𝟑𝟎𝟎 𝐠𝐫𝐚𝐦𝐦𝐞𝐬

Il avait sept ans.

Sept ans.

Et les yeux comme deux lunes crevées.

Dans le camp, la mère crache des mouches,

la sœur, trois ans, pisse la faim.

Et lui, le petit prophète aux pieds nus,

marche dans les décombres comme Moïse en sens inverse.

Vers rien.

Vers un peu de riz.

Il avance entre les rats, les gravats, les tanks à l’arrêt.

Les drones bourdonnent au-dessus de sa tête comme des guêpes bibliques.

Il cherche Dieu.

Ou juste quelque chose à mâcher.

Et là —

Le checkpoint.

L’escadron des élus.

Casques brillants, yeux morts,

dents blanches derrière des ordres.

L’un d’eux lui jette — jette ! —

un sachet de riz.

300 grammes.

Ni bénédiction, ni regard.

Mais le petit, lui,

ramasse la ration comme un prêtre ramasserait l’hostie tombée.

Il s’approche.

Et dans un geste immense — immense ! —

il embrasse la main du soldat.

Un baiser.

Un baiser à la main qui a rasé sa rue,

détruit son école,

explosé ses cousins,

et pissé sur les ruines.

Puis il se retourne.

Il court, ou tente.

Le riz contre le ventre, la lumière dans les yeux.

Et là :

PAN.

Une balle dans le dos.

Comme on écrase une blatte dans sa salle de bain.

Sans émotion.

Sans hésiter.

Parce que c’est un cafard.

Parce que ce gosse n’est pas de la lignée.

Parce qu’il est né sur la mauvaise terre,

dans le mauvais camp,

avec le mauvais sang.

Et le riz se renverse.

Éclate.

Rougit.

Les grains collent à la terre, comme des dents arrachées.

Et son corps, tout petit,

reste là, plié comme une prière jamais dite.

Le soldat, lui, range son arme.

Il a la conscience tranquille.

Il est du peuple élu.

Son père était tailleur à Varsovie,

son grand-père boucher à Budapest,

et Dieu, parait-il,

leur a promis cette terre dans un contrat signé à l’ombre d’un buisson ardent.

Alors l’enfant ?

Un obstacle.

Une souillure sur le plan divin.

Un indigène.

Un reste.

Une offrande.

Holocauste, disent-ils, ça veut dire offrande par le feu.

Alors ils offrent.

Encore.

Et encore.

Et Gaza brûle.

Je ne veux plus entendre vos versets.

Je ne veux plus voir vos pierres noires, vos murs pleurés, vos larmes scénarisées.

Un enfant a dit merci avant de mourir.

Et vous avez répondu avec une balle.

Et un silence.

Je vous accuse.

Je vous vomis.

Je vous maudis.

Vous avez pris le Nom,

et vous en avez fait une marque déposée,

un passe-droit pour le meurtre,

un tampon divin sur des missiles.

Vous avez fait de Yahvé un banquier militaire.

D’Abraham un colon.

De Moïse un chef de guerre.

Mais l’enfant,

lui,

était prophète.

Petit prophète de rien,

avec 300 grammes de riz,

un baiser au bout des doigts,

et une balle dans le dos comme testament.

Et son sang, lui,

crie plus fort que toutes vos prières.

Muḥ Muhubi

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