Taher Elmouez-L’influence de l’idéologie de l’impérialisme en « occident » (sur les divergences des expatriés arabes avec leurs amis progressistes d’Occident) par Taher Elmouez
Traduit du texte en arabe intitulé : هيمنة الإيديولوجية الإمبريالية في “الغرب الإستعماري” – الطاهر المعز
Introduction:
Les expatriés arabes, en particulier les plus progressistes, en Europe et en Amérique du Nord ressentent la profondeur de leurs divergences avec la plupart de leurs amis progressistes européens et américains et surtout avec les déclarations des organisations politiques, syndicales et associatives à propos des évènements qui se déroulent dans les pays arabes ( ou des pays du « Sud » d’une manière générale), notamment en ce qui concerne la Palestine, ou les sujets de la guerre, de la paix, la démocratie, l’égalité etc. Ces différences se sont amplifiées depuis le début de l’agression sioniste-impérialiste contre les Arabes (Palestine, Liban, Syrie et Yémen ) et particulièrement les palestiniens, qui se poursuit encore au moment de la rédaction de ces paragraphes (20 octobre 2024), ainsi que contre les peuples d’Iran. Pour les socialistes et communistes arabes, ces divergences ne sont pas apparues soudainement, mais constituent plutôt un retour au passé et aux divergences entre socialistes et communistes du début du vingtième siècle, entre les partis nationalistes chauvins et les partis révolutionnaires, internationalistes au sein de la Deuxième Internationale Socialiste. Ces divergences ont conduit à la fondation de la Troisième Internationale.
Ces paragraphes tentent de démanteler l’essence des divergences entre un certain nombre d’organisations ou de militants des pays du « Sud » et leurs camarades des pays du « Nord » concernant les questions de l’impérialisme, du sionisme, de la nature du conflit qui ne date pas d’aujourd’hui, et de repérer certaines similitudes entre les événements, les discussions et les désaccords au cours de queques étapes historiques, depuis le développement du capitalisme jusqu’au stade des monopoles et de l’impérialisme.
Je tiens à souligner que je considère la « mondialisation » comme un épisode de l’impérialisme et non comme un stade ou une ère que certains qualifient de « post-impérialisme ». Ce texte affirme cette conception, dans un commentaire critique du livre intitulé « Empire » publié par Antonio Negri et Michael Hardt en 2000.
La question palestinienne est un point de désaccord et de division constant et une source de divergences de positions entre révolutionnaires, socialistes et progressistes des pays impérialistes ( le Centre) qui s’opposaient à leurs « camarades » des pays dominés ( la Périphérie). Ces différences étaient flagrantes concernant les guerres impérialistes : Yougoslavie, L’Iraq, l’Afghanistan, la Libye, la Syrie, le Mali et l’Ukraine, sans parler de la Palestine ou du Liban, car ces conflits – surtout depuis la reconnaissance de l’entité sioniste par l’Union soviétique en 1948 – ont constitué un prétexte pour déformer les fondements de la pensée socialiste, de rejeter l’essence du communisme et d’isoler les partis et militants communistes arabes, qu’ils soient membres de partis critiques ou fidèles à l’État Soviétique.
Ces divergences entre les communistes des pays impérialistes et les communistes des pays « semi-colonisés » ou « périphériques » ne sont pas apparues soudainement ces dernières années, mais elles font plutôt partie d’un « héritage historique » qui était (et est toujours) présent dans le mouvement communiste international ou au sein des mouvements socialistes et progressistes.
Ces paragraphes représentent une tentative de suivi historique de ces divergences politiques et idéologiques. Ce texte tente de retracer certaines des étapes historiques les plus importantes de ces conflits, depuis la fin de la première moitié du XIXe siècle, lorsque le « Manifeste communiste » a été publié. , jusqu’à nos jours, et d’identifier certains des « malentendus » qui concernent l’essence du conflit arabo- sioniste. Ces divergences sont revenues à la surface au cours de l’année qui s’est écoulée, surtout lorsque certaines déclarations et slogans ont fait référence à la Nakba dans les pays impérialistes, car le « génocide » et l’extermination ne sont pas apparus aujourd’hui, mais font parie de l’essence du sionisme et de la naissance de l’entité coloniale sioniste qui se confronte aujourd’hui aux organisations de la résistance palestinienne, dans le cadre d’une guerre de libération nationale. La Palestine était une colonie ottomane, puis britannique, avant de devenir une colonie sioniste de peuplement, soutenue par tous les pays impérialiste. Il est déplorable que certains partis politiques ( comme la Parti « communiste » Français) ou des organisations syndicales comme la CGT renvoient dos à dos occupant et occupé. C’est la continuité d’une approche qui consiste à nier les droits nationaux du peuple palestinien et à nier la relation organique entre le sionisme et l’impérialisme ! La question palestinienne a toujours été un point de clivage et une source de divergence entre les révolutionnaires, les socialistes et les progressistes des pays impérialistes qui s’opposent à leurs « camarades » des pays dominés. Ces paragraphes constituent une tentative de suivi historique et idéologique de ces divergences.
Aperçu historique
Frederick Engels, dans sa lettre à Karl Kautsky en 1882, fit l’affirmation suivante à propos des pays colonisés: «quant aux phases sociales et politiques que ces pays devront traverser avant d’arriver à l’organisation socialiste, nous ne pouvons aujourd’hui qu’émettre des hypothèses. Une seule chose est certaine: le prolétariat victorieux ne peut imposer aucune bénédiction d’aucune sorte à aucune nation étrangère sans saper sa propre victoire en agissant ainsi. Ce qui, bien entendu, n’exclut en aucun cas les guerres défensives de toutes sortes. »
Depuis les révolutions de 1848 (en Europe), Marx et Engels développaient une vision dialectique de l’histoire et exploraient le lien entre le potentiel révolutionnaire, l’aristocratie ouvrière et les liens faibles en Europe. Cela ressort clairement de leur travail avec la Ligue communiste, pour laquelle le Manifeste communiste a été écrit et publié en 1848. La Ligue Communiste ( France) était principalement composée de travailleurs et d’artisans immigrés allemands, en particulier de tailleurs masculins. Les idées communistes se sont progressivement développées parmi ces travailleurs immigrés. C’est l’organisation de ces travailleurs et d’autres qui a lancé le premier mouvement ouvrier communiste allemand, ainsi que «le premier mouvement ouvrier international de tous les temps».
A l’époque, l’épicentre de la révolution communiste mondiale était dans une Allemagne pas encore unifiée, «un pays de l’artisanat et de l’industrie domestique basée sur le travail manuel». Dans le Manifeste communiste, Marx et Engels ont déclaré que «les communistes tournent leur attention principalement à l’Allemagne, parce que ce pays est à la veille d’une révolution bourgeoise… la révolution bourgeoise en Allemagne ne sera que le prélude à une révolution prolétarienne qui suivra immédiatement ».
La classe ouvrière anglaise, malgré ses conditions matérielles avancées et une longue histoire de lutte, n’a pas émergé en tant que force dirigeante du mouvement ouvrier international ultérieur. Dans sa lettre de 1870, Marx a observé que le potentiel révolutionnaire des ouvriers anglais était sévèrement limité par l’existence de périphéries britanniques telles que l’Irlande et l’alliance coloniale entre ouvriers anglais et capitalistes. Selon Marx: «Le travailleur anglais ordinaire déteste le travailleur irlandais comme un concurrent qui abaisse son niveau de vie. Par rapport à l’ouvrier irlandais, il se considère comme un membre de la nation dirigeante… Cet antagonisme est le secret de l’impuissance de la classe ouvrière anglaise, malgré son organisation. C’est le secret par lequel la classe capitaliste maintient son pouvoir. Et ce dernier en est bien conscient. » Une aristocratie ouvrière anglaise commençait à émerger avec l’impérialisme et s’identifie avec la nation dirigeante. La longue prospérité, l’acceptation des syndicats, l’amélioration des salaires réels et des conditions de travail, et l’expansion du suffrage ont tous renforcé l’alliance politique entre les capitalistes et les syndicats et militants traditionnels. De plus en plus, les travailleurs des nations impérialistes partageaient une partie des fruits des superprofits impérialistes résultant du transfert de surplus du tiers monde.
Frederick Engels a expliqué la politique conservatrice des syndicats et des travailleurs syndiqués, dès la première publication du livre « La condition de la classe ouvrière en Angleterre » en 1845: «ils forment une aristocratie parmi la classe ouvrière; ils ont réussi à s’imposer une position relativement confortable et ils l’acceptent comme définitive. Engels a développé cette idée (ce constat) dans la préface de l’édition de 1892. Dans sa lettre à August Bebel en 1883, Engels a averti «Ne vous laissez pas tromper en pensant qu’il y a un véritable mouvement prolétarien qui se déroule ici ( en Angleterre). Un mouvement ouvrier vraiment général ne verra le jour ici que lorsque les ouvriers ne pourront plus bénéficier des avantages de leur participation au monopole colonial et à la domination du marché mondial… » Il explique ensuite comment la classe ouvrière anglaise a commencé à suivre le Parti libéral qui a reconnu les syndicats et les grèves, des conditions de travail plus humaines et le droit de vote de la classe ouvrière, mais tous ces avantages se limitent aux ouvriers anglais et à la métropole et ne s’appliquent pas aux colonies.
Lénine se référait à ces écrits de Marx et Engels dans ses écrits sur l’impérialisme et le changement d’attitude des dirigeants de la classe ouvrière en l’Allemagne et en Angleterre. Il remarque : « À mesure que l’Angleterre et l’Allemagne émergeaient en tant que puissances impérialistes majeures, le socialisme allemand et anglais ont également changé considérablement. Pourtant, pendant longtemps, le Parti social-démocrate d’Allemagne (SPD) a soutenu le point de vue révolutionnaire dans le marxisme», avant d’être dirigé par Bebel et Kautsky, qui étaient à la tête du courant dominant et du révisionnisme qui assimilait la révolution à l’effondrement imminent du capitalisme et se contentait de se disputer des sièges au Reichstag avant le grand jour de la révolution socialiste. Les syndicalistes du parti sont devenus des forces réformistes fortes et leur neutralité politique a progressivement prévalu. La plupart des membres du parti avaient une idée différente de ce que pouvait être le socialisme, à cause du manque d’éducation marxiste dans le SPD, alors que le nombre de gens qui votaient pour le socialisme ne cesse de croitre. Avant la première guerre mondiale, les membres de la base du SPD connaissaient une amélioration des conditions et lisaient principalement des nouvelles et des récits de voyage capitalistes, des récits de guerre et des exotiques ethnographiques de l’expansion coloniale allemande.
Karl Bernstein, député du SPD au Reichstag, représentait l’aile droite du parti et considérait ( en 1900) l’impérialisme comme quelque chose de nouveau, parallèle au capitalisme et progressiste. En 1912, il considérait toujours que l’impérialisme était « fondamentalement progressiste bien qu’il soit lié à certains intérêts capitalistes ». Selon Bernstein, l’impérialisme britannique était démocratique, il méritait donc d’être approuvé, tandis que l’impérialisme allemand non démocratique de Wilhelmine était réactionnaire et réactionnaire. C’est Bernstein qui a plaidé pour la célèbre « politique coloniale socialiste », qui est devenue une question très controversée lors du deuxième Congrès international de Stuttgart en 1907. Lénine a commenté le «virage conservateur et opportuniste clair de la social-démocratie allemande ».
Les délégués de l’Europe occidentale au deuxième congrès international ont été marqués par leur conservatisme et leur révisionnisme. La tendance révisionniste et opportuniste était majoritaire parmi les congressistes et a présenté une résolution qui déclarait que « les avantages des colonies pour la classe ouvrière étaient exagérés et que le congrès ne doit pas rejeter le colonialisme par principe car il pouvait être une force civilisatrice ».
Lénine a commenté que le concept de politique coloniale socialiste (de Bernstein et d’autres) était «une confusion sans espoir», et a expliqué que «le socialisme n’a jamais refusé de préconiser des réformes dans les colonies également; mais cela ne peut avoir rien de commun avec l’affaiblissement de notre position de principe contre les conquêtes, l’assujettissement d’autres nations, la violence et le pillage, qui constituent la «politique coloniale». »
Lénine considérait que « ce grand recul des principes socialistes était monstrueux», mais ces théories ressurgissent plusieurs décennies plus tard dans les écrits de chercheurs comme Warren et Brenner.
Désaccords sur le rôle de l’impérialisme dans la perpétuation du sous-développement
Bill Warren ( 1935 – 1978) Bill Warren (1935–1978) incarne une forme de révisionnisme qui dénigre l’apport de Lénine sur l’impérialisme en tant que stade de l’évolution du capitalisme qui entrave le développement des colonie ou des pays sous domination. Il prétend que la propagation du capitalisme à l’échelle mondiale est un facteur positif qui entraine la propagation du communisme !
Bill Warren était un communiste britannique, membre du Parti communiste de Grande-Bretagne et contributeur de la New Left Review. Au cours de ses dernières années, il était membre de l’Organisation communiste britannique et irlandaise. Il est l’auteur de « L’impérialisme : pionnier du capitalisme ». Cette analyse marxiste non conventionnelle a été publiée à titre posthume en 1980 et fait toujours l’objet de débats. Il a rejeté l’argument de Lénine dans « L’impérialisme, stade suprême du capitalisme », selon lequel le développement capitaliste en dehors de l’Europe avait cessé d’être possible. Il considérait qu’il rétablissait la vision originale de Marx et Engels, notamment en ce qui concerne les résultats de la domination britannique en Inde : à savoir que l’impérialisme joue un rôle progressiste dans la promotion de la propagation du capitalisme dans le monde entier, ce qui est une condition préalable au socialisme.
Certains commentateurs ont comparé les idées de Warren sur le capitalisme, en particulier sa conviction que la création d’un marché mondial est nécessaire à la création d’une société communiste, à celles d’autres penseurs, tels que le Parti communiste révolutionnaire et Nigel Harris.
En 1973, Bill Warren a publié un long article, «L’impérialisme et l’industrialisation capitaliste», dans la New Left Review. Dans cet article, Warren a voulu remettre en question la vision anti-impérialiste selon laquelle l’impérialisme, et plus généralement l’expansion des relations capitalistes à l’échelle mondiale, a créé la dépendance et le sous-développement dans le tiers monde. Il prétend que l’expansion du capitalisme et de l’impérialisme est une source de progrès (industriel et autre) dans le tiers monde : «les observations empiriques suggèrent que les perspectives d’un développement économique capitaliste réussi [impliquant l’industrialisation] d’un nombre important de grands pays sous-développés sont plutôt bonnes». Bill Warren a suggéré que « la thèse de Lénine et sa théorie générale de l’impérialisme était théoriquement erronée et historiquement inexacte».
Bill Warren n’est que le symbole le plus connu de cette école révisionniste, dont les représentants citent l’exemple des vastes projets d’industrialisation entrepris par quelques régimes protégés de l’impérialisme comme Taïwan ou la Corée du Sud. Warren affirme que l’industrialisation du tiers monde est financé par des capitaux nationaux et elle était indépendante des capitaux étrangers. Ce développement industriel englobe un large éventail d’industries, y compris des technologies avancées, ce qui a permis le développement des forces productives, d’où la disparition de la supériorité technologique « occidentale », selon Bill Warren. Il rejoint la thèse des organisations trotskistes selon laquelle « la lutte anti-impérialiste n’est qu’un prétexte pour « s’allier à la bourgeoisie locale – dite nationale – et négliger la lutte de classes dans les pays du tiers-monde »
Arghiri Emmanuel ( 1911 – 2001) a écrit une réponse à Warren, affirmant que ce dernier avait « négligé la grande différence d’industrialisation et de mécanisation agricole entre les pays riches et le tiers-monde et que le développement du capitalisme a produit un écart persistant et croissant entre le centre et la périphérie… » Warren suposait que l’impérialisme s’autodétruit en se mondialisant, alors qu’Arghiri Emmanuel affirme que l’impérialisme se reproduisait plutôt que s’autodétruisait, comme le prétendait Warren…
David Slater a souligné plus tard un certain nombre de faiblesses dans la thèse de Warren, notamment l’eurocentrisme, l’acceptation de l’exploitation capitaliste et les lectures très sélectives des textes marxistes.
Dans une autre réponse, Philip McMichael, James Petras et Robert Rhodes ont non seulement montré qu’il y avait peu de preuves d’une industrialisation indépendante dans les pays du Sud, en se basant sur le mouvement des capitaux et les échanges inégaux et ont prévenu la crise de la balance des paiements des pays du tiers-monde. Ils suggéraient que dans le contexte de l’impérialisme, le taux de croissance dans les pays sous-développé est un leurre, car l’économie est basée sur des secteurs fragiles, fluctuants et avec une faible valeur ajoutée, comme l’exportation des matières premières et des produits agricoles non transformés, le tourisme, les investissements étrangers et d’autres facteurs qui ne permettent pas de réaliser un développement durable.
Pour conclure ce chapitre, on peut affirmer que les pays riches se sont enrichis ( en terme de PIB par habitant) entre 1960 et 2015 et les pays pauvres se sont appauvris :le revenu moyen par habitant des vingt pays les plus riches était 32 fois supérieur au revenu moyen des vingt pays les plus pauvres en 1960 et 123 fois supérieur en 2015. Le développement du « centre » se traduit par le sous-développement de la « périphérie, par le biais d’une opération de pillage et de transfert des richesses du « Sud » vers le « Nord ».
Débat sur la transition vers le capitalisme
Robert Paul Brenner (né le 28 novembre 1943) est un historien économique américain, directeur du Center for Social Theory and Comparative History à l’UCLA, rédacteur en chef de la revue socialiste Against the Current et membre du comité éditorial de la New Left Review. Ses recherches portent sur l’histoire européenne moderne, l’histoire économique, sociale et religieuse, l’histoire agraire, la théorie sociale et le marxisme.
Robert Brenner ( né en 1943) a contribué à un débat sur la « transition du féodalisme au capitalisme », soulignant l’importance de la transformation de la production agricole en Europe et surtout dans les campagnes anglaises, plutôt que l’essor du commerce international comme cause principale de la transition.
En 1976, son article « Agrarian Class Structure and Economic Development in Pre-Industrial Europe » a enrichi le débat sur la transition du féodalisme au capitalisme entre Maurice Dobb (1900 – 1976), Paul Sweezy et d’autres chercheurs marxistes dans les années 1950 en science et société. Sweezy et Dobb ont souligné que les conflits de classe, le développement du commerce et des milieux urbains ( les villes ) ont joué un rôle important et interactif dans la transition vers le capitalisme, même s’ils étaient en désaccord sur le facteur principal de la transition en Europe occidentale.
Paul Baran, Paul Sweezy et « Monthly Review » ont accordé une grande attention aux luttes et aux révolutions dans les pays du Sud. André Günder Frank ( 1929 – 2005) et Immanuel Wallerstein (1930 – 2018) ont analysé le rôle du commerce, de la division du travail, la «concurrence» et de la rationalisation de la production pour expliquer la transition du féodalisme vers le capitalisme en Europe. Paul Sweezy a souligné que cette transition ne s’est pas faite du jour au lendemain, mais durant deux siècles.
L’ « école de la dépendance » a accordé une importance particulière au colonialisme, à la conquête militaire et à leur impact sur la formation des classes dans la plupart des pays du monde. Ce sont les expansions coloniales, l’exploitation des peuples autochtones et le pillage des richesses des pays colonisés ( en plus de l’esclavage aux Etats-Unis) qui ont développé le capitalisme en Angleterre, en Europe occidentale ou en Amérique du Nord. Logiquement, lorsque le capitalisme domine le marché intérieur, il cherche à s’étendre pour chercher les matières premières et les consommateurs ailleurs, dans d’autres endroits du monde : c’est l’impérialisme dont l’une des caractéristiques est le transfert de surplus de la « périphérie » vers le « centre ».
Le néolibéralisme des années 1980 en Grande Bretagne (Margaret Tacher) et aux Etats-Unis ( Ronald Reagan) a signalé la rupture de la social-démocratie européenne avec toute référence au marxisme. C’est le retour de la tradition eurocentriste des socialistes occidentaux.
Les racines des divergences
Au milieu du dix-neuvième siècle et jusqu’à l’avènement de la Commune de Paris (1871), Karl Marx croyait au « rôle progressiste du capitalisme ». Il avait encore quelques illusions et espérait que la colonisation britannique de l’Inde pourrait, indirectement et par inadvertance, conduire l’Inde à l’industrialisation que Marx considérait comme la porte d’accès au progrès et à la révolution prolétarienne, même s’il reconnait que « la colonisation britannique a causé d’immenses dommages au peuple indien. L’Angleterre a détruit tout le cadre de la société indienne, sans le reconstruire, ce qui a provoqué la misère de l’Inde… »
Lénine considérait que «la période entre 1789 et 1871 était celle du capitalisme progressiste où le renversement du féodalisme et de l’absolutisme, et la libération du joug étranger étaient à l’ordre du jour de l’histoire», mais Lénine considérait que « l’ère impérialiste du capitalisme après 1871 était le capitalisme pourri. »
Kevin Anderson ( né en 1948) souligne que les pensées de Marx à l’égard du colonialisme ont évolué à partir de la fin des années 1850, en particulier après la révolte indienne de 1857. La montée de mouvements de résistance importants dans une grande partie du monde colonisé l’a amené à se concentrer davantage sur les potentiels de révolution en dehors de l’Europe occidentale et de l’Amérique du Nord.
La concurrence inter-impérialiste et les désaccords sur le partage du monde étaient les causes du déclenchement de la première guerre mondiale ( 1914 – 1918), mais aussi à l’origine de la Révolution russe en 1917. L’impérialisme était alors au centre des débats des socialistes, comme Vladimir Illich Lénine et Rosa Luxembourg. Ce débat a remis le sujet de la guerre et de la colonisation à l’ordre du jour, jusqu’à la seconde guerre mondiale qui s’est terminée par le renforcement de l’Union Soviétique, la victoire de la révolution chinoise, l’intensification des guerres anticoloniales et aussi un changement de stratégie de l’impérialisme qui garde le contrôle des pays « indépendants » sans recourir à l’occupation militaire , comme au 19ème siècle. La « guerre froide », les guerres de libération nationale (Vietnam, Cuba, Algérie, Afrique subsaharienne… ), le groupe des non-alignés et d’autres évènements ont permis aux « néo-colonies » de gagner quelques batailles contre l’impérialisme qui s’est adapté rapidement et a intensifié la guerre idéologique. Les complots, les coups d’Etat et l’installation de gouvernements fantoches sont devenus les actions privilégiés et ont remplacé l’occupation militaire directe…
Les débats et les réflexions sur l’impérialisme de l’après deuxième guerre mondiale ont permis, dès la moitié du vingtième siècle, l’émergence de chercheurs marxistes qui ont concentré leurs recherches sur les origines du sous-développement et la relation de dépendance entre « le centre » impérialiste et « la périphérie » constituée par les pays « néo-colonisés ».
Paul Baran ( 1909 – 1964) est un des pionniers de « l’école de la dépendance ». Les piliers de cette école ont ouvert l’horizon de la littérature marxiste sur le passé et le présent des pays situés hors de l’Aurope et de l’Amérique du Nord. Paul Baran a publié en 1957 « L’économie politique de la croissance », et il est co-auteur (avec Paul Sweezy 1910 – 2004 ) du livre « Le capital monopoliste, un essai sur la société industrielle américaine ».
Paul Baran a analysé le pillage des pays du « tiers monde » par l’impérialisme, avec l’aide de la couche de la bourgeoisie compradore autochtone. Ce pillage entrave le développement des sociétés « semi-colonisées ».
Au cours des années 1960 – 1970, l’impérialisme n’est plus un thème de discussion au sein de la gauche « occidentale », surtout à partir de 1973/1974, mais des écrivains ultérieurs tels que Samir Amin, André Gunder Frank et Immanuel Wallerstein ont chacun développé une approche distincte mais liée de la montée du capitalisme et de l’impérialisme. Au lieu de se concentrer uniquement sur l’Europe occidentale et les États-Unis, ils ont également exploré comment le système impérialiste et la division mondiale du travail ont contribué au transfert du surplus de la périphérie vers le centre. Le Fonds monétaire international et de la Banque mondiale ont renforcé la division internationale du travail et le transfert des richesses du « Sud » vers le « Nord ». Ces thèmes sont rarement abordés par les intellectuels occidentaux libéraux ou de gauche. Au Contraire, depuis les années 1970, des écrivains de gauche tels que Bill Warren, Robert Brenner, Michael Hardt, Antonio Negri et David Harvey ont contribué à ce type de contre-révolution intellectuelle qui a facilité la montée d’une idéologie conservatrice, présentée comme un discours de gauche, rappelant ainsi l’environnement intellectuel des socialistes de la Seconde Internationale, qui rompt essentiellement avec les traditions marxistes, en limitant le potentiel révolutionnaire dans les pays impérialistes.
L’opportunisme au sein du mouvement ouvrier international
Les ouvriers anglais du temps de Marx et les ouvriers allemands du temps de Lénine se sont révélés incapables de jouer un rôle de premier plan dans la lutte pour le socialisme. Les principaux partis ouvriers et syndicats des pays impérialistes sont sous l’influence politique des forces pro-coloniales et pro-impérialistes. C’est cette influence du capitalisme qui a été à l’origine des divergences entre les partis de la première et la deuxième Internationale Ouvrière. De Marx et Engels à Lénine, les socialistes révolutionnaires ont toujours essayé de valoriser le potentiel révolutionnaire de la classe ouvrière contre le capitalisme et contre les dirigeants opportunistes des partis et des syndicats ouvriers.
Les luttes longues et brutales contre l’opportunisme se sont progressivement développées dans les thèses de Lénine qui suggèrent que la révolution et la construction d’une nouvelle société socialiste ne se réaliseront pas nécessairement d’abord dans les pays du centre du capitalisme qui ont réussi à corrompre une partie du prolétariat (l’aristocratie ouvrière) et où les idées impérialistes ( la « mission civilisatrice » ) ont contaminé les ouvriers et la petite bourgeoisie qui ont tendance à être moins progressistes et plus conservateurs.
L’Histoire donne raison à Lénine, car la première révolution socialiste réussie (aboutie) a eu lieu en Russie, la partie sous-développée de l’Europe. La deuxième grande révolution socialiste fut déclenchée en Chine. La Révolution Bolchévique de 1917 a eu beaucoup d’influence en « orient » et en « Asie ». Pourtant, les forces productives étaient plus développées en Europe Occidentale, mais Lénine souligne – dès 1913 – que les forces révolutionnaires en Europe sont en retard par rapport au développement des forces de production et par rapport à l’expansion du capitalisme dans sa phase monopoliste et impérialiste.
Le socialisme à l’ère du néocolonialisme
L’indépendance – même inachevée – des pays dominés est la conséquence directe des luttes, des révolutions socialistes et d’autres facteurs qui ont affaibli l’impérialisme britannique et français. Cependant, la lutte contre l’impérialisme est restée embryonnaire en Amérique du Nord et en Europe Occidentale. Les pays impérialistes sont devenus le maillon faible de la lutte contre l’impérialisme, les banques ou les entreprises multinationales monopolistes. C’est la conséquence de la faiblesse des partis révolutionnaires, surtout depuis la seconde guerre mondiale et la montée de l’impérialisme américain.
Dans la plupart des pays nouvellement indépendant, la bourgeoisie compradore gouverne, en tant que « mandataire » ou « agent » de l’impérialisme qui l’a installée au pouvoir pour veiller sur les intérêts des anciens colons. Cette nouvelle situation confère au prolétariat et les forces révolutionnaires le devoir de la lutte contre l’impérialisme et la bourgeoisie locale, mais les camarades des pays impérialistes minimisent le rôle de l’impérialisme et ses organes (outils) comme la Banque Mondiale ou le Fonds Monétaire International dont le programme (le plan) est d’entériner la situation de domination impérialiste.
La question de la domination de l’impérialisme, du pillage des richesses des pays du « Sud » par les multinationales du « Nord » et ses conséquences sur le non développement des pays dominés ou l’impossibilité d’appliquer le même schémas de développement des pays capitalistes « occidentaux ». Ce sujet et plusieurs autres, comme les agressions impérialistes armées, les changements violents de régimes politiques sous prétexte de non respect des droits de l’homme ou d’autres sujets comme la question palestinienne, ont élargi le fossé entre les mouvements révolutionnaires du « Sud » et du « Nord », surtout depuis la fin des années 1970, avec le néolibéralisme, d’abord en Grande Bretagne (Margaret Tatcher ) et aux Etats-Unis (Ronald Reagan), puis dans la plupart des pays capitalistes développés. La chute du mur de Berlin et de l’URSS a marqué un tournant néolibéral et de domination américaine absolue. Par conséquent, les débats sur l’impérialisme ont presque disparu de l’agenda de la gauche des pays impérialiste, pendant près de trois décennies. Mais les les pilliers de « l’école de la dépendance » ont continué à publier des recherches importantes sur l’impérialisme et ses monopoles dans le maintien du sous-développement des pays du « Sud ». Parallèlement, des intellectuels des pays du « Nord », comme Antonio Negri, Michael Hardt et David Harvey, considérés comme « de gauche », publient des thèses reproduisant l’ancienne géopolitique conservatrice dans un nouvel habit. Antonio Negri, Michael Hardt prétendent qu’on doit parler d’empire et non d’impérialisme, dans une version mise à jour de la thèse de Bernstein, Warren ou Brenner, qui suggère que le capitalisme a dépassé la phase de l’impérialisme et que l’impérialisme est désormais remplacé par « l’Empire » qu’ils définissent comme un « capitalisme horizontal décentralisé ». John Bellamy Foster considère la thèse de Negri et Hardt sur l’empire comme « une version de gauche de la thèse néolibérale de la fin de l’Histoire »
Hardt et Negri ont rejeté la théorie de l’impérialisme en réinterprétant le débat entre Lénine et Kautsky dans les années 1910, arguant à tort que la thèse de l’ultra-impérialisme de Kautsky était plus conforme aux travaux de Marx. Pour Hardt et Negri, « le véritable choix implicite dans l’œuvre de Lénine était entre la révolution communiste mondiale ou l’Empire », un nouveau nom pour l’ultra-impérialisme de Kautsky.
Les écrits de ces personnages considérés comme de gauche sèment la confusion et négligent certains des problèmes contemporains comme l’inégalité du développement capitaliste et les difficultés des pays dominés (néo-colonisés) à cause de la surexploitation impérialiste et des transferts de richesses de la « périphérie » vers le « centre », dans le cadre de la division internationale du travail dans l’économie mondiale et à cause des échanges inégaux, ce qui creuse l’écart entre ces deux catégories de pays.
Le sionisme est une émanation de l’impérialisme
Concernant nos questions arabes, nous rappelons que tous les pays arabes ont été soumis à l’occupation ottomane pendant plus de quatre siècles (à l’exception de quelques zones) puis au colonialisme européen (français et britannique notamment). Il y a un lien direct entre la nature de l’occupation sioniste ( colonisation de peuplement) et le soutien illimité américain ( les Etats-Unis sont nés comme suite logique d’une colonisation de peuplement ) et impérialiste à l’entité sioniste lors de l’agression de 2023/2024. Les projets impérialistes ne datent pas d’aujourd’hui mais depuis la Conférence de Berlin (1878 – 1884), les accords Sykes-Picot (1916), et le plan américain du Grand (ou Nouveau) Moyen-Orient. Ces plans ont un dénominateur commun : Ils visent tous la division du monde arabe pour empêcher toute forme d’union (sous la forme d’une fusion, d’une confédération ou d’une autre forme d’unité). L’entité sioniste n’est rien d’autre qu’un outil pour atteindre les objectifs de pillage et de contrôle de cette zone. L’hégémonie impérialiste s’appuie sur l’entité sioniste, même si celle-ci a ses propres plans, mais elle reste un outil de la domination de l’impérialisme qui lui apporte un soutien illimité. Voici quelques données qui appuient la thèse de la relation organique entre l’impérialisme dominant (américain) et l’entité sioniste :
Les médias sionistes indiquent que l’agression contre notre peuple en Palestine et au Liban (2023/2024) n’aurait pas été possible sans le soutien politique, médiatique et diplomatique américain, notamment financier et militaire. Ce soutient se manifeste par une augmentation du volume et de la valeur des armes, de munitions, du matériel militaire expédiés vers la Palestine occupée, ainsi que le soutien financier, matériel et logistique fourni par les États-Unis, qui comprend des équipements militaires avancés et 75 avions de combat F-35, dont la fabrication a été financée par les pays européens membres de l’OTAN et est considéré comme technologiquement le plus avancé. L’armée sioniste a obtenu ces avions de combat avant tous les pays qui ont contribué au financement de sa fabrication. Le prix de ces 75 avions a été payé avec l’aide américaine.
Les États-Unis disposent de systèmes de défense en Palestine occupée tels que Patriot, Iron Dome et puis le système THAAD. Les gouvernements américains utilisent l’argent public, l’argent des impôts des résidents (Américains et résidents étrangers, dont les arabes) pour aider et financer l’ennemi sioniste, pour réapprovisionner le système Iron Dome en missiles intercepteurs, pour financer l’amélioration du système « David’s Sling » destiné à abattre les missiles lancés d’une distance de 100 à 200 kilomètres, en plus de l’envoi d’autres armes avancées. Le ministère sioniste de la Guerre a annoncé jeudi 26/09/2024 avoir obtenu une aide militaire des États-Unis d’une valeur de 8,7 milliards de dollars, en guise de soutien à l’agression contre le peuple libanais. L’aide comprend 3,5 milliards de dollars pour financer l’achat de fournitures et 5,2 milliards de dollars pour armer les systèmes Iron Dome, David’s Sling, « Arrow » et le système laser, selon un communiqué du ministère de la Guerre de l’ennemi, qui a indiqué que son armée recevra ces équipements susmentionnés dans un laps de temps assez court. L’administration de Joseph Biden (avec le soutien des membres du Congrès) a pris ces décisions malgré les sondages d’opinion. indiquant que plus de la moitié des Américains estiment « qu’il est nécessaire de restreindre l’aide militaire » fournie à l’entité sioniste, qui cible les femmes, les enfants, les bâtiments, les écoles, les hôpitaux, les réseaux d’eau et d’électricité, ce qui a causé à Gaza une destruction que l’humanité n’a pas vue depuis la Seconde Guerre mondiale, une famine sans précédent et une menace pour la vie de millions de Palestiniens en raison de l’embargo sur la nourriture, les médicaments, les équipes de secours et en raison du refus d’appliquer les décisions de la « communauté internationale » » (les Nations Unies) et les institutions judiciaires internationales…
La valeur de l’aide militaire officielle américaine déclarée à l’entité sioniste, de 1948 à 2022, a été estimée à environ 158,8 milliards de dollars, selon les données officielles américaines, mais les données du Congressional Research Service estiment que ce montant pourrait atteindre 260 milliards de dollars si l’on prend en compte le taux d’inflation. Cette somme comprend l’aide militaire (sans compter les dix milliards de dollars pour les programmes de missiles) et l’aide économique. L’aide militaire est accordée sous forme de subventions pour l’achat d’armes américaines, en plus des 3,8 milliards de dollars annuels que l’entité sioniste reçoit sous forme de subvention du programme américain de financement militaire destiné à l’étranger, en plus des 500 millions de dollars annuels pour la recherche , le développement et le déploiement de systèmes de défense antimissile tels que Iron Dome. L’aide fournie à l’ennemi sioniste – en 2021 – représente 59 % de l’aide militaire totale que les États-Unis incluent dans le programme de financement militaire étranger, le reste du monde obtient 41% de l’aide américaine totale. Cela se fait avec le soutien du Congrès américain, qui a approuvé plusieurs législations qui garantissent le maintien de la supériorité militaire sioniste sur l’ensemble des armées arabes, en fournissant gratuitement les armes américaines les plus puissantes et les plus récentes, ainsi que des armes expérimentales ou interdites, telles que l’uranium appauvri ou le phosphore blanc ou des armes destinées à traverser des « obstacles épais ». Le prix est payé aux grandes entreprises de l’industrie militaire par les programmes d’aide militaire, c’est-à-dire par les contribuables américains et résidents aux Etats-Unis…
En tant que peuples arabes, nous sommes en confrontation directe avec l’impérialisme européen et américain depuis le XIXe siècle. C’est une erreur de séparer l’entité sioniste de l’impérialisme mondial et de la plupart des régimes politique arabes. Cette alliance tripartite a été démontrée lors de l’intensification de l’agression sioniste. contre les Palestiniens à Gaza et en Cisjordanie, et contre le peuple libanais. L’entité sioniste représente la base avancée de l’impérialisme et elle ne peut pas mener une guerre à grande échelle sans la couverture ou le soutien direct de l’impérialisme américain qui participe à l’agression actuelle, à travers des livraisons d’armes, d’équipements, le déploiement d’un système de missile avancé. Le président américain Joseph Biden lui-même a ordonné, à la mi-octobre 2024, après un an d’agression continue, le déploiement du système de la « zone de haute altitude » (THAAD) en Palestine occupée et l’envoi d’un équipage d’au moins une centaine d’officiers et ingénieurs militaires américains pour entraîner et faire fonctionner ces armes, dans le cadre de l’engagement américain à assurer la supériorité de l’ennemi sioniste sur toutes les armées arabes réunies.
Le peuple palestinien ne peut pas compter sur les régimes arabes qui ne sont que des agents de l’impérialisme américain, surtout les régimes égyptien, jordanien, marocain et ceux du Golfe. Le monde arabe est truffé de bases militaires américaines (et pas seulement). Quant aux Etats-Unis, ils participent d’une manière directe à une guerre régionale dont la portée peut s’étendre afin d’étendre l’hégémonie de l’entité sioniste, en tant que base et protectorat de l’impérialisme.
Le New York Times a rapporté le 4 octobre 2024 que le général Charles Q. Brown, chef d’état-major interarmées, avait soulevé la question de l’élargissement de la portée de la guerre, lors d’une réunion entre la Maison Blanche et l’état-major militaire, dont l’objet était d’étudier le déploiement de davantage de navires militaires et d’avions de combat dans la zone qui englobe la Palestine et le Golfe, pour démontrer la fermeté du soutien américain à l’entité sioniste, en particulier après que les missiles d’Iran, de la résistance yéménite et libanaise ont ciblé les bases et les casernes de l’armée sioniste à Haïfa, Tel Aviv et Naqab (Néguev)…
Néo-conservatisme, sionisme et fascisme
Les commentaires et opinions exprimés publiquement d’une partie importante de « la gauche » des pays impérialistes, sur la situation actuelle en Palestine, nous permettent de déduire que le problème se résume à la présence d’un gouvernement de droite et d’un Premier ministre « fou ». La « crise » serait résolue avec le changement de gouvernement, mais nous constatons que l’occupation, l’extermination et l’expulsion des Palestiniens se poursuivront par le biais de l’embargo ( Gaza est assiégée depuis 2006), la famine, la dépossession des terres et la destruction des bâtiments. Les palestiniens des territoires occupés en 1948 subissent aussi la confiscation des terres, la ségrégation et les interdictions, d’une manière probablement moins grave que ce qui se passe à Gaza ou en Cisjordanie, mais l’objectif est le même : expulser le maximum de palestiniens ou les pousser à quitter leur Patrie.
S’agit-il d’illusion de nos camarades « occidentaux », ou probablement d’un manque de compréhension ou de lacunes, concernant la nature de l’entité sioniste et la nature de la colonisation de peuplement sioniste, qui est basée sur la doctrine sioniste, idéologie raciste, suprémaciste et expansionniste. Les dirigeants du mouvement sionisme ont toujours compté, dès le début, sur le soutien des puissances capitalistes. Théodore Hertzl ne conçoit pas la réussite de son projet colonialiste sioniste sans le soutien de l’impérialisme dominant de l’époque : L’impérialisme Britannique et Français, à la fin du dix-neuvième siècle. Il compte sur les pays impérialistes pour assurer le contrôle – à caractère colonial – du Machreq et du monde arabe, dont la population (dont l’existence était parfois niée) est considérée, selon les déclarations des dirigeants sionistes, depuis la fin du XIXe siècle, comme barbare et non civilisée. C’est ainsi que ces dirigeants justifiait la création de l’État d’« Israël » comme un « rideau de fer pour garantir la défense de la civilisation occidentale dans la région ».
Il s’agit donc, en 2023/2024, d’une continuité de la guerre d’extermination conçue par l’impérialisme et menée par les États-Unis ( et ses alliés) et l’entité sioniste contre le reste des pays et des peuples du monde « non occidental », dont le peuple palestinien est la cible la plus apparente car il représente un symbole importants des aspirations de tous ces peuples à la libération nationale et à la justice.
Certains de nos camarades des pays impérialistes considèrent que le génocide en cours est un incident isolé ou une « réaction israélienne » après l’opération de guérilla du 7 octobre 2023, tandis que nous (citoyens arabes) considérons que l’agression actuelle est un chapitre du plan sioniste qui ne peut être séparé du projet global de domination à l’échelle mondiale. L’entité sioniste est un outil pour réaliser ou atteindre les objectifs américains, dont le « Nouveau projet au Moyen-Orient » qui accorde un rôle important à son allié privilégié au « proche orient ».
Certains de nos « amis » en « Occident » considèrent que « la droite israélienne et le gouvernement Netanyahu sont responsables de l’agression actuelle. Nous croyons et affirmons que tout le projet sioniste est basé sur l’occupation et l’expansion des colonies, quelque soit la couleur du gouvernement sioniste et le nom de ses ministres. L’alliance sioniste qui gouverne actuellement n’est arrivé au pouvoir que trente ans après la création de l’État sioniste. De 1948 à 1977, ce sont des alliances dominées par le Parti Travailliste qui ont mené les guerres, l’expulsion et l’expropriation des terres. La couleur politique du gouvernement sioniste ne changera pas la nature de l’Etat et ses projets expansionnistes, ni la nature de l’occupation. D’où la déduction que l’étape actuelle est une phase de libération nationale pour le peuple palestinien, quelque soit le nom du Premier ministre ou du parti sioniste qui mène la guerre d’extermination…
Ce désaccord entre les communistes et les progressistes du « Nord » et du « Sud » s’inscrit dans un ensemble d’autres désaccords, notamment sur la nature de la démocratie bourgeoise et la question du « fascisme ». De nombreuses organisations de gauche dans les pays impérialistes se sont offusquées lorsque Samir Amin, Immanuel Wallerstein et d’autres ont considéré le régime américain comme fasciste, surtout depuis le début du XXIe siècle, après l’adoption de lois restrictives pour les libertés (comme le Patriot Act) en 2001 et la généralisation de la surveillance électronique de masse, des arrestations arbitraires et de la censure des publications, sous prétexte de la « lutte contre le terrorisme ». Certains de nos amis « occidentaux » affirment que tant que les partis et les syndicats sont autorisés et tant que les élections périodiques se déroulent pour renouveler les instances dirigeantes de l’Etat capitaliste, on ne peut pas évoquer le caractère fasciste du pouvoir dans les pays capitalistes avancés.
Ces « arguments » sont faibles et ne prennent pas en compte les développements et l’évolution survenus suite à la défaite du fascisme classique italien ou japonais, du nazisme allemand pendant la Seconde Guerre mondiale, ni l’évolution des événements après l’effondrement de l’Union soviétique qui a abouti à l’hégémonie « unipolaire » menée par l’impérialisme américain qui a changé sa tactique militaire pour mener des guerres par procuration, comme l’Ukraine contre la Russie, Taïwan contre la Chine et l’entité sioniste contre les peuples d’unev zone qui s’étend de l’Atlantique au Golfe. L’objectif est le contrôle total des richesses, des cours d’eau et des routes du commerce dans le monde arabe, en Asie occidentale et dans la Corne de l’Afrique…
L’un des dirigeants du Conseil sioniste appelé « Crif » en France – le deuxième groupe de pression sioniste le plus important au niveau international après l’« AIPAC » américain – a déclaré – en réaction à l’arrivée du leader d’extrême droite, Jean-Marie Le Pen, au deuxième tour des élections présidentielles françaises de 2002 – que la montée de l’extrême droite constitue un avertissement sérieux pour les immigrés arabes et musulmans en France et en Europe, alors que les organisations de gauche françaises considéraient l’extrême droite comme « antisémite ». Cette déclaration – précédée et suivie par de nombreux autres actes et déclarations – constitue une confirmation de l’alliance entre toutes ces forces politiques réactionnaires : sionisme, fascisme, extrême droite, droite classique et social-démocratie. Le sionisme et l’extrême droite partagent les mêmes références idéologiques fascistes, en s’adaptant aux changements et aux nouvelles réalités.
« John Bolton », le conseiller américain à la sécurité nationale pendant la présidence de Donald Trump, est s’est installé en Europe après sa démission. Il a une mission, un projet et un gros budget. Il est connu pour son incitation à enclencher et poursuivre des guerres continues et pour l’utilisation de la force armée pour changer les régimes politiques qui ne conviennent pas aux États-Unis. Il dirige à Bruxelles – capitale de l’Union européenne et de la Belgique – une institution politique sous forme d’un « bureau de conseil » financé par des institutions américaines, dont des institutions créés par l’Etat et notamment par les « néoconservateurs » et le courant du « sionisme chrétien ». Ce « bureau de conseils » a pour mission de coordonner la réflexion et les actions entre les partis d’extrême droite en Amérique, en Europe et l’entité sioniste. Cette institution a supervisé, depuis 2019 en Europe, des sessions de formation pour améliorer le rendement politique des superviseurs de la propagande, des médias et des programmes de l’extrême droite en Europe. L’objectif est d’aider l’extrême droite européenne à s’adapter aux différentes constitutions européennes, aux lois et aux institutions constitutionnelles, dans le but de prendre le contrôle du pouvoir par le biais des élections. Cette démarche s’inscrit dans l’objectif de l’extension de l’hégémonie du néolibéralisme et de débarrasser l’extrême droite européenne de l’étiquette antisémite, d’où le développement des relations entre les l’entité sioniste et l’extrême droite en Europe et en Amérique du Nord qui ont commencé depuis l’effondrement de l’Union soviétique. Plusieurs réunions officielles et publiques périodiques entre les dirigeants de l’extrême droite en Europe et les dirigeants de l’entité sioniste, ont eu lieu au cours des vingt dernières années, surtout depuis 2010…
Conclusion
La relation entre le colonialisme et le « sous-développement» des pays pauvres
Le prix Riksbank pour les sciences économiques (arbitrairement appelé « prix Nobel d’économie ») a été décerné, le 14 octobre 2024, à trois chercheurs : Daron Acemoglu, Simon Johnson et James Robinson. Leurs recherches et leurs contributions théoriques et expérimentales étaient une tentative pour comprendre « Comment se forment les institutions et leur impact sur la prospérité ». Ils ont essayé d’expliquer les raisons pour lesquelles certains pays souffrent aujourd’hui de grandes difficultés économiques, et ils ont prouvé le rôle fondamental du colonialisme dans la création et l’approfondissement de cette disparité. Ce que la Banque Mondiale a été obligée de reconnaître. En 2022, selon la Banque mondiale, le revenu moyen par habitant au Danemark était de 74 000 dollars et en Sierra Leone de seulement 1 900 dollars, alors que les travailleurs créent des richesses dans les deux pays. La question est : comment pouvons-nous expliquer ces différences de revenus entre les pays ? Autrement, comment expliquer que même lorsque les pays les plus pauvres tendent à s’enrichir, ils ne rattrapent jamais les pays plus prospères ? Les auteurs de l’école de la dépendance ( courant économique et politique qui étudie les causes du développement inégal entre les pays) l’ont longuement expliqué, et les travaux des lauréats du Prix 2024 de la Banque de Suède pour les sciences économiques se sont concentrés sur ces questions : Ils ont mis en lumière théoriquement et empiriquement la relation centrale entre la prospérité économique et le réseau d’institutions contrôlées par les États impérialistes, comme les investissements dans la recherche scientifique et les droits de propriété soutenus par un système juridique et politique fort, capable d’imposer son point de vue et ses intérêts par la force militaire lorsque cela est nécessaire. Ces facteurs de pouvoir ne sont disponibles que dans les pays développés, les pays capitalistes du « Nord » qui ont colonisé les pays du « Sud » par la force militaire dans le passé et les dominent désormais par la force économique, et aussi par la force militaire si nécessaire, ce qui rend le rôle du colonialisme essentiel dans le développement inégal des pays, en particulier dans les colonies de peuplement, où les institutions coloniales incitaient les colons à travailler et à investir dans leur « nouvelle patrie », où ils jouissaient des libertés politiques et économiques fondamentales qui étaient et sont toujours refusées à la population autochtone assiégée et déplacée par les grandes mines et les fermes des colons qui sont à la tête du pouvoir. C’est ce qui s’est passé et se passe encore en Afrique du Sud, en Palestine, en Irlande et en Calédonie, et ce qui s’est passé auparavant en Australie, en Amérique du Nord et en Nouvelle-Zélande…
La plupart des pays colonisés ont obtenu leur indépendance grâce à un processus de consensus ou de compromis avec le colonialisme, qui a soutenu la faction qui lui est fidèle pour gérer les affaires du pays, ce qui rend ces pays nouvellement indépendants piégés dans des relations inégales qui perpétuent le système d’exploitation, de persécution et de pauvreté, ainsi que l’élargissement du fossé entre les classes sociales, ce rend nécessaire et légitime la révolution contre l’autorité politique et économique de ces pays…
Il est regrettable que les militants communistes des pays de la « Périphérie » soient obligés de renouer avec les débats qui ont divisé la Deuxième Internationale, pendant la Première Guerre mondiale, pour convaincre leurs camarades des pays du « Centre » de l’importance de développer la solidarité internationale en commençant par soutenir la lutte contre l’impérialisme, contre les entreprises transcontinentales qui surexploitent les travailleurs des pays pauvres (néo-colonisés) et de la nécessité de soutenir ces luttes par des partis de gauche et des syndicats dans les pays impérialistes.
Les guerres d’agression lancées par l’impérialisme – mené par l’impérialisme américain – depuis l’effondrement de l’Union soviétique (Irak depuis 1991, Yougoslavie, Afghanistan…) et surtout l’agression sioniste en cours au moment de la rédaction de ces paragraphes (20 octobre 2024) ont démontré la profondeur des divisions et des désaccords, ainsi que la difficulté d’une lutte internationale commune et la difficulté d’établir des instances et des cadres pour coordonner les discussions, les débats et les luttes entre les différentes forces socialistes mondiales, car le capitalisme – à l’ère de l’impérialisme – a exploité ces difficultés de coordination pour intensifier ses attaques contre la classe ouvrière et les pauvres dans chaque pays, et contre les peuples et nations opprimés à travers le monde…
L’influence de l’idéologie impérialiste sur l’opinion publique – y compris les syndicats, les partis et les forces progressistes – en « Occident » doit être soulignée et l’accent doit être mis sur l’identification de la nature des conflits entre ceux qui possèdent les moyens de production, ceux qui vendent leurs forces de travail et travaillent sur ces outils de production, d’une part, et le capital monopoliste qui pille les ressources et la main-d’œuvre des pays de la « périphérie ». C’est une contradiction entre le capital mondialisé et les peuples opprimés. Il s’agit d’un conflit inégal produit par un échange inégal entre les pays impérialistes (le centre) et les pays et peuples soumis à l’oppression et au colonialisme indirect (la périphérie). Il faut également souligner l’intégration de la lutte contre l’impérialisme ou contre l’oppression nationale dans la lutte contre l’exploitation de classe. Ce qui nécessite l’établissement d’un front contre le capitalisme et l’impérialisme et ses ramifications comme le sionisme ou la bourgeoisie compradore dans les pays de la « périphérie »…
L’école de la dépendance a relancé le débat sur l’essence de l’impérialisme selon la théorie léniniste et sur le développement inégal entre le centre, qui représente les pays capitalistes développés (l’impérialisme), et les périphéries, c’est-à-dire les pays liés de force au capital monopolistique. Ainsi, le groupe des pays impérialistes se développe grâce à la surexploitation des richesses et des travailleurs des pays « périphériques » qui prennent du retard, et l’écart se creuse de plus en plus entre les deux groupes de pays. Ce qui réfute l’opinion selon laquelle « le capitalisme joue un rôle progressiste dans les colonies et joue un rôle positif dans le développement des forces productives », car les données et les chiffres – provenant de diverses sources – prouvent l’approfondissement du fossé au fil du temps, et donc la solution réside dans la rupture avec le système actuel et l’intensification des échanges entre forces révolutionnaires et progressistes dans les pays « périphériques », afin de parvenir à un développement indépendant et à un système horizontal « non capitaliste » (socialiste) qui reconnaît l’égalité entre les individus, les peuples et les pays…
La lutte anti-impérialiste nécessite une meilleure compréhension du processus de développement du capitalisme mondial, de l’exploitation impérialiste et du transfert de surplus, alors que les travailleurs des pays dominés souffrent de l’incapacité de satisfaire les besoins fondamentaux de santé, d’éducation, de logements ou de transport public ou d’infrastructure… Cette lutte anti-impérialiste ne vise pas l’instauration d’« un capitalisme réformé», car le système capitaliste est verrouillé. Les chances de « décoller » pour atteindre le niveau de développement de l’Europe ou de l’Amérique du Nord sont quasi-nulles. L’objet de cette lutte devient : un changement de mode de production qui permet de socialiser les moyens de production et de produire pour satisfaire les besoins des citoyens et non exporter les produits bruts ou exporter des esclaves modernes (les travailleurs émigrés). Qu’importe le nom qu’on peut donner à ce mode de production, mais l’objectif est c’est de réaliser l’égalité entre les citoyens…
Taher Elmouez