Ne nous laissons pas taire,

ce serait le naufrage…par le silence

Tandis que les gouvernants « pantins »  d’Europe, se bousculent pour grignoter quelques reliefs du banquet Pouti-Trumpien, espérant sauver leur crédibilité plutôt que la vie de jeunes générations soldatesques Russo-Ukrainiennes, ces mêmes  « pantins » reconnaissent sans précipitation ni aucune définition territoriale un hypothétique état Palestinien, improbable voire impossible, compte-tenu de l’État colon qui le côtoie lequel,ne cesse de se déployer au mépris radical du droit international et laisse libre cours à sa politique d’extermination du peuple de Gaza et de Cisjordanie.

Qui ose encore suggérer qu’il faudrait peut-être ici juger de tout par les même règles et sans partialité ?

Les morts eux-mêmes n’ont pas le même poids semble-t-il… Et on peut fort bien le comprendre lorsqu’un vivant Gazaoui meurt de faim et,ou, de balles tirées sur lui par ce que c’est affamé par l’occupant et ventre vide, qu’il va vers les quelques rares sources de ravitaillement.

N’entend-on pas de plus en plus que tout ceci est tellement : « injuste et horrible qu’il n’y a pas de mots pour en parler et qu’il ne reste plus que le silence dans lequel se réfugier » ?  Réfugier sa sale et petite mauvaise conscience si bien abritée par « la discrétion, voire la sidération devant l’horreur, la peine et se sentir déchiré de toutes parts… »

Le carnage qui se déroule à Gaza, les victimes et témoins directs peuvent et savent courageusement le décrire aussi longtemps qu’on ne les assassine pas. Leurs témoignages évoquent la cruauté, la persécution qui conduisent la mise à faim et la mise à mort de milliers d’êtres humains tous âges et sexes confondus.

Mais l’horreur, elle, n’est pas descriptible. Elle est un sentiment.

 Il est inspiré par la connaissance et la reconnaissance d’actes monstrueux avérés et prouvés qui  depuis très longtemps, sont accessibles à quiconque le veut bien.

Aux habités par un tel sentiment d’horreur, nous vous rappelons sœurs, frères humains que jamais les mots ne peuvent manquer pour exprimer notre ressenti, le crier, le hurler, en faire entendre la puissance de révolte, seuls ou à plusieurs, comme les manifestations à travers le monde en témoignent.

Qu’on ne nous réplique pas qu’« on ne sait pas bien écrire ou parler, exprimer ses sentiments. » Se rassembler peut exprimer un NON catégorique devant « l’horreur.»

Ce n’est pas le vocabulaire qui manque, ce n’est pas la langue qui serait lacunaire, et paraîtrait désuète, incapable de dominer « l’indicible, l’inexprimable.» Ce n’est pas non plus l’écriture y compris de la poésie qui  serait devenue impossible devant les barbaries, mais ce sont la conscience, la connaissance qui font faillite, une faillite dont la déclaration souvent n’est pas sans intérêt idéologique, à moyen terme.

Nous le savons fort bien, c’est le nombre qui manque, le courage, la volonté, mais aussi et surtout l’amour pour y contribuer qui sont absents, soit en raison d’une complicité objective avec les assassins, soit encore au nom de certaines leçons critiques de l’histoire qui justifieraient une adhésion sourde au laisser-faire le temps, les autres, ne pas s’engager, ne pas se déplacer, se déranger,ne pas sortir sous peine de se perdre.

Le ressenti d’impuissance si largement partagé au regard des événements ici comme ailleurs,  est souvent le fruit d’un propre manquement à soi-même, à la nourriture de son espérance, autant de manquements qui précipitent une humanité en sa perdition.

Comment autrement expliquer que confrontées à la violation, négation du droit international,toutes ces nombreuses consciences, ces belles connaissances civilisationnelles, fières des « Lumières », héritées par transmission directe ou importées, n’en appellent pas aux devoirs et obligations de l’Homme vis à vis de valeurs essentielles qui font que la vie fait sens et que nous lui donnons sens.

Lorsque l’Usurpateur détruit par des actes de barbarie ces valeurs qui ne sont pas seulement celles de la culture occidentale mais de la culture mondiale, humaine et du dialogue des cultures, il est impératif que chacun.e s’empare de sa langue et en elle, par elle, réalise les conditions sous lesquelles un appel universel à son obligation, son devoir, est de nouveau possible.

Si à cette fin, la langue poétique est satisfaisante et peut être suffisante, elle ne saurait s’affirmer comme indispensable. Le cri de l’affamé(e) de Gaza, ses lèvres figées dans  l’in-prononcé du dernier souffle, parlent non pas l’impossible, mais l’interdit, le perdu : la nourriture, la vie…

Ce qui doit être entendu ce jour, c’est que toute langue qu’on  appelle et prononce depuis le refus de l’inéluctable, de l’invincible,  le combat qu’elle porte contre l’indicible, est non seulement possible mais indispensable par « ces temps de Gaza », pour neutraliser les bourreaux et leur langue massacrière.

On peut, on doit écrire nos ressentis profonds devant ce qui se déroule d’horrible. Il faut, on doit écrire de la poésie « pendant Gaza ». On pourra, il faudra écrire de la poésie « après Gaza ». Ces langues, ces écritures en seront d’autant plus différentes qu’elles auront mené la bataille du langage contre l’odieux.

Les poètes palestiniens de la diaspora comme ceux sur le terrain en témoignent quotidiennement.

Si le peuple Palestinien a urgemment besoin de pain, il n’a pas moins besoin d’espérance exprimée en sa langue comme en les nôtres, ici, ailleurs à travers la terre, ne serait-ce que pour contenir une heure, un jour de plus sa faim avant de s’éteindre, sans perdre son lumineux de vie et de résistance.

Le regard aimant de la mère  se réfléchit dans les yeux de l’enfant de Gaza mourant par manque de nourriture et de soins, sa fin de vie en est différente, éclairée par l’amour.

Face à la négation du droit et des valeurs essentielles, fondatrices du sens universel de vivre,toutes langues portant refus d’abandon au silence, face aux affirmations d’un « indicible », ou d’un « innommable », doivent occuper maintenant toute la place de notre expression, que celle-ci soit poétique, ou non poétique, pourvu que toutes portent  notre engagement à recouvrer pleinement le sens du devenir Homme qui nous est ôté par pantins et bourreaux associés.

A qui hésite au nom de son petit doigt… Qu’il y aille de toute son âme, l’amour l’y aidera

Philippe Tancelin

17 août 2025