Fatima-Je me souviens Fatima poème de Yves Béal
à Fatima Hassouna, journaliste
assassinée à Gaza le 16 avril 20251
à Jacques Prévert et son poème « Barbara »

Je me souviens Fatima
Du bruit des bombes sur Gaza
Tu me disais douce et riante
Si je meurs, je veux une mort retentissante
Une mort qui parle au monde
Je me souviens Fatima
la vie pleurait fort sur Gaza
je ne t’ai pas rencontrée rue Al-Nafaq
mais je sais que tu savais que sur les ondes
on parlait déjà de l’œil de Gaza
je me souviens Fatima
de ton sourire, de ta lumière là-bas
de ma colère et de la nuit si noire, là
je ne me souviens pas
je ne me souviens pas de ces jours-là
mais dans mon cœur s’est gravé ton pas
tombaient les bombes, les balles sifflaient
moi j’entendais vibrer ton nom
Fatima ta voix
et tes images étalaient du massacre les ombres
Retentissante ta mort marquait des heures le glas
Et tu as posé ton âme sur ta main, tu as marché dans Gaza
Je me souviens de toi Fatima
Comme je me souviens de Barbara
Et comme Prévert, « ne m’en veux pas si je te tutoie
Je dis tu à toutes celles que j’aime
Même si je ne les ai vues qu’une seule fois »
Je me souviens Fatima,
je me souviens Barbara
pourtant je n’y étais pas
ce rendre-grâce réservé, comme chanceux,
ce soleil rayonnant dans tes yeux
ce soleil douloureux dans le ciel bleu
cette grâce refusée, cette évacuation forcée
ces hommes ces femmes ces enfants
dans les ruines des bombardements
chère Fatima
quelle misère que cette injuste guerre
qui s’insinue sournoisement
et qui détruit jusqu’à l’âme de nos frères
dans un vacarme qui n’est pas que le vent
et ce premier coucher de soleil depuis longtemps
le dernier chant du ciel avant
est-ce mauvais présage ou embellie pour les vivants ?
chère Fatima
il gronde encore le bruit des bombes sur Gaza
comme pouvait gronder l’ouragan
mais rien n’est semblable, ta maison est brisée
et avec elle, ta famille, les tiens, tous assassinés
nous sommes millions en cage
à voir l’enfer les balles le sang
presqu’impuissants devant la rage
d’un féroce œil pour œil dent pour dent
qui s’acharne de deux missiles à une heure du matin
sur cet enfant à naitre le 16 avril chagrin
et même si de Gaza il ne reste rien
que les bourreaux soient jugés, par ton sourire, ta ténacité,
pour ta mémoire et pour le bien.
Yves Béal – 6/9 juin 2025