Farida Bemba Nabourema 

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Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche en 2025 a été accueilli dans certains cercles africains par une forme de jubilation. Beaucoup ont salué, avec enthousiasme, ses premières annonces visant à démanteler les agences d’aide internationale et à réduire drastiquement l’influence américaine à l’étranger. Pour certains, cela signifiait enfin la fin d’une ère d’ingérence occidentale dans les affaires internes de l’Afrique. Ce soulagement, pourtant, repose sur un raisonnement à la fois simpliste et profondément naïf.

Il est vrai que l’aide étrangère a souvent été utilisée comme un outil de domination. Derrière les promesses de développement, de démocratie et de droits humains, se sont souvent cachés des objectifs géostratégiques clairs : influencer les choix politiques, sécuriser des ressources, asseoir une hégémonie. La critique de cette instrumentalisation est légitime. Mais croire que l’effondrement volontaire de cette façade par le régime Trump annonce une ère de respect des souverainetés est une grave erreur d’analyse.

Car ce que représente aujourd’hui l’administration Trump n’est pas un retrait de l’impérialisme américain, mais un changement de forme : plus direct, plus brutal, plus assumé. Le nouveau gouvernement américain n’a aucun intérêt à promouvoir un monde équilibré ou multipolaire. Il est dirigé par des idéologues qui ne croient ni à l’égalité entre les peuples, ni au droit des nations à disposer d’elles-mêmes. Ce qu’ils revendiquent, c’est le retour à une domination sans masque, fondée sur la peur, la force et l’intimidation.

Les institutions d’aide, aussi problématiques soient-elles, servaient jusqu’ici à donner une apparence de légitimité à l’interventionnisme occidental. Elles offraient, dans certains cas, des marges de négociation ou des espaces d’expression aux acteurs locaux. Leur disparition ne signifie pas que les États-Unis vont « laisser l’Afrique tranquille ». Elle signifie que les États-Unis ne se sentent plus obligés de faire semblant. Ce qui nous attend, ce n’est pas le silence, mais le choc.

Dans un contexte de rivalité croissante entre les États-Unis et la Chine, où les ressources africaines deviennent un enjeu central de la guerre économique et technologique, notre continent risque de redevenir un terrain d’affrontement privilégié. La Chine, en reprenant le contrôle de certaines matières premières critiques provoquera une réponse agressive de la part de Washington. Incapable de contraindre Pékin, l’Amérique cherchera à démontrer sa puissance en s’attaquant à des cibles plus faciles. L’Afrique, affaiblie, sous-équipée, sera utilisée comme vitrine de la violence impériale retrouvée.

Les pays les plus vulnérables seront les premiers exposés. Des dirigeants accusés de ne pas « coopérer » seront ouvertements attaqués. Les pays perçus comme hostiles seront déstabilisés. Des opérations militaires seront lancées sous prétexte de lutter contre le terrorisme ou de protéger la stabilité régionale. En réalité, il s’agira de contrôler les ressources, de sécuriser des routes commerciales, et d’envoyer un message clair au reste du monde : l’Amérique est de retour, et elle ne négocie plus.

Face à cette nouvelle réalité, l’Afrique ne peut pas rester passive. Il ne suffit plus de dénoncer l’impérialisme. Il faut s’en protéger activement. Nous devons renforcer nos alliances régionales, construire des stratégies de résilience collective, investir dans notre autonomie politique, économique et technologique. Il est impératif que les peuples africains reprennent le contrôle de leurs outils de défense, de leur diplomatie et de leurs institutions. La dépendance, même réduite, reste une faille stratégique.

Le retour de Trump ne marque pas la fin de l’ingérence occidentale, mais sa radicalisation. Ce n’est pas une ouverture vers plus de souveraineté, mais un avertissement que la guerre nous attend. L’Afrique n’aura pas droit à la paix, sauf si elle est capable de l’imposer elle-même.

Ceux qui se réjouissent aujourd’hui de voir les États-Unis fermer ou suspendre leurs programmes d’aide, ou annoncer des rapatriements massifs de migrants, ignorent que ces décisions ne visent pas à laisser l’Afrique et les pays du Sud libres de déterminer leur propre voie. Au contraire, elles cherchent à les isoler davantage, à les fragiliser et à préparer le terrain à une politique étrangère brutale fondée sur la force et les rapports de domination. Ce n’est pas un retrait, c’est une reconfiguration.

Car en réalité, ce que représente le régime Trump, c’est l’adhésion assumée à une vision du monde fondée sur ce que les théoriciens des relations internationales appellent le réalisme. Contrairement au libéralisme, qui met l’accent sur la coopération internationale, les institutions multilatérales, le droit et les valeurs universelles comme la démocratie ou les droits humains, le réalisme part du principe que le monde est anarchique, que chaque État agit uniquement en fonction de ses intérêts, et que la force prime sur les principes.

Dans cette logique, il n’y a pas de place pour la solidarité entre nations, ni pour la morale dans les choix diplomatiques. Ce qui compte, c’est la puissance. Ce qui justifie l’action, c’est le calcul stratégique. Et ce qui fonde les relations internationales, ce sont les rapports de force, non les traités ou les idéaux. Pour les réalistes, il n’y a pas de “communauté internationale”, seulement des États rivaux qui luttent pour leur survie et leur influence.

Le trumpisme s’inscrit pleinement dans cette tradition. Il ne cherche pas à convaincre, mais à soumettre. Il ne veut pas construire des ponts, mais imposer des murs. Il ne parle pas d’égalité, mais de suprématie. Et dans cette configuration, les nations les plus faibles deviennent les premières cibles, non parce qu’elles représentent un danger, mais parce qu’elles sont faciles à écraser.

L’Afrique, si elle ne s’organise pas dès maintenant, risque d’être le théâtre de cette nouvelle realpolitik américaine, où les discours sur les droits humains seront abandonnés non pour mieux respecter nos souverainetés, mais pour mieux imposer les leurs. Nous ne serons plus les partenaires fragiles d’un ordre hypocrite, mais les victimes désignées d’un ordre cynique.

La seule réponse possible est l’organisation. Une organisation lucide, stratégique, sans complaisance. C’est à nous, Africains, de décider si nous voulons continuer à être les spectateurs impuissants de notre propre mise en danger ou les architectes d’un continent libre, uni et souverain.

Farida Bemba Nabourema

Citoyenne Africaine Désabusée!

Source : TOGO INFO PLUS https://www.facebook.com/groups/332132147278400/?multi_permalinks=2071226190035645&hoisted_section_header_type=recently_seen&__cft__[0]=AZXnV3Ude6h7FaZIxo7UaXaJWmRhEkToQayVVyU9Om5xCycXp_sVWm8idSLBqx52RAMiv8JfrNi-BjeqxC6Q2O572ix_-LbFPB_4q6C2FJ7qbqGO0ya80wEDrOnl06L6VuTZTcSDclhnhxbveQXKbX2cda-ql3jPc1LpVkqqReiOO8MtTsIGwVXh09UWld8mtY8&__tn__=%2CO%2CP-R