Cette fin du mois de mars 2019 enregistre une décantation accélérée au sein des marées humaines qui déferlaient sur les places publiques tous les vendredis et étouffaient les mots d'ordre colorées, à tel point que les "ténors" du "Hirak" et les ONG ont commencé à proposer des formes d'actions sectorielles avec les étudiants ou des actions spectaculaires comme les grèves des commerçants pour échapper au poids considérable des masses présentes les vendredis et prendre la direction de ce mouvement. Cette tactique a échoué. Les appels aux grèves générales des commerçants visaient à instaurer un climat de désobéissance civile, favorable à un effondrement de l'Etat en tant que tel. Les ONG présentes dans les universités et d'autres officines  ont pu organiser et encadrer des marches d'étudiants notamment, celle aventurière et extrêmement dangereuse pour notre pays vers le Palais du Gouvernement. Elles n'ont jamais été suivies dans leurs mots d'ordre de grève générale ou de grève des commerçants, ce qui explique leurs échecs suivants et les remarques et conseils que leur prodigueront un peu plus tard le Financial Times et Crisis Group que je republierai dans l'ordre de cette chronologie.   
Cette accélération explique pourquoi à partir de fin mars 2019 mes analyses écrites, plus adaptées à la réactivité et aux rythmes de la lutte se font plus nombreuses et plus tournées vers les questions tactiques immédiates. Cette analyse est la première analyse tactique proprement dit.

Cette publication, les précédentes et les suivantes ont été des moments de cette lutte au corps à corps avec les ONG, les révolutionnaires colorés tapis au sein et au sommet du pouvoir ou dans l’opposition, contre les illusions de toujours plus de capitalisme et de néolibéralisme, toujours plus de conformité aux conseils de l’Union Européenne, car le « modèle, le vrai, de la prospérité mondialiste » a été mal appliqué.

26 Mars 2019 

Il est difficile de ne pas lier la demande de l’application de l’article 102 aux dernières informations et derniers événements. Le 23 mars Algérie-part publie l’information confidentielle que le général Tewfik allait rencontrer des diplomates occidentaux. Bien sûr l’information est totalement invérifiable. Mais elle vient couronner des rumeurs sur « une réactivation des réseaux du DRS », évidemment tout aussi invérifiables. Mais il plane comme un soupçon de récupération (au profit de qui ? )car on laisse entendre que ces supposés réseaux dormants allaient secourir le président dans une sorte de réconciliation générale de la caste des oligarques. Le 24 mars Saadani parle. Il mène une charge d’une violence extrême contre l’Etat profond dont le démon penseur, planificateur et exécutant est Ouyahia. Mais dans la bouche de Saadani l’Etat profond est bien sûr le DRS de Tewfik. Aucun doute là-dessus puisque le même Saadani a mené, en octobre 2016, les mêmes attaques avec la même violence contre Tewfik pour préparer sa mise à l’écart, Il est donc logique de penser que Saadani a attaqué Tewfik après que les rumeurs aient parlé du réveil des « réseaux dormants » et de la rencontre du général avec des diplomates.

Peu de gens ont relevé que le fond du discours de Saadani nous disait que le peuple a tort de regarder vers le président Bouteflika qui allait partir à la fin de son mandat et que le peuple devrait plutôt regarder vers Ouyahia et cet État profond qu’il représente. Il attaquait donc ouvertement, un courant qu’on dit créé par et appuyé sur le DRS. Le sous entendu est patent, l’Etat profond allait s’allier avec des puissances étrangères pour rétablir sa vitrine politique Ouyahia.

Deux jours plus tard, le 26, le jour même de la rencontre présumée du général Tewfik avec des diplomates le général Gaïd Salah demande l’application de l’article 102.

Cette demande met fin officiellement à toutes les situations de non-droit et de transgressions de la constitution commises par le 5ème mandat puis les lettres attribuées au président et « rédigées par Ouyahia » selon Saadani.

Le motif de la rencontre de Tewfik disparaissait avec le motif des situations de transgressions du droit et de la constitution. Cette information sur la rencontre du général Tewfik avec des diplomates étrangers était-elle vraie ? Aucune importance. On dit que les services secrets se demandent d’abord si une information sert un intérêt ou un groupe avant de se préoccuper de savoir si elle est vraie. Cette méthode des services est utile quand on parle d’une affaire de services.

Donc à ce jour du 26 mars, nous avons un fait : la demande de l’ANP d’appliquer l’article 102. La première pensée est qu’elle semble faucher l’herbe sous les pieds du clan Ouyahia, tel que Saadani nous a présenté ses intérêts, ses manœuvres et ses manigances.

L’article 102 au 26 mars 2019.

Le problème est que le retour à la légalité constitutionnelle intervient trop tard. Le peuple contestait la légitimité du pouvoir. Le 5ème mandat a sapé la légitimité du pouvoir car ce 5ème mandat retirait toute légitimité aux sentiments et à l’opinion du peuple. Puis ce refus s’est développé en refus de la politique de l’oligarchie et en condamnation des actes des groupes non légaux et non constitutionnels qui gérait le pays, ses finances, la sélection des ministres et hauts responsables. Le peuple a surtout dénoncé les connivences avec l’étranger.

Dès que ce point a été franchi, le peuple a contesté non seulement la légitimité entachée du pouvoir mais également sa légalité. C’est toute la base constitutionnelle et légale qu’il tient à renverser.

Le retour au fondement légal de l’action politique n’est plus la base possible d’une solution d’entente.

Notre peuple a d’ailleurs formulé que les bases d’entente doivent se construire sur la légitimité de la proclamation du 1er novembre. Les photos de nos dirigeants du 1er novembre, les slogans anti colonialistes, le retour aux sources de notre révolution montrent bien que notre peuple veut l’État souverain, indépendant, démocratique et social dans le cadre des principes de l’Islam qui, nous le savons, étaient perçus comme les principes de la solidarité, de la fraternité, de la bienveillance morale et sociale. Il n’était nullement question d’Etat théocratique ou d’un État de classe.

Il est fort probable que le peuple algérien refuse ce retour tardif et sans aucune garantie pour sa revendication d’un État juste, moral, protecteur de la Nation, de la Société et du pays.

Bien sûr, dans son expérience notre peuple a bien vu que notre Etat a pu être dévié des buts de novembre. Il sent qu’il a besoin de temps pour penser ces déviations et s’en prémunir dans les conditions infiniment plus complexes où nous ont mis les politiques de l’Incitation capitaliste sauvage. Il prend son temps pour bien mesurer la tâche et la penser.

Il est plutôt certain que notre peuple refusera d’aller vers des formes de représentations verticales de la base communale à la wilaya comme le préconisent certains, et comme l’ont les 3’rouchs. C’est cette forme construire en dehors du l’armature économique et des centres et réseaux nerveux du pays qui a ruiné les 3’arouchs. Seule l’organisation sur cette armature économique et nerveuse du pays permettra de proposer les programmes nationaux par grandes questions, de contrôler l’activité représentative des délégués et d’agir en cas de nécessité. Si les travailleurs des finances s’étaient organisé et concertés dans la branche des banques et des finances, ils auraient pu alerter le peuple sur les fuites de devises ou leurs sorties illégales et ainsi les empêcher.

L’élection par système de commune, daïra et wilaya est le même que le vote pour les députés: une fois élu le délégué est coupé de ses électeurs et incontrôlable.

En attendant que le pouvoir trouve les solutions para-constitutionnelles avec un présidium, un conseil, ou toute autre solution, le peuple, lui demande non le changement des hommes et des méthodes mais le changement même de la base légale de l’État et le retour aux principes de la déclaration du 1 er novembre.

La demande de l’application de l’article 102 est une défaite partielle de la caste des oligarques. Elle n’est pas encore une victoire pour notre peuple

Mohamed Bouhamidi. Le 26 03 2019.

Source : https://bouhamidimohamed.over-blog.com/2019/03/l-article-102-au-26-mars-2019.html