
L’émigration algérienne en France 3 : Front Populaire, libération par Laure Lemaire
L’étranger vient du mot étrange. Il a toujours suscité des sentiments d’attrait et de rejet. Celui qui n’est pas de nationalité française est considéré comme un étranger. A partir de là, 2 attitudes se dessinent, soit on cherche à découvrir ce qu’il a d’étrange pour comprendre, voire s’enrichir, soit il fait peur et on cherche à le faire disparaître, souvent les 2.
1- Le Front populaire- 1936
Lors des grèves du Front populaire, l’ENA (2toile Nord Africaine), qui organise les ouvriers émigrés algériens, adhère aux revendications et se solidarise avec tous les ouvriers. Mais elle s’oppose au projet Blum-Viollette qui prévoit l’attribution de la citoyenneté française à une minorité d’Algériens. Accusée d’être «manifestement antinationale », elle est dissoute en janvier 1937, à la grande surprise de Messali lui-même, qui croyait pouvoir compter sur la bienveillance du gouvernement Blum. Le Frontpopulaire poursuit ses dirigeants. Ils sont condamnés puis amnistiés. Selon la police, l’ENA compte 5 000 membres.
Messali Hadj crée donc le Parti du peuple algérien (PPA) à Nanterre en mars 37, avec un objectif différent, revendiquant l’autonomie totale de l’Algérie au sein de la République française mais plus l’indépendance. En 1938, 4 dirigeants du PPA sont arrêtés pour «menées antifrançaises» et reconstitution de ligue dissoute. À l’accusation d’anti-France, Messali se positionne :
« Est-ce être anti-français que de demander un Parlement algérien ? Est-ce être anti-français que de demander la même indépendance pour l’Algérie ? Sommes-nous ici chez nous, en Algérie ? Nous travaillons pour notre liberté, avec l’aide de la France. Nous avons notre civilisation, notre religion et nous avons tout pour être un peuple. Nous voulons voir ce pays libre, indépendant, avec le secours de la France. Alors la France pourra compter sur nous et sur l’Islam tout entier» Mais il est arrêté avec 10 dirigeants du PPA.
Accusé de collusion avec l’Allemagne hitlérienne, le PPA fut interdit en septembre 1939 et 28 responsables arrêtés en octobre. Il continue dans la clandestinité, réactivé par la défaite de juin 1940.

2- L’hôpital Franco-Musulman- mars 1935
Dans le prolongement de l’ inauguration de la Grande mosquée de Paris , un médecin d’Alger, Amédée Laffont, lance l’idée d’un hôpital réservé aux Musulmans, résidents ou de passage, de la région parisienne. Il se forme un « Comité Laffont » patronné par des personnalités politiques et religieuses, qui se réunit en octobre 1926, présidé parAndré-Pierre Godin(1875-1954). Conseiller municipal de Paris, chef de cabinet de Georges Clemenceau en 1918, ancien administrateur colonial en Algérie, Godin est un républicain de gauche, laïque et patriote. Il était aussi le fondateur du Service de surveillance et de protection des indigènes nord-africains visant à surveiller une population toujours plus nombreuse, embauchée dans les usines de la région parisienne. Dans les années 1920 et 1930, la presse décrit une immigration incontrôlée, où les nord-africains sont associés à la promiscuité, aux maladies vénériennes et à la tuberculose.
Après avoir fondé des dispensaires, Godin souhaite contrôler et surveiller cette population en état de santé précaire : il fait passer le projet d’hôpital sous la houlette d’une commission de surveillance créée en 1930 par le Conseil départemental de la Seine. Sous couvert de soins gratuits, l’hôpital devient le fer de lance d’un dispositif policier. La construction d’un hôpital franco-musulman répondait à un double objectif : sanitaire et de contrôle policier (identification des maghrébins nationalistes).
Un terrain bon marché propriété du conseil départemental à Bobigny (17 000 hab)., est retenu, malgré l’opposition de son maire communiste et de la population, ce terrain étant utilisé par la puissante société sportive du Stade français,.Mais le président de la République signe la déclaration d’utilité publique en 1930. Le préfet de la Seine ordonne que seule la 1/2 de la parcelle soit utilisée pour construire l’hôpital, amenant à renoncer à un lieu d’abattage rituel, à un centre de convalescence, à un grand potager et à un centre d’aide par le travail.
L’hôpital est inauguré en mars 1935 sous le nom d’Hôpital franco-musulman de Paris en présence de 3 ministres dont celui de l’Intérieur, du préfet de police, du président du Conseil général de la Seine , du président de la Société des Habous Kaddour Benghabrit et d’André-Pierre Godin, mais en l’absence ostensible du maire Jean-Marie Clamamus
Il est réservé aux patients musulmans de Paris et du département de la Seine. Il est placé sous l’autorité de la préfecture de police de Paris et rattaché au Service des affaires indigènes nord-africaines. Dans les 1° temps, tous les musulmans des autres hôpitaux parisiens y sont emmenés de force en car de police. Adolphe Gérolami, ancien administrateur principal des communes mixtes d’Algérie, fut le 1° directeur de l’hôpital franco-musulman et de l’école d’infirmières.
L’hôpital, de 300 lits, est destiné aux pathologies spécifiques de l’Afrique du nord. Le corps central du bâtiment a une fonction administrative. L’aile gauche est celle des tuberculeux, l’aile droite celle de médecine générale et de chirurgie. L’ensemble est complété par un important laboratoire annexe consacré aux maladies exotiques.
L’entrée de la morgue est pavée de vert et de blanc, couleurs symboliques du deuil musulman. Est ouvert en 1937 comme annexe de l’hôpital, le cimetière musulman
Une grande partie du personnel infirmier parle l’arabe ou le kabyle, et la plupart des médecins sont liés à l’Afrique du Nord. Les élèves infirmières reçoivent une formation spécifique à la culture et la géographie arabes. L’hôpital devient une référence pour les étudiants en médecine d’Afrique du Nord, accueillant stagiaires et internes provenant du Maroc, d’Algérie et de Tunisie. Le professeur Ali Sakka, chef du service des tuberculeux démissionna devant l’arrivée des Allemands en 1940

Alain Ruscio sur son blog « Le « Grand remplacement: une peur qui vient de loin », site Charles Hagel : « Danger de mort imminente »:
« L’étranger qui afflue de toutes parts, qui ne peut être que médiocre s’il n’est un déchet total, achève de contaminer notre sang si appauvri ; il nous apporte son trachome et ses dermatoses, ses poux, son paludisme, sa tuberculose et ses spirilles. Nous avons le triste privilège d’être le seul pays du monde où la syphilis soit en recrudescence et progression » (L’Afrique du Nord illustrée, 30 octobre 1926)
En 1978, l’hôpital a adopté le nom d’Avicenne. À la fois, médecin, philosophe, poète et musicien, Avicenne est l’auteur du Canon de la médecine (Qanûn), qui est resté un traité de référence en médecine jusqu’au XVIIe siècle en Europe.
L’immigration est stoppée pendant la durée de la seconde guerre mondiale.
Le général Juin, natif d’Algérie, commanda le Corps expéditionnaire français en Italie. Les futurs présidents de l’Algérie indépendante, Ahmed Ben Bella et Mohamed Boudiaf, furent engagés volontaires et décorés. Mostefa Ben Boulaïd, un des artisans du déclenchement de la révolution algérienne en 1954, fut récompensé de son courage pendant la campagne d’Italie en 1944 par la médaille militaire et la croix de guerre. Krim Belkacem, futur vice-président du GPRA, fut mobilisé en 1943 dans le 1er régiment des tirailleurs algériens où il devint caporal-chef.

2- La Résistance et la Libération
Suit la politique colonialiste menée par les dirigeants de la Résistance dont le PCF était partie intégrante. En décembre 1942, l’amiral Darlan appela les musulmans à participer activement à la guerre contre l’Allemagne, mais quelques jours plus tard, Ferhat Abbas rejeta l’appel au nom du nationalisme algérien avec un message disant :
“Cette guerre n’est pas une guerre de libération des peuples sans distinction de race ou de religion. Malgré les promesses qui leur ont été faites et les sacrifices qu’ils ont consentis, les peuples autochtones d’Algérie sont privés de la liberté et des droits essentiels dont jouissent les autres.”
Cette position décisive a été suivie, le 10 février 1943, par la constitution du Manifeste du peuple algérien, signé par F. Abbas et 56 représentants nationalistes, qui dénonçait la politique coloniale menée en Algérie par la France et énumérait les revendications nationalistes.
En réponse, le 3 juin 1943, le CFLN(Comité francais de liberation nationale)nomme gouverneur de l’Algérie, le général Catroux, assimilationniste convaincu dans la politique indigène, défenseur de la « mission de la France » en Afrique du Nord. “La France ne permettra jamais l’indépendance de l’Algérie, qui en fait partie intégrante.”

Le CFLN accuse Sayah Abd el Kader et Ferhat Abbas de « désobéissance en temps de guerre », les fait arrêter et interner. Le 1er mai 1945, le PPA participe au défilé de 20 000 manifestants indigènes à Alger mais le parti subit la répression après le massacre de Sétif en 1945, rasant 44 villages et tuant 45 000 Algériens. En 1946, Messali Hadj fut libéré et autorisé à s’installer à Bouzareah, près d’Alger, où une conférence décide de la constitution du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD) en vue des élections législatives de novembre 1946.
La conférence de Brazzaville, se tient en Afrique-Équatoriale française, début février 1944. Organisée par le Comité français de la Libération nationale (CFLN), afin de déterminer le rôle et l’avenir de l’Empire colonial français, elle décide de l’abolition du code de l’indigénat et retient la proposition, faite par Félix Éboué, d’une politique d’assimilation en faveur des colonies.
Aucun émigré n’est adhérent au PCF; ils sont Messalistes. Le PCA n’opère que sur le territoire de la colonie et avec ses élu(e)s à l’Assemblée Nationale de la République Française.
La ligne politique du PCF (PCA)-Au congrès du Komintern, le PCF est critiqué pour son manque de soutien aux luttes coloniales par les délégués arabes et asiatiques; il répond par la thèse pseudo-révolutionnaire qu’il ne fallait pas aider les nationalistes algériens à mener à bien une révolution bourgeoise et que tous les efforts doivent être concentrés sur la révolution prolétarienne en France. Cette thèse est obstinément combattue par Lénine.
Création du PCA – Le PCF, organisé en fédérations (département) en avait crée une en Algérie, de 1920 Ses (cellules) étaient composées d’ouvriers expatriés, venus au moment du “peuplement de la colonie, parfois les« indésirables » issus de la commune de Paris et de divers mouvements populaires. Il ne partageait pas l’ objectif des partis nationalistes. Il était composé de “Français” uniquement, et quand il sera ouvert aux indigènes, certains le quitteront comme Albert Camus. Le PCA devient une entité séparée en 1936 et ouvre ses rangs aux autochtones. Son secrétaire Kaddour Belkaïm est déporté en septembre 1939 à la suite de l’interdiction du PCA par le Gouvernement de Vichy.et meurt en déportation en 1940.
Après un 1° accord avec les nationalistes, le PCA s’aligne sur le gouvernement français: l’assimilation et non l’indépendance de l’Algérie. Réunis en juillet 1937 à Alger, sous la direction des responsables français des affaires indigènes, ils ont nié les principes autonomistes présentés à Blum, ne revendiquant que la réalisation des projets d’assimilation totale et automatique des musulmans d’Algérie.
En juin 1945, le PCF fait partie du gouvernement. Thorez proclame « La grandeur de la France est à refaire ». Avec autant de chagrin que De Gaulle, il déplorait l’humiliation de la France en Syrie, parce qu’elle ne disposait plus d’une grande armée. Le PCF, toujours dans le gouvernement de coalition de gauche, la guerre d’Indochine.commence (décembre 1946). Mais en mai 1947, Ramadier l’évince Alors seulement, il commence à protester pour l’Indochine.

Au moment de la Libération, les communistes d’Algérie ont suivi la ligne du PCF, partageant les analyses sur le drame du Constantinois au printemps 1945, soit la mise sur un pied d’égalité des massacreurs et des massacrés, se coupant de la voie nationaliste. Or,« l’étincelle de l’insurrection est née à Sétif », celle du 1° novembre 1954.
Le PCA est alors confronté à un choix stratégique : soit persister dans la voie de la dénonciation du mouvement national, et apparaître aux yeux des masses algériennes comme des alliés de la répression coloniale, soit modifier l’analyse, et se réinsérer dans la vie politique de la colonie. Commence alors une campagne pour la libération et l’amnistie de tous les emprisonnés algériens. En octobre 1945, tous les élus communistes d’Algérie écrivent au gouverneur général et au ministre de l’Intérieur pour « une élémentaire mesure de justice et d’équité, la libération immédiate des internés politiques musulmans ». Le PCA fonde un « Comité d’initiative pour l’amnistie » qui remporte un grand succès (100 000 adhérents, pour la plupart Musulmans).
En septembre 1946, a lieu à la Mutualité, à Paris, un meeting du Secours populaire avec et en l’honneur de Messali Hadj . Le représentant du PCF salue « le camarade Hadj Messali ». Côté algérien, Ferhat Abbas prend la parole. L’hebdomadaire du PCA en fait sa Une: « À Paris, 8 000 Français et Nord-africain demandent le retour inconditionnel en Algérie de Messali et la légalité pour le PPA ».
En avril 1947, le PCA fait son autocritique: « une politique sectaire, hésitante » qui l’avait placé « en dehors du mouvement national » et condamné « à continuer à végéter avec les seuls éléments d’origine européenne ». Il rectifie et adopte « une politique hardie et profondément unitaire, qui nous permettrait de nous intégrer dans le mouvement national ». Alice Sportisse dit sans détoursà la tribune de l’Assemblée constituante « En vérité, le problème de l’Algérie se place dans le cadre du problème colonial ». Vérité d’évidence, violemment contestée en métropole. Elle a été élue au conseil général d’Oran, puis est présentée par le PCA aux élections générales dans le collège des citoyens français. Elle a été députée de 1945 à 1955.
La paix en Indochine et l’indépendance de la Tunisie et du Maroc sont promulguées par Mendès-France. La victoire des 2 pays d’Afrique du Nord est due à leur lutte et à l’intérêt des États-Unis à résoudre la crise où ils avaient établi d’importantes bases militaires et économiques. L’indépendance est donc le résultat des contradictions de l’impérialisme, dont Mendès France devient le médiateur, Il en va de même pour l’Indochine, si ce n’est pour y ajouter un double nœud de contradictions dont le centre est la Chine et ses relations avec l’URSS.
4- Les « Français musulmans d’Algérie » émigrent- 1947-1954

Les travaux de Georges Mauco montrent que les immigrés, souvent Algériens, ont depuis 1945, construit 90 % des autoroutes françaises, 1 machine sur 7, et 1 logement sur 2.
Théoriquement, les hommes passaient d’un département français à un autre quand ils se rendaient en métropole, même si un mot “département” recouvrait des réalités institutionnelles et sociales très différentes de part et d’autre de la Méditerranée. La liberté de déplacement, les “Pieds Noirs “circulaient librement, mais peu ; les “Juifs” (autochtones et colons) français” par le décret Crémieux de 1870. étaient victimes de “l’antisémitisme de bureau” (donc de la corruption); pour les “Musulmans”, le “régime de l’indigénat” entravait leur mobilité, y compris à l’intérieur des départements algériens. Les “autorisations de voyage” étaient contournées par les “indigènes”, (corruption, clandestinité) qui deviennent “Français musulmans d’Algérie” (FMA) après l1946
En septembre 1947, les Algériens deviennent, officiellement du moins, des citoyens, appelés par l’administration des (FMA). Ils deviennent des migrants régionaux comme les Bretons et les Corses avec le droit de vote, les mêmes droits et devoirs que les autres citoyens français. L’empire colonial français fonde sa légitimité sur l’égalité des droits entre les “Européens” et les indigènes “Tous les ressortissants de nationalité française des départements d’Algérie jouissent, sans distinction d’origine, de race, de langue, ni de religion, des droits attachés à la qualité de citoyen français et sont soumis aux mêmes obligations”
L’accès à la nationalité française: de la Libération à 1955,
Les “FMA” sont supposés bénéficier d’une liberté de circulation et d’installation entre les 2 rives. Mais, le préfet de police de Paris écrit en mars 1948 : “Il faudrait trouver un moyen de les empêcher de venir en France s’ils ne sont pas assurés d’y pouvoir vivre normalement”. Les pratiques policières en métropole suppléent donc les conséquences de la liberté de circulation et d’installation : “bouclage des médinas” (ou principaux lieux d’immigration), et organisation de “rafles” (le terme couramment employé) permettent l’expulsions de “citoyens français” sous couvert de rapatriements “d’indigents” arrêtés pour faits de “vagabondage”.
En métropole, les “FMA” proclamant leur égalité avec les “Français non musulmans” continuent à faire l’objet d’une surveillance policière spécifique qui, à partir de 1954, est institutionnalisée dans des services et dispositifs d’exception (CARS, centre d’assignation à résidence surveillée). Avant ou pendant la guerre d’Algérie, les organes d’encadrement des Algériens assument des “missions d’assistance”, mises au service du renseignement politique. Elles ont leur pendant au ministère du Travail et des affaires sociales. Voir l’hôpital Franco-Musulman.
L’immigration algérienne reste marquée par ce statut national singulier, incarné pendant 15 ans par “Français musulmans d’Algérie” (1944-1958).
2° grande vague d’émigration
La nouvelle vague de main-d’œuvre d’Algérie prend le chemin du Nord-Pas-de-Calais, « attirée par la reconstruction ». Avant, dans cette région, les ouvriers algériens étaient déjà 9500; en 1949, ils sont + de 16 000 et 23 400 en 1962. Mais en 1952, seuls – de 4000, sont employés par les Houillères, en raison de difficultés des métiers. Dans le bassin minier, les migrants sont toujours Kabylie, perpétuant la tradition. Les Houillères proposent aux travailleurs célibataires des camps d’hébergement, mais ils préfèrent souvent des cafés-hôtels tenus par leurs compatriotes, anciens mineurs restés en France et reconvertis. Les hommes s’y regroupent par petites communautés, selon leur village, leur « douar » d’origine, pour discuter et recevoir des nouvelles. Dans les années 50, débute la grande période d’industrialisation des « Trente Glorieuses », cela jusqu’au début des années 1970. Les familles, plus nombreuses désormais, peuvent être logées par l’entreprise dans des cités HLM. Les Houillères financent la construction d’une mosquée à Libercourt, en 1952. En matière de distractions, le cinéma remporte un tel succès à partir de 1950 qu’un certain nombre d’exploitants spécialisent leurs salles dans la projection de films égyptiens.

4- La reconstruction du parc logement
Jusque dans les années 1950, l’Etat n’investit pas dans la construction, alors qu’ une partie importante de la population française souffre de la pénurie de logements consécutive, moins aux destructions de la guerre qu’à l’accroissement de la population urbaine, à l’insalubrité dans les vieux quartiers populaires et au manque de constructions neuves avant le conflit. Les travailleurs « coloniaux », qui affluent à la suite de la forte demande de main-d’œuvre sont les plus mal logés. Désormais plus nombreux, les émigrés devenus des « français musulmans » se répartissent entre des taudis et des meublés insalubres et surpeuplés, des baraquements de chantier fournis par leurs employeurs, ou commencent à occuper les périphéries des grandes villes pour y construire illégalement des abris de fortune ( bidonvilles).
La 1° vague d’ immigration pendant la guerre 14, recrutée par le gouvernement, était encadrée par une structure militaire, le SOTC, service de l’organisation des travailleurs coloniaux. Après la démobilisation en 18, une grande partie de ces 1° immigrants restent, rejoints par d’autres qui cherchent à échapper aux limitations de la condition des indigènes en Algérie.Un Service des affaires indigènes nord-africaines de la Préfecture de Police de Paris, le fameux bureau de la rue Lecourbe, est mis en place en 1925 pour centraliser la surveillance et l’encadrement de cette population. Il est chargé de contrôler les rares foyers existants. La constitution en 1931 d’une Régie des foyers nord-africains, aux préoccupations hygiénistes (tuberculose et syphilis), sécuritaires et politiques, dénoncé par Messali Hadj , n’aura en l’absence de moyens que de faibles résultats.
Le foyer de travailleurs migrants (FTM) est un type de logement social systématisé en France par l’État au milieu des années 1950, pendant la guerre d’Algérie. Héritiers de la politique de logement patronale (les corons), ils permettent aussi un encadrement des populations « indigènes », Ils sont autant critiqués pour avoir institutionnalisé et entretenu une discrimination à l’égard de certaines populations, que dénoncés par la droite nationaliste comme des « zones de non-droit », refuges supposés de l’immigration clandestine et lieux de divers trafics. Conçue et mis en œuvre pour améliorer les conditions de logement et résorber les bidonvilles, l’habitat consistait en dortoirs ou chambres individuelles de très petite taille, regroupées en unité de vie avec des espaces communs pour la cuisine et les sanitaires, l’établissement étant sous la responsabilité d’un gérant ou d’un directeur habitant généralement sur place.
5- Les HLM (habitations à loyer modéré)
Au milieu des années 1950, la France sort peu à peu de la crise du logement de l’après-guerre. Dans les années 1960, des offices HLM ont été mobilisés pour resorber les bidonvilles et autres logements insalubres. A cette époque, le logement social n’était accessible qu’aux classes moyennes et aux fractions supérieures de la classe ouvrière. Ces “consignes” mal vues par les administrateurs des offices HLM , participent de la politique dite “d’intégration” des “Français musulmans”. Déjà, plusieurs centaines de familles avaient intégré le parc HLM grâce aux “réservations” des employeurs, atteignant 2 000 à la fin de la guerre d’Algérie. Mais en 1968, les Algériens ne compteront toujours que pour 1 % des familles logées en HLM. Dès 1961, les offices HLM furent mobilisés pour loger des familles dites “rapatriées” d’Afrique du Nord, les “pieds noirs” qui n’intégraient pas la catégorie les “harkis”, parqués dans divers camps. Les familles d’immigrés de longue date, de par leur nouvelle nationalité française n’étaient plus un groupe prioritaire pour les bailleurs, tant que les logements sociaux furent demandés par les Pieds Noirs. Les Algériens sont même l’objet d’une politique de “quotas” implicites, sous couvert d’un “seuil de tolérance” mobilisé à des fins xénophobes, d’autant que d’autres populations sont à reloger en urgence, celles des logements insalubres du vieux Paris ouvrier (Belleville), Ainsi, dans l’agglomération lyonnaise, en 1973, les autorités préfectorales s’accorderont sur une proportion maximale de 15 % de “familles étrangères dont 5 % de Maghrébines”. Les familles algériennes “inadaptées” ou considérées comme trop pauvres pour payer un loyer régulier, furent affectées dans des “cités de transit”, des dispositifs d’apprentissage (des mœurs et usages du bon locataire) et à moindre coût. Ces 15 000 logements étaient pensés, en termes de “suivi socio-éducatif” et d’encadrement, pour les “Français musulmans” qui vivaient en bidonville. Mais une même cité de transit pouvait abriter des Français de métropole (très pauvres), des “rapatriés” d’Afrique du nord (juifs et pas longtemps), des Algériens et d’autres ou des Gitans. Ce moment de 2 ans supposé “transitoire” pour les Algériens atteignit 10 ans. Leur démolition vers 1975 correspond à l’arrêt de l’émigration. Le mal-logés, lot commun aux classes ouvrières migrantes (les hôtels meublés, logement insalubres), ont connu une trajectoire résidentielle ascendante arrivés en HLM.
