Adieu Omar ! Hommage à Omar Aktouf par Mustapha Maaoui
Encore sous le choc de la nouvelle, je réalise à peine que mon ami Omar Aktouf nous a définitivement quitté sans crier gare. Ce mercredi 2 avril 2025, j’étais, comme beaucoup de gens dans le monde, totalement perplexe devant les décisions sans appel de Donald Trump concernant les droits de douane. Quand on a la chance comme moi de compter parmi ses amis un expert de la trempe de Omar, on le consulte.
En contact régulier avec lui sur la toile et sur WhatSapp, je m’apprêtais à l’appeler pour qu’il éclaire ma lanterne lorsque un message d’un autre ami, le professeur Azmi Barama,, chirurgien au CHUM de Montréal tomba sur ma messagerie pour m’annoncer la triste nouvelle. Incrédule, je le restai un long moment. Finalement ce fut Mohamed Bouhamidi qui me confirma cette implacable réalité.
J’ai connu Omar Aktouf (en même temps que Mohamed Bouhamidi au demeurant) aux premiers jours de l’indépendance de l’Algérie. Ce fut au lycée Bugeaud (sous régime français, il gardera ce nom jusqu’en 1966). Nous sortions fraichement des nuits de couvre-feu et de zones interdites qui limitaient nos horizons à ceux de nos quartiers et bourgades respectives et nos amitiés à une poignée de condisciples et autant de coéquipiers de football du crû. Je ne connaissais alors que Batna et mon réseau social se limitait aux frontières de mon quartier ou celles de mon collège : Brahim Touchène, Ammar Makhloufi entre autres.
Au lycée « Bugeaud », je découvrais le reste de l’Algérie et des Algériens. Parmi ces compatriotes, un jeune, Omar Aktouf, qui pratiquait comme beaucoup d’autres à l’instar de Rachid Bouras, un sport qui m’était inconnu, le Hand ball avec une particularité dans le lancer qu’on appelait « le javelot ». Omar était également un remarquable batteur de jazz au sein du Quintet qui animait les soirées de fêtes et ses performances dans l’interprétation de « Take five » de Dave Brubeck étaient mémorables. L’année suivante je me retrouve inscrit à la faculté de médecine et Omar se retrouve dans une filière de Psychologie à Alger, suivie de quelques postes à Sonatrach puis Paris et on se perd de vue pendant quelques années. Le contact est rétabli dans les années 80 et les retrouvailles avec quelques autres amis étaient très conviviales, marquées par des ambiances obligatoirement méditerranéennes, hautes en couleur. Omar commençait à se faire un nom dans le monde de l’économie et du management. Il était de plus en plus sollicité par de nombreuses institutions internationales et avait notamment vers la fin des années 90 apporté son expertise à un Think tank dans l’équipe de Chevènement, alors ministre français de l’intérieur. Ses conférences ainsi que ses publications étaient de plus en plus nombreuses et il entrait lentement mais surement dans l’excellence du monde prestigieux et fermé de l’Économie et du Management.
Durant la décennie noire, nous étions en communication régulière avec un réseau animé notamment par le regretté Chérif Hammouche, un autre transfuge de Bordj Bou Arreridj, professeur d’Architecture. Les années 2000 ont été pour Omar très fécondes en communications et publications où prédominaient les idées les plus révolutionnaires matinées d’un humanisme solidaire incomparable.
La période de la COVID 19, et le développement des réseaux sociaux ont donné un coup de fouet aux contacts fréquents et féconds sur des sujets extrêmement diversifiés. Des Webinaires initiés et animés par Mohamed Bouhamidi nous ont permis d’apprécier l’immense expertise dans le domaine de l’économie partagée avec un sens de la pédagogie hors du commun. Durant cette époque, sa production scientifique a été riche et variée et il a eu l’intelligence de la rendre accessible aux profanes dont je faisais partie.
« Halte au gâchis ! En finir avec l’économie management à l’américaine. »
« Le management entre tradition et renouvellement, »
« La stratégie de l’autruche. Post-mondialisation, management et rationalité économique,’’
« Le travail industriel contre l’homme, » etc.
Ces derniers mois, une malade très proche de Omar avait été prise en charge pour un problème chirurgical très sérieux au niveau d’un centre de référence parisien. Sollicité par Omar pour donner mon avis sur la stratégie adoptée ainsi que sur les résultats constatés par l’équipe soignante lors du follow-up, j’ai pu conclure avec grand plaisir à l’excellence des résultats qui validait ainsi le constat de ses médecins soignants. La malade était ainsi soulagée par cette confirmation au point de demander à Omar de me remercier aussi vivement que si j’étais à l’origine des suites si favorables. Omar, taquin, me rappelait qu’il était d’origine maraboutique et qu’à ce titre il pouvait briguer …99 places au paradis. Il était donc prêt à m’en céder 5 ou 6 pour mon usage personnel et celui de mes proches ! Je suis persuadé à cet instant qu’il occupe une de ces 99 places au paradis, lui qui a tant donné aux autres.
Repose en paix mon cher Omar.
Professeur Maaoui (Didine)
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