Un regard sur l’horreur : lecture des reportages de Francesca Albanese par Giovanni Peduto
Frantz Fanon avait déjà bien décrit la morphologie d’un territoire colonial : c’est toujours un espace divisé, fracturé en lui-même, a-dialectique, dans lequel se juxtaposent l’opulence des villes coloniales et la misère sans fin de la ville colonisée. Le pouvoir est exercé par les premiers de manière directe et brutale, sans la figure intermédiaire des institutions médiatrices comme c’est le cas, au contraire, dans les pays occidentaux. Les deux villes cohabitent l’espace, mais elles ne l’innervent pas de la même manière, et il n’y a pas non plus de dialectique symbolique entre elles : la seule et unique domination de la ville des colons existe et persiste, un sens unique impétueux, meurtrier et cynique. Cela a obligé Fanon à tirer une conclusion radicale qui est, sans surprise, l’incipit de son magnum opus (le début de sa grande œuvre) : « Libération nationale, renaissance nationale, restitution de la nation au peuple, Commonwealth, quelles que soient les étiquettes utilisées ou les nouvelles formules introduites, la décolonisation est toujours un phénomène violent. Quel que soit le niveau qu’on étudie : les rencontres interindividuelles, les nouveaux noms de clubs sportifs, le mélange humain des cocktails, la police, les conseils d’administration des banques nationales ou privées, la décolonisation est tout simplement le remplacement d’une « espèce » d’hommes par une autre « espèce » d’hommes. Sans transitions, il y a substitution totale, complète, absolue »[1]. Il n’y a pas de libération des territoires occupés par les colons, sauf en remplaçant ces derniers. Le réformisme ou la négociation, le dialogue ou l’accord ne sont pas possibles.
En lisant les rapports de la Rapporteuse spéciale de l’ONU, Francesca Albanese, sur les territoires illégalement occupés par Israël depuis 1967, on a immédiatement l’impression qu’à Gaza, la situation est exactement similaire. Les concepts mis en avant par l’éminent chercheur puisent exactement dans le vocabulaire du discours colonial (les sujets qui reviennent sont en fait : colonisateur/colonisé). Le rapport de septembre 2022 indiquait déjà clairement qu’il y avait une stratégie de régime brutal à Gaza, caractérisée par : « la répression de la participation politique et civile, le déni du droit de résidence, l’expropriation des terres et des biens palestiniens, les transferts forcés, les meurtres, les arrestations et les détentions illégales, y compris les enfants, la violence des colons et la répression violente de la résistance contre l’occupation »[2].
Les approches canoniques de la question palestinienne la déclassifient comme un différend politique dramatique, mettant en évidence trois aspects : humanitaire, politique et économique. Une fois cataloguée dans cette catégorie, la question de Gaza se perd dans la masse des nombreux conflits sociaux et politiques, perdant sa spécificité historique, prenant l’apparence d’une contingence conflictuelle qui peut être résolue pacifiquement par des négociations appropriées. Cette approche, cependant, selon l’auteur, « confond causes profondes et symptômes » [3]. Elle sous-estime également la surdité dure et prolongée d’Israël au droit international, le traitant comme un « cas isolé » et non comme faisant partie d’une stratégie structurelle visant à affaiblir et à éradiquer les Palestiniens de leurs territoires [4]. Albanese analyse ensuite la catégorie de l’apartheid, qui a été mise en avant depuis un certain temps par la littérature critique. Cependant, même cette dernière a des limites, ne tenant pas compte de la dépossession continue subie par les Palestiniens, ni du désir des colons de « les remplacer par leurs propres compatriotes ». Le cas de Gaza et de la Cisjordanie n’est pas le fait d’un simple enfermement ou confinement ethnique, mais d’une tentative prolongée de substitution. C’est la raison qui conduit l’auteur à considérer que les polarités conceptuelles du discours décolonial sont plus appropriées, qui envisagent, d’une part, les épisodes de prévarication violente et meurtrière, de remplacement ethnique et, d’autre part, la revendication du droit à l’autodétermination par les colonisés. L’occupation d’Israël n’est pas « simplement belligérante », conséquence d’un conflit historique, mais « coloniale dans sa nature », « poursuivant ce que le mouvement sioniste avait espéré pour Israël il y a plus d’un siècle »[5].
Le rapport qui a suivi, daté du 20 octobre 2023 et, par conséquent, à la suite de l’attaque terroriste fatidique du Hamas, est consacré à la condition des mineurs dans les territoires occupés. Albanese commence par présenter une caractéristique très particulière de ce territoire : environ la moitié des habitants sont des enfants, avec 30 % de la population composée d’enfants de moins de 15 ans [6]. Ils représentent la partie de la population de Gaza qui est la plus touchée par les drames de l’occupation : le savant utilise le concept technique de « unchilding », qui peut être traduit par la privation de l’enfance, c’est-à-dire de la normalité, de l’innocence, de l’affection et de la légèreté qui devraient caractériser toute enfance humaine. La suspicion d’être des enfants « mineurs », c’est-à-dire des enfants dont la vie a moins de valeur humaine, est répandue parmi la population infantile de Gaza. Albanese rapporte : « Les enfants palestiniens vivent dans des espaces séparés et des communautés hostiles. Les moyens de subsistance de leurs familles, l’accès à l’emploi, aux soins de santé, aux possibilités de loisirs, aux perspectives d’avenir et à la mobilité sont tous contrôlés par Israël. Les enfants palestiniens sont conscients des défis auxquels ils sont confrontés « en tant que Palestiniens ». Se sentant aliénés dans leur propre pays, ils se demandent : « Pourquoi en est-il ainsi ? Sommes-nous moins humains ? » Ou « Avons-nous moins de valeur ? » [7].
Même avant l’attaque israélienne, la mortalité infantile des enfants de moins de 5 ans était passée à 14,8 pour 1000 naissances. De 2008 jusqu’à avant l’invasion, le nombre d’enfants tués a atteint 1434, tandis que 32 175 autres ont été grièvement blessés. Le spectre de la mort dominait déjà, bien avant la réaction israélienne au 7 octobre, l’univers mental des enfants palestiniens. Dans un passage touchant, Albanese écrit : « Le spectre de la mort plane comme un élément dominant dans la vie des enfants palestiniens. Cette réalité a un impact psychosocial sur ceux qui parviennent à survivre, comme l’exprime de manière poignante Ouadia, 14 ans : « La peur de la mort n’empêche pas de mourir, mais elle vous empêche de vivre » [9]. Le meurtre d’enfants n’était pas seulement un fait accidentel des attaques israéliennes, mais il était souvent poursuivi volontairement, comme le montre l’histoire de Sadeel Naghniyeh, une jeune fille de 15 ans tuée par un tireur embusqué alors qu’elle se trouvait dans son jardin à Djénine, après le retrait israélien.10
Cette inhumanité généralisée s’était déjà traduite par des attaques répétées contre des hôpitaux et des cliniques médicales (jusqu’à 180), frappant 80 ambulances et tuant 41 médecins. De plus, la violence ne semble pas être perpétrée exclusivement par les forces armées israéliennes, mais par les colons eux-mêmes. Toujours dans le rapport de 2023, nous lisons : « Les formes extrêmes de violence des colons comprennent les incursions dans les propriétés palestiniennes, y compris la nuit, les « pogroms » réguliers, les incendies d’infrastructures et les agressions physiques contre les résidents palestiniens, le tout sous les yeux des forces d’occupation israéliennes, dont certains ont été publiquement salués par de hauts responsables israéliens. Lors de ces incidents, des enfants sont également pris pour cible lorsqu’ils fuient des soldats, comme Ramzi Fathi, 17 ans, qui a été tué par balle à la poitrine et à l’abdomen. « La vie des enfants devrait être sacro-sainte », a déclaré une mère de trois enfants du camp de réfugiés de Djénine. Au lieu de cela, « nos enfants sont tués, menacés, intimidés ; c’est tout un système conçu pour cela »››[11].
L’analyse des données recueillies par Albanese, avant les tristement célèbres dossiers sur le génocide et sur les entreprises impliquées dans le commerce de la mort, est très importante car elle introduit une perspective sans précédent dans le débat public : de ses rapports, il ressort que l’attaque israélienne démesurée n’est pas seulement une réaction à l’attaque terroriste du 7 octobre, mais un mouvement décisif dans le cadre d’une stratégie plus large, qui remet en question les croyances politiques coloniales de la classe dirigeante israélienne, qui se sont installées au fil des décennies. Les événements atroces du 7 octobre commis par le Hamas ont libéré la classe dirigeante israélienne de toute hésitation politique et morale, lui permettant de poursuivre jusqu’au bout son ancien projet colonial. En fait, dans le rapport d’octobre 2024, le génocide des Palestiniens est décrit en termes de « colonial erasure » c’est-à-dire « d’effacement colonial » et dans l’introduction, on peut lire : « Dans ce rapport, le Rapporteur spécial (F. Albanese) étend l’analyse des violences commises contre Gaza après le 7 octobre 2023, qui se sont étendues à la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est. Elle se concentre en particulier sur l’intention génocidaire, plaçant la situation dans le contexte d’un processus de plusieurs décennies d’expansion territoriale et de nettoyage ethnique qui vise à liquider la présence palestinienne en Palestine. Elle propose que le génocide soit considéré comme une partie intégrante de l’objectif d’Israël de coloniser pleinement les terres palestiniennes en éliminant autant de Palestiniens que possible.
C’est dans le rapport de 2024 qu’Albanese donne un nom à la stratégie politique suivie par le gouvernement israélien : il s’agit de poursuivre l’objectif du « Grand Israël » (Eretz Israël) qui, depuis le début, a été le projet sioniste : « Les gouvernements successifs ont poursuivi cet objectif, qui est basé sur l’effacement du peuple palestinien autochtone. Même après les accords d’Oslo, qui ont signalé le soutien international à la solution à deux États, le plan a été mis en œuvre. Depuis lors, le nombre de colonies israéliennes est passé de 128 à 358 et le nombre de colons de 256 400 à 714 600. La loi sur l’État-nation de 2018 a fait de la souveraineté juive exclusive sur « Eretz Yisrael » et la « colonie juive » une priorité nationale. Le 28 décembre 2022, le gouvernement israélien actuel a annoncé son plan d’expansion des colonies en Cisjordanie et progresse agressivement dans la confiscation de terres et l’expansion des colonies. En septembre 2023, devant l’Assemblée générale, le Premier ministre Netanyahou a présenté une carte d’Israël en effaçant le territoire palestinien occupé et en y superposant le nom d’Israël »[13].
Selon le Rapporteur spécial, les événements du 7 octobre ont complété le tableau en ajoutant l’élément qui manquait à la pleine mise en œuvre du plan colonial, à savoir une vague de haine et un désir de vengeance bien enracinés dans la société civile : « Les événements du 7 octobre ont donné l’élan nécessaire pour faire avancer l’objectif du « Grand Israël ». (…) La violence et le traumatisme subis par les Israéliens le 7 octobre ont renforcé l’animosité collective et multiplié les appels à l’anéantissement. Comme pour d’autres génocides, l’atmosphère de vengeance qui s’est créée a préparé les soldats à devenir des « exécuteurs volontaires » des tâches atroces qui leur étaient assignées.
À ce stade, l’étape suivante consistait à identifier l’ethnie palestinienne comme l’ennemi absolu et inhumain, l’ennemi dont l’existence même met en danger la sécurité des colons. La preuve en serait les meurtres inhumains et furieux, documentés ces derniers mois. Albanese écrit : « La fréquence inquiétante et l’insensibilité à l’égard des meurtres de personnes identifiables comme des civils sont « emblématiques de la nature systématique » des intentions destructrices. Hind Rajab, 6 ans, tuée par 355 balles après avoir pleuré pendant des heures pour demander de l’aide ; Muhammed Bhar, atteint du syndrome de Down, mortellement abattu par des chiens ; Atta Ibrahim Al-Muqaid, un homme âgé sourd, exécuté à son domicile et dont le meurtre a été diffusé sur les réseaux sociaux par l’auteur et d’autres soldats, bébés prématurés délibérément abandonnés à une mort lente et à la décomposition dans l’unité de soins intensifs de l’hôpital Nasr ; Bashir Hajji, un homme âgé tué alors qu’il se rendait dans le sud de Gaza après être apparu sur une photo de propagande du « couloir sûr » ; Abou al-Ola, otage menotté, tué par un tireur embusqué après avoir reçu l’ordre d’entrer à l’hôpital Nasser pour transmettre les ordres d’évacuation.
Cependant, un génocide – affirme le Rapporteur spécial – peut être perpétré à différents niveaux. L’image instantanée qui me vient à l’esprit est celle de meurtres brutaux, d’un carnage qui n’épargne même pas les enfants ; Cependant, il existe aussi d’autres méthodes, plus subtiles et mesquines : l’expropriation des terres et des biens, la création d’un traumatisme intergénérationnel intense qui interrompt la transmission culturelle des traditions et des idées, les transferts forcés, la propagation de la misère et la dégradation de l’environnement qui rendent les lieux autochtones insalubres et invivables ; déni du droit à l’éducation. Toute stratégie politique et/ou militaire qui tend à rompre le lien entre une culture et sa terre de germination, qui bloque le changement générationnel et empêche la transmission de la culture d’un peuple est concevable comme une stratégie intrinsèquement génocidaire. C’est à ce niveau d’analyse que l’on rencontre la complicité de nombreuses multinationales et entreprises : le dernier rapport a fait scandale précisément parce qu’il reconnaissait au cœur de l’occupation israélienne l’indispensable solidarité de nombreux potentats économiques du monde occidental. Et – a précisé Albanese – ce ne serait que la « partie émergée de l’iceberg » [16]. Microsoft, IBM, Google et Amazon sont parmi les plus connus, mais les noms de Leonardo et de BNP Paribas apparaissent également dans le rapport. Les entreprises impliquées opèrent dans les domaines de la défense, de l’innovation technologique, de la surveillance, des investissements financiers, de la logistique mais aussi de l’industrie automobile.
Le tableau offert par le travail très important du Rapporteur spécial est indispensable car il offre un premier cadre systématique et historique du terrible génocide qui se déroule à Gaza. Il nous permet d’entrevoir un avant-goût de l’horreur que les historiens futurs pourront peut-être voir clairement : « Quand la poussière retombera sur Gaza, nous connaîtrons l’ampleur réelle de l’horreur endurée par les Palestiniens »[17].
[1] F. Fanon, I dannati della terra, trad. par C. Cignetti, Einaudi, Turin 1962, p. 32.
[2] F. Albanese, Rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, 21 septembre 2022, p. 4. La traduction de ce passage et de tous ceux qui suivent est de l’auteur de l’article : il ne s’agit pas d’une traduction officielle. Ressource disponible sur le lien : https://docs.un.org/en/A/77/356
[3] Ibid., p. 5.
[4] Ibidem. Albanese écrit : « et se concentre sur le non-respect par Israël du droit international comme un phénomène cloisonné, plutôt que comme une composante structurelle de longue date de la privation prolongée du droit de vote des Palestiniens sous occupation ».
[5] Ibid., p. 12.
[6] Voir F. Albanese, Rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, 20 octobre 2023, p. 3. Ressource disponible sur le lien : https://docs.un.org/en/A/78/545
[7] Ibid., p. 4.
[8] Ibid., p. 8.
[9] Ibidem.
[10] Ibid., p. 11.
[11] Ibid., p. 11.
[12] F. Albanese, Le génocide comme effacement colonial. Rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, 1er octobre 2024, p. 3. Ressource disponible sur le lien : https://docs.un.org/en/A/79/384
[13] Ibid., p. 20.
[14] Ibid., p. 22.
[15] Ibid., p. 26.
[16] Cf. F. Albanese, De l’économie de l’occupation à l’économie du génocide. Rapport du Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967, 30 juin 2025, p. 1.
Ressource disponible sur le lien : https://www.ohchr.org/sites/default/files/documents/hrbodies/hrcouncil/sessions-regular/session59/advance-version/a-hrc-59-23-aev.pdf
[17] Id., Le génocide comme effacement colonial, op. cit., p. 26.
Uno sguardo nell’orrore: lettura dei report di Francesca Albanese | La Fionda
Uno sguardo nell’orrore: lettura dei report di Francesca Albanese
7 Lug , 2025| Giovanni Peduto | 2025 | Visioni
Già Frantz Fanon aveva ben descritto la morfologia di un territorio coloniale: si tratta sempre di uno spazio diviso, in sé fratturato, a-dialettico, in cui sono giustapposte l’opulenza delle città dei coloni e la miseria senza fine della città dei colonizzati. Il potere è esercitato dai primi in maniera diretta e brutale, senza l’interposta figura di istituzioni mediatrici come accade, invece, nei Paesi occidentali. Le due città coabitano lo spazio, ma non lo innervano allo stesso modo, né tra loro esiste una dialettica simbolica: esiste e persiste il solo e unico dominio della città dei coloni, una monodirezionalità impetuosa, omicida e cinica. Ciò imponeva a Fanon una conclusione radicale che è, non a caso, l’incipit del suo opus magnum: ‹‹Liberazione nazionale, rinascita nazionale, restituzione della nazione al popolo, Commonwealth, qualunque siano le etichette impiegate o le formule nuove introdotte, la decolonizzazione è sempre un fenomeno violento. A qualsiasi livello venga studiato: incontri interindividuali, appellativi nuovi delle società sportive, impasto umano dei cocktails-parties, della polizia, di consigli d’amministrazione delle banche nazionali o private, la decolonizzazione è molto semplicemente la sostituzione d’una «specie» di uomini con un’altra «specie» di uomini. Senza transizioni, c’è sostituzione totale, completa, assoluta››[1]. Non c’è liberazione dei territori occupati da coloni, se non mediante sostituzione di quest’ultimi. Non è possibile riformismo o negoziazione, dialogo o accordo.
Leggendo i report della relatrice speciale per l’ONU, Francesca Albanese, per i territori occupati illegalmente da Israele dal 1967, si ha subito l’impressione che a Gaza si tratti esattamente di una situazione simile. I concetti messi in campo dall’insigne studiosa attingono esattamente al vocabolario del discorso coloniale (i soggetti che ritornano sono infatti: settler/colonized). Già il rapporto del settembre 2022 faceva bene emergere l’esistenza di una strategia di dominio brutale a Gaza, caratterizzata da: ‹‹repressione della partecipazione politica e civile, negazione del diritto di residenza, espropriazione delle terre e delle proprietà palestinesi, trasferimenti forzati, omicidi, arresti e detenzioni illegali comprendenti bambini, violenza dei coloni e soppressione violenta della resistenza contro l’occupazione››[2].
I canonici approcci alla questione palestinese la derubricano a drammatica contesa politica, mettendone in risalto tre aspetti: umanitario, politico ed economico. Una volta incasellata in questa categoria, la questione di Gaza si perde nella risma dei tanti conflitti sociali e politici, perdendo la propria specificità storica, assumendo le sembianze di una contingenza conflittuale passibile di risoluzione pacifica tramite un opportuno negoziato. Questo approccio, però, secondo l’autrice, ‹‹confonde causa profonde e sintomi››[3]. Sottostima, inoltre, la dura e prolungata sordità di Israele al diritto internazionale, trattandola come un ‹‹caso isolato›› e non come parte di una strategia strutturale tesa a fiaccare e ad eradicare i palestinesi dai loro territori[4]. Albanese analizza, in seguito, la categoria di apartheid, avanzata già da tempo dalla letteratura critica. Tuttavia, anche questa ha dei limiti, non riuscendo a dar conto delle continue espropriazioni subite dai palestinesi, né del desiderio dei coloni di ‹‹sostituirli con i propri connazionali››. Il caso di Gaza e della Cisgiordania non riguarda un mero confinamento etnico, ma un prolungato tentativo di sostituzione. È questo il motivo che induce l’autrice a ritenere più idonee le polarità concettuali proprie del discorso decoloniale, le quali contemplano in sé, da un lato, gli episodi della prevaricazione violenta e omicida, della sostituzione etnica e, dall’altro lato, l’istanza del diritto all’autodeterminazione da parte dei colonizzati. L’occupazione di Israele non è ‹‹meramente belligerante››, strascico di un conflitto storico, bensì ‹‹coloniale nella propria natura››, ‹‹continuando ciò che il movimento sionista aveva auspicato per Israele più di un secolo fa››[5].
Il successivo report, datato 20 ottobre 2023 e, dunque, successivo al fatidico attacco terroristico di Hamas, è dedicato ad un focus sulla condizione minorile nei territori occupati. Albanese esordisce presentando una caratteristica del tutto peculiare di quel territorio: circa metà dei residenti è costituita da bambini, con il 30% della popolazione costituita da bambini sotto i 15 anni[6]. Sono costoro a rappresentare quella parte di popolazione a Gaza che più risente dei drammi dell’occupazione: la studiosa utilizza il concetto tecnico di unchilding, che è possibile tradurre con privazione dell’infanzia, ossia, della normalità, dell’innocenza, dell’affetto e della leggerezza che dovrebbe caratterizzare ogni infanzia umana. Il sospetto di essere dei bambini “minori”, ossia, bambini la cui vita possiede meno valore umano, è diffuso nella popolazione minorile di Gaza. Riporta la Albanese: ‹‹I bambini palestinesi vivono in spazi segregati e in comunità ostili. Il sostentamento delle loro famiglie, l’accesso al lavoro, all’assistenza sanitaria, le opportunità di svago, le prospettive future e la mobilità sono tutti controllati da Israele. I bambini palestinesi sono consapevoli delle sfide che affrontano “in quanto palestinesi”. Sentendosi alienati nella loro terra, si chiedono: “Perché è così? Siamo meno umani?” o “Abbiamo meno valore?”››[7].
Già prima dell’attacco israeliano, la mortalità infantile dei bambini fino ai 5 anni era salita a 14,8 su 1000 nascite. Dal 2008 a prima dell’invasione, i bambini uccisi raggiungevano il numero di 1434, mentre altri 32175 sono stati gravemente feriti[8]. Lo spettro della morte dominava già, ben prima della reazione israeliana al 7 ottobre, l’universo mentale dei bambini palestinesi. In un passaggio toccante, la Albanese scrive: ‹‹Lo spettro della morte incombe come elemento dominante nella vita dei bambini palestinesi. Questa realtà ha un impatto psicosociale su coloro che riescono a sopravvivere, come espresso in modo toccante da Ouadia, 14 anni: “Temere la morte non ti impedisce di morire, ma ti impedisce di vivere”››[9]. L’uccisione di bambini non costituiva solo un fatto accidentale degli attacchi israeliani, ma era spesso volontariamente perseguito: lo dimostra la storia di Sadeel Naghniyeh, una quindicenne uccisa dal colpo di un cecchino mentre era nel suo cortile a Jenin, dopo il ritiro israeliano[10].
Questa disumanità diffusa era già sfociata nell’attacco ripetuto ad ospedali e cliniche mediche (ben 180), colpendo 80 ambulanze e uccidendo 41 medici. La violenza, inoltre, non sembrava essere perpetrata esclusivamente dalle forze armate di Israele, ma dagli stessi coloni. Ancora nel report del 2023 leggiamo: ‹‹Forme estreme di violenza dei coloni includono incursioni nelle proprietà palestinesi, anche notturne, regolari “pogrom”, incendi di infrastrutture e aggressioni fisiche contro i residenti palestinesi, il tutto sotto gli occhi delle forze di occupazione israeliane, alcune delle quali pubblicamente elogiate da alti funzionari israeliani. In questi incidenti, i bambini vengono presi di mira anche quando fuggono dai soldati, come Ramzi Fathi, 17 anni, che è stato colpito a morte al petto e all’addome. “La vita dei bambini dovrebbe essere sacrosanta”, ha affermato una madre di tre figli del campo profughi di Jenin. Invece, “i nostri figli vengono uccisi, minacciati, intimiditi; è un intero sistema progettato per questo”››[11].
Analizzare i dati raccolti dalla Albanese, prima dei famigerati dossier sul genocidio e sulle aziende coinvolte nel business della morte, è molto importante perché introduce nella discussione pubblica una prospettiva inedita: dai suoi report emerge che lo smisurato attacco israeliano non è solo una reazione all’attacco terroristico del 7 ottobre, bensì una mossa decisiva all’interno di una strategia di più ampio respiro, che chiama in causa convinzioni politiche coloniali della classe dirigente israeliana, sedimentatesi nel corso di decenni. Gli atroci fatti del 7 ottobre commessi da Hamas hanno svincolato la classe dirigente israeliana da ogni remora politica e morale, permettendole di perseguire fino in fondo il proprio antico progetto coloniale. Nel rapporto dell’ottobre 2024, infatti, il genocidio dei palestinesi è descritto nei termini di colonial erasure, ossia, “cancellazione coloniale” e nell’introduzione leggiamo: ‹‹In questo rapporto, la Relatrice Speciale estende l’analisi delle violenze commesse contro Gaza dopo il 7 ottobre 2023, che si sono diffuse fino alla Cisgiordania, compresa Gerusalemme Est. Si concentra in particolare sull’intento genocida, collocando la situazione nel contesto di un processo decennale di espansione territoriale e pulizia etnica che mira a liquidare la presenza palestinese in Palestina. Propone di considerare il genocidio come parte integrante dell’obiettivo di Israele di colonizzare completamente le terre palestinesi eliminando il maggior numero possibile di palestinesi››[12].
È nel rapporto del 2024 che la Albanese conferisce un nome alla strategia politica seguita dal governo israeliano: si tratta di perseguire l’obiettivo della ‹‹“Grande Israele” (Eretz Israel)›› proprio, sin dagli inizi, del progetto sionista: ‹‹I governi che si sono succeduti hanno perseguito questo obiettivo, che si basa sulla cancellazione del popolo indigeno palestinese. Anche dopo gli Accordi di Oslo, che hanno segnalato il sostegno internazionale alla soluzione dei due Stati, il piano è andato avanti. Da allora, il numero degli insediamenti israeliani è aumentato da 128 a 358 e il numero di coloni da 256.400 a 714.600. La Legge sullo Stato-Nazione del 2018 ha reso la sovranità ebraica esclusiva su “Eretz Yisrael” e sull’“insediamento ebraico” una priorità nazionale. Il 28 dicembre 2022, l’attuale governo israeliano ha annunciato il suo piano per espandere gli insediamenti in Cisgiordania e ed è aggressivamente avanzato nella confisca delle terre e nell’espansione delle colonie. Nel settembre 2023, davanti all’Assemblea Generale, il Primo Ministro Netanyahu ha presentato una mappa di Israele cancellando il territorio palestinese occupato e sovrapponendoci il nome di Israele››[13].
Secondo la relatrice speciale i fatti del 7 ottobre hanno completato il quadro aggiungendo l’ingrediente che mancava per la piena attuazione del piano coloniale, ossia, un humus di odio e desiderio di vendetta ben radicato nella società civile: ‹‹Gli eventi del 7 ottobre hanno fornito lo slancio necessario per portare avanti l’obiettivo del “Grande Israele”. (…) La violenza e il trauma subiti dagli israeliani il 7 ottobre hanno rafforzato l’animosità collettiva e sono aumentate le richieste di annientamento. Come altri genocidi, l’atmosfera di vendetta che si creò preparò i soldati a diventare “esecutori volontari” degli atroci compiti loro assegnati››[14].
A questo punto, il passo successivo è consistito nell’identificare l’etnia palestinese come il nemico assoluto, inumano, il nemico la cui stessa esistenza mette in pericolo l’incolumità dei coloni. Prova di ciò, sarebbero le disumane e rabbiose uccisioni, documentate in questi ultimi mesi. Scrive Albanese: ‹‹L’inquietante frequenza e l’insensibilità per l’uccisione di persone identificabili come civili sono “emblematiche della natura sistematica” dell’intento distruttivo. Hind Rajab, 6 anni, ucciso da 355 proiettili dopo aver pianto per ore chiedendo aiuto; Muhammed Bhar, affetto da sindrome di Down, massacrato mortalmente dai cani; Atta Ibrahim Al-Muqaid, anziano sordo, giustiziato nella sua abitazione e il cui omicidio è stato diffuso sui social media dall’autore e da altri soldati; bambini prematuri abbandonati deliberatamente a una morte lenta e alla decomposizione nel reparto di terapia intensiva dell’ospedale Nasr; Bashir Hajji, uomo anziano ucciso mentre era in viaggio verso il sud di Gaza dopo essere apparso in una foto di propaganda del “corridoio sicuro”; Abu al-Ola, ostaggio ammanettato, ucciso da un cecchino dopo che gli era stato ordinato di entrare nell’ospedale Nasser per trasmettere gli ordini di evacuazione››[15].
Un genocidio, tuttavia – argomenta la relatrice speciale – si può perpetrare a diversi livelli. L’immagine istantanea che sovviene è quella dei brutali omicidi, delle carneficine che non risparmiano nemmeno i bambini; esistono, però, anche altri metodi, più sottili e meschini: espropriazione delle terre e delle proprietà, creazione di un intenso trauma intergenerazionale che interrompe la trasmissione culturale delle tradizioni e delle idee, trasferimenti forzati, diffusione di miseria e degrado ambientale che rendono insalubri e invivibili i luoghi natii; negazione del diritto all’istruzione. Ogni strategia politica e/o militare che tende a interrompere il nesso tra una cultura e la relativa terra di germinazione, che blocca il ricambio generazionale e impedisce alla cultura di un popolo di tramandarsi è concepibile come strategia intrinsecamente genocidaria. È a questo livello dell’analisi che incontriamo la complicità di tante multinazionali e aziende: l’ultimo report ha suscitato scandalo proprio perché riconosceva al cuore dell’occupazione israeliana l’indispensabile solidarietà di tanti potentati economici del mondo occidentale. E – precisava la Albanese – si tratterebbe solo della ‹‹punta dell’iceberg››[16]. Microsoft, IBM, Google e Amazon sono tra le più famose, ma all’interno del report compaiono anche i nomi di Leonardo e BNP Paribas. Le aziende coinvolte operano nei settori della difesa, dell’innovazione tecnologica, della sorveglianza, degli investimenti finanziari, della logistica e anche dell’industria automobilistica.
Il quadro offerto dall’importantissimo lavoro della relatrice speciale è indispensabile perché offre un primo inquadramento sia sistematico che storico del terribile genocidio in atto a Gaza, Ci permette di scorgere in anteprima quell’orrore che gli storici del futuro potranno, forse, vedere con chiarezza: ‹‹Quando la polvere si poserà su Gaza, conosceremo la reale entità dell’orrore sopportato dai Palestinesi››[17].
[1] F. Fanon, I dannati della terra, trad. di C. Cignetti, Einaudi, Torino 1962, p. 32.
[2] F. Albanese, Report of the Special Rapporteur on the situation of human rights in the Palestinian territories occupied since 1967, 21 settembre 2022, p. 4. La traduzione di questo passaggio e di tutti quelli che seguono è dell’autore dell’articolo: non si tratta di una traduzione ufficiale. Risorsa disponibile al link: https://docs.un.org/en/A/77/356
[3] Ivi, p. 5.
[4] Ibidem. Albanese scrive: ‹‹(…) and focus on Israeli lack of compliance with international law as a siloed phenomenon, rather than a longstanding structural component of the prolonged disfranchisement of the Palestinians under occupation››.
[5] Ivi, p. 12.
[6] Cfr. F. Albanese, Report of the Special Rapporteur on the situation of human rights in the Palestinian territories occupied since 1967, 20 ottobre 2023, p. 3. Risorsa disponibile al link: https://docs.un.org/en/A/78/545
[7] Ivi, p. 4.
[8] Ivi, p. 8.
[9] Ibidem.
[10] Ivi, p. 11.
[11] Ivi, p. 11.
[12] F. Albanese, Genocide as colonial erasure. Report of the Special Rapporteur on the situation of human rights in the Palestinian territories occupied since 1967, 1 ottobre 2024, p. 3. Risorsa disponibile al link: https://docs.un.org/en/A/79/384
[13] Ivi, p. 20.
[14] Ivi, p. 22.
[15] Ivi, p. 26.
[16] Cfr. F. Albanese, From economy of occupation to economy of genocide. Report of the Special Rapporteur on the situation of human rights in the Palestinian territories occupied since 1967, 30 giugno 2025, p. 1.
Risorsa disponibile al link: https://www.ohchr.org/sites/default/files/documents/hrbodies/hrcouncil/sessions-regular/session59/advance-version/a-hrc-59-23-aev.pdf
[17] Id., Genocide as colonial erasure, op. cit., p. 26.