
1-La communauté immigrée s’accroît
Il peut sembler paradoxal qu’un flux massif d’hommes émigrent vers la métropole qui opère la répression contre l’insurrection nationaliste de leur pays. L’émigration double pendant le conflit, entre 1954 et 1962 en raison de la loi de liberté de circulation entre les départements algériens et métropolitains (septembre 1947). Mais surtout, la répression, les camps de regroupement (destruction des villages), les injustices du système colonial s’aggravent du fait du conflit armé qui devrait se nommer Guerre, et non pacification..
Donc, suivant le même schéma que les 1° migrations, ils viennent pour aider à la croissance des Trente Glorieuses, comblant le manque de main-d’œuvre, aggravé par l’envoi du contingent en Algérie en 1956. Mais, guerre oblige, leurs séjours s’allongent, passant de 2 à 4 ans, et la venue en famille (destrucion des structures traditionnelles) passent de 7000 à 30 000. Leurs conditions de vie sont très précaires,
A partir de 1962, les jeunes seront en général algériens par filiation car +de 90% des immigrés opteront pour la nationalité de l’Indépendance.
Des politiques de regroupement familial dans les années 1970, voient des dizaines de milliers d’Algériennes s’ installer durablement Avant, -de 20 % des Algériens vivaient en famille ou en couple (dont 1/3 avec une femme française),
La communauté algérienne (les émigrés) comptait 211 000 personnes en 1954 et 350 000 en 1962. Une part importante, 180 000 personnes, dont 8 000 femmes et 29 000 enfants en 1961, sont concentrée en région parisienne. Mais c’est récent. Ceux qui accueillent les nouveaux arrivants, étaient des hommes jeunes, souvent mariés, dont beaucoup avaient laissé leur famille en Algérie. Illettrés pour la plupart, ils étaint employés en tant que manœuvres, rarement ouvriers qualifiés et vivaient, pour Paris et la Région Parisienne, dans les bidonvilles de Nanterre, Aubervilliers, Saint-Denis,Argenteuil, Bezons ou dans les quartiers les plus modestes de Paris à la Goutte d’Or, à Ménilmontant, à Belleville, à la porte d’Italie. C’est toujours là qu’ils sont les plus nombreux mais ils sont très présents dans les autres grands centres urbains français comme le montre le découpage des wilayas du FLN.
La communauté est fortement politisée: c’est en métropole que naît le nationalisme algérien sous la houlette de Messali Hadj qui fonde le 1° parti indépendantiste en 1926 : l’Etoile nord-africaine. De nombreux militants actifs diffusent journaux et tracts ou organisent réunions et manifestations. Les Algériens émigrés accueillent avec enthousiasme la nouvelle de l’insurrection de la Toussaint Rouge le 1er novembre 1954.
Elle devient un enjeu du conflit aussi bien pour les nationalistes algériens que pour les pouvoirs publics français. Sa mobilisation est décisive dans la lutte pour l’indépendance.

2- Le FLN en France
Le conflit entre le FLN et le MNA- Les Messalistes ont l’avantage de l’ancienneté, très implanté dans l’émigration, depuis la création de l’Etoile Nord Africaine dans les années 1920. A son Congrès en juillet 1954, le MTLD est divisé entre « messalistes », « centralistes » et les 472 « neutraliste », qui refusent de prendre parti. Ils (dont M. Boudiaf créent le CRUA (Comité révolutionnaire d’Unité et d’Action) et décident de passer à l’action armée, sous le nom de Front de Libération Nationale (FLN). De toute façon, le MTLD est dissous en novembre par l’État français. Ceux qui restent, se refondent en Mouvement national algérien (MNA). Ses revendications portent sur l’indépendance totale de l’Algérie, l’évacuation des troupes françaises, l’abrogation du code de l’indigénat, la récupération par les Algériens de leurs biens sous séquestre, et en France, le droit des Algériens à l’enseignement avec l’ouverture du champ médiatique et la liberté d’exercice des droits politiques et syndicaux. En 1955, il encadre très fortement l’émigration algérienne en France.
En métropole, la rivalité « FLN-MNA » prend une ampleur bien plus importante qu’en Algérie. Le FLN entend se concilier l’émigration algérienne de gré ou de force. La fédération de France, constitue un formidable groupe de pression au sein du FLN. Son influence provient de son ancrage dans une communauté émigrée ouvrière et militante de 350 000 membres et de son énorme contribution financière en direction des coffres du GPRA . Très unie, elle assure au parti un poids politique et idéologique incontestable, au sein même de la métropole.
Cette rivalité a laissé de nombreux blessés et morts parmi les frères ennemis dans les rues et les cafés, en particulier dans les zones industrielles (Paris, Nord, l’Est de la France et la région lyonnaise). Dès 1955, la région parisienne, qui regroupe 1/3 de l’immigration, devient le théâtre d’affrontements sanglants. Le bilan de cette guerre fratricide s’élèverait à 4000 morts et 12 000 blessés. Elle se termine en 1957. Le FLN prend le dessus en France comme en Algérie. Messali Hadj est privé de tout rôle politique au sein des instances dirigeantes de la lutte armée pour l’indépendance de l’Algérie. .
Le FLN est le seul interlocuteur politique de la France à partir de 1956. Il a le soutient de l’Egypte de Nasser et l’aide du Maroc et de la Tunisie qui accueillent l’ALN.
A partir de la formation du GPRA en septembre 1958, puis de la reconnaissance de l’autodétermination, le FLN acquière un statut quasi officiel au niveau international, reconnu par les Etats-Unis. Il est reçu en Chine, au Viêt Nam, en Corée et participent à la conférence des pays non-alignés en 1961. Les ralliements individuels se multiplient, aussi dans l’espoir oportuniste d’un poste dans le futur Etat algérien.
Le gouvernement Français cherche à installer une «3° voie» en recrutant parmi les élus musulmans de l’après 1958 (pleins pouvoirs) et la bourgeoisie locale, une politique d’association avec la France. Elle échoue face à la peur (assassinat du sénateur algérien Chérif Benbalylès) et la frange modérée s’est décrédibilisée en acceptant de participer à des élections truquées, contrôlées par l’armée française. Il tente de jouer sur les divisions internes. Autre échec. Le gouvernement français se résout à n’avoir que le FLN pour partenaire.
La manifestation du 17 octobre 1961 est un carnage, complètement passé sous silence
Depuis le 1° septembre 1961, la Fédération française du FLN est organisée en 3 groupes composés chacun de 2 ou 3 wilayas : le G1 regroupe le Sud de la région parisienne et le Sud-Ouest (Bordeaux); le G2, le Nord de la RP et le Nord-Pas de Calais (Lille) et aussi l’Alsace-Lorraine (Strasbourg); le G3 comprend la région de Lyon et celle de Marseille (avec le Languedoc)

3- Le contingent.
Les Français, mal informés par les radios et la télé suivent de loin les « événements en Algérie », L’envoi du contingent en 1956 est le déclencheur de la prise de conscience des réalités du conflit.
De 1954 à 1962, il représente 1,5 M d’appelés, nés entre 1932 et 1943, (au sein d’une armée de 2 M de soldats). Le traumatisme est puissant. Toute une génération s’est trouvée embarquée dans une guerre qu’elle ne comprenait pas. Officiellement, le gouvernement français parle d’opérations de « maintien de l’ordre ou de pacification » car la rébellion indépendantiste algérienne n’emploie pas les méthodes d’une guerre conventionnelle mais des techniques de guérilla (assassinats, attaques d’exploitations agricoles, incendies, pose de bombes en zone urbaine) et l’embuscade de patrouilles par des commandos, pratiques assimilées à des actes de banditisme par le gouvernement français. L’ennemi était désigné, le fellaga.
Départ vers l’Algérie-Peu d’ appelés, nécessaires dans l’administration des casernes, effectuaient leur service sur place. Les autres prenaient le train pour Marseille , puis, après un court séjour au centre de transit de Sainte-Marthe à Marseille, prenaient un des bateaux des compagnies maritimes « Ville d’Oran », « Ville d’Alger », pour une traversée de 24 h, au fond des cales, Là, après perception d’un paquetage, ils recevaient une affectation, le livret militaire avait suivi, avec une plaque d’immatriculation individuelle, à découper selon le pointillé en cas de décès. Les nouveaux arrivants étaient mis au pas par les chefs de sections qui les emmenaient en embuscade afin d’éveiller leur combativité.
Ils bénéficiaient d’un armement plus moderne et performant que les fellaga, parfois armés de fusils de chasse. Les 1°utilisaient le stock de la guerre d’Indochine et de l’OTAN, les 2° récupéraient l’équipement des morts ou recevaient des livraisons clandestines par bateaux, depuis l’Égypte de Nasser ou de l’ URSS via la Tchécoslovaquie.
En France et dans les départements français d’Algérie, à 20 ans, les hommes étaient classés « bons pour le service » ou réformés. Seule la paternité d’au moins 2 enfants, peut constituer un motif d’exemption. Certains demandaient un sursis (étudiants). La loi de novembre 1950 fixe le service militaire à 18 mois. Il est obligatoire, l’objection de conscience n’est pas reconnue, les insoumis étant déserteurs. Après leurs 18 mois, certaines classes (année de naissance) ont été rappelées, d’autres sont maintenues sous les drapeaux jusqu’à 30 mois.
Le gros de la troupe passe par une préparation au maniement des armes de 2 à 4 mois, en métropole ou en Algérie, «les classes » qui pouvaient être suivies, d’une spécialisation (radio télégraphiste) ou d’une formation dans une école pour officiers de réserve (EOR), souvent des sursitaires étudiants.
Les émigrés algériens en France qui vivent avec une Française (ce qui est assez courant) ont des enfants français (droit du sol) avec un nom et un prénom « arabe ». Ils font partie du contingent. Chacun d’eux va employer son imagination pour ne pas faire la guerre, par exemple se faire coller au « trou », en prison pendant 18 mois. Pour ces jeunes, français de souche ou d’origine algérienne, l’amitié de l’école, puis en apprentissage, grandit encore à l’armée.
Les jeunes Pieds-Noirs, citoyens français, ont été appelés aussi en 1954. Leur situation était délicate, car vivant en Algérie, ils pouvaient avoir des liens forts avec la population locale.
L’armée française- L’appel sous les drapeaux en 1943 a permis la formation de l’Armée d’Afriqueconstituée d’appelés du contingent des départements d’Algérie et du Sahara, des citoyens français et de nationaux « indigènes » au Maroc et en Tunisie ou d’outremer. Placée sous les ordres du général Juin (né en Algérie), elle fusionne avec l’armée gaulliste du général de Lattre de Tassigny en 1944 pour former l’Armée française de la Libération.
Les sections administratives spécialisées (1955-1962)-Certains appelés du contingent sont employés comme instituteurs dans les sections administratives spécialisées (SAS) créées par Jacques Soustelle, gouverneur en 1955 Leur tâche était d’éduquer les enfants et les femmes habitant les zones rurales ou isolées sous-administrées et peuplées de musulmans (communes mixtes, douars, mechtas et djebels). Elles étaient localisées en Kabylie et dans le département de Constantine où avaient commencé la révolte de Mokrani de 1871, les massacres de Sétif en 1945, ceux du Constantinois de 1955 et la Toussaint rouge de 1954. Les SAS étaient secondés par des officiers et des civils (des femmes aussi), placés sous la protection d’« auxiliaires » musulmans contractuels, les harkis.

La contestation des appelés 1956 : des actes individuels
Le président du Conseil Guy Mollet, élu sur la promesse de contribuer à la « paix en Afrique du nord ». Au contraire, il développe une politique répressive et refuse toute négociation avant l’obtention d’un cessez-le-feu. La SFIO au pouvoir s’engage dans la guerre soutenu par les communistes, et décide l’envoi de rappelés et d’appelés du contingent pour un effectif de 200 000 soldats, après sa visite à Alger en février 1956 ;
Le contingent des appelés augmente mais la plupart n’a aucune envie de partir. Les manifestations de 1956 autour des trains d’appelés pour les empêcher de partir sont un mouvement spontané. On parle des épouses, fiancées, mères de l’ UFF (union des femmes françaises, proche du PCF) qui se couchent sur les rails. Selon le ministère de l’Intérieur,1/5 train fait l’objet de troubles au printemps 1956, estimation minimisée. Une partie ne veut pas fêter ses “20 ans dans les Aurès” tandis que les rappelés de 1956 plus âgés, savent ce qui les attend là-bas, d’où un mouvement plus fort auquel les autorités se sont bien préparées, via les rapports des RG, sur leurs activités politiques.
Les appelés, sans aucun soutien politique, pratiquent une “résistance individuelle” en reprenant des études pour être sursitaires, une « résistance passive », par leurs tenues vestimentaires, l’hygiène et surtout le retard systématique au retour des permissions, jusqu’en 1961, le commandement militaire répondant : « Si tu arrives en retard, c’est l’un de tes camarades qui partira en retard en permission »
Dans leurs correspondances, ils informent leur famille (fiancée, frères, sœurs), donc contredisent la propagande officielle et créé en France, un courant anti-guerre qui n’est relayé par aucun parti politique. La résistance prend aussi la forme de photos prises en opérations (ce qui est interdit). Jean Müller, responsable scout révéle aux Français l’usage de la torture dans les Cahiers du Témoignage Chrétien en 1956. Peu après démarre le mouvement des soldats du refus: 40 communistes, ont refusé entre juillet 1956 et mai 1959 de participer à la guerre , dont Serge Magnien, secrétaire national de l’UEC (union des étudiants communistes).En 1956, l’appelé communiste, Henri Maillot, a déserté en détournant un camion d’armes qu’il est allé livrer au FLN. Ayant rejoint le « maquis rouge » indépendantiste, il est considéré comme traître et abattu par l’armée française.
Le 18 mai 1956, une embuscade d’appelés, très médiatisée, a eu lieu à Palestro. « Palestro restera le symbole de ce qui peut arriver de pire : l’attaque surprise, l’impossibilité de se défendre, la mutilation des cadavres ». Cet épisode encourage les partisans de la guerre à faire preuve de fermeté et affaiblit les opposants à la conscription.Mais la contestation continue. Alors que toutes les formations politiques désapprouvent les désertions, on estime que 15 000 jeunes Français ont été insoumis, déserteurs ou objecteurs de conscience pendant cette guerre. 30 auraient appartenu au réseau de déserteurs “Jeune Résistance”, et en août 1960, 19 d’entre eux tiennent un congrès et publient le Manifeste des 121, en septembre. En janvier 1961, ses membres sont arrêtés puis acquittés, faute de preuves sauf Louis Orhant, condamné à 2 ans de prison.

La création de l’OAS; le putsch des généraux d’avril 61 : échec grâce au contingent
Après l’échec de la semaine des barricades, alors que le gouvernement français souhaite se désengager en Algérie, l’OAS (Organisation de l’armée secrète) est créée à Madrid, en février 1961 lors d’une rencontre entre 2 activistes importants, Jean-Jacques Susini et Pierre Lagaillarde, ralliant le généra Salan. Le sigle « OAS » apparaît sur les murs d’Alger le 16 mars 1961, et se répand en Algérie et en métropole, lié à divers slogans terroristes: « L’Algérie est française et le restera », « l’OAS frappe où elle veut et quand elle veut»
Sur le plan pratique, elle est divisée en 3 branches indépendantes, parfois rivales : l’« OAS Madrid », l’« OAS Alger » et l’« OAS Métro », métropole où elle est très active.
L’OAS est responsable de 1 700 à 2 200 morts.
5 généraux de l’armée à Alger tentent d’obliger le général de Gaulle à poursuivre la guerre. Leur putsh a échoué en partie en raison du refus de participation du contingent et même de sa résistance ; ils écrivent aux généraux pour les désavouer, sous une signature collective, ce qui déclenche une fracture dans l’institution militaire. Le général de Gaulle les encourage ; il a, depuis l’instauration de la 5° République en 1958, les pleins pouvoirs. Il termine son allocution radiodiffusée et télévisée par un vibrant « Aidez-moi ! ».
Alors que Radio-Alger est aux mains des généraux putschistes, Radio Monte-Carlo est la seule station métropolitaine reçue en Algérie. Elle retransmet toutes les heures, l’appel du président de la République. Les soldats du contingent en prennent connaissance grâce à leurs transistors, l’échec du putsch étant attribué à la radio, la télévision ne connaîssant, qu’ une diffusion très limitée .
Ces appelés du contingent, les « 500 000 gaillards munis de transistors », réclament que leurs chefs prennent position pour Paris. À la base aérienne 140 Blida, des centaines d’appelés forcent l’immense porte cadenassée du parking pour empêcher les parachutistes d’Alger de s’emparer des avions puis demandent au commandant Joseph Kubasiak, loyaliste à de Gaulle, de prendre le commandement de cette base stratégique, ce qui causera son assassinat par l’OAS un an après.
Les appelés sont encouragés par les nouvelles de métropole. Les syndicats lancent (enfin !) une grève générale d’une heure, massivement suivie contre le putsch.

4 – les « porteurs de valises »- Francis Jeanson
Au début de la guerre d’Algérie, la gauche française se divise en soutenant Messali Hadj ou le FLN. L’attitude de la gauche et le vote des pouvoirs spéciaux à Guy Mollet ont précipité l’engagement d’ ntellectuels s’impliquent dès le début, dans le conflit. C’est le cas de Francis Jeanson, secrétaire aux Temps modernes, qui publie avec sa femme Colette en 1955 L’Algérie hors la loi au Seuil. Les débats ne touchent pas l’ ensemble de la société. Sans le soutien du PCF aux combattants d’une Algérie indépendante, Jeanson décide d’agir en soutenant le FLN.
Le réseaux est composés de militants situés à l’extrême gauche, imprégnés d’internationalisme, et appartenant aux milieux professionnels de l’Université, de l’édition, du spectacle. Ils mènent diverses actions comme l’hébergement ou le déplacement de membres et cadres du FLN, et à apporter un support en collectant et en transportant des fonds et des faux-papiers pour les agents du FLN opérant dans la métropole, d’où leur surnom de « porteurs de valises ».
Ses membres sont des « communistes en rupture de ban », des chrétiens de gauche, des intellectuels, des avocats, des prêtres (à l’instar de Robert Davezies) ou des universitaires jusqu’en 1959, avec l’entrée dans ses rangs d’employés et d’ouvriers. Pour l’historien Pierre Vidal-Naquet, c’est le retour des 1° soldats français qui change la situation, en racontant ce qui se passe là-bas. Le réseau Jeanson n’ est pas partie prenante des décisions politiques du FLN, ni de l’utilisation des fonds qu’il apporte. Composé de Français -es, il souhaite garder une autonomie, ce qu’il fait avec la rédaction de son journal clandestin. Ses activités se font de 1956 jusqu’à son démantelement en février 1960, par la DST (direction de la surveillance du territoire), en même temps que Jeune Résistance et la Fédération de France du FLN.
Le procès s’ouvre en septembre au tribunal permanent des forces armées de Paris pour « atteinte à la sécurité extérieure de l’État ». Sont inculpés 6 Algériens et 18 Français de 22 à 59 ans. 5 Français sont en fuite à l’ouverture du procès.. Parmi les Algériens, un seul ne fait pas partie du FNL Pour les Français, les poursuites vont d’une participation active à une implication involontaire. La différence du statut des accusés nécessite 26 avocats. Le procès devient politique (le PCF condamne le soutien apporté au FLN)et met en lumière la contradiction de l’État français qui refuse de considérer le conflit algérien comme une guerre mais poursuit ses citoyens comme si le pays l’était. 15 sont condamnés à 10 ans de prison (dont Francis Jeanson, jugé par contumace)3 à 5 ans, et 3 à 8 mois. 9 sont acquittés. Maître Vergès, député communiste de La Réunion, est suspendu pour 3 mois pour avoir qualifié le tribunal militaire d’« assassin ». Ils seront amnistiés par la loi du 17 juin 1966. Jeanson s’est toujours défendu d’avoir trahi la France. Il justifie son attitude par la fidélité aux idéaux de la communauté française.
Impact sur l’opinion publique- Le lendemain de l’ouverture du procès, la revue Vérité-Liberté fait paraître le Manifeste des 121, qui indique : « Nous respectons et jugeons, justifiée la conduite des Français qui estiment de leur devoir d’apporter aide et protection aux Algériens opprimés au nom du peuple français. La cause du peuple algérien, qui contribue de façon décisive à ruiner le système colonial, est la cause de tous les hommes libres ».Une « information contre X pour provocation à l’insoumission et à la désertion » est ouverte. Les auteurs sont qualifiés de « traîtres » dans les colonnes du Figaro. Mais, des associations, dont la FEN (fédération de l’Éducation nationale), le SNI (syndicat national des instituteurs), l’UNEF (union nationale des étudiants de France) et Ligue des droits de l’homme, lancent un « Appel à l’opinion pour une paix négociée en Algérie » qui réunit 16 000 signatures. Une division entre la « gauche respectueuse», et une vision tiers-mondiste proche de Frantz Fanon, apparaît.
Henri Curiel rejoint le réseau Jeanson. Son courage et son sens de l’organisation, son expérience, en font un membre très efficace. Après la mise à l’écart de Francis Jeanson, il en devient le principal animateur du réseau. À la même époque, il fonde le Mouvement anticolonialiste français. Il est arrêté en octobre 1960 et passe 18 mois en prison à Fresnes où il continue à former les militants qui sont détenus au même étage que lui. Malgré l’arrêté d’expulsion pris à son encontre par le ministère de l’Intérieur, la décision ne sera jamais appliquée. Son nom figure comme « agent étranger S531916 » dans les dossiers de la DST et il est sous la surveillance des autres agences occidentales de contre-espionnage, alors qu’il est soupçonné de travailler pour le KGB. Il continue néanmoins ses activités.
5- L’Action civique non-violente (ACNV) fait signer un Appel au Président de la République. « Priver des hommes de leur liberté et de leur travail et exposer ainsi leur famille à la misère matérielle et morale, c’est porter atteinte à la justice et à la dignité humaines » 30 volontaires de l’Action civique non-violente dont Joseph Pyronnet, Jean-Pierre Lanvin et André Dupont, dit Aguigui Mouna, se déclarant suspects, demandent à partager le sort des Algériens internés sans jugement. En avril 1960, à l’appel lancé par l’ACNV, le Comité Maurice Audin et le Comité de vigilance universitaire et signé par 21 personnalités dont Germaine Tillion, Gabriel Marcel, Théodore Monod, Laurent Schwartz et Pierre Vidal-Naquet, entre 700 et 1 000 manifestants marchent silencieusement vers le centre de tri de Vincennes. Comme ils opposent une résistance passive à l’ordre de dispersion, la police en enferme dans les sous-sols de la mairie du 11e arrondissement et conduit certaines personnalités devant la tombe d’un gardien de la paix récemment tué par le FLN. En mai 1960, des manifestations ont lieu dans une 12 villes. La principale réunit 1 500 non-violents, par principe ou par tactique, qui marchent vers le ministère de l’Intérieur. Selon les autorités judiciaires, 629 personnes sont appréhendés. Elles sont emprisonnées jusqu’au lendemain.

6- Le drame de Charonne- Le 8 février 1962
Le PCF organise une manifestation pour exiger que soit mis fin à la guerre d’Algérie et pour dénoncer l’OAS. L’opinion publique est bouleversée par un attentat, visant le ministre André Malraux mais qui a défiguré une petite fille de 4 ans. Alors que se déploient les manifestants, dans le quartier de la Bastille, les policiers chargent violemment et 8 personnes sont tuées à la station de métro Charonne. Étant donné le contexte tendu et l’état d’urgence décrété en avril 1961 après le putsch d’Alger, la manifestation, organisée par lePCF et d’autres organisations, avait été interdite, et Maurice Papon, avait donné l’ordre de la réprimer, avec l’accord du ministre de l’Intérieur et du président de la République, Charles de Gaulle.

Leurs obsèques au Père Lachaise rassemblent 500 000 personnes.