (…) qui, attaqués, creusés, retournés par les événements, s’exprimeraient en hommes, et non en mimes ingénieux. » Henri de Montherlant.

C’est par cette épigraphe que j’ai eu le privilège et l’honneur de préfacer le roman de mon frère Meslem Abdelfettah (fraternité née, nourrie et scellée dans la solidarité envers la Palestine): « Le déluge d’Al-Aqsa ». J’avais eu l’honneur de le recevoir dans l’émission « Culture, l’Autre Regard », enregistrée début juillet 2025, pour une diffusion le dernier dimanche de juillet, afin de conclure la saison sur la solidarité envers la Palestine. Hélas, l’émission a été censurée car, durant l’entretien, nous avons évoqué le soutien des États-Unis envers le génocide. On avait déjà censuré, dans un numéro précédent, un passage d’une rubrique où j’avais raillé, je cite: « le délire de Trump, qui prétend désarmer la résistance tout en continuant d’armer les génocidaires ». J’avais mis la censure sur le compte de ma formule maladroite (« délire » n’ayant peut-être pas été jugé « professionnel »). Avec Meslem Abdelfettah et son roman «Le déluge d’Al Aqsa», ce fut toute l’émission qui a été censurée pour un passage où l’invité, concernant le soutien inconditionnel des USA aux sionazis dans le génocide contre les Palestiniens, cite Madeleine Albright (puisse-t-elle pourrir en enfer): « Israël est pour nous une question de politique intérieure. » J’étais déjà en congé quand on m’a appris la censure de l’émission. J’avais donc consenti à la remplacer par une rediffusion de mon choix. Ce fut l’occasion de redécouvrir – et d’avoir sur YouTube – l’éblouissante thèse de doctorat de Keltoum Staali, et le très beau recueil poétique de Ferroudja Ousmer.

 J’avais bon espoir d’obtenir, à la rentrée, la diffusion de l’émission avec Meslem Abdelfettah sur «Le déluge d’Al Aqsa». Cependant, on m’a annoncé à ladite rentrée que «Culture, l’Autre Regard» devrait passer à un format de 13 mn, où je présenterais seul un ou deux ouvrages. Je ne suis pas assez modeste pour croire que je n’aurais pas pu parler d’un ouvrage aussi bien que son auteur, sinon mieux: l’auteur a la langue liée par la modestie, et son inconscient lui voile certains points clés de son œuvre : les angles morts où l’analyse de texte décèle ce que l’auteur dit à son insu (tout l’art de l’entretien consiste d’ailleurs à mettre au jour ce champ de l’inconscient). Mais il était évident que le changement de format n’était qu’un avatar de la censure: supprimer l’interlocuteur, et établir un script écrit d’avance pour prévenir tout « écart » futur, à mesure que le génocide se poursuit et que les ouvrages le dénonçant, lui et ses complices – surtout états-uniens – se succéderaient sur notre scène littéraire.

 Je ne pouvais donc pas avoir écrit la préface du « Déluge d’Al Aqsa », et me comporter « en mime ingénieux ». Par conséquent, j’ai décidé de mettre fin à ma collaboration avec Canal Algérie. Merci à tous les écrivains, poètes, artistes, qui ont fait vivre cette émission durant cinq merveilleuses saisons. Dieu merci, les tribunes d’expression ne manquent pas, et j’espère que nous nous retrouverons bientôt – et même de toute urgence – autour de la cause primordiale de notre temps: la cause palestinienne, et le génocide en cours. 

Dans cette optique, je vous laisse, à défaut de l’entretien que nous avons eu, découvrir ma préface au roman de Meslem Abdelfettah, «Le déluge d’Al Aqsa», en espérant qu’elle vous donnera envie de découvrir ce roman.

Djawad Rostom Touati