Sources: cours de major prépa par Clément Richard

La Guadeloupe se situe dans une zone pivot de l’archipel antillais et à cheval entre l’océan Atlantique et la mer des Caraïbes. Ce promontoire permet à la France d’avoir une portée sur la façade orientale du continent américain. La zone économique exclusive formée par la Guadeloupe et la Martinique s’étend sur un peu plus de 126 146 km2. soit pour la France, d’importantes ressources halieutiques et une indépendance dans le développement d’une politique souveraine en matière de recherche et de protection sous-marines (protection des baleines à bosseréserve Cousteau, protection des récifs coralliens).

Ainsi la Guadeloupe permet à la France de participer aux dialogues politiques et diplomatiques tant au niveau régional (Petites et Grandes Antilles) que continental (Amérique latine et Amérique du Nord) La signature de la Convention régionale pour l’internationalisation des entreprises (CRIE), l’adhésion à la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC) ou l’adhésion à l’Association des États de la Caraïbe (AEC) sont autant de jalons posés permettant à la Guadeloupe de développer ses relations bilatérales ou multilatérales dans le cadre d’accords ou au sein d’institutions internationales. Le développement de partenariats économiques bilatéraux et multilatéraux avec d’autres États caribéens et américains passe par la modernisation du port autonome de Guadeloupe ou l’importance de l’aéroport international Guadeloupe-Pôle Caraïbes

Cet espace, étalé sur près de 3 000 km,est caractérisé par l’insularité ou la péninsularité, en  milieu tropical. Il est sujet aux catastrophes naturelles (cyclones, tremblements de terre, éruptions volcaniques), avec 10 volcans encore actifs dans les Petites Antilles.Pour la période récente, voici la liste:

1848 Le gouverneur Layrle promulgue l’abolition de l’esclavage le 27 mai en Guadeloupe. Le 21 août, un terrible ouragan dévaste la Désirade et l’Anse-Bertrand.

1902 léruption volcanique de la montagne Pelée 

1962  un avion Boeing 707 assurant le vol 117 Air France s’écrase sur le Dos d’Âne à Deshaies, faisant 113 morts.

1964 le cyclone Cléo fait 14 morts

1966: passage du violent ouragan Ines faisant beaucoup de dégâts.

Ceci est aggravé par l’impact du chlordéconesur la qualité environnementale. Ce pesticide utilisé pour le traitement d’un parasite de la banane, a rendu impropre à la consommation une grande partie des productions agricoles locales, entraine l’interdiction de consommation de langoustes et de certaines espèces de poissons dans les zones polluées et continue aussi de polluer les cours d’eau

Les pays des Caraïbes ont un passé similaire: conquêtes,  colonisation et esclavage du XVIIe au XIXe siècle. Mais les dynamiques ont bien changé au du XXe siècle pour prendre la forme d’une émigration de masse à la 2° Guerre mondiale. Aujourd’hui, + de 6 M de Caribéens vivent hors de leur pays d’origine. L’émigration se réalise à destination des États-Unis, du Canada et de l’Europe. À signaler, les 1° réfugiés climatiques à partir de 2017, suite aux cyclones ( Porto Rico)

La région demeure très fragmentée :

  • Diversité des régimes politiques : 8 monarchies constitutionnelles, 14 Républiques, régions et départements français de l’outre-mer, état libre associé aux États-Unis (Porto Rico), etc.
  • Diversité des langues : 21 M de locuteurs espagnols, 6 M de francophones 6 M d’anglophones, 700 000 néerlandais, créole et langues autochtones.
  • Fragmentation démographique et géographique : Petites Antilles, Cuba, Haïti, République dominicaine. Mais aussi de grands États ( Colombie:49 M d’hab).
  • Inégalités socioéconomiques : la Floride, le Texas et la Louisiane représentent 50 % du PIB régional, et  7 %. pour les îles,  2/3 des pays sont classés en dessous de Cuba (83e) en termes d’IDH, dont Haïti en dernier
  • Faiblesse des réseaux : les vols entre les îles sont encore compliqués. Les États-Unis (notamment Miami) font donc office de hub pour diverses connexions.

La proximité des Caraïbes avec les États-Unis a soulevé des envies d’influence et d’appropriation..La doctrine Monroe de 1823 en fait une « chasse gardée » américaine. Et en 1904, Roosevelt justifie donc son expansion vers l’Amérique latine. Dans les années 1900, une République bananière se met en place dans de nombreux pays sous le contrôle de multinationales agroalimentaires américaines comme la United Fruit Company. De 1914 à 1999, les États-Unis prennent le contrôle du canal de Panama. Face à cette volonté de contrôle, la crise de Cuba en 1962 est une péripétie majeure, conduisant à un boycott puissant de l’île. Cuba reste le principal rival des États-Unis dans la région, avec le Venezuela.

Les États-Unis invoquent la Destinée manifeste (mission « divine » d’expansion de la civilisation) pour obtenir la mainmise sur la région en se proclamant bienfaiteurs et garants de la paix. Cela se traduit par un nombre impressionnant d’interventions militaires dans la zone caraïbe au cours du XXe siècle : 1894 (Nicaragua), 1898 (Cuba, Porto Rico), 1903 (Panama, République dominicaine), 1906-1909 (Cuba), 1909 (Honduras), 1910-1913 (Nicaragua), 1914-1934 (Haïti), 1954 (Guatemala)

Afin de peser face à l’influence des États-Unis et faire entendre une voix à l’échelle mondiale, des tentatives de fédérations ont vu le jour dans le bassin caribéen depuis 1973. Toutefois, certaines d’ entre elles ont été incitées, voire construites par les Américains pour conserver une mainmise ou s’assurer l’accès aux marchés, pour l’exportation par exemple.Ces projets de fédération raniment des rivalités fortes et fragmentent la zone, entre pro et anti-américains. Voici les principales étapes :

  • 1973 Communauté des Caraïbes. Marché commun avec 15 pays et territoires associés.
  • 1983 Initiative du bassin des Caraïbes (IBC). Initiative américaine pour 24 pays des Caraïbes (excluant Cuba, Nicaragua, Porto Rico et Colombie) pour lutter contre l’influence communiste.
  • Années 2000 Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA). Projet américain d’une communauté économique à l’échelle du continent. Elle doit exclure Cuba, l’outre-mer française, le Royaume-Uni et les Pays-Bas. Elle rencontre l’opposition des pays membres du Mercosur, des partis politiques de gauche et des pays de l’ALBA (née en 2004).
  • 2004 Alliance bolivarienne pour les Amériques (ALBA). Coopération (d’abord économique) réunissant 11 pays, dont le Venezuela et Cuba, en réaction aux projets de libre-échange poussés par les États-Unis.
  • 2009 Accord de libre-échange d’Amérique centrale (ALEAC) entre les États-Unis et 6 pays d’Amérique centrale.

L’intégration économique est faible car les îles produisent les mêmes produits et sont fractionnées dans la mer. Les échanges intrarégionaux ne dépassent pas 10 %. Le trafic de stupéfiants est un réel enjeu, d’autant plus qu’on ne peut nier des retombées positives sur l’économie.

Toutefois, à ces zones des Caraïbes en difficulté, on peut opposer « une autre Caraïbe » faisant preuve d’une capacité d’adaptation à la mondialisation sans pour autant s’insérer dans des réseaux illicites de flux matériels et immatériels.

La difficulté globale s’explique par un manque de ressources naturelles  offshore ou halieutiques  (vivant-es aquatiques) en mer des Caraïbes. Ce sont sont le pétrole  au Venezuela (8° mondial), Trinité-et-Tobago, Colombie, Cuba et le gaz  au Venezuela ( 2 ° mondial) et Trinité-et-Tobago) qui peut donc davantage s’appuyer sur l’export et les investissements étrangers.

Le poisson est rare en mer des Caraïbes, privant la pêche d’être un levier de croissance et la poussant vers le déclin. Face à ce manque, la pêche clandestine est d’autant plus néfaste. De plus, bien que le sol de cette mer soit riche en nodules polymétalliques, le coût de l’exploitation la rend impossible.

Concernant les routes maritimes, la mer des Caraïbes est un nœud secondaire des grandes routes et bénéficie des axes maritimes américains (à destination de Houston, Miami, Corpus Christi), liés à l’acheminement du pétrole en provenance du Moyen-Orient, d’Afrique de l’Ouest et du Venezuela. Les points stratégiques sont:  le canal de Panama, le canal du Yucatan, le détroit de Floride. La présence militaire américaine atteste de l’intérêt stratégique de ces zones. La piraterie reste un défi majeur.

À partir de 1999, le canal passe sous le contrôle de l’État panaméen (en vertu d’un traité de 1977). En 2016, il est élargi et devient une zone neutre internationale à vocation économique. 14 000 navires l’empruntent chaque année, et il permet le transite de 69 % du commerce entre les côtes Ouest et Est des États-Unis. Il représente 10 % des revenus de l’État panaméen. La Chine est son 2° utilisateur.

La Chine pourrait tenter de gêner les États-Unis sur leur propre terrain et de les pousser à mener des actions qui feraient du tort à leur statut et/ou image d’hégémonie régionale. Toutefois, elle reste limitée par sa présence militaire inexistante dans la région. Elle s’attache plutôt à coopérer avec les institutions régionales et à développer ses relations économiques.  En 2021, un 3° forum Chine-CELAC a lieu, pour intégrer les pays de la CELAC (Communauté d’États latino-américains et Caraïbes) qui comprend Cuba, le Nicaragua et le Vénézuela, dans le projet BRIC Sdes nouvelles routes de la soie. Nul doute que la Chine, par cette approche, parviendra à développer son influence dans les Caraïbes considérée comme stratégique.

Ces zones sont censées être des refuges pour la biodiversité et permettre aux océans de se régénérer. Un enjeu majeur car nos océans régulent le climat : ils sont nos plus précieux alliés dans la lutte contre le réchauffement climatique. Pourtant, selon Greenpeace, elles n’en ont que le nom.: le chalutage de fond, une technique de pêche industrielle destructrice, y est autorisé. À quelques kilomètres de nos côtes, des chalutiers labourent et déciment les fonds marins, en toute légalité.Il faudrait:

  • Interdire le chalutage de fond et la senne danoise au sein de toutes les aires marines protégées qui existent actuellement.
  • Réserver la bande littorale de 5,5 km autour des côtes, à la pêche artisanale, et réserver la bande côtière des 22,2 km, aux navires de moins de 25 m, ce qui exclut les super chalutiers.
  • Bannir la pêche et toute activité d’extraction dans au moins 10 % du domaine maritime français selon les critères internationaux de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
  • Répartir cette protection de manière juste et équilibrée : chaque façade maritime et chaque bassin pour les territoires d’outre-mer doit disposer d’au moins 10 % d’aires marines strictement protégées.