
Pour comprendre pourquoi l’Afrique du Sud de Nelson Mandela a interpelé le monde entier sur le génocide en Palestine auprès d’une instance de l’ONU ( la cour internationale de Justice), il est important de savoir qu’elle sait de quoi elle parle, car elle l’a vécu elle-même plusieurs siècles. L’article de Florian Warweg (sur ce site) éclaire bien sur l’aide de Cuba à la libération de l’Afrique du Sud qui en quelque sorte, essaie de rendre la pareille.
L’Afrique australe, tout à fait au sud de la forêt tropicale et du continent, est aujourd’hui composée principalement de l’Afrique du Sud et de la Namibie dont l’Histoire est profondément liée par le même mode de colonisation. Les peuples s’y entrecroisent. Cet article est écrit avant tout pour leur rendre hommage.
Au SUD-OUEST (Namibie), on trouve les traces les plus anciennes d’art rupestre du continent africain. Datant de -26 000, elles sont attribuées à des populations nomades dont les Bochimans (ou San) seraient les descendants directs. D’autres découvertes d’art pariétal attesteraient de la présence de populations antérieures. La péninsule du Cap était habitée depuis 2 500 ans, par des Khoïkhoïs et des San, peu nombreux; les hauts plateaux au sud du fleuve Limpopo, par les peuples Sothos, dans l’Est vivent les Tsongas, tandis que les peuples Zoulous, se partagent la région Est, à 1 500 km du Cap. Au début du IXe siècle, le territoire est peuplé de Namas arrivés par l’Est 1 500 ans plus tôt, (et de Damaras , originaires du Soudan actuel). Les Namas sont des Khoïsan partageant avec les Sans, 33 % de leur vocabulaire. Installés à la hauteur de la rivière Swakop, c’est un peuple d’éleveurs, divisé en clans, qui se désigne comme le peuple des vrais hommes (Khoe-Khoe), et pour les Hollandais “Hottentot” (bégayeur). Les Damaras sont un peuple de chasseurs-cueilleurs, peu connu, vivant dans les montagnes peu hospitalières du Nord-Ouest. Réduits en esclavage par les Namas, ils seront asservis par un peuple bantou, les Héréros, arrivé dans le Nord de l’actuel Namibie, avec les Ovambos bien avant les Namas
Vers 1550, originaires de la région des grands lacs ou de l’Afrique orientale, les peuples bantous (Ovambos, Kavangos et Héréros) arrivent. Ils constituent la majorité du peuple namibien (75 % de la population à la fin du XXe siècle). Lors de leurs installations, ils se confrontent aux Sans qui parviennent à les soumettre durant un siècle. Mais leur nombre croissant met un terme à la domination des San qui sont défaits, dispersés ou asservis. Les Ovambos deviendront la population la plus importante, constituant la ½ de la population namibienne. Établis dans le Nord, ils sont agriculteurs. Arrivés par le Nord-Est, ils auraient été chassés par le Royaume Lunda du Katanga et se seraient dispersés entre la Namibie et l’Angola. Au XVIIIe siècle, les Ovambos se constituent en royaume. Les guerres deviendront incessantes entre les royaumes tribaux, pour des raisons économiques ou dynastiques. Les vaincus sont réduits en esclavage, alimentant le large trafic qui sévit jusqu’au XIXe siècle . Les Héréros « résolus » ou « impétueux » se consacrent à l’élevage. Originaires de la région des grands lacs, leurs caractéristiques ethniques, culturelles et sociales évoquent celles des nomades de la Corne de l’Afrique. Ils seraient arrivés en remontant le fleuve Zambèze, en même temps que les Ovambos, avant de s’éparpiller en Angola. Refoulés par les Ovambos, ils s’installent dans les régions montagneuses du Kaokoveld.

L’ AFRIQUE DU SUD (celle de Mandela)
Sur ce territoire, 2 peuples ont cohabité paisiblement: les Khoïsan (dit péjorativement Bochimans pour les Sans) qui sont restés chasseurs-cueilleurs depuis – 25 000 ans, et les pasteurs khoïkhoï (dit Hottentots) puis les Bantous plus récemment – 1 500 ans, qui travaillent le fer, pratiquent l’agriculture ( céréales), mais restent surtout des éleveurs nomades et qui sont les ancêtres des peuples parlant les langues zouloues. Ils arrivent du Nord-Ouest en suivant les grands fleuves (Niger, Congo) D’autres descendent la rivière Limpopo au ive siècle pour parvenir vers le Xe siècle au Cap. La linguistique révèle que le “clic” caractéristique des langues khoïsan, a été incorporé dans les langues bantoues.Au Xe siècle, au Nord, dans la vallée du fleuve Limpopo s’établit un 1° royaume régional. Économiquement fondé sur l’extraction de l’or et le commerce de l’ivoire, sa position stratégique lui permet de commercer via les ports d’Afrique de l’Est, avec l’Inde, la Chine et le sud de l’Afrique. Sa chute, fin XIIIe siècle, résulte d’un important changement climatique, le contraignant à se déplacer plus au Nord vers le Grand Zimbabwe.
Al-Biruni, savant arabophone du XIe siècle vivant en Inde, avait préfiguré l’existence d’une route permettant de contourner l’Afrique pour rejoindre l’océan Atlantique. C’est à sa recherche que le roi du Portugal envoie des navigateurs longer les côtes africaines. En 1488, y débarque Bartolomeu Dias dépassant le point le plus méridional. Sur le chemin du retour, il repère le « cap des Tempêtes » (en raison des vents et des courants très forts), rebaptisé cap de Bonne-Espérance par le roi du Portugal ,qui y voit une nouvelle route vers l’Asie et les épices des Indes.Vasco de Gama, en 1497, explore la côte du Cap et baptise une régions Natal (Noël en portugais). En 1498, il pousse au Nord-Est, vers l’actuel Mozambique, où les côtes sont propices à l’accostage (les tentatives d’échanges avec les Khoïkhoïs ont été conflictuelles), et qui offre de ressources naturelles, des fruits de mer et des gisements d’or. La zone entretient des contacts réguliers entre Khoï et Européens au Xve – début du XVIe siècle. Contourner l’Afrique soit 6 mois par bateau avec la mort de nombreux marins, faute de produits frais, est facilité par le cap de Bonne-Espérance situé à mi-chemin entre l’Europe et l’Inde. La baie de la Table apparait comme un endroit propice pour le ravitaillement et le commerce avec les populations locales, même si les Khoïsans ne se laissent pas faire.
XVI° – XIX° siècles: arrivée des colonisateurs néerlandais et britaniques

Les Portugais atteignent Cap Cross dès 1486, s’attardent sur les côtes à partir de 1550, mais préfèrent se fixer plus au nord, dans les territoires de l’Angola. Puis en 1680, des colons néerlandais arrivent sur la côte mais préfèrent la région du Cap et ses terres fertiles, plus au sud, qui deviendra l’Afrique du Sud. Ils y resteront quand les Britanniques chasseront les Néerlandais, en tant qu’Afrikaners.
Les inhospitaliers déserts de Namibie et du Kalahari constituent une formidable barrière au peuplement du territoire et à l’exploration européenne en provenance des mers. En 1589, Andrew Battels, un déserteur anglais recruté comme soldat en Angola, est le 1° blanc à voir l’intérieur du territoire où il erre 6 mois parmi les Ovambos dans leur pays qu’il décrit par écrit. En 1750, Jacobus Coetse, un chasseur d’éléphants du Cap, est le 1° Européen à traverser le fleuve Orange (+ de 2000 km, le plus long fleuve d’Afrique du Sud), ouvrant la voie aux chasseurs, aux explorateurs et aux missionnaires. Puis en 1760, les frères Van Reenen et le Français François Levaillant effectuent plusieurs expéditions.
Les 1° contacts commerciaux ont lieu avec les nomades Namas et le négoce devient assez important pour que Walvis Bay, Angra Pequena et l’île de Halifax soient revendiqués par le gouverneur Britannique de la colonie du Cap puis tout le littoral Sud-Ouest. Walvis Bay, seule rade en eau profonde sur la côte namibienne, est annexée par la Colonie du Cap britannique en 1878, jusqu’en 1910. Elle reste la principale voie d’accès maritime à l’Afrique du Sud-Ouest (Namibie) ASO
Fondation de la colonie néerlandaise
En 1644, un navire de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales(VOC), s’échoue sur les rochers, bloquant les 250 hommes d’équipage sur les rives de la baie de la Table pendant 4 mois, puis un autre. Les rescapés survivent un an autour d’un fort de fortune, se nourrissant de produits de la terre, avant d’être rembarqués vers l’Europe. Un commandant avec son rapport positif à la VOC, suggère d’y établir une station de ravitaillement La VOC envoie donc Jan van Riebeeck pour y installer une base fortifiée en 1652, avec 80 hommes afin de créer une « station de rafraîchissement » destinée aux équipages diminués par le scorbut . Le territoire est délimité par une haie d’amandes amères conservées au jardin botanique.
La péninsule du Cap est alors habitée des Khoïkhoïs et des San, peu nombreux; les Hollandais les appellent Bouchmans et Hottentots (bégayeurs); les Sothos occupent les hauts plateaux au Sud du fleuve Limpopo, les Tsongas vivent à l’Est tandis que les Zoulous, Xhosas et Swazis se partagent la région Sud, à 1 500 km à l’Est du Cap. Au début, les Khoïkhoïs échangent leur bétail contre des objets manufacturés hollandais. Certains sont décimés par la variole, apportée par les Européens.
Van Riebeeck propose que les hommes libérés de leurs obligations vis-à-vis de la compagnie soient autorisés à commercer et à s’installer comme Burghers, citoyens libres. Ils plantent donc du blé et des vignes, sur des parcelles de terres, spoliant les Khoïkhoïs. Privés de leurs meilleurs pâturages, ils se défendent en vendant des bêtes malades aux Burghers . Les relations dégénèrent et, en 1659, les Khoïkhoïs, fédérés sous l’autorité du chef Doman, assiègent les Néerlandais, obligés de se retrancher dans le fort de Bonne-Espérance, depuis lequel ils déciment les assaillants, qui seront réduits en esclavage ou refoulés plus au Nord.. Quand van Riebeeck quitte le territoire en 1662, le comptoir commercial du Cap compte 134 salariés de la VOC, 35 colons libres, 15 femmes, 22 enfants et 180 esclaves déportés de Jakarta et de Madagascar. La colonie est très hiérarchisée. Les clivages se font entre le chrétien et le non-chrétien et entre l’homme libre et l’esclave.
En 1679, Simon van der Stel est nommé commandeur de la ville du Cap pour en faire une colonie de peuplement avec 800 immigrants néerlandais, allemands, danois, suédois, fuyant la misère et les atrocités de la guerre de Trente Ans.. Il développe l’agriculture en concédant des terres aux Burghers (ou Boers) qui sont rejoints par 200 huguenots chassés de France par la révocation de l’édit de Nantes en 1685, et qui vont développer la viticulture françaises. En 1691, le territoire accède au statut officiel de colonie, et compte 1 334 habitants blancs. Pour pallier la pénurie de main-d’œuvre, les esclaves importés de Guinée, de Madagascar, d’Angola et de Java et leurs descendants constitueront le groupe ethnique. les « Malais du Cap ». La VOC s’accommode du métissagedes enfants issus d’unions entre Néerlandais et Hottentotes, faisant apparaitre un nouveau groupe ethnique les “métis du Cap”. Rapidement, les nombreux mariages mixtes sont interdits.

Les Boers
En 1706, après la 1° révolte des Boers contre les méthodes de gouvernement et la corruption, Van der Stel est renvoyé et l’immigration européenne s’arrête. Les Boers revendiquent leur africanité. La VOC veut réorienter la colonie vers son utilité de station de ravitaillement, pour éviter un foyer de peuplement revendicatif. Elle monopolise les débouchés commerciaux de la colonie, fixe les prix des productions locales et impose une administration procédurière. Cette politique restrictive encourage les colons libres et les paysans natifs de la colonie à se révolter La colonie se segmente en 3 catégories, déterminées par leur distance à la ville du Cap. Les 1° sont les habitants urbains et cosmopolites du Cap, qui conservent des liens étroits avec leur métropole d’origine. La 2° catégorie comprend tous les citoyens libres qui résident dans la région du Cap pour y cultiver la terre. La 3° est constituée de Trekboers (paysans nomades) qui pratiquent l’élevage extensif. Ils sont semi-nomades et vivent dans des chariots bâchés tirés par une paire de bœufs. Repliés sur eux-mêmes, pratiquant un calvinisme austère et menant une vie fruste et dangereuse, les Trekboers cherchent à échapper au contrôle oppressif de la Compagnie en en franchissant les frontières pour s’établir hors de sa juridiction. En 1713 et 1755, 2 épidémies de variole ravagent la colonie, tuant 1000 Blancs et décimant les peuples khoïkhoïs. Ils élaborent une culture originale, influencée par l’immensité désertique où ils vivent, et abandonnent progressivement le néerlandais pour une nouvelle langue, l’afrikaans, mélange de dialectes hollandais, de créole portugais et de khoïkhoï inventé par les métis du Cap. Ils fondent des villes, en dépit d’accrochages meurtriers avec les Khoïkhoïs et San, obligeant la colonie du Cap à fixer de nouvelles frontières. Au bout de 60 ans de nomadisme et de progression, les Trekboers se retrouvent bloqués au Nord par l’aridité extrême , au Nord-Est par le fleuve Orange où les San leur opposent une forte résistance, pour sauvegarder leur territoire de chasse, et à l’Est par la Great Fish River, à 1 500 km de la cité-mère, où ils se heurtent aux Xhosas (Bantou) pour la possession du bétail dans la zone frontalière de la rivière.
Annexion britannique
La faillite de la VOC en 1798, et l’organisation des Patriotes du Cap, (aidée par les Français), permettent la conquête par le Royaume-Uni du cap de Bonne-Espérance, officiellement annexée en 1814 après le traité de Paris. La colonie britannique est établie avec 25 000 esclaves, 20 000 colons blancs, 15 000 Khoï et San et 1 000 esclaves noirs libérés. Les sociétés missionnaires anglicanes s’y installent pour convertir les tribus hottentotes. Londres fait interdire le commerce des esclaves. Des missions évangélistes s’installent en pays xhosas pour former une élite noire. Au Cap, des mesures sont prises en faveur des KhoïKhoï et des esclaves mais des familles boers perçoivent ces avancées comme une atteinte à leurs libertés. Le fossé s’élargit:, Ils dominent la politique, la culture et l’économie et les Boers sont dans les fermes. En 1820, près de 5 000 colons britanniques débarquent au Sud-Est du Cap et fondent la ville de Port Elizabeth, à la frontière des territoires xhosas. L’idée est de créer une zone tampon mais les colons préfèrent se retirer dans la ville. L’afrikaans, est dénigré et en 1828, l’Anglais devient la seule langue officielle pour les affaires administratives et religieuses. L’égalité des droits est proclamée dans la colonie du Cap entre KhoïKhoï et Blancs avec le droit à la propriété pour les Noirs. En 1833, l’esclavage est aboli et les propriétaires des 40 000 esclaves de la colonie sont indemnisés.

Royaume zoulou de Shaka (1816-1897)
Au moment où le Grand Zimbabwe n’est plus la capitale d’un grand empire marchand, les locuteurs bantous sont présents dans une grande partie de l’Afrique australe. Deux groupes principaux se sont développés, les Ngoni (Xhosa, Zoulous, Swazi), qui occupent les plaines côtières de l’Est et les Sotho–Tswana, qui vivent sur le plateau intérieur. À la fin du xviiie siècle et au début du xixe siècle, surviennent 2 événements majeurs. Les Trekboers colonisent de nouvelles zones d’Afrique australe, se dirigeant depuis la colonie du Cap vers le Nord-Est, ce qui les met en contact avec les Xhosa. Dans le même temps, en 1816, dans l’actuelle province du KwaZulu-Natal, Chaka Zulu monte sur le trône du zoulou ; c’est, à l’époque, un clan sans envergure particulière (2000 personnes), parmi des dizaines d’autres. En un an, il domine tous les clans avoisinants et devient le plus important allié de la fédération Mthethwa, laquelle était en compétition avec le clan Ndwandwe pour la domination du nord du KwaZulu-Natal.
Les “guerres” tribales consistent à saisir le bétail de l’autre et les batailles sont plutôt des démonstrations de force. En 1816, à la mort du chef zoulou Dingiswayo dont il avait été un brillant officier, son fils illégitime, Shaka évince ses frères et prend la tête de la confédération formant la nation des Ngunis-Amazoulou, « ceux du ciel ». Shaka réorganise l’armée (à l’origine 400 guerriers), en régiments et en instituant une conscription avec une discipline rigoureuse. Cette armée de métier, équipée de boucliers de peau et de lances courtes, devient le pivot de la société. Shaka divise le royaume en districts militaires. Bouleversant la stratégie, il opte pour l’attaque « en tête de buffle », où les ailes opèrent un mouvement tournant pour déborder les adversaires. S’il règne à ses débuts sur un territoire de 40 000 km2, son arméé atteint 40 000 combattants qui étendront son royaume vers l’Ouest et vers le Sud.
Il constitue ainsi un vaste empire. Les indociles fuient vers le Nord, provoquant de très profonds bouleversements dans toute l’Afrique australe. Au sein de la nation zouloue, Shaka est victime de trahisons, dont celle du fondateur du Zimbabwe. Les conquêtes zouloues seraient responsables de la mort de plus de 2 M de personnes, qui laissent d’immenses territoires vides ce qui permettra aux Boers, lors du Grand Trek, de s’installer pour y instaurer leurs républiques

L’ASO passe sous pavillon britannique en 1806. Les tribus du Nord (Ovambos, Kavangos, Capriviens) restent isolées et les contacts avec les autres tribus, les explorateurs et les missionnaires demeurent rares voire conflictuels. Les missionnaires luthériens anglais, les méthodistes allemands et finlandais l’explorent et construisent des écoles et des missions à partir de 1805.
À partir de 1824, les Oorlams, Hottentots coloniaux ou petits Namas, des métis de Namas et d’Afrikaners, Blancs d’origine nerlandaise, qui fuyaient les lois discriminatoires de la colonie britanique du Cap, émigrent en ASO de l’autre côté du fleuve Orange sous la conduite de Jonker Afrikaner, où .ils s’établissent en 1840 à Winterhoek « le coin de l’hiver ». Forts de leur organisation en commando militaire inspiré des Boers, ils s’imposent aux grands Namas, aux Héréros et aux Damaras ( esclaves).La pénétration des terres est facilitée avec la construction de la route de la baie en 1843 par Jonker Afrikaner qui impose un monopole commercial aux marchands avec de lucratifs courtages, faisant des Oorlams les intermédiaires obligatoires. Jusqu’en 1870, ils dominent l’Hereroland et le Damaraland. En 1872, les Basters, descendants de colons néerlandais et de femmes africaines de la colonie du Cap, s’établissent à Rehoboth dans le centre de l’ASO où ils fondent une petite république libre. La population “européenne” comporte 137 hommes et 10 femmes et enfants.
Entre 1874 et 1892, 4 convois en provenance de la République sud-africaine du Transvaal amènent en ASO, des immigrants Boers « ceux qui voyagent au pays de la soif » en quête de terre promise. Après leur traversée du désert du Kalahari, ils arrivent en pays héréros, au pied des montagnes…Décimés par les fièvres et la soif, ces pionniers se joignent à William Worthington Jordaan, chasseur d’éléphants et journaliste métis du Cap, et atteignent l’Angola où 55 familles s’établissent (ils obtiendront la nationalité portugaise).et où ils introduisent la langue afrikaans qui devient “ lingua franca”.
Le meneur hottentot des Oorlams Namas se lance à la conquête du Nord Il parvient à devenir le chef du peuple Nama après la défaite de Jan Jonker en 1880. Les Oorlams-Afrikaners n’ont plus d’existence politique et Winterkoek est détruite.

Le Grand Trek (1835-1840)
Quand les Britanniques abolissent l’esclavage en 1833, les Boers, trop pauvres pour en posséder considèrent que c’est un acte contre la volonté divine de la hiérarchie des races. Les anciens propriétaires d’esclaves, gros fermiers du Cap, estiment insuffisantes les compensations financières pour les indemniser. L’arrogance des britanniques convainc 100 000 blancs Trekboers de choisir l’émancipation et l’exil pour y fonder une république boer indépendante.
La mythologie des Afrikaners, la tribu blanche élue, à la recherche de sa terre promise, ressemble à l’idéologie nord-américaine (le Far West). Leurs motivations sont exposées dans un manifeste rédigé en 1837 par le voortrekker Piet Retief. Il y énonce ses griefs contre l’autorité britannique, les humiliations que les Boers estiment avoir subies, leur croyance en un Être juste qui les guidera vers une terre promise où ils pourront se consacrer à la prospérité, à la paix et au bonheur de leurs enfants, une terre où leur gouvernement décidera de ses propres lois
En 1836, 4 000 Boers s’embarquent pour l’inconnu à bord de leurs chars à bœufs, avec femmes, enfants et serviteurs avec à leur tête, des chefs élus. 2 convois, comprenant chacun 30 familles franchissent le fleuve Vaal, poussant vers l’Est. Après 3 années d’errance, ils sont décimés par les Tsongas mais défont les guerriers de Mzilikazi, repoussent les Sothos dans les montagnes du Lesotho. Retief avait négocié un accord de coexistence et d’entraide avec Dingane, le roi des Zoulous mais lors du banquet de cérémonie de signature, les Boers sont massacrés sur son ordre. Les conditions de vie les poussent à redescendre vers le Natal.
La bataille de Blood River, entre 500 Boers repliés derrière leurs chariots rangés en cercle et 10 000 guerriers zoulous, se solde par une véritable hécatombe zouloue, colorant de leur sang la rivière Ncome. Ils reconnaissent Mpande kaSenzangakhona (1798-1872), le demi-frère de Dingane, comme roi des Zoulous qui va maintenir l’unité de son royaume pendant 30 ans, et qui leur cède la moitié du Natal où ils proclament la république de Natalia (1839-1843). Craignant que les Boers ne développent des relations avec des puissances étrangères, les Britanniques l’annexe en 1843.
Les Boers reprennent alors leur grand trek vers le Nord, au-delà des fleuves Orange et Vaal, rejoignant des communautés déjà établies mais ils se heurtent aux Gricquas, des métis khoïkhoï, et aux Sothos de Moshoeshoe; les métis de Namas et de Néerlandais s’établissent dans la région, les Bastaards instaurent des républiques autonomes dotées de règles constitutionnelles, dans le Sud-Ouest africain mais sous souveraineté britannique.
A la frontière Est de la colonie du Cap, en 1834, 10 000 guerriers Xhosas pillent les fermes boers et abattent toute résistance. Un contingent militaire britannique l’ annexe mais le secrétaire d’état aux colonies exige qu’elle soit restituée aux indigènes. A la frontière Nord, les Gricquas en 1843 sont reconnus. . En 1850, nouveau soulèvement des Xhosas et nouvelle défaite Xhosa qui en 1856, victimes d’ une mauvaise prédiction, sont plongés dans la misère et la famine qui signent la fin des guerres Britanniques. La population passe de 105 000 à -26 000 individus. Les terres dépeuplées sont attribuées à 6 000 immigrants d’origine allemande.

Les républiques boers et les colonies britanniques (1839-1902)
Après l’annexion du Natal, l’épopée boer recommence avec la création des 2 républiques indépendantes,« République du Transvaal et l’État libre d’Orange», reconnues par les Britanniques, mais économiquement arriérées et peu peuplées. Ce sont des “patriarcats pastoraux”, des fermes disséminées sur des milliers de kilomètres. L’inégalité des blancs et des gens de couleurs est affirmée dans la loi fondamentale de l’État, mais des traités sont signés avec 8 chefs indigènes leur garantissant un droit de propriété foncier inaliénable au sein de la république. La défense du territoire boer est assuré par des Kommandos, composés de fermiers, relevant de chefs de districts sous les ordres du commandant général, élu par les Boers. Les conflits sont nombreux: avec les Sothos, mais alliances avec les Bantous , sérieux accrochages avec les zoulous En 1870, les 2 républiques boers totalisent 45 000 hab.
En 1854, la colonie du Cap (200 000 Blancs) se dote d’une constitution prévoyant 2 assemblées élues au suffrage censitaire par 80 % de la population masculine pour la chambre basse. L’égalité des races, reconnues depuis 1828, y est réaffirmée ( y compris les métis). Dans la colonie du Natal, où les Zoulous résistent, est crée 7 « réserves » (puis 40, 15 ans plus tard), afin d’assurer la sécurité du territoire, satisfaire les besoins en main-d’œuvre des fermiers et lutter contre le vagabondage. Dans les plantations de cannes à sucre, les Britanniques font venir des milliers d’Indiens sous contrat qui vont rester dans le pays, constituant un nouveau groupe ethnique.
3 ans plus tôt, à la frontière de la colonie du Cap et du Transvaal, au Griqualand-Ouest, des diamants ont été découverts. Le chef des Griquas demande la protection britannique qui l’annexe à la colonie du Cap;et crée la ville de Kimberley De nombreux migrants sothos et tswana, abandonnent la paysannerie pour s’embaucher volontairement comme mineurs sur les champs de diamants. Certains parviennent à acheter leurs propres concessions et en 1875, + 1/5 des propriétaires de mine sont noirs ou métis. L’annexion du Griqualand augmente la fureur des Afrikaans, des Boers et des colonies britanniques; l’« Association des vrais Afrikaners » se constitue pour faire reconnaitre l’afrikaans, au côté de l’anglais, comme langue officielle. Puis le Transvaal, catastrophe pour les Boers, fermiers avant tout,.se révèle riche en or et diamants Des 4 coins du monde, des milliers d’aventuriers y affluent, apportant avec eux un mode de vie à l’opposé de l’austérité et du puritanisme boer.
En 1879, l’armée britannique subit une défaite mémorable contre les Zoulous. Le fils de Napoléon III et de l’Impératrice Eugénie, y trouve la mort. La guerre anglo-zouloue dure 6 mois et se termine par la victoire de l’armée britannique. Le grand royaume Zoulou est démantelé et divisé en 13 petits royaumes.

La conquête allemande de l’Afrique du Sud-Ouest (1885)
En 1842, 2 missionnaires allemands, s’ étaient établis à Winterhoek. En 1883, un commerçant allemand envoie des explorateurs dans la baie d’Angra Pequena où ils rencontrent le chef nama. Sur ordre de Joseph Frederiks II, ils leur achètent la baie pour 100 livres sterling et 200 fusils. Elle est placée sous la protection de l’Allemagne, suivie de tout le territoire entre les fleuves Kunene et Orange. En 1885, Heinrich Göring est nommé commissaire impérial du Reich au Sud-Ouest Africain où il représente l’autorité prussienne. Il signe des traités de protection avec le chef des Héréros Samuel Maharero et avec les Basters de Rehoboth.”En 1860, la ville de Keetmanshoop est fondée par des missionnaires et colons allemands.
La frontière entre l’Angola et le Sud-Ouest africain allemand (SOAA) est fixée (coupant en 2 le territoire du peuple ovambo), et celle à l’Est avec le Bechuanaland britannique En 1889, le capitaine Curt von François débarque à la tête d’un contingent de 21 soldats pour imposer l’ordre allemand; il fait bâtir un fort sur le site de Winterhoek (germanisé en Windhuk) qui devient le centre administratif de la colonie. Puis, il fonde le port de Swakopmund au bord de l’océan Atlantique. Mais il échoue à mater la révolte des Namas; il est donc remplacé et sont vaincus ( ils deviendront d’efficaces auxiliaires de l’armée coloniale). En 1902, la colonie compte 200 000 habitants dont 1 500 colons allemands.
1904 marque le début du soulèvement herero commandé par le chef Samuel Maharero et Witbooi, chef du peuple nama, se joint aux insurgés qui harcèlent les fermiers allemands et détruisent les infrastructures. Le lieutenant-général Lothar von Trotha, commandant en chef des troupes de la colonie allemande a pour mission d’en finir avec ces révoltes Il remporte une victoire décisive qui se solde par le massacre des Héréros, non seulement guerriers mais aussi femmes et enfants. Les survivants ont été parqués dans des camps de concentration ou servent de main-d’œuvre à bon marché ; beaucoup meurent de malnutrition ou de maladie. La population héréro, estimée à 80 000 âmes est réduite à 15 000 individus en 1911. 10.000 Namas ont été tués, alors que la population humaine totale de la colonie avoisine les 100 000 habitants. Ces actions révulsent l’opinion publique allemande; von Trotha est démis de son commandement. (L’Allemagne a officiellement reconnu ce génocide en 2021). Les 1° lois ségrégationnistes sont votées: interdiction des mariages entre noirs et blancs, réglementation à l’accès des écoles en fonction de la couleur de peau, mise en place d’un laissez-passer pour les noirs âgés de +8 ans, obligation d’une autorisation spéciale de l’administration pour permettre à un noir de posséder des terres, du bétail, des chevaux ou des armes.
En 1908, les 1° diamants sont découverts : le protectorat du Sud-Ouest Africain cesse d’être la plus pauvre des colonies allemandes et obtient un statut d’autonomie. Des municipalités sont constituées. Le réseau ferroviaire atteint 2 100 km à la veille de la 1° Guerre mondiale, marquant durablement l’urbanisme local. En 1914, les 13 000 colons allemands représentent 83 % de la population blanche (15 700 personnes). 1 000 fermiers possèdent 13 M d’ha.

Guerres anglo-boers (1880-1902) L’or du Transval
Les Britanniques l’annexent la république du Transvaal en 1877. Débute la guerre . À la suite de plusieurs victoires boers, avec à leur tête le président Kruger, le gouvernement britannique signe la convention de Pretoria (capitale du Transvaal), qui permet au Transvaal de recouvrer l’indépendance et de connaitre un début de développement économique Il peut compter sur le soutien au Cap, d’un puissant réseau politique, l’Afrikaner Bond, formé par l’association des vrais Afrikaners et celles des fermiers afrikaans, qui détient la majorité parlementaire.
Alors que le nationalisme afrikaner se développe, les Bantous, scolarisés et éduqués par les missionnaires du royaume zoulou, commencent à acquérir leur autonomie au sein de la société civile sud-africaine. En 1884, John Tengo Jabavu fonde l’« opinion africaine », le 1° journal bantou indépendant d’une mission religieuse, écrit par des journalistes Noirs pour un lectorat Noir xhosa.
Mais l’or du Transvaal fournit, à la fin du XIXe siècle, 1/4 de la production mondiale d’or. Au Cap, l’homme d’affaires Cecil Rhodes(1853-1902) s’emploie à saper la stabilité des républiques boers pour former un dominion sud-africain unifié. En 1889, Rhodes crée la British South Africa Company (BSAC), qui obtient du gouvernement britannique une « charte royale » pour occuper le nord du Transvaal. En 1890, alors que Rhodes est devenu 1° Ministre du Cap, la BSAC occupe 2 territoires, en amont du fleuve Zambèze, et forme la Rhodésie. À l’ouest, le Bechuanaland est sous contrôle britannique. Le Transvaal est encerclé et, mis à part l’unique débouché maritime que lui offre la colonie portugaise du Mozambique, il ne peut se développer sans concertation avec les autorités britanniques.
L’irruption d’un système industriel dans le Transvaal rural, autarcique et conservateur déplace le centre de gravité économique de l’ensemble régional sud-africain vers Johannesbourg, ville nouvelle fondée en 1886 à 50 km de Pretoria. A 100 000 hab. originaires du Cap ou d’outre-mer, les uitlanders réclamant l’égalité politique avec les Boers, s’ajoutent des milliers de nouveaux prolétaires noirs, venant du monde rural, qui constituent une catégorie urbaine de population déracinée et coupée de ses origines tribales. Afin de gérer cette classe ouvrière noire, les autorités du Transvaal combinent confinement spatial et emplois réservés. Les tensions remontent entre le Cap et le Transvaal, à propos des taxes ferroviaires et des tarifs douaniers. Cette opposition finit par se personnaliser entre le président Kruger et Cecil Rhodes,. Les géologues découvrent que le gisement d’or est énorme s’il est possible de l’exploiter en grande profondeur, ce qui génère, à Paris et Londres, une des plus grandes spéculations de l’histoire boursière.
Les territoires au nord du fleuve Limpopo étant sous domination britannique, il ne reste plus aux impérialistes qu’à contrôler les gisements aurifères.des Boers. Les uitlanders de Johannesbourg, représentant le 1/3 des 200 000 hab. blancs du Transvaal, réclament la citoyenneté, pour voter. Paul Kruger refuse obstinément. Alors un complot doublé d’une expédition punitive pour renverser le gouvernement débouche sur un fiasco, la démission de Cecil Rhodes (l’auteur) de son poste de 1° ministre. Le Ministre britannique des colonies, Chamberlain, envoie un ultimatum à Kruger, exigeant la complète égalité de droits pour les citoyens britanniques résidant au Transvaal. C’est en connaissance de cause que Kruger lance, en retour, son propre ultimatum. La guerre est déclarée en 1899.
Les Boers ne peuvent résister longtemps et les capitales des 2 républiques sont occupées dès 1900 par une armée britannique suréquipée et renforcée par les contingents envoyés d’Australie et du Canada. Mais les succès de la guérilla dans le pays, prolongent la guerre de 2 années. Désarçonné, le commandement britannique fait placer 136 000 civils boers dans des camps de concentration et 115 000 de leurs serviteurs noirs dans d’autres; cela coûte la vie à +28 000 blancs, surtout des femmes, des personnes âgées et des enfants, et 15 000 noirs et métis. Démoralisés, les combattants boers se résignent à négocier un traité de paix signé à Pretoria, en 1902. Vaincus, humiliés et ruinés, les Boers deviennent des sujets britanniques.

La 1° Guerre mondiale va mettre fin au protectorat allemand en dépit du soutien de milliers de combattants Boers. Le 1° ministre sud-africain , Louis Botha engagé au côté du RU a pour mission de combattre le Sud-Ouest Africain et le Tanganyika. Militairement, les Allemands ne disposent pas de la maîtrise des mers. Frontalière de possessions britanniques, la colonie ne peut être ravitaillée que par l’Angola, possession portugaise de Salazar, “neutre” avec qui les bonnes relations sont primordiales..Mais en octobre 1914, victimes d’une méprise, les Portugais ouvrent le feu et tuent des Allemands venus chercher des vivres en Angola. Les autorités allemandes défond les troupes portugaises. Mais leur isolement permet en1915, aux troupes sud-africaines (Brit) de remporter la victoire ( l’armée allemande qui perd 1/4 de ses effectifs et toute son artillerie. Les 1 552 soldats allemands sont internés à Aus alors que les réservistes sont autorisés à regagner leurs fermes).
Le 6 février 1917, le dernier royaume Ovambo indépendant est annexé au SOAA, juste avant la signature du traité de Versailles où la Société des Nations donne un mandat à l’Union d’Afrique du Sud pour l’administrer. Seuls 6 500 colons allemands sont autorisés à rester alors que s’intensifie l’immigration de blancs sud-africains, de conditions très modestes à qui sont attribuées des aides financières et des terres. Le nom de la capitale, Windhuk, est « afrikanerisé » en Windhoek. Des lois ségrégationnistes sont adoptées pour compléter les dispositions allemandes (prohibition du vagabondage hors des réserves, interdiction pour un indigène de démissionner de son emploi sans autorisation de son patron, passeport intérieur, contrats de travail restrictifs). Entre 1922–1925, des soulèvements indigènes ont lieu chez les Basters de Rehoboth revendiquant l’indépendance, sévèrement réprimés
En 1925, 43 % du territoire est constitué en réserves sous l’autorité de chefs coutumiers(Ovamboland, Kavangoland, Hereroland, Damaraland, Namaland, Kaokoland), 41 % des terres appartenant aux blancs et le reste à l’État ou aux Basters de Rehoboth. En 1926, tous les natifs de ASO deviennent des ressortissants de l’Union sud-africaine. C’est la 5° province de l’Afrique du Sud.
