Akli Ourad le 29 septembre 2025

En 2010, l’Algérie se qualifie pour la Coupe du Monde de football organisée dans le pays africain que j’admire le plus : l’Afrique du Sud. Cette nation incarne bien plus qu’un simple lieu de compétition sportive. Elle est le symbole vivant de la lutte courageuse et historique menée par Nelson Mandela et ses compagnons pour abattre l’un des systèmes politiques les plus ignobles du XXe siècle : l’apartheid. Ce régime brutal était fondé sur la suprématie des colons blancs et l’oppression systématique des populations noires autochtones. C’est ainsi que j’ai décidé de faire le voyage pour soutenir notre équipe par solidarité, surtout après l’agression dont elle a été victime en Égypte et après la qualification historique d’Oum Darman.

Se retrouver à Cape Town sans visiter Robben Island, île-prison chargée d’une mémoire douloureuse, qui fut le théâtre de l’enfermement de Nelson Mandela, qui y passa 18 longues années sur les 27 ans de sa vie de bagnard, captif du régime raciste de P. W. Botha, aurait été impensable. Ce pèlerinage historique n’était pas une simple visite touristique, mais une immersion poignante dans l’une des pages les plus héroïques du continent africain.

Un des aspects répulsifs du régime raciste des Afrikaners, que j’ai découvert d’abord dans l’autobiographie de Mandela Long Walk to Freedom (La longue marche vers la liberté), et que j’ai vérifié de mes propres yeux dans cette prison, est le maintien des camarades de Mandela au seuil de la famine pendant toute la période de leur incarcération. On ne leur refusait pas totalement la nourriture pour éviter qu’ils meurent immédiatement, mais on espérait que la malnutrition finirait par les emporter de causes « naturelles » afin d’éviter le scandale planétaire que cela aurait pu provoquer. C’est ainsi que le régime carcéral abject, suivant les principes pervers de l’apartheid, avait décrété que les prisonniers noirs n’avaient pas les mêmes besoins alimentaires que les autres « races ». Les « Bantous » se voyaient privés de certains aliments essentiels, comme la confiture, les biscuits, le chocolat et n’avaient droit qu’à 30 grammes de sucre par jour. Cette distinction atroce illustre non seulement l’intolérable racisme qui imprégnait chaque aspect de leur existence, mais aussi la déshumanisation systématique des Noirs, même dans un lieu où leur condition relevait pourtant de l’esclavage.

Le plus odieux dans cette situation était la « science » prétendue qui justifiait ces discriminations. Le régime d’apartheid avait mis au point une pseudo-théorie considérant les Noirs comme une espèce inférieure, ne nécessitant pas les mêmes soins ni la même alimentation que les autres êtres humains. C’est ce système ignoble que Mandela a combattu sans relâche et qu’il a fini par vaincre, non seulement pour lui-même, mais pour tous les opprimés de son pays et de l’humanité.

Fast Forward de quelques années, à Gaza, le régime sioniste a appliqué la même logique pour réduire le peuple palestinien à la malnutrition endémique, espérant provoquer des taux de mortalité supérieurs à la normale dans le but de réduire progressivement la population autochtone jusqu’à son extinction, et ainsi annexer de facto la bande de Gaza au projet du « Grand Israël ». Depuis près de deux décennies, les organisations humanitaires affirment qu’Israël mène à Gaza une stratégie consistant à permettre juste assez d’approvisionnement alimentaire pour éviter une famine de masse, tout en empêchant la population d’atteindre une nutrition normale ou l’autosuffisance. Israël impose aux deux millions de civils de Gaza une privation alimentaire chronique.

L’aperçu le plus révélateur de cette stratégie est apparu en 2012, lorsque les tribunaux israéliens ont contraint à la publication d’un document du ministère de la Défense intitulé « Consommation alimentaire dans la bande de Gaza – Lignes rouges ». Rédigé en 2007, après la prise de pouvoir du Hamas, la présentation calculait l’apport calorique minimum nécessaire à la population de Gaza à 2 279 kcal par Palestinien et le traduisait en cargaisons de camions. La conclusion était que 106 camions par jour transportant nourriture et produits essentiels suffiraient à maintenir Gaza juste au-dessus du seuil de malnutrition. Aujourd’hui, les humanitaires ont estimé les besoins de Gaza à plus de 500 camions par jour.

Selon les termes mêmes de ce document de la honte:« Les volumes d’approvisionnement sont déterminés uniquement par le besoin réel de consommation directe du produit. » Les ONG et les instances internationales défendant les droits humains l’ont bien compris depuis longtemps. Ils qualifient ce subterfuge de « guerre économique » contre Gaza. Israël a maintenu la population gazaouie « au régime » pour l’affaiblir et lui rendre la vie insupportable. La limitation des intrants agricoles et la restriction des importations indépendantes des produits et dérivés alimentaires ont entraîné l’effondrement de la production alimentaire locale, laissant la population dépendante d’importations étroitement contrôlées par Israël pourlui appliquer ainsi sa politique de « régime alimentaire amincissant ».

L’objectif était la subsistance minimale du peuple palestinien pour provoquer une augmentation de la mortalité chez les moins de 5 ans. Vous m’avez bien compris : le cauchemar des sionistes est la fécondité des Palestiniennes. Tuer les bébés palestiniens n’est pas nouveau chez les génocidaires de la « seule démocratie » du Moyen-Orient. Cela a commencé il y a vingt ans à Gaza, depuis que les champs gaziers offshore ont été découverts au large de la malheureuse bande. Il fallait dégager les Palestiniens à tout prix pour s’accaparer cette richesse et, ce faisant, rapprocher un peu plus le chimérique projet du Grand Israël. L’attaque « héroïque » du 7 octobre a servi d’inouï prétexte aux criminels de Tel Aviv.

Depuis le 7 octobre, cette dynamique s’est transformée en une véritable catastrophe. L’ONU et d’autres organisations internationales et experts signalent une famine généralisée, une malnutrition aiguë et des décès liés à la faim. Des 2 279 kcal par Gazaoui décrétés par ce régime ignoble comme besoin maximal pour chaque Palestinien, ce ratio serait tombé à 245 calories par jour pendant le génocide en cours, selon les organisations humanitaires sur place. Cela équivaut à une seule boîte de haricots. Depuis le 7 octobre, les Gazans n’ont plus droit aux fruits et légumes frais, au lait maternisé et aux préparations pour nourrissons, à la viande rouge, à la volaille, au poisson, aux produits laitiers (fromage, lait), au chocolat, aux sucreries et biscuits, aux confitures et conserves de fruits, etc. Ces aliments sont précisément ce dont les nourrissons et les enfants ont besoin pour leur croissance. C’est une véritable condamnation à mort lente de toutes les nouvelles générations, mise en place par les stratèges de la mort siégeant à Beit Aghion (nom du siège de la Knesset que j’aurais bien aimé appeler Ben Aghioul).

Akli Ourad

N.B. Photo prise dans la cellule de 4m2 de Mandela à la prison de Robben Island.

Source : https://www.facebook.com/100006470952898/posts/5107458346146480/?mibextid=rS40aB7S9Ucbxw6v