L’archipel des Comores est un ensemble de 4 îles volcaniques de l’océan Indien, dans la partie Nord du canal du Mozambique, à l’ouest du Nord de Madagascar, et à l’Est du Nord du Mozambique, sur une superficie de 2 236 km2: Grande Comore ; Anjouan ; Mohéli ; Mayotte (constituée de 2 îles principales Grande-Terre et Petite-Terre , et de petites îles inhabitées).
En 1154, le géographe arabe Al Idrissi appelait ces îles « Îles du Jâvaga » (gazâ’ir al-Zâbag).Puis l’archipel est appelé en arabe Juzur al Qamar les « îles de la Lune ». Cette étymologie est contestée, le nom venant plutôt de l’ancien nom de Madagascar, Ķ(u)mr’ : il s’agirait plutôt des « îles malgaches », Ķ(u)mr’ étant apparenté à l’idée de « clarté » et pourrait désigné, les nuages de Magellan qui servait aux marins à s’orienter pour descendre dans l’hémisphère sud où l’étoile polaire n’est plus visible.
Les 3 premières forment l’union des Comores, pays indépendant, tandis que l’île de Mayotte (composé des îles Grande-Terre et Petite-Terre), île la plus au sud-est et les îles environnantes sont un département français.
Cette ancienne colonie française, est l’objet d’un contentieux entre la France et l’union des Comores depuis l’indépendance de cette dernière en 1975, la population de Mayotte ayant lors du référendum d’autodétermination décidé de rester française. Toutefois les 2 pays entretiennent des liens étroits.

Le peuplement de l’archipel des Comores
1° millénaire
Les sources gréco-romaines des Ier et IIe siècles (Pline l’Ancien et l’anonyme du Périple de la mer Érythrée) montrent que la région de l’océan Indien occidental était connue pour la chasse des tortues de mer alimentant le commerce de l’écaille par un peuplement saisonnier ou des visites ponctuelles. Mais les découvertes récentes du professeur tanzanien Félix Chami en Grande Comore (grotte de Malé) permettaient d’envisager un « âge de pierre ».
VIIIe – XIIe siècle
Pour toutes les îles de l’archipel des Comores, les 1° documents datent au VIIIe siècle (Koungou). Ces 1° habitants sont des Africains bantous et des Austronésiens (grand groupe linguistique et culturel qui écume tout l’Océan Pacifique et l’océan Indien grâce à leur pirogue à balancier, les même qu’en Kanaki), les Protomalgaches, originaires de l’archipel indonésien (Kalimantan et Célèbes). Si leur arrivée se comprend par leur volonté de commercer avec l’Afrique, la présence bantoue serait le résultat soit de migrations volontaires venues coloniser l’ensemble comoro-malgache, soit les signes d’une traite ancienne par des Austronésiens. Au Xe siècle, le persan Borzog ibn Shariyar, dans les Merveilles de l’Inde, rapporte la présence de « Wac wac » (Austronésiens) sur la côte du pays des Zenj (Zanguebar– Zanzibar) venus quérir des esclaves.
Dès le IXe siècle, les Austronésiens commercent entre Madagascar et la côte africaine où se développent les sociétés swahilies, de façon très intense et repose sur l’exportation de fer produit à Mayotte (site de Dembeni, IXe – XIIe siècle). Des marchands arabo-persans font escale dans l’archipel (nécropole de Bagamoyo) introduisant avec eux l’islam dans l’île.
Les habitants appartiennent aussi aux 1° peuples swahilis, d’origine persane de Chiraz , caractérisés par une culture bantoue répandue sur l’ensemble des rivages de l’Afrique orientale. Ils ont transité le long des côtes de l’Afrique orientale, établissant des comptoirs marchands sur des îles situées sur les routes commerciales: archipel de Zanzibar, l’archipel de Lamu et les villes de la côte kényane, tanzanienne et le Mozambique, Ils y répandent une culture prospère, renommée, de langue swahilie (dont les dialectes comoriens plus tardifs constituent des variantes locales), vivant du commerce d’esclaves, de l’ivoire et d’autres marchandises africaines destiné à l’Orient. Ces nouveaux arrivants introduisent des esclaves africains, les Makoas dont descendent les Wadzakiya, entretiennent des relations avec les populations malgaches, d’origine austronésienne. Mayotte et Anjouan ont été occupées plus tardivement. Le commerce maritime, très actif, atteste de contacts avec le Moyen-Orient musulman. Mayotte est une étape dans le commerce entre l’Afrique et Madagascar (site d’Ironi Bé à Dembeni)

Dembeni, le plus important site médiéval de l’île, témoigne d’une concentration humaine très élevée. La métallurgie y est attestée. Les lingots de fer produits étaient destinés au monde indien et au Moyen-Orient. Dembeni était également une place de redistribution du cristal de roche extrait des mines malgaches mais débité à Dembeni, où étaient retirés scories et parties impures. Il était ensuite revendu à des marchands arabes, juifs et persans, ce matériau étant recherché par des ateliers d’Irak, d’Égypte et de Perse pour la confection d’objets de luxe. Des textes persans indiquent que le cristal de roche venait d’une île de la cote des Zandj (noir en Arabe qui donnera Zanzibar). Sa prospérité correspond à la production des plus belles pièces de cristal de roche en Égypte et en Iran. On retrouve même la porcelaine blanche Tang de la Chine du IXe siècle. Une céramique locale, à engobe rouge et parfois graphitée, connaît une diffusion entre le IXe et le Xe siècle, de la côte occidentale de Madagascar aux cités swahilies africaines et jusqu’à la péninsule arabique (site de Sharma en Hadramaout– Yémen).
Quant à l’origine des Dembeniens, on s’accorde à reconnaître dans leur culture les caractéristiques des populations austronésiennes bien que certains indices trahissent une présence bantoue. Une modification des réseaux commerciaux pourrait expliquer son déclin lorsque des comptoirs tenus par des islamisés se développent à Madagascar et réduisent l’archipel des Comores au seul rôle d’escale.
Des communautés villageoises de taille réduite poursuivent la mise en valeur agricole de l’île, jetant la trame villageoise actuelle. Les 1° enceintes fortifiées apparaissent (Majicavo, Acoua) et signalent l’existence de potentats locaux. L’élevage du zébu en enclos pastoraux se généralise. La constitution de cheptel, la maîtrise du commerce et l’islamisation participent à l’apparition d’une aristocratie. Ainsi s’élabore dès le XIe siècle une période nouvelle qui préfigure la structuration politique de l’archipel des Comores en sultanats : l’époque des Fani. Ce terme désigne les chefs, hommes ou femmes islamisés, dirigeant l’espace villageois, entité politique indépendante.

L’archipel des Comores constitue la frontière sud de l’aire culturelle swahilie; Mayotte est le point de contact de cet ensemble avec la culture malgache, très différente, ce qui fait très tôt de cette île un carrefour d’influences, mais aussi une cible guerrière. Une immigration bantoue et malgache (Sakalava) commence.
L’archipel entre sous l’influence de la culture swahilie ce qui transforment profondément la société. De petites bourgades se constituent, prospérant du commerce des esclaves et de l’exportation des productions agricoles (viandes, riz). Les 1° habitations en pierre, résidences des élites, apparaissent au XIVe siècle. Les rivalités se traduisent par la multiplication des sites fortifiés qui amorcent un processus d’urbanisation.
Les sépultures des IXe – Xe siècles témoignent de la présence de l’islam à Mayotte, leur nombre croissant aux XIe et XIIe siècles atteste d’une islamisation massive des élites mahoraises, ce qui rejoint les écrits d’al Idrissi (il s’agit de la 1° mention écrite de l’archipel des Comores). Si l’islam sunnite chaféite, développé à la côte swahilie, est imposé par le sultanat shirazi au XVe siècle, le soufisme chiite et l’ibadisme ont laissé des traces sur l’île au travers du nom de certains fani, de la vénération des tombes des saints – ziara – et de l’existence sur le site de Mitseni des vestiges d’une mosquée ibadite antérieure à la mosquée chaféite. Dans la légende, datée des XIVe et XVe siècles, de Matsingo et de son époux Mwarabu (l’Arabe), ce dernier veut enseigner l’islam chaféite aux chefs de l’île et voit leur refus prétextant qu’ils ont déjà leurs propres traditions islamiques.
Le pouvoir est aux mains de grandes familles de l’aristocratie locale, les Qabilas, qui sont souvent en rivalité, voire en guerre. Ils s’établissent dans les villes côtières fortifiées (Mutsamudu et Domoni à Anjouan, Fomboni à Mohéli, Moroni, tsandra et Iconi à la Grande Comore). Ces puissantes familles accaparent les terres des cultivateurs autochtones, les Walatsa, les obligeant à travailler pour eux ou les refoulant à l’intérieur des terres.
A Mayotte, la société est dominée par l’aristocratie Fani. Cosmopolite, qui est le fruit du brassage entre l’ancienne aristocratie et les nouveaux clans mais l’essentiel de la population reste composée d’esclaves qui ont contribué à mettre en valeur l’île, le nombre de villages ne cessant d’augmenter. La prospérité des ports Antalotes (Antalaotra) de la côte malgache, est due à l’exportation des esclaves originaires des hauts plateaux malgaches (pays Hova) vers le Moyen-Orient via les Comores et les cités swahili. Des témoignages portugais laissent entendre que les Comores importent aussi des esclaves africains. On entrevoit alors que dès les XIVe – XVe siècle, « l’élevage des esclaves » décrit en 1521 par Piri Reis est une spécialité déjà ancienne des Comores.
C’est donc dans une société largement intégrée au grand commerce, et ayant adopté le mode de vie swahili que vont s’épanouir au XVe siècle les 1° sultanats de la lignée prestigieuse des Shirazi.

Les Shirazi constituent un clan prestigieux et charismatique présent dans tout l’Océan indien occidental. Originaires du golfe Persique (diaspora chiite), ils s’établirent d’abord à Mogadiscio (Somalie) à partir du IXe siècle, puis on les retrouve sur l’île de Zanzibar au XIIIe siècle. Un changement dynastique avec l’avènement du sultan al-Hassan bin Talib entraîne l’exil de princes shirazi vers les Comores (légendes de l’arrivée de princesses shirazi à Ngazidja, mariage de la fille du fani Othman de Domoni à un « Arabe »). À cette 1° vague succède au XVe siècle une nouvelle installation de shirazi à Anjouan et à Mayotte, créant des sultanats chaféistes gommant les traditions chiite, zaydite, ibadite.
En 1453, la chute de Constantinople ferme brutalement les routes commerciales qui reliaient l’Europe à l’Orient. S’ouvre l’âge d’or du commerce maritime dominé par les Portugais qui contournent l’Afrique pour atteindre l’Inde et la Chine : le canal du Mozambique se retrouve donc au cœur de la principale route commerciale au monde, entraînant une importante période de prospérité pour les nombreuses îles et cités-États de l’aire culturelle swahilie.
Les sultans Shirazi de Mayotte
L’île de Mayotte « Mawutu » est mentionnée pour la 1° fois en 1490 sous la plume du navigateur arabe Ahmed Ibn Majid, signe d’une montée en importance au niveau commercial. Les Portugais y entament des relations commerciales à partir de 1557, Venu d’Anjoua n où le clan shirazi est établi, Attoumani ben Mohamed, par mariage avec la fille du puissant fani de Mtsamboro (Mwalimu Poro) fonde la 1° dynastie princière de Mayotte, dominant tous les anciens Fani qui vont exercer la fonction de vizir. Ce sultanat est perpétuellement menacé par les projets d’annexion comoriens et malgaches,
En explorant la route de Zanzibar et des Indes, les Portugais abordent les îles de l’archipel d’Al Qomor.en 1505. Les Britanniques les suivent. La France apparaît à son tour à la fin du XVIIIe siècle, s’établissant à l’île Maurice, à la Réunion et aux Seychelles, et dans des ports de Madagascar..Cependant, les récifs de corail de Mayotte représentent un danger mortel pour les bateaux : c’est pourquoi jusqu’au XVIIIe siècle, l’île n’accueille que des navires européens venus s’y ravitailler par nécessité. Les seuls bateaux pouvant accoster sans risque à Mayotte étaient les navires souples swahilis « Mtepe », qui ne craignaient pas les récifs ou bancs de sable et pouvaient s’échouer sans risque directement sur les plages, sans besoin de port. À partir du XVIIe siècle, les navigateurs portugais recommandent aux navires en route pour les Indes de faire une pause atlantique au Cap-Vert au printemps et une pause indienne aux Comores en septembre, afin de profiter au mieux des courants de mousson, ce qui fait de l’archipel une place commerçante majeure dans cette partie du monde.
Le règne du sultan Shirazi Omar ben sultan Ali (1643-vers 1680) marque la fin de la prospérité de Mayotte: ruine et dépeuplement de l’île dus aux « cascades de révolutions de palais », et à la fréquentation, entre 1680 et 1720, des pirates européens refoulés des Caraïbes. À partir de 1740, des expéditions armées sont dirigées depuis Anjouan soutenues par les Anglais, sur Mayotte, puis jusqu’en 1820, Mayotte, tout comme le reste de l’archipel, est pillée par les pirates malgaches en quête d’esclaves pour alimenter la traite en direction des plantations françaises de l’Ile de France (île Maurice) et de l’île Bourbon (La Réunion).
Sans flotte de guerre, il ne peut que perdre le contrôle de l’île. Il recherche des protecteurs pour garantir sa sécurité
Quelques aventuriers français s’établissent, en dehors de tout contrôle légal, à Madagascar et aux Comores, où ils fondent de prospères dictatures esclavagistes (comme Léon Humblot en Grande-Comore) : la conférence de Berlin (1884-1885) met fin à ces pratiques, et Madagascar, les Comores deviennent colonies françaises à partir de 1885 (acté en 1904).

La colonisation fraçaise
Missionnés pour organiser une installation, les militaires français, dirigés par Hell, sont intéressés par le Nord de Madagascar car ils anticipent les puissantes mutations dans la navigation maritime. Le clipper et le navire à vapeur commençant à changer les routes maritimes séculaires dans l’océan Indien, une meilleure cartographie et la maîtrise instrumentale de la position géographique, rendent moins dangereux les parages coralliens. En 1841, le sultan opère la cession de sa souveraineté de Mayotte à la France par une simple vente où il obtient du commandant de vaisseau de La Prévoyante, Pierre Passot, une rente viagère personnelle de 1000 piastres. Les négociateurs français sont ravis car ils reconnaissent des havres protégés des courants pour leurs bateaux de guerre. Louis-Philippe et ses ministres n’en croient pas leurs oreilles mais l’ installation du drapeau français a lieu le 13 juin 1843. Entre-temps, les marins français avaient assuré la protection de Mayotte.
Dès 1845, le réaménagement de bâtiments mieux adaptés plutôt que des complètes construction ex nihilo, est achevé en face de la grande rade. Et apparaissent les blancs bâtiments de gouvernement et d’administration, un hôpital civil et militaire, un corps de garde proche de l’entrée principale de la forteresse, un arsenal du génie près du port aux boutres arabes. L’ancien palais des sultans reste un lieu préservé pour maintenir l’échange et les rencontres avec les administrés mahorais, arabes et sakalaves. La rassurante présence française réconcilie les représentants des communautés et permet d’apaiser les violentes tensions et querelles internes que la piraterie incontrôlée avait exacerbées. Mais dans le canal du Mozambique, une sourde rivalité anglaise est née, qui va se déployer pendant des décennies.
Tout au long des rivages ou dans ses parties les plus fertiles et accessibles de la Grande Terre, des domaines esclavagistes sont installés. Son intérieur est couverte de végétation verte et dense, les maîtres des domaines pillent les zones montueuses de leurs grands bois. Dans les dédales de végétations, se nichent des cases de paysans pauvres. Ses populations libres, non recensées ont fui leurs possibles persécuteurs. Ces Mahorais de culture swahilie se regroupent par intérêt, s’affrontent parfois, se plaçant au besoin sous la protection ou l’arbitrage religieux du sultan. Derniers venus, avant l’hégémonie française, Sakalaves et Antalaotsi (Madagascar), ils adoptent 2 modes de vie suivant leur cohésion : soit la vie domaniale hiérarchisée et inégalitaire en liaison avec le monde marchand, soit le monde paysan communautaire libre mais précaire du fait de l’absence de titre de propriété garanti par un système de défense efficace ou un pouvoir fort. La conversion à l’Islam leur permet de bénéficier d’une reconnaissance auprès des Mahorais et d’une pacification juridique acceptée.
Mayotte qui ne compterait que 3 000 habitants permanents, est placée par le chef d’expédition Passot sous l’autorité maritime française. Après son acquisition, elle dépend administrativement du gouverneur de La Réunion, mais l’efficace gouvernement de Mayotte avec sa flotte et son administration modernisée s’étend aux îles françaises les plus proches. Lui sont rattachées 2 îles côtières de Madagascar, Nosy Be ( déjà occupée par la France dès 1841) et Sainte-Marie de Madagascar (française depuis 1820), l’ensemble composant la colonie de « Mayotte et Nosy-Bé ».

Passot estime la population servile à servile de 2 733 individus.et la population libre à 2 553 personnes dont 104 Malgaches. En 1846, une ordonnance royale portant sur l’abolition de l’esclavage est promulguée à Mayotte. Elle provoque une fuite des maîtres des plantations de Mahoré et de leurs esclaves obéissants, qui espèrent trouver ailleurs des terres à mettre en valeur sans cette contrainte. Cet exode rapide favorise l’installation de planteurs français sur la Grande Terre. Les créoles monopolisent les meilleures terres, là où ils ont remarqué la profonde décomposition des anciennes laves en sols rouges. Une gestion hydraulique grâce à des retenues d’eau sur des tapis naturels d’argiles peut être améliorée. L’ordre français semble favoriser ces coûteux aménagements.
La France de Louis-Philippe n’a pas de politique coloniale en dehors de l’Algérie déjà conquise. Cet événement est indépendant de la conférence de Berlin en 1885. Ce territoire imprévu va peiner à s’inserrer dans le réseau économique de l’empire.
Mayotte est vidée de ses habitants par des décennies de pillages, et par l’exode des anciens maîtres avec leurs esclaves, ses villes à l’abandon au sein d’une nature envahissant les zones agricoles. L’administration française tente donc de repeupler l’île, en rappelant tout d’abord les Mahorais réfugiés aux Comores, à Madagascar, en proposant aux anciens maîtres, un dédommagement, puis en invitant des Anjouanais fortunées à venir s’implanter. Elle lance des 1°grands travaux: le Boulevard des Crabes reliant le rocher de Dzaoudzi à Pamandzi et au reste de Petite-Terre, où sa présence est cantonnée, au rocher de Dzaoudzi, fort naturel, point d’observation et une rade utile, ainsi qu’un site de villégiature réputé plus salubre que Grande-Terre, où sévit le paludisme.
La présence religieuse dès 1844 (Jésuites, Spiritains, Capucins, puis religieuses de Saint-Joseph de Cluny), ne fait pas office de« mission civilisatrice » ni de conversion, l’administration préférant s’appuyer sur les structures sociales existantes ( le conseil cadial pour l’état civil et la justice non criminelle). Obéissant au dernier vœu du sultan, les Français installent une 1° école à Dzaoudzi, en 1851. Le gouvernement de Mayotte qui y siège, appuyé par la flotte française, administre plus de 24 300 habitants d’îles, réparties sur 3 secteurs assez éloignés : Helleville ou Nossi Bé, Sainte-Marie et Mayotte qui comptent respectivement 15 000, 5 900 et 3 400 habitants recensés.
Pendant 40 ans, Mayotte est une piètre colonie sucrière. En 1856, un travail forcé est établi qui provoque la révolte de Bakari Koussou réprimée dans le sang. Les travailleurs en nombre insuffisant sont soumis à des conditions de travail inhumaines. Les planteurs français qui ne veulent pas perdre le bénéfice des bons sols mahorais modernisent les installations de traitement de la canne à sucre. La population de simples travailleurs des plantations s’accroît après 1860, des usines à sucres modernes naissent à Debeney (Dembeni), Kaweni et Dzoumogné. La production annuelle de sucre atteint 1 500 T et pourrait être étendue au besoin sur 8 000 ha de terres cultivables, soit 1/4 de la superficie de l’île. Mais les années 1880 confirment le déclin de l’activité sucrière, soumise à une forte concurrence internationale.
Toutefois, les domaines ont déjà diversifié leurs productions : ils cultivent de la cannelle, du poivre, du girofle et du café qui poussent bien sur les sols rouges. Ils vendent des fibres cellulosiques : coton et sisal, tout en gérant de façon spéculative leurs réserves de bambous géants, lianes et « bois noirs ». Ils importent de l’île de la Réunion des lianes de vanilles. Les bois de construction sont rares à cause des défrichements multiséculaires. Il ne reste que le bois de cocotier commun.
Alors que la main-d’œuvre devient de plus en plus chère à La Réunion, les Comores, oubliées par l’administration centrale, offrent aux colons et aux sociétés coloniales (comme la Bambao) des perspectives et une main-d’œuvre peu chère dans les plantations de plantes à parfums et de vanille, avec d’anciens esclaves (abolition) de traites récentes, les Mruma.
En 1870, le procureur impérial de Pondichéry remet à Napoléon III un rapport sur Mayotte : il prévient que les marais nourrissent des maladies paludéennes et qu’un Européen y possède une espérance de vie située entre 3 et 10 ans.
En 1886, Léon Humblot, un naturaliste amateur devenu aventurier politique, convainc le gouverneur de placer sous protectorat français, la Grande-Comores, où il a des intérêts. La rivalité franco-germano-anglaise retombe en 1890, avec un accord diplomatique entre les puissances coloniales : les Anglais obtiennent le sultanat de Zanzibar et la sécurité de leurs places dans l’océan Indien, les Allemands le Tanganyika, les Français sont sans rivaux aux Comores et à Madagascar.
La société Coloniales Bambao puis société Comores Bambao fondée vers 1907 sur l’île d’Anjouan par 2 planteurs en association avec l’industriel parfumeur grassois à Anjouan. En 1893, ils acquièrent la propriété du sultan Abdallâh III. Le parfumeur de Grasse possédait un domaine à Mayotte. Elle devient un des principaux producteurs mondiaux d’ylang-ylang. À partir de 1946, les parlementaires des TOM Comores demandent son démantèlement ( en veillant à ne pas gêner leurs intérêts propres de planteurs). La société possède alors 46 % des terres de Grande Comore, 22 % de Mohéli, 37 % d’Anjouan et 15 % de Mayotte.
La Société a racheté ses concurrents, mais n’exploite pas toutes les terres. La pression démographique se faisant plus forte et les terres manquant, les populations les cultivent illégalement. En 1951, l’administration la force à rétrocéder 15 000 ha, mais ces terres sont en majeure partie incultivables ; À partir de 1960, les plans d’ylang-ylang en Grande Comore ou de cocotiers à Mohéli ne sont pas renouvelés ; En 1974 (un an avant l’indépendance), la SCB n’a plus que la 1/2 de ses possessions par rapport à son apogée
La société est très mal perçue par les populations locales: elle s’accapare la plupart des terres arables ; elle pratique le travail forcé, même pour les enfants, proche de l’esclavage ou au très bas salaires ; elle représente la France qui les a privées de leur souveraineté ; les biens produits sont destinés à l’export ; elle se comporte comme un État dans l’État, le renvoi des fonctionnaires qui s’opposent à sa politique. Symbole de la colonisation, elle est démantelée à l’indépendance en 1975.
Toutefois, l’ouverture du Canal de Suez rend les comptoirs du canal du Mozambique moins intéressants et l’activité portuaire swahilies s’effondre brutalement, dans une crise durable.
En 1896, le protectorat s’étend sur l’ensemble de l’archipel, Mamoudzou en devient la capitale. En 1912, la France confirme l’ annexion de l’ensemble de l’archipel, placé sous la dépendance administrative régionale de Madagascar. Noyé au sein de l’immense gouvernement français de Madagascar, les Comores sont oubliées pendant l’apogée coloniale française des années 1930, alors que la réalité du pouvoir passe par les intérêts des comptoirs des puissantes sociétés commerciales, telle la société homonyme de Bambao, sur l’ile d’Anjouan.

Confrontés à une baisse de leurs revenus, les domaines mahorais prennent modèle sur les pratiques culturales des populations modestes qui marquent les zones habitées, par des champs de manioc environnés de bananiers et de cocotiers. La distillation traditionnelle par alambic de plantes à parfum les incite à étendre les cultures de basilic, de citronnelle, de palmarosa ou commencer la culture d’ylang-ylang. Denis de Bellemare importe dans son domaine de Kangani des plants de Cananga odoranta, dont il adapte la pratique culturale.
Pendant toute la 1° 1/2 du XXe siècle, un état d’abandon s’installe durablement sur tout l’archipel ; de nombreux Comoriens quittent leur contrée natale pour gagner les côtes de l’Afrique ou de Madagascar pour y tenter leur chance, parfois avec succès, créant une diaspora dans tout l’océan Indien occidental. Pourtant beaucoup reviennent avec en tête l’utopie nationaliste. Ils se sentent frustrés de toutes les commodités d’un progrès inenvisageable dans leur pays figé dans des structures qui ont résisté tant bien que mal aux dernières offensives colonialistes des années 1930. Le désintérêt de l’État français qui n’a plus de facto qu’un pouvoir nominal, l’abandon des populations fidèles à la France, ne sera dénoncé que dans les années 1960 par des Français intéressés par le monde maritime] Paul-Émile Victor et les rédacteurs de l’encyclopédie Marco Polo tirent ainsi une sonnette d’alarme, inaudible pour les représentants métropolitains, dans les années 1970.
Vers l’autonomie
L’archipel faisait partie de l’Union française sous la IV° République (1946-1958), puis de la Communauté française instaurée par la Constitution de la V° République à partir de 1958, qui prend la décision de transférer le chef-lieu du TOM à Moroni, à Grande Comore, jusque-là à Mayotte. Déjà en 1960, les Comores n’étaient plus alimentairement autosuffisant, les biens alimentaires représentait 35 % des importations
Les Comores obtiennent en 1946 une autonomie administrative vis-à-vis de Madagascar. Dzaoudzi (à Mayotte) est choisie comme capitale du nouveau territoire ( ce qui alimente la rivalité entre cette île et les 3 autres). Elles sont donc représentées directement au Parlement français pour la 1° fois et acquièrent une autonomie administrative grâce à l’action du député Said Mohamed Cheikh (1904-1970). Les Comores obtiennent un conseiller à l’Union française (Georges Boussenot (1876-1974), puis, en 1947, avec le statut de territoire, un conseiller de la République (Jacques Grimaldi (1906-2002)). Un conseil général est mis en place dans l’archipel pour représenter la population et discuter des problèmes locaux, mais le véritable pouvoir est détenu par l’administrateur supérieur de la République française.
En 1953, plusieurs hommes politiques comoriens osent, sans trop y croire, faire une déclaration commune demandant l’indépendance. Un référendum est prévu et les textes permettant une autonomie plus grande sont votés. La plupart des élus comoriens sont pour une indépendance à terme, mais posent comme préalable la prise en compte des contraintes économiques dans le processus d’indépendance. Les créoles ou riches planteurs d’origine française sont tous farouchement contre.
Le poste de vice-président du conseil de gouvernement confié à Ahmed Mohamed est symbolique. Certains politiciens reprochent à la France de ne pas traiter les Comores comme les autres TOM. L’éducation est très largement négligée, on ouvre le 1° lycée en 1963 à Moroni (pour recevoir les meilleurs élèves du peu de collèges des 4 îles, qui devaient auparavant terminer leurs études à la Réunion).
Après avoir accepté d’adhérer à la Communauté française lors du référendum de 1958 organisé par le général de Gaulle, les Comores obtiennent un statut d’autonomie interne qui donne jour à un gouvernement comorien élu par l’Assemblée territoriale.
Fin décembre 1961, Saïd Mohammed Cheikh devient Président du Conseil de Gouvernement, 1° personnage du Territoire, avant le haut-commissaire de la République. La population de Mayotte considère que c’est lui qui fait transférer la capitale des Comores de Dzaoudzi à Moroni, ce qui provoque la méfiance des élus de Mayotte envers les indépendantistes. En fait, l’autorité coloniale trouva dans les conseillers grands-comoriens le moyen de le réaliser sans apparaître comme le véritable responsable. Ce sera l’origine du MPM, anti-indépendantiste à Mayotte.
Saïd Mohammed Cheikh s’efforce de faire élargir les compétences territoriales d’autonomisation par un développement économique et social. Le réseau routier commence à être bitumé et les politiciens les plus autonomistes, après les événements de 1968 réclament l’indépendance ce qui aboutira aux « Accords de juin 1973 ». Entre 1964 et 1968, Cheick doit gérer l’expulsion des Comoriens de Zanzibar (qui devient la Tanzanie). Ils appartiennent au Mouvement de libération nationale des Comores, qui contestent le pouvoir de Saïd Mohamed Cheikh, réclamant l’indépendance ; à l’opposé, le Mouvement populaire mahorais réclament plus d’autonomie vis-à-vis des autres îles.
À partir des années 1960, les pays de la région sont progressivement décolonisés et accèdent à l’autonomie politique (Madagascar 1960, Tanzanie 1961, Kenya 1962, Maurice 1968, Mozambique 1975) et la question de l’autonomie est posée aux Comoriens en 1974.
En septembre 1972, empruntant l’idée fédératrice d’indépendance, aux membres du Mouvement de libération nationale des Comores (Molinaco), réfugiés à Dar es-Salaam, les formations majoritaires fusionnent. La métropole observant les appareils politiques, prononcent la dissolution de la chambre des députés du Territoire des Comores en novembre.Les élections de décembre confirment le succès de 2 partis majoritaires, pour l’indépendance. seule île de l’archipel affirmant depuis 1958, Mayotte a voté pour conserver ses liens avec la France à 63,8 %. Pourtant, les Mahorais, plus encore que les autres, sont très peu influencée par le mode de vie occidental et vivent au rythme de la vie musulmane traditionnelle.