Publié le 1 juillet 2025 · dans Discours ·

C’est un centenaire dramatique, celui qui célèbre la naissance de Frantz Fanon, qui a eu lieu en Martinique le 20 juillet 1925. C’est dramatique pour la référence évidente, évidente et traumatisante à ce qui se passe à Gaza à partir du 7 octobre 2023. Et c’est dramatique parce qu’elle nous oblige à entrer en contact direct avec la partie la plus cinglante de la pensée et de la vie du psychiatre antillais : celle des muscles qui se plient en attendant d’atterrir la patte, celle de « l’homme à la serpe », inquiet de l’avoir sous la main, lorsqu’il « entend un discours sur la culture occidentale » (Frantz Fanon, Les damnés de la terre, Turin, p. 10)

Il est inutile de faire comme si de rien n’était. Les cinquantièmes anniversaires et centenaires qui se succèdent sans cesse au premier siècle du nouveau millénaire, nous habituent à dérouler le film du XXe siècle en touristes de l’histoire. C’est ambiguëment agréable. Activez la nostalgie. Cela justifie la mélancolie. Elle produit une désorientation réfléchie qui est fondamentalement rassurante, dans la mesure où elle légitime la contemplation sceptique des sacrifices et des échecs accumulés par les générations précédentes.


Avec Fanon, maintenant, cette pièce est impossible. C’est comme si, pour un mauvais tour joué par hasard dans les départements d’études culturelles, il fallait à nouveau se cogner la tête sur des mots durs : sur le scandale de la violence qui détoxifie1, sur l’hérésie qui met en quarantaine l’éthique immaculée, car « le bien est tout simplement ce qui leur fait mal »2.

Certes, ce sont des positions qu’il faut replacer dans leur contexte. Et le contexte est celui de la guerre d’Algérie. Des centaines de milliers de morts parmi la population et les combattants qui luttent pour l’indépendance nationale. Les Français qui réagissent par des massacres, par des lynchages d’Arabes organisés par des colons, par des tortures régulièrement pratiquées sur les militants du Front de libération nationale, mais aussi, à très grande échelle, sur la population civile. Le FLN algérien a réagi par tous les moyens, allant même jusqu’à tuer des civils français, avec des bombes posées dans les bars des pieds-noirs et des coups de couteau aléatoires sur des colons, surpris en train de marcher dans leurs quartiers calmes et blindés. Molto crudo, n’est-ce pas ? Et il ne faut pas oublier que les communistes français étaient du côté de leur gouvernement et avaient voté en faveur des mesures de répression de l’insurrection algérienne.

Dans ce tableau peint de sang, de férocité et même de mystification, Frantz Fanon rencontre le combat d’un peuple soumis au chantage de l’humanisme hypocrite de l’Occident et déterminé à faire tous les sacrifices pour se libérer de l’oppression coloniale. Fanon est prêt à comprendre pourquoi il a déjà derrière lui un chemin d’indépendance personnelle tourmentée. Il est originaire de Martinique et au lycée, il a été l’élève d’Aimé Césaire, l’un des fondateurs, avec Senghor, du mouvement de la négritude. Fanon respectait et admirait le professeur de littérature communiste, mais déjà en 1952, dans son premier ouvrage, Peau noire, masques blancs, il cherchait quelque chose de plus qu’un programme, bien que subversif, d’indépendance culturelle. Par où commencer ? De « la seule chose au monde qui vaille la peine de commencer : la fin du monde, que diable ». Ce sont les paroles de Césaire, citées non par hasard par Fanon dans son livre3. Mais la vérité est que, dans cette « fin du monde », le psychiatre antillais voit d’abord l’obligation de se réconcilier avec lui-même, et avec l’illusion d’un salut possible par le saut dans une archéologie mythologique dont la résurrection ébranlerait la conscience occidentale. N’y croyez pas, dit Fanon. Ne tombez pas dans le piège de la construction d’un « passé noir » qui peut être consommé comme apaisant pour l’intolérabilité du présent. Déjà là, en 1952, Fanon est volontairement drastique : « Ce n’est pas parce qu’il a découvert une culture qui lui est propre, écrit-il, que les Indochinois se sont révoltés. C’est qu’il lui était ‘simplement’ devenu impossible de respirer, pour plusieurs raisons »4.


Bien sûr, dans Peau noire, masques blancs, il y a beaucoup d’autres thèmes culturels d’une importance précieuse. Il y a la critique de la littérature nègre avancée, qui est très agréable et, en partie, rappelle l’impitoyable réquisitoire prononcé par Marx dans la Sainte Famille contre l’humanitarisme philanthropique des Mystères de Paris. Il y a la discussion sur le langage, sur les fantômes conscients et inconscients générés par le racisme, qui frappe encore aujourd’hui par le potentiel analytique des dommages causés par le mécanisme colonial dans la psyché du Blanc et dans celle du Noir. Mais la force d’attaque du programme de Fanon (qui est aussi un projet de vie) réside, d’une certaine manière, dans sa simplicité : « En tant que psychanalyste, je dois aider mon client à rendre son inconscient conscient, à ne plus tenter la lactification hallucinatoire, mais à agir dans le sens d’un changement des structures sociales »5.

Évident. Dans un certain sens, même banal. Et pourtant, lorsque Fanon se livre à la digression sur la reconnaissance hégélienne, nous sentons que quelque chose de plus est en jeu qu’une démonstration compréhensible de la culture, visant à préconiser un dépassement dialectique facile de l’antithèse raciste. Le noir, plongé dans une servitude inessentielle qui exclut le chemin de la conscience de soi tracé par la Phénoménologie de l’Esprit, a été libéré par le maître. « Il ne soutenait pas la lutte pour la reconnaissance », dit Fanon. « Le noir a été joué. Des valeurs qui ne sont pas nées de son action, des valeurs qui ne résultent pas de la montée systolique de son sang, sont venues danser leur patrouille autour de lui6.


C’est ici que Fanon tourne son visage et regarde ailleurs. Dien Bien Phu est sur le point d’humilier la grandeur de la France. Et, à mesure qu’il approche des conclusions, le psychiatre qui est un élève de Césaire ressent le besoin d’indiquer un chemin qui, selon lui, observé par l’Europe, ne peut être compris :

Un camarade, avec qui je m’étais retrouvé lors de la dernière guerre, est revenu d’Indochine. Il m’a fait prendre conscience de beaucoup de choses. Par exemple, la sérénité avec laquelle de jeunes Vietnamiens de seize ou dix-sept ans tombaient devant un peloton d’exécution. Une fois, m’a-t-il raconté, nous avons été contraints de tirer à genoux : les soldats tremblaient devant ces jeunes « fanatiques ». En conclusion, il a ajouté : « La guerre que nous avons menée ensemble était un jeu comparé à ce qui se passe là-bas ».7.

Nous comprenons que, dans le feu de ses pensées, Fanon fait les choses sacrément sérieusement. Nous comprenons que la rencontre avec Francesc Tosquelles, un exilé communiste de la guerre civile espagnole et promoteur de la soi-disant sociothérapie à l’hôpital de Saint-Alban, n’a pas eu lieu en vain. Certes, Fanon nous apparaît bourré de phénoménologie et d’existentialisme. Quand, à la dernière page de Peau noire, masques blancs, il écrit que « la densité de l’Histoire ne détermine aucun de mes actes », on ressent même trop d’influence sartrienne. « Je suis ma propre fondation », ajoute-t-il dans le pur style de la rive gauche. « Et c’est en dépassant les données historiques et instrumentales que j’introduis le cycle de ma liberté », conclut-il avec des mots faits exprès pour susciter la méfiance parmi les marxistes8.


Mais qu’était le marxisme à cette époque en Europe occidentale ? L’humanisme rusé et gardé de Roger Garaudy ? L’historicisme astucieux et protéiforme de Palmiro Togliatti ? Staline est sur le point de partir. Puis ce sera le tour du dégel, de la coexistence pacifique, des voies nationales et démocratiques vers le socialisme. L’humanisme dont parle Fanon à la fin de son premier livre, âcre et pas parfaitement calculé, est certainement autre chose. Il est peut-être naïvement sartrean, mais, dans son authenticité radicale, il a le mérite de chercher les mêmes choses que les Chinois et les Vietnamiens ont déjà cherchées et trouvées, que les Algériens sont sur le point d’expérimenter et que, dans quelques années, Castro et Guevara rencontreront également dans la Sierra Maestra de Cuba.

Frantz Fanon décide donc de quitter la France. Nous n’avons pas à nous demander qui sait quel design. Dans sa courte parabole, il n’y a pas de prédestination à l’œuvre. Il aimerait travailler quelques années en Afrique noire puis revenir en Martinique. Mais une place se libère à l’hôpital psychiatrique de Blida-Joinville, et Fanon accepte, s’installant à une cinquantaine de kilomètres d’Alger en novembre 1953. Un an et demi plus tôt, un de ses articles intitulé Le « Syndrome nord-africain » avait été publié dans « Esprit ». Ce sont quelques pages vraiment magnifiques, d’une beauté insupportable. Les Arabes dans la ville dans la métropole ne peuvent pas s’expliquer. Ils ont mal partout. Le médecin finit par se lasser de les interroger, et conclut qu’ils sont tous des vantards, tous rusés. Fanon illustre ce dialogue entre sourds sans remettre en cause les mauvaises volontés. La communication ne fonctionne pas parce qu’elle ne peut pas fonctionner. Remarquez, l’Histoire de la folie à l’âge classique de Foucault date de 1961. Nous sommes presque dix ans plus tôt. Fanon écrit : « ce corps que je suis forcé de supposer traversé par une conscience, ce corps qui n’est plus un corps du tout, ou du moins il l’est doublement, parce qu’il est assommé par l’effroi – ce corps qui demande à être écouté sans hésitation – provoquera en moi une révolte »9.

Voici le tempérament, le Stimmung si vous voulez, capturé dans lequel Fanon atterrit en Afrique du Nord. Un an plus tard, le 1er novembre 1954, par une série d’actions de démonstration, le Front de libération nationale algérien annonce sa fondation et sa lutte armée contre l’occupation coloniale. Dans son hôpital, Fanon soigne les tortionnaires et les personnes torturées. Mais il n’y a pas et il ne peut y avoir d’équidistance, de sorte qu’en 1956, le psychiatre brillant et sans aucun doute évolué a démissionné du dispensaire colonial. Il a écrit une lettre amère à Robert Lacoste, proconsul du gouvernement français, dans laquelle il a qualifié le statut de l’Algérie de « déshumanisation systématique »10. Là aussi, on note au passage que Lacoste avait été une figure marquante de la résistance française au nazisme, et que, en ce qui concerne l’Algérie, il avait personnellement œuvré à la répression sanglante de l’insurrection du FLN.

En bref, le cri strident des comportements, des choix, des intérêts et des idéologies est vraiment absolu. Mais c’est la fameuse Histoire, la Weltgeschichte qui avance en déchiquetant tout, et dans laquelle Fanon se glisse volontiers, sans renier les atmosphères existentialistes compliquées dont il s’est nourri à Paris. C’est pourquoi, sans trop parler, il abandonne son travail de psychiatre à Blida-Joinville et entre au service du Front de libération nationale algérien. C’est le tournant. Il en est de même pour quiconque vient soumettre son ego à un pouvoir transcendant, suprapersonnel : le pouvoir matériel d’une communauté en lutte.


C’est le Fanon que nous connaissons tous. Les combattants ne sont pas des intellectuels, ni des psychiatres. Leur tâche n’est pas de guérir, mais d’organiser efficacement la colère des colonisés contre les colonisateurs. De son côté, le psychiatre antillais est le mieux placé pour analyser, comprendre et justifier le défi que les Algériens ont lancé à l’orgueil insensé des Français. Derrière la rhétorique de la République, il n’y a que la violence : une usurpation aveugle et inhumaine déguisée en civilisation. Il est donc inévitable de couper les liens. Il est sain et nécessaire d’adopter un point de vue qui mette fin, une fois pour toutes, au langage démocratique des tortionnaires.

Dans les années vingt, en Europe, cette façon de raisonner s’appelait l’esprit de séparation. Dans les années 1930, Brecht poursuivait encore cette conjonction de radicalisme et de réalisme, rappelant aux écrivains démocratiques réunis pour combattre le fascisme que les cruautés d’Hitler et de Mussolini étaient des cruautés nécessaires11. Qu’il le sache ou non, qu’il le veuille ou non, Fanon avance dans cette voie. On le voit clairement dans les articles écrits pour « El Moudjahid » entre 1957 et 1960. L’un d’entre eux, en particulier, mérite qu’on se souvienne de la lucidité poussée à l’extrême qui le caractérise. L’article s’intitule L’Algérie et les tortionnaires français, et Fanon se moque des scrupules de conscience du colonialisme démocratique :

Les Français qui s’indignent de la torture, ou qui déplorent son usage massif, font invariablement penser aux belles âmes dont parlait le philosophe, et l’appellation d’« intellectuels fatigués » qui leur a été donnée par leurs compatriotes Lacoste et Lejune est vraiment pertinente. Il n’est pas possible de vouloir à la fois le maintien de la domination française en Algérie et de condamner les moyens mis en œuvre pour la maintenir12.

Portrait de la patriote algérienne Djamila Boupacha par Picasso

Quiconque a participé à une lutte pour utiliser les armes contre une nation ou une classe dominante et oppressive, quiconque l’a étudiée et comprise sérieusement, sait que Fanon a absolument raison. Et il a aussi tout à fait raison lorsqu’il parle de « perversion morale », mettant à nu l’hypocrisie des intellectuels terrifiés par la déshumanisation provoquée dans la jeunesse française par son utilisation dans la répression des patriotes algériens. « Seules les conséquences morales de tels crimes sur l’esprit des Français, écrit-il, intéressent ces humanistes. »13. L’accent bat toujours sur le même point : les masques démocratiques du colonialisme, la mystification du dialogue, qui constitue une arme de réserve puissante et sournoise de l’oppression, dans la mesure où elle parvient à infiltrer la conscience des opprimés, obscurcissant le concret dépourvu d’illusions dont le combattant a besoin comme l’air. Pour cette raison, Fanon ne donne aucun répit aux écrivains et artistes noirs eux-mêmes, leur demandant de faire taire la trompette du « vieux nègre pris entre cinq whiskies »14. C’est pourquoi, face à la demande de prendre ses distances avec telle ou telle action trop grossière de la guérilla, il rétorque sarcastiquement : « La lutte d’un peuple pour son indépendance doit donc être claire comme de l’eau de roche s’il veut le soutien des démocrates »15.

Le regard fiévreux que le lecteur français de Peau Noire, Masques Blancs n’a pu s’empêcher d’éprouver avec une certaine contrariété, a aujourd’hui acquis un horizon solide : une perspective effrontément autonome, dont l’autosuffisance est proclamée sans mâcher ses mots face à l’arrogance de l’Esprit européen. Aux écrivains et artistes noirs réunis à Rome en 1959, Fanon rappelle qu’après tout, les « récriminations amères et désespérées », la « violence expliquée et retentissante », rassurent l’oppresseur. Ce qu’il faut à la place, c’est une « littérature de combat » qui soit une « volonté temporalisée ». « Le présent », intimide presque Fanon avec des mots qui semblent sortir d’une salle d’opération ou d’un abattoir, « n’est plus fermé sur lui-même mais déchiré »16.
Et pourtant, il ne faut pas croire que cet écart ne consiste qu’en une violence révolutionnaire mise en œuvre sans complexes de culpabilité. En l’an V de la révolution algérienne, Fanon insiste beaucoup sur le côté constructif de la lutte pour l’indépendance. Un peuple qui lutte, qui fait des sacrifices sans précédent pour parvenir à sa propre libération, est un groupe de femmes et d’hommes qui se transforme de manière irréversible. L’Algérie lève son voile, suit l’évolution du rôle des femmes dans la lutte armée avec une participation psychologique et une finesse d’analyse qui nous laissent encore aujourd’hui sidérants17. Et, en général, la révolution est toujours, pour Fanon, « l’oxygène qui invente et prépare une humanité nouvelle »18.

Cela nous amène au cœur du problème. Quel est le trait le plus authentique de l’humanisme particulier de Fanon ? On en parle depuis longtemps, pour la raison évidente que Les Damnés de la Terre a souvent été considéré, même par de nombreux marxistes, comme une apologie exagérée et vitaliste de la violence, écrite convulsivement par un homme qui savait que ses jours étaient comptés. La préface fascinante et controversée de Jean-Paul Sartre aux Damnés a contribué à cette perception, ajoutant menace sur menace, et transformant le texte de Fanon en une sorte d’ultimatum adressé à la conscience occidentale. Sans doute la prose de Fanon n’épargne-t-elle pas au lecteur l’hyperbole, et n’est-elle pas faite pour l’apaiser dans « ce mouvement immobile où la dialectique, peu à peu, s’est transformée en logique d’équilibre »19. Il y a aussi de la satisfaction dans sa façon d’écrire : une charnalité de langage qui s’exprime parfois dans des images vraiment furieuses. La révolution populaire est présentée comme une « formidable machine à pétrir et à broyer »20. Et l’homme sur la serpe fait peur, il ne sert à rien de le nier. Mais les projets de Fanon pour l’Afrique, ses considérations amères sur les « mésaventures de la conscience nationale », l’attention qu’il porte à une idée du monde potentiellement émancipé des rythmes déraisonnables et désastreux du capitalisme, nous en disent long sur son programme de « désaliénation ». Quand, en effet, le psychiatre antillais parle avec acuité d’une « brutalité et d’un mépris des subtilités et des cas particuliers typiquement révolutionnaires », il s’empresse alors de la distinguer de la « brutalité pure et totale » qu’il faut combattre avec acharnement, afin d’éviter des défaites ruineuses et soudaines21. En temps de guerre, il n’est pas facile de tracer la ligne de démarcation entre les deux attitudes. Et il n’est même pas certain qu’elle corresponde au paramètre arithmétique rassurant de la participation populaire. Fanon y revient et y revient dans le chapitre tourmenté intitulé « Grandeur et faiblesse de la spontanéité ». Le marxiste doctrinaire peut lire ces pages avec le sourire de quelqu’un qui sait déjà tout à l’avance. Mais il ne gagne pas grand-chose. Et il perd l’occasion de repenser les formules gravées dans le marbre de l’orthodoxie, en les comparant au processus vivant des phénomènes sociaux dramatiques, qui inventent l’histoire en train de se faire.


Après tout, quoi qu’on en dise, Fanon ne s’est pas posé en théoricien de la révolution algérienne. Mais il est difficile de nier que les Damnés de la terre atteignent souvent des accents prophétiques d’une arrogance peu commune. La conclusion du livre nous laisse sans aucun doute enthousiastes.

La simplicité colossale de l’invitation semble presque compenser l’implacable férocité avec laquelle bien des raisonnements ont été proposés au lecteur. « Pour l’Europe, écrit Fanon, pour nous-mêmes et pour l’humanité, camarades, nous devons nous renouveler, développer une nouvelle façon de penser, essayer de construire un homme nouveau. »22. Au final, on comprend mieux pourquoi Fanon a voulu titrer sa dernière œuvre (sachant que ce serait la sienne) au premier verset de l’Internationale. Debout, les damnés de la terre, écrivait Eugène Pottier, ancien combattant du massacre de la Commune. Des vers forts et apocalyptiques. Nous devons faire table rase du passé, nous ne sommes rien et nous serons tout, unissons-nous dans la lutte finale, l’Internationale sera la race humaine23. Fanon a dû lire ces mots de nombreuses fois avant de choisir le titre de son livre. L’humanisme auquel il fait appel est donc vrai, mais très exigeant. Et le parcours de son œuvre en atteste sans aucun doute, capable de raviver et de soutenir l’engagement théorique et pratique, les choix individuels et collectifs, de tant de révolutionnaires dans de nombreux pays.

Cela dit, il est bon de ne pas faire de rhétorique ou de simplification facile sur l’influence de la pensée de Fanon dans les deux décennies qui ont suivi la parution des Damné. Fanon n’est pas Mao Tse Tung. Et il n’est même pas Guevara. Il y a une irrégularité de sa pensée qui ne peut être apprivoisée, ni rangée en catégories confortables. En outre, il convient de rappeler que le psychiatre antillais n’a jamais exercé de fonctions de direction effective dans la lutte de libération algérienne. Au nom du FLN, il a certainement occupé des postes diplomatiques délicats dans le contexte du panafricanisme précoce. Et il a également été le protagoniste d’une mission en Afrique subsaharienne (dont il reste un carnet de voyage court mais intense)24, entrepris dans le but de tester l’ouverture éventuelle d’un nouveau front sud dans la guerre d’Algérie. Il est émouvant d’apprendre que, désormais désespérément malade, il a pensé à s’installer à Cuba en tant que représentant permanent du gouvernement provisoire algérien. Et il n’est pas moins significatif que, lors de son bref séjour à l’hôpital américain où il est mort, il ait déclaré à un membre du département d’État américain que dans les années à venir, l’impérialisme américain devrait se heurter aux guérillas en Amérique latine et aux révoltes noires dans les ghettos des métropoles25. Nous savons que Fanon était très méfiant à l’égard du prolétariat européen et de ses dirigeants politiques et syndicaux. Nous savons aussi que, précisément chez les Damnés de la terre, cette méfiance atteint également le prolétariat indigène employé dans les usines et les services des villes algériennes, car il est considéré comme compromis dans les mécanismes de privilèges induits par le colonialisme. D’autre part, il suffit de lire l’article écrit par Fanon sur la mort de Patrice Lumumba, pour comprendre combien et comment le crédit qu’il accordait aux masses paysannes africaines devait faire face à des problèmes tragiques et complexes. La « confiance illimitée dans le peuple » dont Lumumba avait donné une preuve héroïque, jusqu’au sacrifice de sa vie, n’avait pas suffi. À la première grande crise de sa nouvelle voie, l’Afrique s’était montrée désunie et avait oublié « que l’ennemi ne recule jamais sincèrement. Qui n’apprend jamais. Il capitule, mais il ne convertit pas »26.

Che Guevara et Jean Paul Sartre

En lisant ces paroles amères, et en pensant aussi aux critiques de Fanon à l’égard de la bourgeoisie coloniale dans les Damnés, ou à l’évolution des événements algériens après l’accession à l’indépendance, on pourrait libérer cette mélancolie postmoderne dont nous parlions au début, qui est au fond le jumeau inversé des triomphalismes les pires et les plus grotesques du XXe siècle. Mais la vérité est que Fanon vivait et pensait à l’intérieur d’un monde entier qui levait la tête, avec d’énormes masses de femmes et d’hommes qui s’étaient mis en mouvement, prêts à payer très cher pour cela. Il dit : je n’écris pas pour les Européens, ça ne servirait à rien. Et, faisant allusion à sa propre biographie, il parle de l’homme de lettres colonisé qui choisit de briser les ponts derrière lui, et « passe d’étonnement en étonnement (…) littéralement désarmé par la bonne foi et l’honnêteté du peuple ». Pour les intellectuels, insiste-t-il, c’est une bénédiction de « s’enterrer parmi le peuple ». Ce n’est pas un refuge, ni une niche protégée. C’est une communauté qui, enfin, a appris à se soucier des valeurs créées pour l’apprivoiser, et, si nécessaire, pour la tuer. Ces valeurs, la masse colonisée les insulte maintenant : « ils les vomissent la gorge flamboyante »27.

Oui, il les vomit vraiment. Comme le vieil homme de Patmos qui criait : « Puisque tu es tiède, c’est-à-dire que tu n’es ni froid ni chaud, je vais te vomir de ma bouche »28. Il est donc facile de comprendre la première réception européenne de Fanon, dont le discours a été principalement reçu comme une question inconfortable et tranchante, comme un fait très troublant, capable d’embarrasser les certitudes morales d’une gauche malade de la coexistence pacifique et des guerres de position prévoyantes. Aujourd’hui encore, par exemple, le jugement olympique de Simone De Beauvoir nous fait réfléchir. Tout en rappelant la parfaite concordance des vues entre Sartre et l’intellectuel martiniquais, dont la vie « semblait une aventure tragique, souvent horrible, mais d’une valeur infinie », le Castor définissait Les Damnés de la Terre comme « un manifeste du Tiers-Monde, excessif, rigide, incendiaire, mais aussi complexe et subtil »29. Avec moins de subtilité et plus d’élan, la jeune Grazia Cherchi s’expose dans les « Quaderni Piacentini », présentant les Damnés comme le « plus grand document théorique de la révolution des peuples coloniaux »30. Une toute autre pondération a été utilisée sur la « Rinascita », alors plus autorisée, où Romano Ledda a parlé du livre en manipulant sa radicalité avec diplomatie, mais en soulignant aussi, avec une touche de paternalisme togliattien, la « limite » de la vision totalement anti-européenne31.

Le problème était là. Nous ne pouvions pas faire comme si de rien n’était. L’accusation de violence du livre était difficile à cacher. Et la préface de Sartre amplifiait hors de toute proportion l’intrépide révolte contre l’Europe, berceau du mouvement ouvrier, encore tout juste sorti de la résistance au nazisme-fascisme, et néanmoins tiède et méfiant face aux problèmes explosifs causés par la lutte anticoloniale. Il n’est donc pas surprenant que les réflexions les plus intéressantes soient venues de deux interprètes qui sont partis d’une perspective asiatique. Enrica Collotti Pischel, en 1962, a publié un long et intéressant article qui était en fait une conversation très respectueuse tissée avec Fanon, et menée principalement à la lumière de l’expérience maoïste32. Un an plus tard, dans la revue théorique du Parti communiste français, l’historien vietnamien Nguyễn Khắc Viện, sous le pseudonyme de Nguyen Nghe, publie un essai assez orthodoxe qui, compte tenu de l’indépendance de l’Algérie qui a maintenant eu lieu, dans les intentions des rédacteurs de la revue, est de servir à fixer et à protéger l’indolence antérieure des communistes français sous l’égide du raisonnement formulé par un marxiste anticolonialiste au-dessus de tout soupçon33. De fait, les Vietnamiens se sont montrés beaucoup plus rigides que les Italiens, qui, de leur côté, ont refusé de « tester » les thèses de Fanon dans le cadre facile et évident de la schématisation du marxisme. Mais les deux écrits étaient pleins de perspicacité. Ils rapprochèrent les déclarations du psychiatre antillais des premières réflexions anticoloniales du Komintern. Ils ont donné du souffle à ses déclarations les plus dures, les replaçant dans le contexte de la gigantesque vague qui a commencé, militairement mais aussi éthiquement, avec la révolution chinoise. Ils reconnaissaient surtout sa capacité à exprimer, avec le langage de la colère, la force créatrice et insoupçonnée des masses engagées dans une guerre de libération.

Les masses, cependant, étaient aussi celles qui, en 1960, avaient chassé Tambroni en retournant le pavé de Gênes et s’étaient lancées dans l’assaut du siège de l’UIL de Turin sur la Piazza Statuto en 1962. Mario Tronti s’apprêtait à écrire Lénine en Angleterre, un essai qui n’était jamais loin de l’atmosphère de Fanon. Mais un an plus tôt, toujours dans les « Quaderni Piacentini », Giovanni Giudici avait essayé de confronter Fanon, se demandant où en Italie nul autre que l’homme à la serpe ne pouvait être. Le poète parlait des pro-chinois, de la dissidence ouvrière qui commençait à prendre son envol dans les usines, de l’aliénation des techniciens, identifiant dans ces figures les frères potentiels de l’Algérien furieux de Fanon. D’autre part, Giudici observait qu’au début du XIXe siècle, même les ouvriers organisés dans les premières associations de lutte avaient dû rompre avec le philanthropisme hypocrite des humanistes bourgeois, se moquant de l’univers des valeurs du citoyen démocratique. Rien n’excluait que le voile somnolent de la guerre de position soit déchiré par une nouvelle coagulation de forces capables non pas de « dialoguer », mais de combattre aux côtés des peuples opprimés par l’impérialisme. Cependant, le poète a averti que ces nouveaux trouble-fête du néocapitalisme européen seraient frappés par les accusations habituelles : hooligans, provocateurs. La marque de l’infamie était prête à être déversée sur eux, imprimée non seulement par la droite patronale, mais aussi par une gauche officielle, qui n’a pas renoncé à projeter sa moralité épuisée sur les destinées de la révolution mondiale, hypothéquant la naissance d’un véritable horizon commun parmi les opprimés de tous les continents34.

Eh bien, l’horizon commun a rapidement commencé à prendre forme, dans un jeu de rebonds qui semble aujourd’hui extraordinaire. En 1971, en effet, Giovanni Pirelli (certainement l’homme qui avait fait plus que quiconque pour faire connaître Fanon en Italie) a pu écrire : « Une décennie s’est écoulée. Entre-temps, c’est ce qui s’est passé : interdit et finalement ignoré par le marxisme orthodoxe et les radicaux européens ainsi que par les dirigeants les plus « socialistes » des pays nouvellement indépendants, Fanon a trouvé la citoyenneté et en trouve de plus en plus parmi les nouvelles générations et dans les nouvelles situations de lutte.35.


Que s’était-il passé ? Nous n’avons pas la prétention d’épuiser la question. Nous nous limitons à quelques faits.
À Cuba, le poète haïtien René Depestre présenta Fanon à Guevara qui, en avril 1964, lors d’un voyage à Paris, discuta avec Maspero d’une possible préface à une éventuelle préface d’une édition cubaine des Damnés de la terre 36.

En décembre de la même année, le Che accorde une interview à Josie Fanon, l’épouse de Frantz, dans laquelle il définit l’Afrique comme « l’un des champs de bataille les plus importants, sinon le plus important, contre toutes les formes d’exploitation existant dans le monde »37. Ce ne sont pas des mots prononcés par déférence pour la veuve de l’homme enterré incognito en terres algériennes. Guevara part vraiment pour le Congo. Et ce sera une entreprise silencieusement malheureuse, dramatiquement inachevée. Le Che réapparaît à Cuba en mars 1965, pour partir immédiatement pour la Bolivie. Qu’en aurait pensé Fanon ? Question stupide. Mais dans le premier numéro de la revue « Tricontinental », publié en septembre 1967, il y a son article sur la mort de Lumumba.
Et puis quelque chose d’autre se produit. Dans les Damnés, Fanon avait proposé un jugement, assez original pour l’époque, sur le Lumpenprolétariat :

Les hommes que la population croissante des campagnes, l’expropriation coloniale ont conduit à déserter la terre familière, tournent inlassablement autour des différentes villes, espérant qu’un jour ou l’autre ils seront autorisés à y entrer. C’est dans cette masse, c’est dans ce peuple des bidonvilles, au sein du lumpenprolétariat que l’insurrection trouvera son point urbain. Le Lumpenprolétariat, une cohorte de détribalisés, déclanisés, affamés, constitue l’une des forces les plus spontanément et radicalement révolutionnaires du peuple colonisé38.

Ce raisonnement arrive à Harlem et produit ce qu’on appelle un court-circuit. Les Noirs sont une colonie interne des États-Unis racistes. Malcolm X meurt en 1965. Il est né le 19 mai 1925. Pour lui aussi, en 2025, le centenaire de sa naissance arrive. Au passage, Patrice Lumumba est également né en 1925. C’est le cas, et il ne faut pas lui accorder trop d’importance. Mais ce n’est pas une coïncidence si Fanon se transforme en huile sur le feu de la lutte des Noirs américains. Il suffit de lire Bobby Seale39, Stokely Carmichael40, Eldridge Cleaver41, George Jackson42, pour comprendre combien Fanon a compté dans le combat des Black Panthers. Et de là, Fanon rebondit vers l’Europe, mais cette fois sans produire de drames de conscience. Rudi Dutschke, le leader de la manifestation étudiante berlinoise, le lit43; Renato Curcio le lit à Trente44; les militants de la Rote Armee Fraktion allemande l’ont lu45;

Bobby Sands le lit à la prison de Maze46;

les combattants de l’ETA l’ont lu47, il a été lu par les prisonniers italiens, dont les luttes ont été relatées dans la chronique que, à partir de juin 1971, Lotta Continua a incluse dans son journal, intitulée « Les damnés de la terre ». C’est peut-être précisément ici, précisément en Italie, que se produit la greffe la plus concrète et la plus dramatique de la dureté de Fanoni sur le territoire européen. Il s’agit des Noyaux Armés Prolétariens, construits dans des prisons, fiers de leur origine du Lumpenprolétariat, capables de lutter ensemble avec les ouvriers en chaîne, et pour lesquels Fanon est un point de référence absolu48. Bref, poussé par les courants pas si mystérieux qui animent les luttes des opprimés, l’auteur de Peau noire, masques blancs revient dans l’Europe qu’il avait abandonnée avec fureur et amertume. C’est une Europe qui l’a compris. C’est une Europe qui le mêle sans problème à Mao et Guevara, parce qu’il parie sur lui-même, capable de gagner, pour cette raison, le respect des hommes avec des serpes. Voulons-nous le dis-le ? Fanon se bat avec cette Europe. Avec cette Europe, Fanon est vaincu.

Or, il est étonnant que, dans l’interminable littérature fanonienne nourrie et stimulée par les très respectables études postcoloniales, il n’y ait très souvent presque rien de tout cela. Entre-temps, quelqu’un a aussi commencé à parler de Schmitt, et des analogies entre l’inimitié absolue théorisée par le juriste nazi et la haine musclée revendiquée par le psychiatre antillien. Le truc est très original. Dans le cadre d’études consacrées aux Global Sixties, elle peut aussi construire un pont, une véritable liaison dangereuse, entre les Damnés de la Terreet les Travailleurs et le Capital. Mais nous sommes moins brillants. Et, compte tenu de notre simplification, à ce stade, nous voulons nous demander : où est passé Frantz Fanon ? Dans les départements universitaires ? Dans les conférences internationales d’études culturelles ? Dans les citations des lettrés soucieux d’embellir leurs angoisses par une expression particulièrement grossière ?
Bien sûr que c’est le cas. Mais ce n’est pas tout. Il y a des mouvements karstiques dans l’histoire qui reconnectent des fils apparemment brisés. Il y a des branches qui, à première vue, ont disparu et reviennent à la vie de manière compliquée et douloureuse. Regardez l’ensemble des soulèvements, militaires et autres, qui ont secoué l’Afrique ces dernières années, sapant l’emprise continentale de l’impérialisme français et américain. Attention aux Mapuches. Regardez les banlieues françaises. Jetez un coup d’œil au comportement des enfants qui vivent en Italie en tant qu’immigrants de deuxième génération et commencent à se rassembler en gangs pour piller la jeunesse dorée de la vie nocturne romaine et milanaise. Nous avons commencé par parler d’une réalité traumatisante de Fanon. Nous terminons en proposant une expérience. Lisez, ou relisez, Les Damnés de la Terre. Prenons ensuite le testament de Yahya Sinwar, écrit dans les tunnels de Gaza. Essayer. Lire. Ressentez l’effet que cela a.


  1. Frantz Fanon, Les Damnés de la Terre, Turin, p. 53. 
  2. Ibid., p. 16. 
  3. Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs, Pise 2015, p. 97. 
  4. Ibid., p. 202 à 204. 
  5. Ibid., p. 100. 
  6. Ibid., p. 196 et 197. 
  7. Ibid., p. 204. 
  8. Ibid., p. 207. 
  9. Frantz Fanon, Écrits politiques. Pour la révolution africaine, I, Rome 2006, p. 27. 
  10. Ibid., p. 63. 
  11. Bertolt Brecht, Écrits sur la littérature et l’art, Turin 1975, pp. 132-136. 
  12. Frantz Fanon, Écrits politiques. Pour la révolution africaine, I, cit., p. 75. 
  13. Ibid., p. 79. 
  14. Frantz Fanon, Les Damnés de la Terre, cit., p. 179. 
  15. Frantz Fanon, Écrits politiques. Pour la révolution africaine, I, cit., p. 94. 
  16. Frantz Fanon, Les Damnés de la Terre, cit., pp. 176-177. 
  17. Frantz Fanon, Sociologia della rivoluzione algerina, Turin 1963, pp. 23-50. 
  18. Ibid., p. 145. 
  19. Frantz Fanon, Les Damnés de la Terre, cit., p. 242. 
  20. Ibid., p. 16 
  21. Ibid., p. 97. 
  22. Ibid., p. 244. 
  23.  Eugène Pottier, Chants révolutionnaires, Paris 1937, p. 29-31.  
  24. Frantz Fanon, Écrits politiques. Pour la révolution africaine, I, cit., pp. 169-180. 
  25. Pour cette information, voir la notice biographique écrite par Giovanni Pirelli et contenue dans Frantz Fanon, Opere scelte, I, Turin 1971, pp. 17-37. 
  26. Frantz Fanon, Écrits politiques. Per la rivoluzione africana, I, cit., pp. 181-186. 
  27. Frantz Fanon, Les Damnés de la Terre, cit., pp. 10-14. 
  28. Apocalypse 3:16. 
  29. Simone De Beauvoir, La forza delle cose, Turin 1966, pp. 562-567. 
  30. « Quaderni Piacentini », Année I, n. 2-3, juillet 1962, pp. 26-28. 
  31. « Rinascita », an XIX, n. 10, juillet 1962, pp. 11-12. 
  32. « Problemi del socialismo », n. 9-10, septembre-octobre 1962, pp. 834-864. 
  33. « La Pensée », Nouvelle Série, n. 107, février 1963, pp. 23-36. 
  34. « Quaderni Piacentini », an II, n. 12, septembre-octobre 1963, pp. 4-12. 
  35. Giovanni Pirelli, Frantz Fanon, dans I protagonisti della storia universale, XIV, La pace e la rivoluzione, Milan 1971, p. 396. 
  36. Pierre Kalfon, Il Che. Una leggenda del secolo, Milan 2003, p. 423. 
  37. Ernesto Che Guevara, Opere, III, t. 2, Milan 1969, p. 340. 
  38. Frantz Fanon, Les Damnés de la Terre, cit., p. 82. 
  39. Bobby Seale, saisissant l’occasion. La storia del Black Panther Party e di Huey P. Newton, Turin 1971, pp. 33-34, pp. 37-40. 
  40. Stokely Carmichael, Potere negro, dans Dialettica della liberazione, Turin 1969, pp. 77-78. 
  41. Entretien avec Eldridge Cleaver, dans The Black Panther Party, Turin 1971, p. 94. 
  42.  Les frères de Soledad. Lettres de la prison de George Jackson, Turin 1971, p. 31 ; George L. Jackson, Col sangue agli occhi, Turin 1972, p. 36, p. 40-42, p. 142. 
  43. Uwe Bergmann – Rudi Dutschke – Wolfgang Lefèvre – Bernd Rabehl, La rébellion des étudiants, ou la nouvelle opposition, Milan 1968, p. 103, p. 116. 
  44. Renato Curcio, A viso aperto, Milan 1993, p. 31. Cette circonstance est confirmée dans le premier numéro de la revue « Lavoro Politico » (1er octobre 1967), où un encart monographique est consacré au Black Power (pp. 25-37) avec de nombreuses références élogieuses à Fanon. Pour l’importance de Fanon parmi les militants du noyau originel de la BR cf. aussi Prospero Gallinari, Un paysan dans la métropole, Milan 2023 (2e éd.), p. 60. 
  45. RAF, La guerriglia nella metropoli, vol. I, Vérone 1979, p. 82 ; vol. II, Vérone 1980, p. 30. Mais cf. aussi, de manière plus complète, les occurrences présentes dans le long et important document de janvier 1976, reproduit intégralement dans Rote Armee Fraktion, Texte und Materialen zur Geschichte der RAF, Berlin 1997, pp. 198-265. 
  46. Richard English, Lutte armée. L’histoire de l’IRA, New York 2003, p. 197-199, 234-235 ; Denis O’Hearn, Rien qu’une chanson inachevée. Bobby Sands, le gréviste de la faim irlandais qui a enflammé une génération, New York 2006, pp. 52-55. 
  47. Le recueil Pour la révolution africaine, publié chez Maspero en 1964, a été traduit en basque en 1970 (Frantz Fanon, Afrikar iraultzaren alde, San Sebastian 1970) ; mais déjà la célèbre Carta a los intelectuales, de 1965, semble être influencée par les exhortations de Fanon aux écrivains noirs. 
  48. Pasquale Abatangelo, Correvo pensando ad Anna, Milan 2018 (2e éd.), p. 87. 

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Source : Carmilla en ligne | Frantz Fanon, cent ans après sa naissance