
Cette 1° partie pour montrer comment 2 des types d’économies, agraire et nomade, ont été détruites en profondeur par la colonisation française. De plus, une bonne partie de la main d’oeuvre en âge de travailler, de combattre donc, a été massacrée ou déportée. Les Algériens, qui ont survécu, n’ont d’autre possibilité que de travailler pour les colons. Et cela, de 2 façons: en restant sur place à cultiver la terre qui ne leur appartient plus, pour des clopinettes, ou à faire de larbin dans leur maison. Ce sera le “choix” des femmes qui deviendront les pilliers de la tradition ancestrale. Les hommes en émigrant surtout en France, vont travailler très dur pour des salaires de misère.
1-Zouaves puis Tirailleurs: des Indigènes dans l’armée française ( Van Gogh)
Le mot « zouave » est une forme francisée de Zwāwa qui désignait une confédération tribale kabyle du Djurdjura qui approvisionnaient en mercenaires les milices locales à la solde des Turcs ottomans. Elles sont connues à Alger, à Bougie, jusqu’à Tunis. Tout de suite après la capitulation d’Alger en 1830, le commandant en chef de l’expédition, le comte de Bourmont, procède au recrutement des 500 premiers zouaves à partir du contingent qui avait servi l’Empire ottoman. Son successeur, le général Clauzel, annonce la formation d’un « corps d’Arabes zouaves ». Très vite, ce corps qui a atteint ses limites, incorpore des Algériens juifs et des Français installés à Alger. Les soldes sont identiques pour les indigènes et pour les Français. Mais en 1841, avec la réorganisation de l’Armée française, subsiste une seule compagnie indigène par bataillon, une forte minorité de Juifs algériens (souvent près d’1/4) pour un effectif d’environ 3 100 hommes.
L’uniforme des zouaves, inspiré de la tenue traditionnelle masculine algérienne, est fixé en 1831 par le général Lamoricière et dessiné par le commandant Duvivier. Cet uniforme des zouaves, très élaboré, ne changera presque pas de 1830 à 1962. Mais à partir de 1915, il ne sera plus que la tenue de tradition, porté pour les cérémonies et prises d’armes, se révèlant peu pratique pour un usage militaire.
À la même période, 3 bataillons de Tirailleurs Indigènes, les Turcos, sont créés par l’ordonnance du 7 décembre 1841 pour accueillir les indigènes au moment où les Zouaves deviennent un corps à recrutement exclusivement français. Ce sont des unités d’infanterie de l’armée de terre française, appartenant à l’Armée d’Afrique, constituées en Algérie française, à recrutement majoritairement indigène (de 70 à 90 % selon les époques). Elles sont actives de 1842 à 1964. Les tirailleurs algériens participent à toutes les campagnes militaires du Second Empire et de la IIIe République et se distinguent lors de la Première Guerre mondiale ( 55 citations à l’ordre de l’Armée), puis lors de la Seconde Guerre mondiale, lors de la campagne d’Italie, puis du débarquement de Provence en août 1944.
Les 4 régiments de “nouveaux” zouaves sont reconstitués en 1872. Ils participent à des opérations de “maintien de l’ordre” d’ampleurs diverses en Algérie et en Tunisie (1880 et 1890), puis à la” pacification du Maroc” qui aboutit au traité de Fès en 1912, et au Protectorat français. En 1881, la Tunisie passe sous protectorat français, Tunis et Bizerte deviennent les villes de garnison du 4e Zouaves.

2-La conquête de l’Algérie par la France en 3 étapes
1° étape– La conquête commence avec le blocus maritime de la régence d’Alger en 1827 après celui des Britanniques. Le corps expéditionnaire français débarque à Sidi-Ferruch le 14 juin 1830. Elle prend fin avec la soumission du régent d’Alger Hussein Dey le 5 juillet, aux troupes françaises, commandées par le comte de Bourmont. Il s’en suit l’occupation des ports du littoral et le principe d’une occupation restreinte.
Les nouvelles possessions françaises sur les côtes méditerranéennes de l’Algérie voient arriver les colons européens: italiens, espagnols, maltais et corse en majorité (complétés en 1870 par des Alsaciens-Lorrains déportés de la guerre contre la Prusse). Ce seront les futurs “pieds noirs”. Les tentatives de les implanter vers l’intérieur des terres, à Constantine, donnent des résultats mitigés : ils préfèrent le littoral. Parmi les indigènes, il existe de nombreux juifs dits Sépharades et des communautés de Gitans, depuis très longtemps
2° étape– La conquête de l’État d’Abdelkader de 1832 à 1847 se termine par la chute de Annaba-Constantine en 1837. Il signe l’armistice par à Sidi Tahar le 23 décembre 1847 en remettant sa reddition au capitaine François Bazaine. Les territoires de l’ancienne régence d’Alger et ceux de l’État algérien sont annexés à la France en 1848 avec la création de 3 départements: Oran à l’ouest, Alger au centre et Constantine à l’est
Elle s’accompagne de la politique de la terre brûlée (1851-1860), du décret Crémieux et la naturalisation française des populations juives algériennes en
1870, de l’expropriation des terres des tribus et du code de l’indigénat.
3° étape-La conquête du Sud algérien commence en 1882 et se termine en 1902 avec la reddition de la confédération touarègue Kel Ahaggar. Ceci entraîne la création des territoires duSud (rattachésensuite àl’Algérie),départementalisés en 1957 avec 2 départements français du Sahara,la Saoura à l’Ouest et les Oasis à l’Est. La prise sanglante de Laghouat et de Touggourt, la soumission du Mzab (1852) et celle du Souf, reculent les limites de l’Algérie jusqu’au
grand désert. Mais le Cheikh Bouamama (1833-1908), un chef du Sud-Ouest continue de résister avec succès de 1882 jusqu’en 1902 quand il se rendit, avec les honneurs, à l’armée française.
L’émigration commence dés le début de la destruction des ressources des Algériens sur leurs terres.

3- 3 grandes révoltes au Nord, à l’Ouest, au Sud en 1857, 1870 et 1882
On entend par pacification, terme du vocabulaire militaire et colonial, le fait qu’après la conquête d’un territoire, des rébellions peuvent remettre en cause l’ordre du conquérant. Le terme est utilisé comme l’euphémisme d’une intervention militaire, car pour convaincre la population (et l’opinion) de la nécessité d’intervenir militairement, on la persuade qu’on est soucieux d’assurer la paix et que la guerre est bien finie.
Le combat de Lalla Fatma N’Soumer (1857) en Kabylie (Djurdjura)
Lalla Fatma naît en 1830 dans un village près d’Aïn El Hammam en Kabylie. Son père est le chef d’une école coranique qui appartient à la lignée du marabout Ahmed Ou Méziane, dont elle suit l’enseignement. Ayant choisi la dévotion et la méditation, Fatma s’impose dans le monde de la concertation politico-religieuses d’où elle exerce une grande influence sur la société kabyle. En 1849, Fatma N’Soumer se rallie à un marabout qui avait déjà participé à l’insurrection du Cheikh Boumaza dans le Dahra en 1847. Et en 1850, elle soutient le soulèvement du Cherif Boubaghla de la région des Babors. L’assemblée de Soumeur, Tajmaât, autorité politique du village, la délègue avec son frère Sidi Tahar, marabout, pour diriger les Imseblen (volontaires de la mort) venus des villages du Djurdjura. En 1854, elle remporte sa 1° bataille qui dure 2 mois, face aux forces françaises (13 000 hommes dirigés par Mac Mahon), près de Aïn El Hammam. Les villages environnants sont indépendants, mais en 1857, les troupes du maréchal Randon réussissent à occuper Aït Iraten à la suite de la bataille d’Icheriden. Les combats sont féroces, et les pertes françaises considérables car les autochtones comptent 8 000 combattants, armés de poignards et de sabres.
Fatma forme un noyau de résistance dans le hameau Takhlijt Aït Aatsou, mais en 1857,elle est arrêtée et conduite au camp du maréchal Randon. Elle est emprisonnée dans la zaouia d’El-Aissaouia, à Tablat, puis placée en résidence surveillée où elle meurt en 1863, à l’âge de 33 ans, éprouvée par son incarcération. Les autres chefs, sont contraints de se rendre. Mais les Kabyles se soulèveront plusieurs fois encore jusqu’au début des années 1870.
La révolte de Mokrani (1870-1871).
L’Algérie était jusque-là administrée par des militaires dans le cadre des bureaux arabes. En 1870-1871, ils sont remplacés par des fonctionnaires civils. Les chefs de tribus guerrières qui avaient accepté de se soumettre à des généraux, n’entendaient pas obéir à des civils venus tout droit de Paris, d’autant que ceux-ci amenaient avec eux la « normalisation républicaine » au détriment de l’ordre social traditionnel maintenu jusque-là. Mokrani (bachagha de la Médjana) et de Haddad (chef de la confrérie Rahmania) se révoltent. Cette erreur politique contribua à l’extension de la révolte dans le centre et l’Est du pays.
Lancée en 1871, elle est menée depuis les Bibans en Kabylie par le cheikh el-Mokrani et son frère Bou-Mezrag, rejoints par le cheikh el-Haddad (chef de la confrérie des Rahmaniyya), et elle soulève 250 tribus, soit 1/3 de la population de l’Algérie. La révolte est étendue à l’Ouest par El-Keblouti (Souk-Ahras) et au Sud par Bennacer Benchohra et Bouchoucha.
Ces insurrections communalistes, sont une conséquence de la défaite militaire française contre la Prusse lors de la guerre de 1870. Le gouvernement de Versailles, est vu comme faible par de nombreux indigènes algériens. Mais la révolte est violemment réprimée et suivie par la spoliation accrue des terres, et la paupérisation des populations indigènes. Les archives de la commune de Bourail dénombrent un total de 1 822 déportés, “condamnés de droit commun” dont la plus grande partie le sont pour des actes de rébellion réprimés par le Code de l’indigénat ou pour leur participation aux insurrections successives.
Ces déportés, au nouveau bagne de Nouvelle Calédonie crée par Napoléon III, sont tous les instigateurs du soulèvement, notamment les familles Rezgui et Mokrani. Les déportés algériens étaient exclus des lois de 1870, 1872 et 1873 qui leur permettaient d’être accompagnés par leurs femmes. Ainsi, séparés de leurs femmes par la force, certains épousèrent des communardes ou des Kanaques. Les tribus kabyles sont condamnées au paiement d’une contribution de 36 millions de francs-or et à la confiscation de 450 000 ha dans la région de Constantine, distribués aux nouveaux colons, réfugiés d’Alsace-Lorraine à la suite de l’annexion allemande,
La répression et les confiscations entraînent l’exil de nombreux Kabyles en Tunisie, en Égypte et en Syrie.
La révolte du cheikh Bouamama au sud-ouest (1882-1902).
Mohammed ben Larbi, né en 1833, est surnommé « Bouamama », car durant toute sa vie, il a porté un turban «’amâma » qui évoque son attachement à la religion musulmane. Il est issu de la famille des Ouled Sidi Taj de Figuig où son père pratique le commerce des burnous et des bijoux. Sa tribu maraboutique puissante du Sud-Ouest de l’Algérie, s’étendent au-delà, au Maroc, au Niger, et au Mali.
En 1845, le Traité de Lalla Maghnia, imposé par l’armée française, sépara la tribu. en 2. Cheikh Bouamama se retrouva au Maroc
Sa révolte est nommée l’ « Insurrection du Sud Oranais » par les militaires français qui n’y dispose que d’un seul poste. La région dispose d’une autonomie relative pour ses affaires internes du fait de la faible concentration de colons.
En avril 1881, le lieutenant Weimbrenner, chef du bureau arabe est assassiné avec 4 de ses gardes; il essayait de mettre fin à l’activité du Cheikh Bouamama qui, de par son statut de chef de zaouia, est imprégné de l’idée de la lutte contre les colonisateurs chrétiens conquérants. Les idées réformistes comme l’appel de Djemâl ad-Dîn al-Afghâni, l’ alliance islamique dans le cadre du califat pour chasser les colonisateurs, et le rôle joué par les prédicateurs de la tariqa Sanousiyya pour sensibiliser les populations du Sahara vont dans ce sens.
L’interdiction faite à aux tribus de se déplacer entre 1879 et 1881, a entraîné la mort d’une partie du cheptel, 40 % de pertes sont atteint pour la seule région d’Aflou soit 300 bêtes chaque annnée. La misère due à la politique menée par l’administration française, la dégradation de l’économique “nomade”, contribue à l’embrasement contre les Français. D’autant que les autorités françaises veulent établir un poste militaire à Ksar Tiout pour mener à bien le projet d’extension de la voie ferrée à travers le Sahara, vers le département d’Oran
Pour l’insurrection, Cheikh Bouamama rassemble 2 300 soldats, cavaliers et fantassins. Le 1° affrontement militaire a lieu en avril 1881 au sud de Aïn Sefra, et s’achève par la défaite de l’armée française et la mort au combat de 2 chefs de tribus. Compte tenu de la gravité de la situation et afin de réprimer la révolte, les autorités françaises envoient des renforts: 2 bataillons de Mascara., une caravane de 2 500 chameliers + 600 algériens. Le 2° affrontement, le combat de ksar Chellala, a lieu en mai. La colonne Innocenti forte de 2 500 hommes se compose d ‘ un bataillon du 2e régiment de zouaves ; un bataillon du 2e régiment de tirailleurs algériens ; un bataillon de la légion étrangère ; 3 escadrons du 4° chasseurs d’Afrique + 450 cavaliers indigènes (de Tiaret et Saïda). Selon le colonel Innocenti, les pertes françaises sont de 37 morts, 15 disparus et 23 blessés.
Après cette bataille, Cheikh Bouamama se dirige vers Labiod Sidi Cheikh ; ce qui permet aux insurgés de couper les fils du télégraphe et d’ attaquer le 11 juin les centres de la Compagnie franco-algérienne, tuant de nombreux employés espagnols, ce qui amène les autorités françaises à prendre des mesures pour protéger leurs intérêts, en rassemblant 4 colonnes. Le colonel Négrier, en août, fait bombarder le mausolée de Sidi Cheikh et profane sa tombe. Des exécutions sommaires ont lieu contre les populations isolées des plaines et collines. Il fait détruire les 2 ksours que possède Cheikh Bouamama, à Meghrar ainsi que sa zaouia.
Pendant ce temps, le chef des Ouled Sidi Cheikh el Ghraba (ceux de l’ouest) se rallie à la révolte de Bouamama, avec 300 cavaliers. Mais, la pression s’accroît sur Cheikh Bouamama qui est contraint de se retirer vers Figuig au MarocL Les combattants continuent à l’Est) et à l’ouest) le reste s’établit à Figuig où en avril 1882, ils contre-attaquent les troupes d’occupation qui pourchassent Cheikh Bouamama sur le sol marocain et occasionnent des pertes humaines considérables.
En juillet 1883, Cheikh Bouamama réorganise ses troupes. Les autorités coloniales adressent un télégramme au gouvernement de Paris, l’appelant à exercer des pressions sur le Sultan du Maroc afin qu’il le chasse. Il demande la protection de l’oasis de Deldoul où il fonde une zaouïa et dispense un enseignement religieux, arme du combat. Il adresse des messages à l’ensemble des chefs des tribus sahariennes, aux touaregs qui proposent leur dans la lutte. Les Françaises tentent d’étouffer la révolte en créant des centres commerciaux dans le territoire du Touat.
Les rapports d’amitié entre Cheikh Bouamama et les autorités marocaines suscitent l’inquiétude des autorités françaises, après qu’il a été reconnu comme chef des tribus des Ouled Sidi Cheikh ayantsous son autorité toutes les régions sahariennes. Les Français tentent de gagner son amitié. Le gouverneur général Édouard Laferrière décide en octobre 1899 d’accorder l’aman (Paix négociée), sans conditions. Bouamama la rejette dans un 1° temps et poursuit les correspondances et les pourparlers entrepris par la France, installé dans la région d’Oujda.

4- L’émigration européenne dite Pieds-Noirs
L’idée de la III° République est de faire de l’Algérie une colonie rurale de peuplement à la manière des Britaniques en Inde. Dès 1830, arrivent Maltais et
Mahonnaisfuyant la misère, la surpopulation, suivis par des Espagnols, Italiens,
Provençaux et Corses, des viticulteurs languedociens ruinés par le phylloxéra,
des Alsaciens et Mosellans fuyant es Allemands, ouvriers parisiens au chômage, etc. En 1881, la population Européenne d’Algérie se compose ainsi: 200 000 Français (Français de “souche” plus Juifs naturalisés), 115 000 Espagnols de Valence, 34 000 Italiens, 15 000 Maltais et 26 500 d’ autres nationalités (Allemands, Suisses, Belges, Portugais…). l’Oranie, est majoritairement espagnole, le Constantinois, davantage italo-maltais, et le département d’Alger, le plus français, est le plus représentatif des diverses migrations.
A l’arrivée, les colons, divisés en 3 :ceux qui ont assez de ressources pour construire leur maison, à qui on donne 10 ha ; les anciens militaires, qui reçoivent 6 ha ;les colons sans ressource à qui on attribue 4 ha. Donc, les pied-noirs n’étaient que de modestes paysans. Seulement 10 % des vignerons possédaient + de 50 ha de terre, et, beaucoup, – de 10. Mais la petite colonisation connaît un échec, qui s’accentue après la Guerre 14 au profit d’une concentration des terres. C’est le cas de la Mitidja, où 300 « gros colons » de + de 100 hectares détiennent 60 % des terres, quand ceux de 10 hectares, 1/3 des propriétaires contrôlent 2 %.
Ils s’affirment très vite en ville, à l’inverse de la masse musulmane villageoise. Ils vivent sur la côte (Alger, Oranie, Bône, la Mitidja…). Alger et Oran sont des villes très majoritairement Européennes, où les 2 communautés se côtoient sans se mélanger.
L’historien Juan Bautista Vilar écrit: “la réticence massive de la population autochtone à collaborer avec l’occupant européen a rendu indispensable le recours à une main d’œuvre importée ». Les Espagnols s’emploieront dans l’industrie du bâtiment, ouvriers agricoles ou comme boulangers.
Tous ces émigrés vont perdre leur nationalité d’origine pour devenir Français (décret Crémieux). La politique assimilatrice de la III° République (1870-1940) pousse, avec la scolarisation, le taux élevé de mariages mixtes et les contacts spontanés, à la naissance d’une nouvelle composante de la nation française : le peuple français d’Algérie, plus tard appelé pied-noir. L’application aux Européens de la loi de 1889 sur le droit du sol, aurait créé + de 150 000 Français en – de 30 ans.
L’historien Pierre Darmon écrit :
« La population européenne d’Algérie n’a aucun point commun avec celle des autres colonies où de riches planteurs vivent du travail d’une main-d’œuvre servile ou indigène nombreuse et misérable. Elle ressemble davantage à celle des autres pays méditerranéens. Les grands propriétaires terriens et les grandes exploitations capitalistes existent, certes, mais le phénomène reste limité et passe encore inaperçu aux yeux du voyageur. En revanche, les petites gens et les petits métiers sont pléthore. On est frappé par l’agitation fébrile qui règne dans les milieux populaires urbains ».
Dans les années 1890, le Français Marius Bernard, en voyage en Algérie parle, de l’éclosion d’une « nouvelle race », latine essentiellement :
“Des jeunes femmes brunes, à la physionomie très méridionale, au type panaché de Provençal, de Maltais et d’Espagnol passe; le soleil de l’Afrique semble faire couler sa chaleur dans leurs veines et mettre sa flamme dans leurs yeux… Elles paraissent avoir emprunté à la femme arabe un peu de sa fierté, un peu de sa beauté sauvage. Ce sont des Algériennes [Européennes d’Algérie].Il se forme ici une France nouvelle, issue du mélange du sang étranger avec le nôtre, une race à laquelle la terre qui la voit naître imprime un sceau caractéristique.”
Ces Européens d’origine se disent « Algériens ».

5- les juifs algériens – Source ; Babzman.
Les tribus juives ont essaimé sur tout le littoral méditerranéen, à partir du -VIIe siècle. Venue par la mer, une tribu juive a habité le littoral libyen. Les marchands juifs se sont mêlés aux Tyrien, pour arriver à Carthage. D’autres juifs seraient venus par la route d’Egypte, provenant de l’immigration palestinienne, conséquence de la conquête de la Terre sainte par les Egyptiens. Ils se mêlent aux Berbères autochtones et forment des tribus. Augustin d’Hippone atteste l’importance de la communauté juive aux +IVe siècles.
L’exil des Juifs espagnols s’est effectuée de 1391 à 1492, date du décret d’expulsion des terres redevenues catholiques : ils transforment, au XVe siècle, le judaïsme d’Afrique du Nord. à la suite de la crainte des persécutions. Ils s’établirent sur la côte méditerranéenne, à Alger, Oran, Constantine, Mostaganem, Bougie, Tlemcen
A l’arrivée des Arabes, juifs et musulmans ont su cohabiter de manière intelligente. Après s’être fondus dans la population maghrébine, les israélites, à part le kharadj, cet impôt foncier et la djéziah, impôt de capitation, les maîtres musulmans usaient d’une large tolérance avec le «dhimma» : la communauté musulmane accorde hospitalité et protection aux membres des autres religions révélées, (les gens du livre). Mais son application dépend souvent de l’autorité locale.
Comme partout, les juifs vivaient du commerce ; la plupart ont des boutiques (merceries). D’autres sont colporteurs dans les rues ou tailleurs, bijoutiers en corail ou épiciers. Beaucoup, achètent des objets pillés par les corsaires et les revendent avec un grand bénéfice aux marchands chrétiens. D’autres encore, voyagent avec des marchandises et se rendent à Tunis, Tétouan, Fez, et même, à Constantinople.
La plupart des orfèvres d’Alger étaient juifs,Ils avaient la charge de battre la monnaie d’or, d’argent et de cuivre, Les fraudes et altérations étaient considérables.
Au moment de l’invasion française en 1830, il y avait environ 15 000 Juifs en Algérie, organisés en nations juives autonomes. Leur culture et leurs traditions ont été transmises ont joué un rôle significatif dans l’histoire économique et sociale du pays. Des figures comme Jacob Bacri étaient des négociants influents au 18ème siècle,
Entre les 2 communautés, régnait une bonne harmonie, durant les années 1920 à 1940. Un témoin écrit : «Femmes juives et femmes musulmanes se rendaient visite pendant les fêtes religieuses de l’une ou l’autre des communautés où elles habitaient côte à côte, dans des logements séparés autonomes… Je me rappelle encore ce que chantaient quelques femmes israélites venus offrir à ma mère du pain «azym» de la Pâque juive et entonnant sur le pas de la porte, en partant, un air célèbre d’origine andalouse, le chant nostalgique de l’«Au revoir».