Une très grande richesse des sols pour la misère noire des peuples

Ce travail a notamment été permis grâce à Solène Baffi, docteure en géographie- University of Stellenbosch, et Jeanne Vivet, maître de conférences en géographie- Université Bordeaux Montaigne
Avec la mondialisation néolibérale, l’entité géopolitique qu’est l’Afrique Australe, continue a être fortement influencée par l’Afrique du Sud. Mais les différences historiques, culturelles, démographiques, ainsi que la richesse du sous-sol et les écarts de développement mettent en avant d’importantes inégalités.
Ajourdhui, il est composé des pays suivants : Afrique du Sud, Angola, Botswana, Lesotho, Malawi, Mozambique, Namibie, Swaziland, Zambie et Zimbabwe dont les frontières ont évolué au gré des découpages arbitraires des Européens. Cette partie de l’ Afrique , riche en ressources minières et aurifères a été l’Afrique des régimes ségrégationnistes (l’apartheid jusqu’en 1991) et en a gardé de graves séquelles (inégalités socio-spatiales marquées). La pandémie d’un “sida africain” les affecte terriblement. L’indépendance des pays qui la composent est relativement récente et s’est suivie de longues années de guerres civiles: Mozambique:1975+ guerre civile de 1976 à 1992, Angola: 1975 + 27 ans de guerre, Zimbabwe: 1980, Namibie: 1990. Des circuits de populations autour des mines, africaines et européennes, ont contribué à en faire un ensemble inscrit de longue date dans des flux mondialisés.
Sur les 10 pays africains les plus endettés au 4° trimestre 2024, envers le Fonds monétaire international (FMI), 3 pays sont en Afrique Australe
Les dettes au FMI soulignent une dépendance importante au financement extérieur pour stabiliser les économies en développement ou en crise.
Les prêts du FMI, tout en offrant une amélioration budgétaire, sont assortis de conditions strictes qui influencent les politiques nationales. Des mesures telles que la suppression des subventions, les ajustements monétaires et les plans d’austérité accompagnent le financement, réduisant leur impact à long terme. Ces programmes d’ajustement structurel limitent les dépenses dans des secteurs critiques comme la santé, l’éducation et les infrastructures, ce qui suscite des inquiétudes quant à la “santé” économique du pays.
L’Angola occupe la 3° position, avec une dette de 2,99 milliards de dollars. Le pays compte sur le soutien du FMI pour faire face aux effets des fluctuations des prix du pétrole et diversifier son économie.
La dette de l’Afrique du Sud envers le FMI s’élève à 1,14 milliard de dollars. Cela fait partie des efforts plus vastes visant à se remettre des perturbations économiques et à parvenir à une croissance durable.
Pas tout fait en Afrique Australe, mais bien prèsente, celle de la RDC envers le FMI s’élève à 1,6 milliard de dollars. Ces fonds sont essentiels pour relever les défis économiques de l’un des pays les plus grands et les plus riches en ressources d’Afrique.
La plupart des pays souffrant de la pauvreté se trouvent en Afrique (et en Asie du Sud). En termes de nombre de personnes concernées, l’Afrique subsaharienne est de loin la région la plus touchée de la planète. 2/3 des personnes en situation d’extrême pauvreté y vivent.
Cet ensemble composite tient aussi à la diversité des paysages, des types de climat, à la densité des populations, et à leur héritage colonial. Sa diversité est également liée aux nombreux métissages et aux influences culturelles ancestrales qui façonnent ses sociétés.

« L’Afrique des mines » (Géographie Universelle, 1994)
Au sein de cet espace, larichesse minière exceoptinnelle permet de comprendre la précipitation vers la région,les logiques d’aménagement ainsi que ses dynamiques d’intégration à la mondialisation. Aujourd’hui, plus de 1/2 de la production mondiale de vanadium, de platine et de diamant provient d’Afrique australe, qui fournit aussi 1/3 de la production d’or et 1/5 de la production de cobalt. On y trouve aussi d’immenses réserves de charbon, cuivre, nickel, platine, graphite. L’Angola et le Mozambique disposent de gigantesques champs de pétrole et de gaz offshore. L’exploitation de ces ressources nécessite des investissements colossaux (plusieurs dizaines de milliards de dollars), réalisés par des multinationales étrangères.
Les ressources minières représentaient en 2015, 18 % du PIB sud-africain, 12 % du PIB de la Zambie, 11,5 % du PIB de la Namibie et 15 % du PIB zimbabwéen et 5 % du PIB du Mozambique.
Les mines a donné lieu à la construction rapide d’infrastructures de transport. Comme partout dans les colonies africaines, un réseau ferroviaire fait de lignes pénétrantes dans les terres, se développe pour joindre les zones d’extraction aux ports coloniaux, en particulier Le Cap, Durban et Maputo. Mais, les zones minières éparpillées, l’industrialisation rapide et les déplacements de la main d’oeuvre, différencient le réseau ferré d’Afrique australe des autres régions d’Afrique : il lie tous les pays entre eux.
Elles entrainent une urbanisation et une industrialisation sans précédent dès le XIXe siècle. Johannesburg fondée suite à la découverte d’or dans le Witwatersrand, rassemble 22 % de la population du pays en 1911. Aujourd’hui encore, l’Afrique australe se distingue des autres ensembles africains par son taux d’urbanisation. L’Angola ou le Botswana ont été plus tardifs et des taux de population rurale sont encore élevés au Lesotho, Malawi ou Swaziland.
Les « big five » : Anglo-American Corporation & De Beers, Rembrandt, Sanlam, Old Mutual, Liberty Life
La mainmise des colons européens sur les richesses minières permet d’accumuler rapidement du capital, réinvesti dans les activités industrielles locales. Le système financier établi à Johannesburg dès le début donne naissance à 5 conglomérats originaires d’Afrique du Sud qui dominent aujourd’hui des mines, industries et chaînes de distribution présentes dans les pays voisins: les 5 grands. Cette insertion précoce dans des réseaux de commerce et de finance internationaux se reflète dans la position de la bourse de Johannesburg, 1° place financière d’Afrique jusqu’en 2016.
La mise en place du système minier entraine d’abord des migrations temporaires et masculines, puis une importante main d’œuvre issue des campagnes vient s’y fixer Mais l’importance des découvertes minières nécessite d’élargir les bassins de recrutement : les migrants sont acheminés depuis le sud du Mozambique jusqu’au Malawi. Ce système migratoire n’atteint que peu le Zimbabwe, la Zambie ou l’Angola.
Les richesses de l’Afrique australe profitent à plusieurs parties prenantes, mais leur distribution est inégale :
- Gouvernements : Les États tirent des revenus importants des industries extractives par le biais des taxes et des redevances. Ces fonds pourraient théoriquement être réinvestis dans le développement national et les services publics.
- Compagnies minières et énergétiques : Les entreprises multinationales, réalisent des profits substantiels de l’exploitation des ressources naturelles. Cela inclut des géants comme De Beers (diamants) et Anglo American (mines diversifiées).
- Élite locale : Certains membres des élites politiques et économiques locales bénéficient également directement de l’exploitation des ressources, à travers des relations personnelles ou des intérêts financiers dans les entreprises.
- Communautés locales : Bien que souvent marginalisées, les communautés locales bénéficient d’emplois et de projets de développement financés par les entreprises minières et énergétiques. Cependant, ces bénéfices sont limités et les impacts négatifs comme la dégradation environnementale et le déplacement forcé de populations l’emportent sur les avantages. Elles ne voient pas les richesses générées par l’extraction des ressources dans leur région.
- Investisseurs étrangers : Les investisseurs internationaux, qu’il s’agisse de particuliers, de fonds d’investissement ou de gouvernements étrangers, peuvent aussi profiter des investissements dans les compagnies extractives opérant en Afrique australe.
Une urbanisation sans précédent, oui bien-sur mais laquelle?
Propre à l’apartheid (incluant la Namibie et le Zimbabwe), la ségrégation interurbaine, unique par sa violence et sa rigueur, implique le déplacement des populations non-blanches qui ne bénéficient pas d’un contrat de travail en ville, vers la campagne dans des réserves africaines (bantoustans). Ces populations déplacées à des 100aines de km et l’absence d’infrastructures dans ces territoires, a conduit à la destruction de la paysannerie africaine qui, incapable de générer une surproduction, ne pouvait être compétitive face à l’agriculture blanche (Wolpe, 1972), et a abouti à la création de véritables poches de sous-développement.
Les bantoustans, ou dans les villes, les townships, n’hébergent pas ou peu d’activités économiques et de services, et ne constituent pas des espaces attractifs pour des investisseurs : les gens y sont peu solvables et ces territoires excentrés hébergent une criminalité importante. Le commerce informel s’y développe pour répondre aux besoins 1° des habitants. Ainsi, à l’échelle de l’Afrique australe, ces « non-lieux » constituent toujours des enclaves.
Autour des mines, la séparation raciale dans l’espace se présente sous 2 formes: des compounds (baraquements séparés pour limiter le commerce de diamants de la main d’œuvre africaine), et des locations (quartiers isolés pour exclure les populations touchées par des épidémies). Les villes d’Afrique du Sud, de Namibie, du Zimbabwe et de Zambie sont encore très marquées par les stigmates de la séparation. Au Mozambique, en Angola, la population blanche peu nombreuse et les autorités n’ont pas contrôlé l’urbanisation.

L’agriculture et la sécheresse
Les petits pays (Lesotho et Swaziland) sont encore largement agricoles, les activités minières du Swaziland et les casinos implantés au Lesotho (héritage de l’apartheid) sont issus de capitaux sud-africains donc leur échappent. Les États du Malawi, du Zimbabwe, et du Mozambique sont agricoles et représentent une part importante du dans leurs économies, ce qui entraîne des situations d’insécurité alimentaire récurrentes, comme en 2005 où seule la surproduction agricole de l’ Afrique du Sud avait permis de dépasser temporairement la crise. En 2016, ce sont l’Angola, le Lesotho, le Malawi, le Mozambique, le Swaziland et le Zimbabwe qui ont été gravement touchés par les sécheresses.
Contre le sida: un remède africain
Un frein majeur au développement de Afrique australe reste le virus du sida. L’explosion des contaminées est liée aux importants déplacements de population qui ont lieu à la fin de l’apartheid. Si l’Afrique du Sud reste numériquement le pays le plus touché, des classes creuses se profilent aussi au Botswana, Lesotho et Swaziland (pour 2015, 19,2 % de la population en Afrique du Sud, 22,2 % au Botswana et 28,8% au Swaziland d’après la Banque mondiale). Une lutte de grande envergure contre la maladie se met en place sous la présidence de Thabo Mbeki à partir de 2008 avec un discours exemplaire de l’African Renaissance.
Il dénonce auprès de la communauté internationale, l’existence de 2 formes de sida dans le monde : une forme africaine, touchant les hétérosexuels avec un nombre de morts importants, et une forme issue des pays du Nord, touchant une minorité homosexuel, cause d’un nombre de mort minime. Fort de ce constat, le Président a dénoncé la production de médicaments antirétroviraux (ARV) à haut coûts par des laboratoires pharmaceutiques des pays occidentaux, comme une forme d’impérialisme scientifique, aux dépens de l’Afrique.
Au début des années 2010, l’Afrique du Sud met en place ses propres ARV (médicaments antirétroviraux) à faibles coût, ce qui n’est pas étranger à la remontée de l’espérance de vie; un recul de l’épidémie est observé.

Le géant africain: l’Afrique du Sud
Considéré aux côtés de l’Algérie et du Nigéria comme un « lion africain », qui fait suite aux dragons asiatiques et aux jaguars sud-américains dans le bestiaire du développement, ce pays émergent bénéficie d’une forte influence politique (liée à l’action de Nelson Mandela), économique (membre des BRICS depuis 2011) et géopolitique (un siège de membre non-permanent au Conseil de Sécurité de l’ONU obtenu en 2011 et le pays brigue un siège permanent).
La puissance du pays se reflète dans son double statut de principal investisseur sur le continent africain mais également de pays privilégié par les IDE étrangers.
La domination régionale du géant demeure autant politique que financière et économique. La dépendance à ses infrastructures de transport persiste, pour les pays enclavés (Botswana, Lesotho, Malawi, Zimbabwe) et pour ceux dont elles sont en voie de reconstruction après des guerres civiles (Angola, Mozambique). Mais cette position de tête de pont implique la saturation, comme celle du port de Durban (principal port de fret pour l’Afrique subsaharienne), qui nécessiterait de rediriger une partie du trafic maritime indispensable au maintien de Johannesburg vers le port de Maputo. Le projet de consolidation du corridor Johannesburg-Maputo orienté vers la rénovation du corridor routier et ferroviaire répond à cet impératif.
Elle s’affirme aussi comme l’un des seuls pays d’Afrique dont l’économie est tertiarisée : que ce soit dans le domaine des activités financières et immobilières ou des services aux entreprises, le pays est bien intégré (Vacchiani-Marcuzzo, 2008).
Malgré le long isolement diplomatique et économique dû à l’apartheid, son hégémonie sur la région tient à l’insertion qui préexistait dans les flux économiques internationaux (+liens politiques et culturels avec l’Europe), qu’à la realpolitik menée par le gouvernement de l’ANC au pouvoir depuis 1994. D’un point de vue social, les politiques de discrimination positive (Black Economic Empowerment) favorisent le développement d’une classe moyenne africaine, les Black Diamonds qui s’approprient les codes sociaux et économiques d’une société de consommation issue des pays occidentaux.
Mais pour le gouvernement, il est difficile de mener à bien les objectifs de redistribution initialement promis, en raison de l’ampleur des investissements à réaliser: plus d’un million de logements ont été construits en 20 ans, avec la garantie de l’accès aux services de base (eau, électricité, hygiène) et à l’éducation, sans pour autant satisfaire une demande croissante. L’autre difficulté est de capter des financements privés pour la réalisation de mesures sociales, donc les logiques d’exclusion se perpétuent. Si la discrimination n’est plus fondée sur le critère racial, l’exclusion socio-économique d’une part importante de la population persiste (ces 2 critères tendant souvent à se confondre).
En 1998, l’adoption du programme « Growth Employment and Reconstruction » montre l’ orthodoxie néolibérale du gouvernement ANC. Il a pour objectif d’allier croissance économique et politiques redistributives afin d’inscrire davantage l’économie sud-africaine dans les logiques de la mondialisation. Il s’appuie sur la mise en place de politiques macro-économiques attractives pour les investisseurs, la redistribution étant appréhendée comme une conséquence de la croissance économique davantage ciblées spatialement, et tend à privilégier les espaces connaissant déjà une forte croissance
Les villes et les ports
L’espace austral est couvert par les villes qui tiennent à son histoire lointaine ou plus récente: anciens comptoirs coloniaux (Luanda, Le Cap, Durban, Maputo), pôles industriels du XIX° siècle (Johannesburg, Harare, Lusaka, Blantyre), capitales administratives (Pretoria, Lilongwe). Mais leur trait commun réside dans l’héritage de la ségrégation. La séparation physique se perpétuer à cause de l’inexistance d’ interdépendances économiques et sociales.
La montée en puissance des acteurs privés en leur sein participe de ce processus, avec la multiplication d’un modèle urbain résidentiel développé par les promoteurs étranger, de l’Afrique du Sud aux pays voisins (Maputo au Mozambique) En Afrique du Sud, la prise en main des politiques d’aménagement urbain à l’échelon local par des gouvernements municipaux dotés de moyens financiers et juridiques forts répond à la volonté de réparer cet état de fait, mais également à contrôler l’urbanisation spontanée.
Si l’influence des pouvoirs publics dans la (re)construction varie entre les différentes métropoles, l’affirmation de dynamiques d’émergence économique occidentale est commune à toutes. La multiplication des centres commerciaux (de consommation) apparaissent comme des enclaves de richesses et témoignent du rôle grandissant des acteurs privés. Ils sont symboliques de l’adoption de normes occidentales. Les investissements chinois sont aussi très importants et visibles dans ces espaces urbains comme en témoigne le cas de Maputo où les nouvelles constructions se multiplient (hôtels, casino, résidences sécurisées, construction de routes et de ponts).
Les villes d’Afrique australe s’affirment en même temps comme des creusets du cosmopolitisme, toujours en vertu de leur histoire et réactivées par l’économie néolibérale. Certaines villes accueillent les migrants peu qualifiés (mozambicains, zimbabwéens, congolais, et rwandais suite aux conflits). L’Afrique du Sud, la Namibie ou le Botswana font figure de pays « tremplins » au sein de parcours migratoires plus complexes ; étapes pour constituer une épargne nécessaire à la poursuite du parcours. Johannesburg serait une ville située en Afrique du Sud sans lui appartenir, Peuplée comme Durban et Lusaka, de populations indienne, mozambicaine et zimbabwéenne, elle voit la multiplication des conflits et émeutes xénophobes.

Un renouveau africain porté par l’Afrique du Sud
Depuis les années 1990, l’Afrique australe s’affirme, dans le sillage de l’Afrique du Sud, comme un ensemble attractif en raison de sa double identité: un héritage européen, et la solidarité entre pays qui la compose. Pourtant, sa diversité agit comme un frein à la montée en puissance d’une aire régionale unie et cohérente.
Au sortir de l’apartheid et de ses sanctions, la réaffirmation du leadership sud-africain se manifeste par la réouverture de cet espace, aux flux mondialisés. Mais le positionnement sud-africain, et de l’Afrique australe dans son sillage, tient à la volonté de concilier attractivité économique et revendication d’un discours sur l’africanité, l’ « African Renaissance ». Son leadership ne se cantonne pas à sa position privilégiée dans l’économie internationale mais repose sur un discours destiné à favoriser les relations avec d’autres pays africains, et plus généralement les “pays du Sud”. Le discours de la Renaissance Africaine porté par le Président Thabo Mbeki (1999-2008) a concerné la politique étrangère et économique du pays, mais aussi les questions sociales. Sa position concernant le sida est perçue comme une remise en cause du pouvoir des laboratoires pharmaceutiques d’Europe et d’Amérique du Nord, ce qui a justifié la tenue de la 21e conférence internationale sur le sida en 2016 à Durban.
En dénonçant l’impérialisme des pays du Nord, il s’agissait de déplacer le débat concernant la prolifération du VIH en Afrique. Jusqu’alors, les discussions étaient axées sur des questions raciales, culturelles et morales. Le principal effort de Thabo Mbeki a été de repositionner le débat autour de la question économique ; il ne s’agit plus de regarder l’épidémie du sida comme la conséquence dramatique d’un « mode de vie », mais comme un indicateur du déclin économique de l’Afrique et d’un niveau de développement insuffisant.
Il se positionne comme un leader capable de réorienter le discours depuis le Sud. La visibilité du pays sur la scène internationale a été augmentée suite à l’organisation de la Coupe du monde de football en 2010, 1° événement de ce type sur le continent africain.
L’intégration du pays au sein des BRIC en 2011 apparaît donc comme une suite logique à la montée en puissance de ce héraut africain, même si son poids démographique, économique et politique est difficilement comparable avec celui des autres pays du groupe.
Position de l’Afrique du Sud au sein des BRICS en 2015
L’incorporation de l’Afrique du Sud serait dû à son appartenance au continent africain et en raison de sa position économique et de son influence politique, liée à l’héritage de Nelson Mandela. Par ailleurs, la cohésion diplomatique des BRICS repose sur des prises de position visant à rejeter la domination occidentale et à défendre la souveraineté et la non-ingérence. En outre, Inde, Chine et Brésil ont des intérêts en Afrique qui peuvent concurrencer ceux de l’Afrique du Sud. L’obtention du statut de membre du G20 a été perçue comme une validation du statut « d’émergent » bien que sa capacité d’intervention et de décision y reste limitée. Enfin, l’accès à un siège de membre permanent au sein du Conseil de Sécurité de l’ONU demeure constamment repoussé. Là encore, c’est bien son appartenance continentale qui fait de l’Afrique du Sud un candidat privilégié si le Conseil venait un jour à s’élargir. Si l’African Renaissance a permis au pays de s’affirmer sur la scène internationale en construisant un discours original après la présidence de N. Mandela, l’enjeu reste d’affirmer son leadership.

La Southern African Development Community (SADEC)
À l’échelle régionale, plusieurs ensembles économiques se recoupent, symboles des juxtapositions et des influences multiple. Le 1° « cercle » de l’Afrique australe, correspond au périmètre d’influence directe de l’Afrique du Sud. La SACU (South African Customs Union) regroupe le Lesotho, le Swaziland, le Botswana et la Namibie dont l’économie reste annexée au Rand sud-africain. Se détache également un autre ensemble, la Southern African Development Community (SADEC) fondée en 1980 en opposition au gouvernement d’apartheid, par 9 États: l’Angola, le Botswana, le Lesotho, le Malawi, le Mozambique, le Swaziland, la Tanzanie, la Zambie et le Zimbabwe, auquel s’adjoignent la Namibie (1990), l’Afrique du Sud (1994), l’île Maurice (1995), la RDC (1997), Madagascar (2005).
À bien des égards, l’ensemble régional formé par la SADEC est attractif. Plus de la moitié des États-membres s’affirment comme des économies potentiellement « larges », à savoir l’Angola, la République Démocratique du Congo, le Mozambique, la Tanzanie, la Zambie et le Zimbabwe. À partir de ces économies dynamiques, l’articulation avec l’Afrique du Sud constitue un enjeu majeur pour voir émerger un marché régional dynamique. Par ailleurs, les infrastructures présentes en Afrique australe, en particulier les réseaux routier et ferroviaire, sont bien mieux développées que dans les autres ensembles régionaux africains. Le potentiel portuaire est fort, alors que Johannesburg constitue déjà le principal hub aérien à l’échelle du continent. Ces différents éléments font de la SADEC un ensemble régional particulièrement compétitif
Pour autant, si les pays d’Afrique d’australe ont connu une croissance économique souvent plus rapide que la moyenne mondiale, leurs échanges sont restés stationnaires. Durant la décennie 1998-2008, la part des exportations intra-régionales dans la SADC est restée à près de 10 % du total des exportations alors que ses pays affichaient des taux de croissance supérieure à la moyenne mondiale. De même, les échanges des pays de la SADC entre eux ont à peine triplé en valeur de 2000 à 2008, ce qui demeure largement inférieur à l’augmentation des échanges d’autres organisations régionales (U-E, Asean, Mercosur).
Cela tient d’abord à la nature des biens échangés : seules l’Afrique du Sud et l’Île Maurice exportent des produits manufacturés, les exportations de matières 1° et agricoles dominant dans les autres pays. Par ailleurs, malgré les accords tarifaires, la persistance d’obstacles (coûts de transport, contrôles frontaliers longs, normes non-harmonisées) entretient l’épaisseur des frontières. De plus les petits pays, dont l’économie demeure fortement dépendante, peinent à s’intégrer au sein de cet ensemble alors que d’autres, comme la RDC, s’affichent également « à la traîne » en raison des investissements nécessaires pour s’aligner sur les standards de la région. En outre, si la SADC n’est pas parvenue à mettre en place une zone de libre circulation (sur le modèle de Schengen), c’est là encore en raison des fortes disparités sociales et économiques entre les pays. Suite à la proposition en 1996 d’un protocole concernant la libre circulation des personnes, l’Afrique du Sud, le Botswana et la Namibie se sont fermement opposés à sa mise en place arguant des risques de flux migratoires incontrôlés, de xénophobie et du développement de réseaux criminels.
Si l’intégration régionale sous l’égide de la SADC demeure un enjeu encore d’actualité et l’une des clefs pour voir émerger une Afrique australe attractive et puissante, d’autres initiatives de coopération régionale méritent d’être signalées. Parmi elles, la mise en place de politiques transfrontalières autour des parcs nationaux représente une innovation territoriale. En effet, après 1994, le choix a été fait de placer certaines zones tampons et no man’s land qui se situaient à l’échelle nationale, au cœur d’un projet transfrontalier à l’échelle de l’Afrique australe .

La dynamique des métropoles
Pour que l’Afrique australe s’affirme comme un ensemble intégré et cohérent, ses métropoles constituent les territoires les plus visibles. Pour les mesurer, les chercheurs comptabilisent les liens existants entre les plus grandes entreprises du secteur tertiaire dans les villes du monde. Les villes d’Afrique australe les mieux connectées appartiennent à la catégorie alpha : c’est le cas de Johannesburg (alpha -), vient ensuite Cape Town (beta +) puis Durban (gamma +), Gaborone et Lusaka (High sufficiency) et enfin Pretoria, Windhoek, Luanda, Harare et Maputo (sufficiency) en 2012. La position de ces villes au sein du classement est en constant progrès, traduisant leur insertion de mieux en mieux maîtrisée dans les réseaux d’échanges internationaux.
Si les métropoles sud-africaines arrivent en tête, cela tient aussi bien à la diversification de leur économie qu’à leur poids politique renforcé suite à la création de gouvernements métropolitains en 2000, dont sont dotées Johannesburg, Cape Town et Durban, qui mettent en place des politiques d’aménagement de grande envergure destinées à faire correspondre ces villes aux standards des métropoles internationales. Les slogans des villes résonnent comme l’agenda de leur marketing urbain : Johannesburg se veut « World Class African City », tandis que Durban prétend être « the most liveable and sustainable city in Africa in 2030 ». Dans le cas du Cap, l’objectif est plus généraliste : « Making progress possible. Together ». Ces villes gagnent également en visibilité par l’accueil de grands événements internationaux : outre la Coupe du monde de football en 2011, le sommet de la Terre a lieu en 2002 à Johannesburg, la Conférence mondiale sur le sida se tient en 2003 et 2016 à Durban, de même que celle sur le changement climatique (2011), tandis qu’en 2014 Le Cap était élue World Design Capital (Vacchiani-Marcuzzo)
Toutefois, la multiplication de « vitrines » dans les métropoles d’Afrique australe se solde aussi par la multiplication « d’arrière-boutiques » où sont reléguées les populations qui ne s’intègrent pas aux normes de métropolisation et de la mondialisation. Ainsi le nombre d’évictions dans les centres-villes augmente à mesure que se diffuse le modèle des City Improvement Districts et des Business Improvement Districts dans l’hémisphère sud (Les CID et BID correspondent à des périmètres ou des associations de résidents dans un cas, ou de commerçants dans l’autre mettent en place un système de taxe pour assurer des services supplémentaires, comme par exemple la sécurité ou l’entretien).
Les liens entre les métropoles d’Afrique australe, permettent la circulation de modèles urbains. Dans un article récent, É. Peyroux (2016) rappelle la position de Johannesburg comme membre actif de réseaux de villes internationaux. C’est par son action dans différents réseaux et alliances de villes (Cities Alliances, UCLG ou Salga) que la métropole a été sollicitée pour guider l’élaboration de la stratégie de développement de la ville de Lilongwe. Le succès de ce partenariat a été récompensé par un prix, et ce programme d’accompagnement a par la suite été étendu à d’autres villes sud-africaines, au Malawi, au Mozambique et à la Namibie. Cet exemple traduit tout autant l’affirmation du leadership de Johannesburg à l’échelle de l’Afrique australe (mais également à l’échelle continentale, puisque Bamako a aussi demandé assistance dans le domaine de la gestion des déchets, de l’eau et de l’électricité) que l’existence de solidarités, d’enjeux communs et de circuits de connaissance entre les métropoles d’Afrique australe.

Les pays de cet ensemble présentent un fort potentiel économique, une importante population jeune et une classe moyenne croissante. Le principal enjeu réside donc désormais dans la capacité des différents États à mettre en place des processus de développement afin de résorber les disparités socio-économiques à l’échelon national, mais également dans la mise au point de politiques à l’échelon régional afin de participer à des dynamiques d’émergence communes. La mise en place de mesures communes sur d’autres questions serait l’éradication de la grande misère.