Ce 12° article sur les “beaux restes” de l’impérialisme française dans le monde, concerne encore les Antilles car elles sont les plus anciennes colonies. Commencé sous Richelieu et Louis XIII qui donne l’autorisation de l’esclavage en 1642, la France colonisatrice continue aujourd’hui, de fait, à stigmatiser les êtres humains non blancs de peau (je ne parle pas des bronzés des paradis fiscaux tels Saint-Barth).

L’article veut aussi montrer qu’elles sont très proches du peuple de la métropole.et pourtant éloignées de par leur propre culture. Ainsi, une série de définitons destinées à mieux comprendre leur identité suivent.

Le colonialisme a la spécificité de réunir l’Etat et tous ses attributs (Police, justice, armée), des gros bourgeois dont le Capital peut être investi rapidement et l’Eglise, ici catholique avec son Pape bienveillant, voire encourageant.

Entreprise religieuse en Martinique : évangéliser et instruire -1760

Le pouvoir royal et le Saint-Siège au cours du XVIIIe siècle décident d’ éduquer les populations des colonies. Éduquer, permet d’instaurer une emprise et un contrôle. L’évangélisation des esclaves est la tâche des ordres religieux (article 2 du code noir) L’Instruction des colons s’applique à former la jeunesse créole, à devenir la future élite en coformité avec l’Église ( l’ordre des Capucins) : pour les gaçons, tout ce qui touche à l’économie comme la tenue des livres de compte puisque l’élite créole est destinée à gérer les finances de la colonie. Ils ont pour vocation de devenir de hauts personnels administratifs ou encore des comptables ou des marchands/négociants.

L’abolition de l’esclavage 1848


A la veille de l’abolition, la Martinique comptait 121 130 hab.: 9 542 Blancs, 38 729 affranchis et 72 859 esclaves.
Dés le XVIII° siècle, avec l’abandon du tabac pour le Sucre, et la main d’oeuvre gratuite, les Profits sont énormes. Les Caraïbes autoctones n’ont jamais cessé de résister aux grandes puissances européennes, toutes réunies, pour les déposséder, mais le combat était par trop inégal et ils ont perdu. Ils ont réussi toutefois à ne pas être réduits en esclavage.

En 1788, côté Français, sur une population totale de 455 000 hab., les esclaves africains représente 405 000 personnes. Eux non plus, ne se laissent pas faire. Le Marronage a été permanent et les révoltes importantes et nombreuses. L’une des dernière avant l’abolition fut l’ insurrection au sud de la Martinique en 1870, à la suite d’une altercation entre le béké Codé et l’artisan Lubin. Codé est lynché par la foule et de nombreuses usines à sucre sont incendiées. Larépression est impitoyable :74 condamnés dont 12 fusillés, les autres sont déportés aux bagnes de Guyane et de Nouvelle-Calédonie (en même temps que Louise Michel). Si bien que grâce au travail de Toussaint l’ouverture en Haïti (anciennement français), à la pression populaire occidentale (la Commune de Paris), l’abolition de l’esclavage fut décidée à l’initiative de Victor Schœlcher, en 1848.

Le 22 mai 1848, une manifestation réclame la libération d’un esclave incarcéré pour avoir joué du tambour. Le maire du Prêcheur, ordonne aux gendarmes de tirer dans la foule, faisant 3 morts et 10 blessés. 20 révoltés sont tués, mais ils l’emportent. Le peuple prend le contrôle de Saint-Pierre, la capitale, et exige l’abolition immédiate qui est décrétée le lendemain par le gouverneur de la Martinique et le 27 mai en Guadeloupe.Viennent des électons législatives pendant lesquelles la troupe charge sur la foule en colère à cause de la fraude du propriétaire de l’Habitation Pirogue. Elle l’incendie et la détruit

Voici la statue de la Mulâtresse Solitude qui en 1802 a aidé à mener une révolte d’esclaves en Guadeloupe alors qu’elle était enceinte de 8 mois et dont les derniers mots avant sa pendaison seraient « Vivre libre, ou mourir ».Près de 200 ans plus tard, elle a été placée sur le boulevard Héros aux Abymes en Guadeloupe.

Le qualificatif de « mulâtresse » servait à désigner une personne métisse (souvent résultat du viol par un colon Blanc). Ce terme injurieux et méprisant, utilisé par les négriers et les colons, est imaginé par l’esclavagiste, Moreau-de-Saint-Méry, pour exprimer à quel point les personnes résultant d’alliances entre Européens et Africains sont contre-nature et méprisables. Il tire son origine de celui de « mulet », qui sont des animaux stériles, produits de la saillie d’un cheval et d’une ânesse

Le capitalisme se met en place

L’abolition n’empêche pas les Profits d’augmenter encore au XIX° siècle car à peine l’esclavage aboli, les esclaves africains morts au travail vont être remplacés à partir de 1853 par 37 008 engagés sous contrat : 25 509 Indiens de Pondichéry, Madras et Calcutta (comptoirs coloniaux français), 10 521 Congos (engagés d’Afrique) et 978 Chinois de Shanghai et Canton +119 Caraïbes + 6 Chinois arrivés des îles anglaises. On note la venue de nombreux Madériens (Portugais) et d’Européens. 4155 engagés indiens arrivent en Guadeloupe pour les champs de canne à sucre + 2995 Africains et 184 Chinois. En tout : 7334 nouveaux travailleurs

A partir de l’abolition, un capitalisme classique s’installe avec des patrons, les Békés et des ouvriers salariés et libres, même si le statut d’engagé est contraignant (dette du voyage à celui qui l’a fait venir et obligation de travailler 3 ans). Comme les corons pour les mineurs de charbon dans le Nord de la France, la rue Cases-Nègres loge, d’abord les esclaves puis leurs descendants au travail dans l’Habitation, sur une allée centrale en longueur, ce qui permet la fidélisation et le contrôle de la maind’oeuvre.

En 1850 :Schœlcher et Perrinon sont élus à la majorité ;est créée Banque de la Guadeloupe (Actuelle Banque des Antilles Françaises-BDAF-). La taxe de l’octroi de mer en Guadeloupe. à l’entrée dans la mer des Antilles figure parmi les recettes des communes et existe encore aujourd’hui.
Evidemment, les couples mixtes sont nombreux. Ces îles n’ont jamais connu de graves tensions inter-ethniques et les communautés vivent en relative harmonie. Les Caraïbes sont confondus avec les Asiatiques à cause de leur ressemblance physique. En 1861, une compagnie de volontaires créoles se joint à l’expédition de Napoléon III au Mexique.
Le Gouverneur Bonfils subventionne tout individu qui planterait au moins 5 ha de caféiers. Il supprime un impôt sur la production de coton et établit des taxes sur les spiritueux ; il améliore le port de Pointe-à-Pitre.
Un décret impérial permet la constitution de la Société de crédit colonial.
« Le Crédit colonial octroie des prêts pour la construction de sucreries ou pour le renouvellement et l’amélioration de l’outillage, Mais la société se révèle vite trop limité.» En 1863 :il est transformé en Crédit Foncier Colonial (CFC) qui se révèle impitoyable pour les mauvais payeurs : le non-paiement d’un semestre d’annuité entraînait la procédure d’expropriation forcée, débouchant sur la ruine du débiteur défaillant, ce qui favorise la concentration des habitations aux mains de quelque uns.
Ernest Souques fonde en 1868: le « Comité des usines de la Guadeloupe » et inaugure à l’entrée de Pointe-à-Pitre, l’usine sucrière Darboussier qui utilise la machine à vapeur pour accélérer la production (Fermeture en 1980) En 1941,le dernier moulin de Marie-Galante, « la grande pierre », cessera de fonctionner))


En1879 : Alexandre Isaac, républicain guadeloupéen, est nommé Directeur de l’intérieur. Sous son impulsion, un lycée fut créé à Pointe à Pitre, et les écoles primaires furent multipliées (obligation absolue de l’enseignement primaire). Au recensement, la population s’élève à 174 231 hab. L’organisation des pouvoirs publics est régie par la même loi qu’en métropole. Il fait construire le 1° pont en fer sur la rivière salée. À Basse-Terre, le pont du Gallion est aménagé pour les voitures et le service postal maritime entre Bouillante et Pointe-à-Pitre est créé; l’ appontement en dur de Basse-Terre pour l’embarquement du café et du cacao, est construit

En 1887, on recense 3 579 ha de caféiers, 929 ha de cacaoyers et 5 327 ha pour le manioc. Ce sont les débuts de la culture de la vanille. Le « Comité des usines de la Guadeloupe » devient le « Syndicat des fabricants de sucre ».
Alexandre Isaac est élu Député de la Guadeloupe et Conseiller général.puis élu Sénateur. Hégésippe Jean Légitimus est élu Conseiller Général pour le canton de Lamentin et est le 1° député Guadeloupéen (1898)

Avec la grande crise sucrière (1884-1905) commence le cycle infernal d’insurrection-répression. Plus encore qu’en métropole, la répression tue souvent et beaucoup.

À partir de 1884, une grave crise de « surproduction » de sucre s’installe à l’échelle mondiale. Les cours s’effondrent. Des planteurs de canne martiniquais décident de baisser les salaires des ouvriers, tout en augmentant leur charge de travail, d’où des mouvements de grève. « La canne, c’est notre sidérurgie », ont coutume de dire les Guadeloupéens et pour cause : les seules industries appartiennent toutes au secteur agroalimentaire (sucreries, rhumeries, conserveries)..Quant aux fruits et légumes (sauf la banane), ils ne couvrent pas les besoins des 400 000 hab, donc elle en importe 10 000 T par an.
En 1900 : lors d’une grève pour revendication d’un salaire de 2 francs par jour, un mouvement de 400 ouvriers agricoles en direction de l’usine du François est stoppé par des militaires qui ouvrent le feu. «Officiellement, la fusillade a fait 10 morts et 18 blessés dont 12 grièvement atteints. Mais plusieurs ouvriers ont succombé à leurs blessures en regagnant leurs cases». Les négociations qui suivent avec le grand propriétaire Jean Hayot et en présence de 2000 grévistes, aboutissent à une augmentation de salaire et un assouplissement des conditions de travail.
En 1910 : aux Abymes, une grève est déclarée sur des salaires dans l’industrie cannière. Le gouverneur Gautret passe la nuit avec les grévistes mais l’intervention de la troupe fait un mort et des blessés à la suite des incendies de champs de canne à Baie-Mahault.

1914-18 : Mobilisation générale dans les colonies françaises, transportant des Antillais pour combattre sur les fronts européens. ils subissent de lourdes pertes dans les tranchées. La guerre entraîne une augmentation très importante des exportations de rhum jusqu’en 1922. Le rhum agricole de Martinique qui est produit à partir de jus de canne à sucre, fait partie de ces institutions culturelles liées à la culture créole martiniquaise depuis les 1° plantations de canne à sucre.
Henry Sidambarom, juge de paix et Défenseur de la cause des travailleurs indien entre en procès jusqu’en 1923. En 1925, Raymond Poincaré octroie la nationalité française aux ressortissants indiens et le droit de vote.
1932, un avion se pose pour la 1° fois en Martinique :liaison Cayenne – Antigua. La 1° TSF est installée au Gosier, à l’entrée de la propriété Montauban. Elle transmet des informations de France et la presse du monde entier avec la création par Hildevert-Adolphe Lara du «Nouvelliste», le journal quotidien des petites Antilles.
En 1936: le Gouverneur Félix Éboué est nommé en Guadeloupe par le Front populaire. Il devient le 1° noir à la gouvernance d’une colonie française.

1913, Aimé Césaire naît à Basse-Pointe.
1925, Frantz Fanon naît à Fort-de-France.
1928, Édouard Glissant naît à Sainte-Marie.

Aimé Césaire et la négritude

L’incontournable Aimé Césaire est né à Basse-Pointe en Martinique,et mort en 2008 à Fort-de-France; il est à la fois  écrivain, homme politique français, député, maire, poète, dramaturge, essayiste et biographe. Durant 56 ans, anticolonialiste résolu, il mène une carrière politique de 1945 à 2001.
Son père était administrateur et gérant de l’Habitation Eyma à Basse-Pointe, puis contrôleur des contributions, et sa mère était couturière. Son grand-père paternel est le 1° Martiniquais à suivre les cours de l’école normale supérieure de Saint-Cloud, il fut professeur de lettres au lycée de Saint-Pierre et sa grand-mère savait lire et écrire, aptitudes qu’elle enseigna très tôt à ses 7 petits-enfants.
Il obtient une bourse pour le lycée Victor-Schœlcher à Fort-de-France. Puis en 1931,  boursier, il arrive à Paris, au lycée Louis-le-Grand où il rencontre Léopold Sédar Senghor Il côtoie d’autres étudiants noirs d’horizons différents et découvre le mouvement de la Renaissance de Harlem. Avec son ami guyanais Léon Gontran Damas, qu’il connaît depuis la Martinique, ils découvrent la part refoulée de leur identité, la composante africaine, victime de l’aliénation culturelle caractérisant les sociétés coloniales 
En septembre 1934, Césaire fonde, avec d’autres étudiants caribéo-guyanais et africains, le journal L’Étudiant noir. où apparaîtra pour la1° fois le terme de « négritude ». Ce concept, forgé en réaction à l’oppression culturelle du système colonial français, vise à rejeter l’assimilation culturelle et à promouvoir l’Afrique et sa culture, dévalorisées par l’idéologie colonialiste.
Construit contre l’idéologie coloniale française, le projet de la « négritude » est plus culturel que politique. En 1937, il épouse Suzanne Roussi, avec qui il partage intérêts intellectuels et passion pour le surréalisme.
Ils rentrent en Martinique en 1939 (à 26 ans) pour enseigner au lycée Schœlcher C’est le moment du « retour au pays natal » dira-t-il à René Depestre, écrivain haitien,en 1968 après le congrès culturel de La Havane. Il entérine sa dimension autobiographique: «. Je l’ai écrit au moment où je venais de terminer mes études et que je retournais à la Martinique. C’était les 1° contacts que je reprenais avec mon pays après 10 ans d’absence, et j’étais envahi par un flot d’impressions et d’images, en même temps, j’étais très angoissé par les perspectives martiniquaises ».

La négritude. La naissance de ce concept, et celle d’une revue, Présence africaine, qui paraît en 1947 simultanément à Dakar et à Paris, va faire l’effet d’une déflagration. Elle rassemble des Noirs de tous les horizons du monde, ainsi que des intellectuels français (Sartre). Pour Senghor «la négritude est un fait, une culture. C’est l’ensemble des valeurs économiques, politiques, intellectuelles, morales, artistiques et sociales des peuples d’Afrique et des minorités noires d’Amérique, d’Asie, d’Europe et d’Océanie ». Pour Césaire, «ce mot désigne en 1° lieu le rejet. Le rejet de l’assimilation culturelle ; le rejet d’une certaine image du Noir paisible, incapable de construire une civilisation. Le culturel prime sur le politique »
Ce concept veut contrer un mouvement de la littérature française faisant usage d’une représentation convenue de la réalité de la France d’outre-mer, en particulier des Antilles, le doudouisme. Cette expression péjorative reprend le créole “mon Doudou” (= mon chéri) est parti tout là bas, d’l’aute côté de la mer qu’est d’vant moi”. se caractérise par sa propension à ne retenir de ses territoires que leurs manifestations les plus exotiques, retournant au lecteur des descriptions pleines de clichés mais satisfaisantes d’un point de vue métro (de la métropole). Le terme est aussi utilisé pour qualifier les arts, les chansons comme Adieu foulard, adieu Madras.
En réaction, Suzanne Césaire, dans « Misère d’une poésie », paru dans Tropiques, en 1942, s’exprime ainsi : « Allons, la vraie poésie est ailleurs. Loin des rimes, des complaintes, des alizés, des perroquets. Bambous, nous décrétons la mort de la littérature doudou. Et zut à l’hibiscus, à la frangipane, aux bougainvilliers. La poésie martiniquaise sera cannibale ou ne sera pas. »
Fondée en 1941 la revue Tropiques , avait pour but « d’entraîner les Martiniquais à la réflexion » sur leur environnement proche. Henri Stehlé, botaniste rédige 2 articles concernant la flore martiniquaise, et les histoires et légendes se rattachant aux appellations populaires des plantes. L’Amiral Robert, envoyé spécial du gouvernement de Vichy, la censure Tropiques jusqu’en 1943
Le poète surréaliste  André Breton de passage en Martinique découvre la poésie de Césaire  et le rencontre en 1941. En 1943, il rédige la préface de l’édition bilingue du Cahier d’un retour au pays natal, En 1947, Césaire crée avec Alioune Diop la revue Présence africaine. En 1948 paraît l’Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache, préfacée par Jean-Paul Sartre, qui consacre le mouvement de la « négritude ».
Dans les années 1960, Aimé Césaire estime que le mot « négritude » risque de devenir une « notion de divisions » s’il n’est pas remis dans le contexte historique de sa création. Il avoue aussi « ne pas aimer tous les jours le mot Négritude » en raison de sa charge douloureuse.
Beaucoup partage l’idée qu’Aimé Césaire est meilleur poète qu’homme politique.

Pour le plaisir, voici un extrait de son discours sur le colonialisme.
«Donc, camarade, te seront ennemis – de manière haute, lucide et conséquente – non seulement gouverneurs sadiques et préfets tortionnaires, non seulement colons flagellants et banquiers goulus, non seulement macrotteurs politiciens lèche-chèques et magistrats aux ordres, mais pareillement et au même titre, journalistes fielleux, académiciens goitreux endollardés de sottises, ethnographes métaphysiciens et dogonneux, théologiens farfelus et belges, intellectuels jaspineux, sortis tout puants de la cuisse de Nietzsche ou chutés calenders-fils-de-Roi d’on ne sait quelle Pléiade, les paternalistes, les embrasseurs, les corrupteurs, les donneurs de tapes dans le dos, les amateurs d’exotisme, les diviseurs, les sociologues agrariens, les endormeurs, les mystificateurs, les haveurs, les matagraboliseurs, et d’une manière générale, tous ceux qui, jouant leur rôle dans la sordide division du travail pour la défense de la société occidentale et bourgeoise, tentant de manière diverse et par diversion infâme de désagréger les forces du Progrès – quitte à nier la possibilité même du Progrès – tous suppôts du capitalisme, tous tenants déclarés ou honteux du colonialisme pillard, tous responsables, tous haïssables, tous négriers, tous redevables désormais de l’agressivité révolutionnaire.
Et balaie-moi tous les obscurcisseurs, tous les inventeurs de subterfuges, tous les charlatans mystificateurs….
Les Békés, les gros planteurs blancs (en Martinique), Blancs-Pays (en Guadeloupe)
Le mot Béké, dont l’origine vient du parler des esclaves africains entre eux, désigne donc le Maitre, le gros planteur de canne à sucre, propriétaire de la grande “habitation” où ils travaillent. Il est aisément passé dans la langue française grâce aux relations régulières et étroites de cette aristocratie blanche, soit sur place, soit à Paris, avec la métropole, ses gros bourgeois et ses banquiers.
Les Békés se revendiquent d’abord Créoles, soit nés sur place de parents venus d’ailleurs (Européens blancs, Africains noirs, Indiens d’Inde) au sein d’une même  identité .
Ne pouvant accéder au pouvoir électif local ni à la représentation parlementaire, du fait des préjugés, réels ou supposés, et de leur petit nombre, ils jouent néanmoins un rôle certain lors des élections locales et exercent une très forte influence sur le pouvoir exécutif français (gauche-droite confondues) ainsi que sur les institutions européennes à travers des structures de lobbying telles qu’Action Europe. Leur contrôle par le biais de financements, s’exerce aussi sur la vie culturelle et associative aussi bien aux Antilles qu’en France hexagonale.
Les Békés, dont les ancêtres ont touché l’équivalent de plusieurs milliards d’euros de réparations après l’abolition de l’esclavage en 1848, sont particulièrement attentifs à la politique mémorielle et aux revendications portées par certains groupes réclamant des réparations pour les descendants d’esclaves qui, eux, n’ont jamais été indemnisés.
À la date de commémoration du 10 mai (loi Taubira de 2006), ils préfèrent celle du 23 mai (date de la libération avec émeute, d’un esclave emprisonné pour avoir joué du tambour) et soutiennent un projet de fondation pour la « réconciliation » et la « résilience » autour de l’idée de « créolité », à laquelle ils sont très attachés. François Hollande, en 2016, a confié la préfiguration de cette fondation au banquier d’affaires Lionel Zinsou.
Le rôle des Békés et leur comportement ont été évoqués, pour ce qui est des années 60, dans  Les derniers maîtres de la Martinique, un reportage de Romain Bolzinger diffusé en 2009 sur Canal +  où un Béké de 1° plan, Alain Huyghues Despointes, faisait l’apologie de l’esclavage, du racisme et de l’eugénisme, ce qui a donné lieu à des poursuites, mais à aucune condamnation. Huyghes Despointes se félicitait que les Békés aient « préservé la race blanche» en Martinique, exprimant ce que peut-être d’autres Békés pensent.

Aujourd’hui, l’ensemble du groupe des Békés ne représentant que 1 % de la population soit 3000 personnes, contrôle en Martinique : 30 % des entreprises de + de 20 salariés, 52% des terres agricoles, 40% de la grande distribution, 50% du commerce d’importation alimentaire, 90% de l’industrie agro-alimentaire; en Guadeloupe:16 % des entreprises de + de 10 salariés.

Le mot « créole »
vient du portugais criar qui signifie « élever » (grandir pour les enfants), Un Créole aurait grandi, été élevé sur le territoire.des îles colonisées. Les dictionnaires de la langue française précisent que le terme créole est réservé aux personnes nées sur place de parents venus d’ailleurs (Européens blancs, Africains noirs, Indiens d’Inde) à ne pas confondre avec métis ou mulâtre. Le géographe français Élisée Reclus décrit les Créoles des Antilles de cette façon, en 1876 :
« Malgré les différences d’origine, les « créoles » des Antilles, c’est-à-dire tous ceux, blancs ou gens de couleur, qui sont nés dans les îles, offrent certaines ressemblances dues au milieu. Ils sont d’ordinaire bien faits et de belle taille, vigoureux et souples, d’un courage aventureux, vifs, spirituels, pleins d’imagination et de fantaisie, parfois aussi inconstants, vaniteux et futiles. Le patriotisme local a souvent réuni les créoles de toutes les nuances de peau contre les blancs nouvellement débarqués d’Europe. Un fait remarquable, constaté par les voyageurs, est que noirs et gens de couleur se sont modelés dans chaque île sur leurs anciens maîtres et en partagent les qualités et les défauts. Entre les nègres hollandais, anglais, français, espagnols, on observe les mêmes contrastes qu’entre les peuples dont ils ont pris la langue et auxquels ils s’associent de plus en plus par les traditions et le mode de penser. Rien ne rattache le Martinicais à l’Afrique : il est plus français que les Français restés dans quelque combe écartée des montagnes. Quant à la langue, elle est bien française aussi, quoique le nouveau venu ne la comprenne point tout d’abord ; sous sa forme rudimentaire elle est réduite à quelques mots juxtaposés naïvement et sans flexion, toujours prononcés dune façon câline et zézayante. Du moins témoigne-t-elle, surtout dans les proverbes, d’un merveilleux esprit d’observation et d’une étonnante finesse dans l’ironie »
La langue Créole appartient au groupe des langues créoles  à base lexicale française, parlée aux Antilles, et dans la diaspora métropolitaine. Elle a été formé autour du français du XVIIIe siècle et de plusieurs langues d’Afrique de l’Ouest mais le jeu de conquêtes entre Anglais, Portugais, Néerlandais l’a aussi influencé. Au XXIe siècle, les mots d’origine y sont bien présents mais le créole suit l’influence permanente de la culture des médias dans la vie de tous les jours. Les créoles, martiniquais, guyanais et haïtien, et celui des îles francophones (la Dominique et Sainte-Lucie), parfois sont considérés comme une seule langue : le créole antillais.

Le marronnage est la fuite d’esclaves, très importantes par leur population et/ou leur durée, au point qu’on parle parfois de républiques d’esclaves marrons en Guyane où les Noirs marrons y sont appelés  Bushinengue, Solitude (vers 1772-1802)
Les marrons se réfugiaient généralement dans des lieux inaccessibles : les Hauts des îles, Le développement du marronnage a rapidement amené les maîtres à engager des chasseurs d’esclaves qui avait la consigne de mettre à mort les fugitifs refusant de se rendre et de ramener une preuve de sa réussite, ce qui l’amenait à sectionner les mains ou les oreilles de ses victimes, conditionnant le paiement de leur activité. Sur l’île de La Réunion, au XVIIIe siècle, l’activité était exercée par de véritables professionnels, parmi lesquels les plus célèbres sont François Mussard et Jean Dugain.

Création du BUMIDOM (Bureau des migrations des départements d’outre-mer) par Michel Debré en 1963afin de soulager l’accroissement du chômage liée à la crise de l’industrie sucrière. Le départ annuel de 10 000 Créoles (nés aux Antilles) vers la France métropolitaine, afin d’occuper des emplois subalternes dans la fonction publique (PTT, hôpitaux, administrations diverses), a constitué une solution temporaire jusqu’en 1981; on parle de 70 000 Cafés au Lait comme disent sans méchanceté, leurs camarades de travail, surtout en région parisienne, la Seine Saint-Denis en 1° lieu. Ce chiffre ne comprend pas les personnes, bien plus nombreuses, que la propagande du Bumidom a indirectement encouragées à partir, sans toutefois les prendre en charge. Sans ironie aucune, on remarque que le Bumidom, basé à Paris, avait établi des antennes à Nantes, au Havre et à Marseille, 3 anciens ports esclavagistes. Paris aurait sciemment envisagé de vider ses anciennes colonies moins rentables, des descendants d’esclaves pour y installer des Français aisés. Par le passé en 1630, l’état français n’a pas hésité à déporter (car il s’agit bien de cela avec le Bumidom) des enfants réunionnais, afro-descendants, dans des départements défavorisés, dont la Creuse,