
Depuis l’île Saint-Christophe.en1635, Charles Liènard de l’Olive et Jean du Plessis d’Ossonville envoyés par d’Esnambuc débarquent en Guadeloupe à la Pointe Allègre (Sainte-Rose), et prennent possession de l’île, mandatés par le représentant de laCompagnie des îles d’Amériquede Richelieu. Ils firent planter du coton, du tabac et de l’indigo. Ils entrèrent en conflit avec les Caraïbes
En 1635, D’Esnambuc débarque dans la rade de Saint-Pierre en Martinique avec 150 colons français Il a décidé de s’y installer après la Guadeloupe avec ses 2 capitaines français, de l’Olive et du Plessis qui en sont repartis, ne trouvant pas l’île propice à l’établissement d’une colonie. D’Esnambuc au contraire, s’attelle à en prendre possession car c’est une zone stratégique pour lutter contre l’Espagne. Il y installe une 1° colonie dans la partie ouest de l’île, pour le compte de la couronne de France et de sa Compagnie. Les 1° établissements sont Le Fort Saint-Pierre fondé par d’Esnambuc, et la ville du Fort-Royal (Fort-de-France) fondée par les gouverneurs De Baas et Blenac.
Le processus de colonisation est accompagné de missionnaires, dont l’objectif est l’évangélisation des populations nouvellement colonisées, avec un Père de l’ordre des Capucins. Par la suite, d’autres ordres religieux vont venir s’installer dans la colonie martiniquaise. La « spiritualité » est un moteur de la colonisation cherchant à faire naitre chez les colonisés une conscience européenne qui passe par l’évangélisation.
1-Révoltes des Kalinagos et guerres de répression
La 1° grande révolte semble s’être déroulée à Saint-Christophe en 1626, selon Jean-Baptiste Du Tertre, religieux et botaniste. Cela concerne Pierre Belain d’Esnambuc parmi les colons français. 4 000 insurgés derrière le chef kalinago Ouboutou Tegremante aurait réuni les Amérindiens de plusieurs îles. Une 1° embuscade aurait causé la mort d’une centaine de colons anglais et français. La répression aurait provoqué le massacre de 2 000 révoltés et la fuite des autres. Ils sont pourchassés, et les survivants sont expulsés en 1640 sur l’île de la Dominique. Peu après, arrivent les 1° bateaux négriers (pour la colonie française de Saint-Christophe) : le commerce des esclaves (triangulaire) est autorisé par Louis XIII en 1642, pour les possessions françaises.mais ne se développera que plus tard en Martinique et en Guadeloupe
En 1636, le 1° massacre de Caraïbes commence. La vie des colonisateurs devient très difficile (la faim), car les Caraïbes des autres îles accourent pour venir au secours de leurs frères. Les Caraïbes de la Martinique résistent plus longtemps qu’à la Guadeloupe où un traité est signé dès 1641 par de L’Olive pour les déporter à la Dominique. L’expansion des Français créée des tensions et un conflit continu . A la mort du gouverneur du Parquet, éclate la guerre de 1658 contre les Indiens caraïbes, qui permet de resserrer les rangs des colons. + de 600 Français se regroupent avec la bénédiction des prêtres de l’île (jésuites et dominicains) pour les attaquer sur leurs territoires réservés par l’accord de paix de 1657, avec la volonté d’éliminer toutes présences indigènes dans l’île. Les Caraïbes sont massacrés et perdent leurs derniers territoires. Les survivants se réfugieront à Saint-Vincent et à la Dominique. De là, ils organiseront par la suite plusieurs expéditions punitives.
La Dominique est située entre les îles françaises des Saintes et de Marie-Galante (2 dépendances de la Guadeloupe) au nord, et de la Martinique, au sud. Britannique, l’île a connu une présence française jusqu’au .traité de Paris de 1763. Ils y implantent la culture du café. En 1625, lors de la guerre de 30 Ans, les Espagnols la cède aux Français puis les Anglais les affrontent pour sa possession; leurs canonnades détruisent totalement la ville de Roseau. En 1660, Français et Anglais abandonnent l’île aux Kalinagos (Caraibes) et la déclarent zone neutre ; pour mettre fin aux conflits, un traité de paix est signé entre les Français, les Anglais et les Kalinagos. Cependant, les Britanniques s’approprient l’île en 1759.

Des révoltes “logiques”
En situation coloniale, tout le Nouveau Monde (à partir de 1500), après les 1° contacts, et les cultures vivrières pour les entrants, a vu divers scénarios se dérouler mais le plus fréquent est l’implication, domination, soumission, relégation, déportation (pour travail forcé / servage / esclavage ( des Autochtones) de tout ou partie de la population indigène, l’accaparement de(s) terres coutumières (collectives, traditionnelles), la déforestation pour l’élevage et/ou la culture d’exportation. L’expression “choc des cultures” devrait plutôt être remplacée par “mort d’une culture”, du fait des compagnies commerciales européennes. Dans le contexte caribéen, le tabac, l’indigo, le coton et la canne à sucre vont être pour longtemps des éléments déterminants (emploi, production, export). La rapide importation d’esclaves d’origine ouest-africaine est évidemment une donnée complémentaire.
Après plaintes, protestations, promesses ou négociations (ou non), des oppositions se manifestent de la part des indigènes, suivies de révoltes logiques, souvent violentes. Peu sont documentées évidemment et les suites sont prévisibles : répression, fortifications militaires, massacres.
En 1660, Charles Houël invite dans sa luxueuse résidence de Houëlmont, en Guadeloupe, 15 chefs caraïbes pour signer un traité de paix avec les Français et les Anglais à la fois. L’idée est de pacifier la Caraïbe pour faciliter le commerce et l’expansion sucrière. Si bien qu’en 1662, le Baron de Windsor, 35 ans, arrive à la Barbade, en prévision de son mandat de gouverneur de la Jamaïque. Puis, il envoie son navire à Santo Domingo et Cuba pour demander aux gouverneurs espagnols l’autorisation d’effectuer à nouveau du commerce, en expliquant que désormais prévaut la paix, entre les puissances européennes et avec les Caraibes
2- La Compagnie des îles d’Amérique de Richelieu- 1635
Dès ses débuts en 1635, la Compagnie des îles d’Amérique, dont le Cardinal Richelieu est le 1° actionnaire, a signé avec Daniel Trézel, marchand rouennais d’origine hollandaise un contrat demandant de démarrer la production de canne à sucre, et en reverser 10 % des profits. Ses 2 fils le rejoignent en 1639: François à la Martinique, Samuel à la Guadeloupe, dont le moulin sera opérationnel en 1643. La Compagnie ordonne de détruire tous les plants de tabac des petits propriétaires et en 1639, lui accorde le monopole la canne à sucre, dans l’ îles où sa culture est moins avancée, la Martinique. À la Guadeloupe, où les terres sont faciles à cultiver, Daniel Trézel loue son moulin aux autres planteurs. Il n’obtient pas de monopole, mais 2 plantations.
La Compagnie le soutient financièrement par un prêt de la 1/2 du montant, tout en offrant de payer le transport d’Europe de « quelques machines ou engins à sucre ». Face à cette insistance de la Compagnie, Daniel Trézel obtient en 1640 de nouvelles exemptions fiscales et des engagements fermes pour ses fils
Reste le problème de la main-d’oeuvre. La flibuste est le principal moyen d’appropriation des esclaves, loin devant les achats aux Portugais. Le contexte géopolitique lui facilite la tâche :L’Angleterre est en conflit dès 1627 avec la France s’en prenant à ses colonies, tandis que se déroule la guerre hispano-française (1635-1659). Des esclaves sont capturés à l’ennemi. Les Espagnols sous-traitaient aux Portugais l’asiento, monopole d’importations des esclaves, sous l’autorité du Pape. Les esclaves resteront très minoritaires pendant 12 ans
Dès 1628, la compagnie de Rouen du navigateur Jean Rozée, associé à Daniel Trezel en 1638 de la Compagnie des îles d’Amérique, avait été fondée pour le monopole du commerce au Sénégal où un comptoir fut installé, suivi du fort Saint-Louis, donnant en 1659, naissance à la ville de Saint-Louis, où il fonde la Compagnie du Sénégal, chargée d’y vendre des armes.
Daniel Trézel signe un contrat avec Jean Rozée pour se faire livrer 100 esclaves noirs pour 200 livres par esclave. Le commerce des esclaves est autorisé par Louis XIII en 1642. A la Guadeloupe, la demande en « Noirs » de De l’Olive se fait pressante . La date de l’arrivée de navires négriers est 1643, 5 ans après la 1° commande d’esclaves d’où le recours aux engagés blancs. En 1639, David Le Baillif, d’une autre grande dynastie rouennaise de marchands, fonde une société pour importer des esclaves à la Martinique sur des plantations de tabac et deviendra propriétaire de 4 plantations.
3-Les engagés – 1635
À l’origine, l’engagisme est un système juridique de recrutement, sur la base du volontariat (dû à une grande misère), de travailleurs pour les plantations coloniales . Cette forme atténuée de servage commence sous Richelieu et concerne des travailleurs français. On les appelait alors les «36 mois », car ils étaient obligés de servir durant 3 ans, pendant lesquels leurs maîtres pouvaient disposer d’eux à leur gré et les employer à ce qu’ils voulaient. En d’autres lieux et plustard, les bagnards feront l’affaire. Une fois la période de 36 mois écoulée, ils étaient libres, pouvaient acheter des terres s’ils disposaient d’argent, ou bien de retourner en France. Cette méthode de recrutement fut très utilisée au XVIIe siècle. Puis, en raison de la dureté des conditions de travail et du besoin croissant de main-d’œuvre, l’ engagisme disparaît au profit de l’esclavage, de la traite négrière africaine. La Révolution française abolit l’esclavage donc l’engagisme est redevenu une forme de salariat d’abord réservée aux travailleurs créoles natifs des colonies (anciens esclaves) puis ouverte aux “immigrés forcés” d’Afrique et d’Inde. Cet engagisme sur la base du “volontariat”, se rapproche beaucoup de la traite .
Charles Houël achète les 60 Noirs qui arrivent à la Guadeloupe sur un navire anglais. Mais la Compagnie avait besoin de 50 artisans qualifiés. En 1645, Houël revient de France avec une centaine d’engagés blancs. Les 3 îles françaises en ayant déjà importé 7000 en 7 ans et + d’une centaine de Noirs, elle recherche surtout des artisans très spécialisés.
150 Normands débarquent en 1635 à la Pointe Allègre (Sainte-Rose), avec 4 prêtres dominicains. Ils sont tous des engagés par contrat de 3 ans, auprès d’un maitre qui a le droit de les revendre, car il a payé leur traversée. (Pas longtemps et peu réussiront à faire fortune avant que terres ne deviennent hors de prix).

4- La culture du sucre
150 Normands débarquent en 1635 à la Pointe Allègre (Sainte-Rose), avec 4 prêtres dominicains. .La canne à sucre qui nécessite beaucoup de main d’oeuvre contrairement aux autres (tabac) est déjà prévue dans leur contrat avec la Compagnie des îles d’Amérique. Ils sont tous des engagés par contrat de 3 ans, auprès d’un maitre qui a le droit de les revendre, car il a payé leur traversée. (Pas longtemps et peu réussiront à faire fortune avant que terres ne deviennent hors de prix).
Depuis 1638, il avait 2 associés « pour le commerce des îles », le banquier parisien Desmartin qui a effectué les avances de fonds et le capitaine Rigaud, propriétaire d’un vaisseau qui se met en affaire pour des moulins à sucre avec le frère d’Adam Raye, de Rouen, qui a « résidé avec les Hollandais à Pernambouc », au Brésil.
Les 1° moulins à sucre de 1640 sont installés en Martinique en même temps qu’en Guadeloupe et Barbade(Brit), sur fond d’effondrement de la production sucrière neerlandaise au Brésil, Les plus riches des Hollandais avaient fui le Brésil, où les planteurs de sucre portugais menés par João Fernandes Vieira se sont insurgés, ce qui fait monter le cours du sucre, rendant lucrative sa culture dans les 3 îles. Ces moulins (invention néerlandaise) utilisent des bœufs, chevaux ou mulets pour mouvoir le système de pressage de la canne, permettant d’en extraire un jus pour faire de la mélasse, du sucre roux ou du sucre blanc, raffiné après chauffage
Les 7000 engagés (en 1642) du banquier parisien travaillaient d’abord « au milieu des esclaves », et « avec le même outillage » au bénéfice de la Compagnie, dans chacune des 3 îles, Saint-Christophe, Martinique et Guadeloupe. Elles se lancent dans les cultures coloniales : tabac et coton mais surtout le sucre, car l’offre mondiale de sucre est déficitaire à cause de la guerre entre Hollandais et Portugais qui ravage le Brésil depuis 1630 (1/3 des moulins à sucre sont détruits).
La compagnie s’engage à installer, en + des 60 esclaves, 50 « artisans de tous mestiers à la construction des bastimens, halles et magazins, culture des cannes et autres ouvrages ». Charles Houël,en 1645, revient de France avec une centaine d’engagés blancs. Les 3 îles françaises en ayant déjà importé 7000 en 7 ans et + d’une centaine de Noirs. A Saint-Christophe, une plantation de canne à sucre dispose de 100 esclaves et 200 « domestiques », soient des engagés blancs.
Mais ces engagés blancs, aussi appelés « alloués »., parfois aussi utilisés à la fortification des îles, sont célibataires et craignent de le rester une fois leur contrat de 3 ans terminé, Pour leur offrir des perspectives de mariage, la Compagnie promeut l’importation de femmes de Dieppe à la Guadeloupe. La ville de Basse-Terre est fondée dans le Sud de l’île et en 1645, + de 200 orphelines apprennent à lire, écrire, coudre, tricoter et broder, dans le Couvent la Divine Providence, dirigé par Benoit Brachet. Léonore de La Fayolle, munie de lettres de la Reine, reçoit la somme de 200 livres pour convoyer des orphelines aux îles

6- Les “seigneurs-prpriètaires privés”
La Guadeloupe fut considérée « comme celle de toutes les isles qui est la plus propre à la nourriture des cannes » même si la Grande-Terre (une des 2 ailes du papillon) au climat plus sec que la Basse-Terre et à la végétation moins dense, sur les mornes d’un atoll surélevé où se repliaient les Caraibes, fut d’abord évitée au début, tandis que la croissance du sucre en Basse-Terre a subi un coup de frein à cause de 3 cyclones en 15 mois (1655-1656), une famine, un soulèvement d’esclaves et une révolte contre les excès de Houël.
Le 1er novembre 1755, la Martinique et les Petites Antilles sont balayées par le raz-de-marée provoqué par le tremblement de terre de Lisbonne. Les communes de La Trinité, de Fort-Royal et du Lamentin sont les plus touchées.
La Barbade anglaise, en forte expansion entre 1645 et 1649, lui offre une forte concurrence. Ses engagés blancs permettent à la culture du sucre d’y décoller dés le milieu des années 1640, Lors de la décennie précédente, les cultures de tabac, de coton et d’indigo de la Barbade avaient lancé l’exploitation à grande échelle de cette main d’œuvre, d’abord composée d’adolescents pauvres obligés de se vendre en Irlande, où les conflits militaires et la spéculation foncière de 1630 leur a rendu l’agriculture aléatoire. Avec la 1° révolution anglaise, près de 4 000 personnes, émigrent à la Barbade dans les années 1640, les pauvres engagés et les aristocrates y apportent les capitaux. Résultat, à partir de 1643, le prix de la terre à la Barbade double chaque année et ne se stabilisera qu’au milieu des années 1650.
En Guadeloupe même, le Père breton souligne qu’en 1647, le sucre « vient fort bon et excellent » avec « des cannes, grosses et succulentes », grâce à 3 facteurs : tous les planteurs ont le droit d’utiliser le moulin de Daniel Trézel de la compagnie, tandis que sa propre plantation, bien distincte, l’utilise aussi. Son fils, Samuel Trézel, qui gère cette plantation, s’est engagé à rester 6 ans, en échange de 1/10 des sucres fabriqués..
L’achat de la Guadeloupe en 1649 par Charles Houël, gouverneur de l’île depuis 1643 permet de rembourser le marchand de Rouen Jean Rozée, actionnaire et créancier. Jean de Boisseret régle les dettes de la compagnie envers des « engagés » artisans qui n’avaient pas été payés, déclenchant des plaintes et poursuites de leurs femmes à La Rochelle dès 1646.
Un an après, Du Parquet, gouverneur de la Martinique en devient le propriétaire de la Martinique, ainsi que de la Grenade, des Grenadines et de Saint-Lucie pour 2/3 du prix payé pour la Guadeloupe. Il a exploité la culture du sucre pendant 10 ans et l’achète lorsque la Compagnie est ruinée..Et en 1651 c’est au tour de Saint-Christophe, d’être vendue à son gouverneur Poincy, qui est déjà propriétaire de 200 engagés blancs et 100 esclaves en 1645.
Charles Houël et Jean de Boisseret se font ériger chacun un fort sur les bonnes terres Ils en donnent une partie aux missionnaires Carmes et aux Jésuites, partisans de « l’évangélisation » des esclaves, jouant de leur rivalité avec les Dominicains, jusqu’alors les seuls missionnaires de l’île. À partir de 1649, sous ce nouveau régime de propriétaires privés qui n’ont de comptes à rendre à personne, c’est « l’obscurité quasi-complète » sur leurs revenus et patrimoines. Il apparait cependant que de Poincy a doublé le nombre de ses employés, esclaves et engagés, entre 1650 et 1654. En 1647, le missionnaire carme Maurile de Saint-Michel l’a visité et écrit que le sucre était « la 1° marchandise de nos îles », Poincy en retirant « tous les ans la valeur de 30 000 écus ».
D’abord, l’île est productrice de denrées coloniales fournissant de forts profits : tabac (petun très apprécié), roucou, indigo, cacao. La crise du tabac de la 2° ½ du XVIIe siècle ruine les 1° planteurs qui se tournent vers le sucre. La monoculture de la canne va modeler le paysage et devenir partie intégrante de la culture créole. Elle dominera l’économie du pays jusqu’à la 2° 1/2 du XXe siècle.
La culture de la canne à sucre telle qu’elle est pratiquée dans « l’habitation sucrière » demande une importante main-d’œuvre que la métropole ne peut fournir. Si la culture du tabac ou de l’indigo avait pu se faire avec les « engagés », la traite d’esclaves noirs provenant des côtes de l’Afrique est avancée comme unique solution pour fournir les effectifs nécessaires.
Les engagés, à la différence de l’esclave, s’il réussissait à survivre aux terribles conditions de vie et de travail pendant 36 mois, recouvraient leur liberté et se voyaient allouer une terre leur permettant de devenir à leur tour “petit” planteur.
La culture de la canne devient synonyme de traite négrière par le commerce triangulaire (Europe, Afrique, Amérique) entre les ports français (Bordeaux, Nantes) et la colonie. Par manque chronique d’espèces métalliques, le troc domine, tandis que la piraterie maintient le danger, même en périodes de paix.
Le sucre est une culture violente, qui nécessite de grandes propriétés et « consomme » des esclaves jeunes, rapidement épuisés par le travail intensif de la coupe et du transport des cannes, effectué sous la menace du fouet. Leur espérance de vie étant particulièrement basse, il faut souvent les remplacer.

7- L’initiateur de l’esclavagisme aux Antilles est Louis XIV
L’explosion du nombre d’esclaves correspond aux décisions prises à Versailles par Louis XIV en 1674. Entre 1674 et 1680, le nombre d’esclaves en Martinique double. Entre 1673 et 1700, il a déjà sextuplé.
Le remplacement de la Compagnie des Indes occidentales de Colbert, en 1673, par la compagnie du Sénégal entraîne une multiplication par 4,5 dans les 14 années qui suivent. De 1687 à 1700, la progression se poursuit plus lentement (+32 % en 13 ans), selon L’Administration des finances en Martinique, 1679-1790, de Gérard Marion. La traite négrière est alors ouverte à tous les ports français pour la doper par la concurrence. La Guadeloupe et la Martinique passent sous l’autorité directe du roi Louis XIV, qui pousse la culture de la canne à sucre, plus gourmande en capitaux mais beaucoup plus rentable, en donnant des terres à des officiers supérieurs en Martinique, où le sucre est moins développé qu’à la Guadeloupe.
Louis XIV avait croisé dès 1669 la marquise de Maintenon, dite « la belle indienne » car elle a passé son enfance en Martinique. Le roi prête aussi l’oreille à son ministre de la Défense, Louvois qui dirige la coûteuse guerre de Hollande (1672-1676), contre l’avis de Colbert et contre les Pays-Bas, détenteurs de l’asiento. (Un asiento est une convention de la monarchie espagnole qui conférait à des acteurs privés le monopole d’exercer une compétence de l’État : commerce des esclaves noirs, prélèvement d’un impôt, transfert de fonds, exploitation d’une route commerciale). La Compagnie du Sénégal, comme la Compagnie de Guinée qui lui succède en 1700, institue la traite négrière à grande échelle. L’investissement des Français et des Anglais dans le commerce triangulaire, massif et simultané, fait flamber le prix des esclaves. Il contribue à l’essor des ports français de Nantes et de Bordeaux, il fait en même temps baisser le coût du transport des esclaves au profit des planteurs de sucre. Les forts se multiplient sur le littoral africain. En 7 ans, le nombre d’esclaves double en Martinique. En 25 ans, il sextuple La Guadeloupe est rattrapée.
Le Tabac de Virginie La spéculation immobilière sur les terres à sucre éjecte les Blancs les moins fortunés, par ailleurs pénalisés par la ferme du tabac (taxe) de 1674 par Louis XIV d’où la ruine rapide du tabac français. Le tabac produit en Virginie profite de la contrebande qui passe de 2 000 esclaves en 1671 à 110 000 en 1750. Les exportations de tabac de la Virginie et du Maryland sextuplent entre 1663 et 1699 avec le « passage du travail des Blancs à la main-d’œuvre noire »,
Capitaine du navire la Sybille, en 1672, lors de la guerre contre les Hollandais puis revenu en France en 1673, Charles François d’Angennes vend son château et son titre à Françoise d’Aubigné, favorite de Louis XIV, qui devient marquise de Maintenon. Puis, en 1675, il repart combattre les Hollandais. Nommé gouverneur de Marie-Galante en 1678, il vit en Martinique au village du Prêcheur, où il signa un contrat avec la Compagnie du Sénégal, pour recevoir une partie des 1 600 esclaves africains qu’elle s’est engagée à livrer en 4 ans. C’est le 1° client de la Compagnie du Sénégal, le plus riche planteur de sucre de la Martinique. Il lui commande 1 600 esclaves en 1679. Il a le monopole du commerce sucrier avec le Venezuela espagnol et abrite au Prêcheur, 2 paroisses jésuites, où vivent le 1/4 des esclaves de Martinique en 1680.
Le roi lui donne en 1682 le monopole du commerce entre le Venezuela et les Antilles françaises, et le droit de raffiner du sucre sur place, alors que les autres planteurs devaient exporter la matière brute vers la France; c’est le plus riche planteur de canne à sucre de la Martinique.
Louis XIV donne terres et titres de noblesse à tout planteur qui installe sur ses terres plus de 100 esclaves. Dès 1680, on recense en Martinique, 99 plantations de plus de 20 esclaves, 5 fois plus qu’en 1669.
Entre 1674 et 1692, le nombre de sucreries double. Saint-Pierre de la Martinique devient la capitale des Antilles françaises. Les esclaves les plus jeunes et les plus résistants sont réservés à l’élite de grands planteurs nobles. Le code noir de 1685 limite le métissage et règlemente la torture des esclaves.