L'extermination et les massacres ne datent pas des vengeances "aveugles" à l'opération palestinienne du 7 octobre. Ils sont des projets froidement délibérés et planifiés en attente des circonstances qui les rendront possibles. Déjà, pour Sabra et Chatila, l'empreinte US laissait ses traces et les graines des futures phases d'un génocide dans le longue durée. Déjà les arabes sionistes migraient de la phase si peu passive de leur rôle dans la migration sioniste à la phase active des planifications conjointes politiques et militaires. Puisse ce texte-mémoire ancrer dans nos consciences que le sionisme des évangélistes, des juifs sionistes ou des sionistes arabes est une affaire Anglo-Américaine et occidentale en fait et en actes, c'est à dire une affaire coloniale multinationale de l'Occident.
Puisse ce texte-mémoire que nul ne peut être le défenseur de la cause palestinienne et l'ami des anglo-US en particulier et de l'Occident global en général. Mohamed Bouhamidi. 

René Naba-5 septembre 2017

Liban: «Opération Salami», non de code des massacres des camps palestiniens de Sabra-Chatila, en 1982, planifiés bien avant l’assassinat de Bachir Gemayel.

Deux poncifs ont volé en éclat à la lecture des mémoires de l’universitaire libanais Georges Freyha, proche parent de Bachir Gemayel et l’un de ses plus proches collaborateurs durant la guerre civile libanaise (1975-1990).

1 – L’invasion israélienne du Liban n’a pas été décidée en représailles à l’assassinat de l’ambassadeur israélien à Londres, Shlomo Argov, le 3 juin 1982, comme le proclame la fable israélienne. Bachir Gemayel, le chef militaire des milices chrétiennes, en avait fait l’annonce au président libanais Elias Sarkis, six mois auparavant, en janvier 1982, soit six mois avant le déclenchement de l’opération «Paix en Galilée».

2 -Les massacres des camps palestiniens de Sabra-Chatila ne sont pas intervenus en représailles à l’assassinat du président élu Bachir Gemayel, comme le soutient la légende phalangiste. Ils avaient été planifiés auparavant et discutés lors d’un entretien Bachir Gemayel-Ariel Sharon, à Bickfaya, la résidence estivale du clan Gemayel, le 12 septembre 1982, soit trois jours avant l’assassinat du président élu.

3 – «L’Opération Salami», non du code choisi par Bachir Gemayel pour désigner l’éradication des camps palestiniens du Liban, fait référence au saucisson italien que l’on découpe habituellement en rondelles pour agrémenter les pizzas et autres mets exotiques. Outre leurs desseins, le choix de ce code révèle la grandeur d’âme des conjurés, de même que la rigueur morale des nombreux soutiens de ces deux criminels de guerre à titre posthume.

Telle est du moins la substance de l’ouvrage de Georges Freyha «Souvenirs et mémoires avec Bachir» relatant le compagnonnage de cet universitaire libanais avec Bachir Gemayel, le chef militaire des milices chrétiennes, dont il a épousé la cousine.

Une recension exhaustive de cet ouvrage a été réalisée par le politologue Assaad Abou Khalil dans le journal libanais sur ce lien pour le locuteur arabophone

Fraîchement élu, Bachir Gemayel se rend en Israël pour rencontrer le premier ministre Menahem Begin à Nahariyah (Haute Galilée).

Georges Freyha s’inscrit en faux contre la version libanaise qui présentait Bachir Gemayel, soucieux de l’Indépendance libanaise, frappant de son poing la table pour mettre un terme à un entretien houleux, avant de s’embarquer à bord d’un hélicoptère israélien pour retourner au Liban.

La version réelle des faits est toute différente et quelque peu humiliante pour l’amour propre libanais. Ivre de rage face à l’ingratitude libanaise, Menahem Begin reproche avec virulence à Bachir Gemayel le fait que «ni lui, ni son père Pierre, ni Camille Chamoun, chef d’une autre milice chrétienne, n’aient remercié publiquement Israël pour son aide».

Bachir Gemayel promet au premier ministre israélien de s’acquitter de sa dette de gratitude lors de son interview programmée à la revue américaine Time, avec à la clé «une grande manifestation anti palestinienne et de soutien à Israël».

Menahem Begin recommanda alors à Bachir Gemayel de traiter avec égard l’officier félon Saad Haddad, chef de l’armée du Sud Liban, qui faisait office de garde chiourmes dans la zone frontalière libano-israélienne. «Un honnête citoyen libanais», jugera l’ancien membre du groupe terroriste juif IRGOUN.

Georges Freyha précise qu’un second entretien a eu lieu à Bickfaya, le 12 septembre 1982, dans la foulée de celui de Nahariya, au cours duquel Ariel Sharon va s’appliquer à arrondir les angles et à rétablir un peu de chaleur dans les relations entre les milices chrétiennes et l’armée israélienne.

Révélateur de l’état de servilité du clan Gemayel à l’égard du gargantuesque général israélien, le comportement de Solange Gemayel: En parfaite maîtresse de maison, la propre épouse de Bachir Gemayel s’est mise aux fourneaux pour mijoter les plats destinés à satisfaire la voracité du Général Sharon: le fameux mezzé libanais, en sus de plusieurs plats du terroir: Mouton farçi, Kibbé grillé, Kibbé au plat, et kneffé, la célèbre pâtisserie libanaise.

Un spectacle ahurissant: L’épouse du président libanais faisant la cuisine à l’envahisseur de son pays, une séquence comparable dans son abjection aux collaborateurs français du nazisme, indice indiscutable d’une déliquescence morale, d’une défragmentation mentale et d’une dégénérescence civique.

L’appétit d’Ariel Sharon était légendaire. Dans le film «Valse avec Bachir» qui retrace cette séquence, le réalisateur israélien, ARI FOLMAN, montre Ariel Sharon, imperturbable, ingurgitant 12 œufs au plat le jour du massacre des palestiniens à Sabra-Chatila.

Lors de ce ce copieux repas, Sharon rappelle à Bachir Gemayel le fait qu’il a été le parrain de sa candidature à la présidence libanaise, «un objectif que même les Américains ne pensaient pouvoir atteindre».

Mais le plus dangereux élément de cette conversation intervient lorsqu’Ariel Sharon évoque les grandes lignes du projet visant à éradiquer les camps palestiniens de Sabra-Chatila. Autrement dit, ces massacres ont été prémédités avant que l’assassinat de Bachir Gemayel ne serve de prétexte à l’exécution de ce plan.

Le plan était prêt. Sharon en discute en détail avec Bachir Gemayel.

-Sharon: Voulez vous que nos troupes opèrent librement à Beyrouth Ouest (secteur à l’époque tenu par les forces palestino-progressistes)? A titre personnel, je souhaite que l’armée israélienne demeure hors de Beyrouth. Nous serons respectueux de la légalité dans notre comportement avec vos forces concernant le meurtre des Palestiniens et autres. Voulez vous que nous participions à cette action? Si vous dites non, nous respecterons votre décision. Nous sommes soucieux de ne pas vous embarrasser.

Bachir Gemayel: N’entrez pas à Beyrouth. Restez là où vous êtes. Votre présence constitue un levier de pression. Elle faciliterait le déploiement de l’armée libanaise dans d’autres zones libanaises. Elle va nettoyer ces zones et restaurer l’ordre et la tranquillité, en douceur.

-Sharon: Si votre armée se rend à Sabra-Chatila…..

Bachir Gemayel: Je pense que notre armée est capable de faire le travail toute seule.

Sharon: L’armée israélienne suivra t-elle vos forces à la Cité sportive et dans les camps de Sabra-Chatila?

Bachir Gemayel: Oui. Et si vous devez suivre cette opération, il vous suffira de dire que c’est l’armée libanaise qui a pris l’initiative de cette opération; que l’armée israélienne s’est bornée à faire mouvement dans cette direction pour s’assurer que tout se passait d’une manière conforme. Personne ne doit penser que vous coordonnez vos actions avec l’armée libanaise.

La coordination entre Israël et le Liban doit se faire par l’entremise de Horse, aka Fadi Frem, un responsable des milices chrétiennes, de Michel Aoun, à l’époque général commandant militaire de la place de Beyrouth, et Amir Drouri, coordinateur des activités israéliennes au Liban. Nous entreprenons une «opération salami», a lancé Bachir maîtrisant difficilement sa joie en e référant au saucisson italien que l’on découpe habituellement en rondelles pour agrémenter les pizzas.

Sharon: Il n’est pas approprié de se livrer, en l’état, à une démonstration de forces à Beyrouth Ouest.

Bachir Gemayel: La zone n’est pas sûre. Vos soldats risquent d’être soit tués soit enlevés. La coordination se fera via Elie Hobeika, [adjoint de Bachir Gemayel et Johnny Abdo, chef des services de renseignements de l’armée libanaises et des milices chrétiennes, lesquelles établiront une coordination avec leurs interlocuteurs israéliens.]

Ariel Sharon était obsédé par Chafic Al Hout, chef du bureau de la représentation de l’OLP à Beyrouth. Cette obsession à l’égard d’un essayiste politique, un civil sans aucune qualité politique, trahissait mal le souci du général israélien d’éradiquer toute présence palestinienne au Liban.

Sharon: Si des informations nous parviennent sur des agissements d’un des centres palestiniens, celui de Chafic Al Hout par exemple ??

Bachir Gemayel: Faites ce que bon vous semble. Je profite de cette occasion pour vous informer que ni Chafic Al Wazzan, député sunnite de Beyrouth, ni Walid Joumblatt, chef druze du Parti Socialiste Progressiste, ni Ibrahim Koleilat, chef des Mourabitoun, (milices sunnites de Beyrouth alliées des Palestiniens), ni non plus Yasser Arafat, chef de l’OLP, ne feront partie de mon prochain gouvernement.

Concluant l’entretien, Bachir Gemayel s’adresse en ces termes à Ariel Sharon: «Pour être clair, je ne vais pas proclamer ma détermination à demeurer au sein du Monde arabe. Les intérêts arabes au Liban m’importent peu. Mais je dois accorder de l’importance à des considérations vitales. Soixante pour cent (60%) des revenus des Libanais, notamment de la majorité des chrétiens, proviennent des pays arabes. Nous n’avons pas de problème, au niveau politique, de rompre les relations du Liban avec les pays arabes.

Ariel Sharon et Bachir Gemayel conviennent alors de la signature d’un traité de paix entre le Liban et Israël. Menahem Begin adresse alors un message de félicitations à Bachir Gemayel pour l’heureux dénouement de ce dialogue.

Georges Freyha soutiendra que les Musulmans libanais étaient favorables à un traité de paix avec Israël, car ils avaient «ras le bol» de la situation et que deux dirigeants sunnites, Abdel Hamid Al Ahdab, petit fils du premier ministre du mandat français au Liban, pour le Nord-Liban, et Saeb Salam, le dirigeant sunnite pro saoudien de Beyrouth, nourrissaient de vies sympathies pour Bachir Gemayel.

Autre poncif qui a volé en éclat à la lecture de ses mémoires, l’invasion israélienne du Liban, décidée selon la version de l’époque en représailles à l’assassinat de l’ambassadeur israélien à Londres, Shlomo Argov, le 3 juin 1982.

Georges Freyha s’inscrit en faux aussi contre la légende selon laquelle les Phalangistes et leurs alliés des autres milices chrétiennes ont été contraints de s’allier à Israël par manque de moyens militaires.

http://www.cornellpress.cornell.edu/book/?GCOI=80140100599430

L’annonce de l’invasion israélienne du Liban six mois avant l’«opération Paix en Galilée». L’auteur évacue prestement cette séquence, qui n’en est pas moins révélatrice de la collusion entre les milices chrétiennes et les Israéliens et l’implication directe de l’État Hébreu dans la guerre civile libanaise.

«Le 13 Janvier 1982, Bachir Gemayel se rend au palais présidentiel de Baabda pour informer le Président Elias Sarkis, le ministre des Affaires étrangères Fouad Boutros, et le chef des services de renseignement de l’armée libanaise, le colonel Johnny Abdo de la décision d’Israël d’envahir le Liban.

L’annonce a été accueillie avec une satisfaction non dissimulée. «Notre salut pointe enfin», se sont exclamés des participants à la réunion, alors que des applaudissements fusaient dans la salle.

«A l’annonce de l’invasion israélienne, le président Elias Sarkis, le visage illuminé par un large sourire, se tourne vers le Colonel Johnny Abdo pour lui demander de coordonner ses efforts avec Bachir Gemayel.

Applaudir l’invasion de son pays par son pire ennemi… Ce fait révèle le niveau de veulerie des dirigeants libanais, leur degré de désorientation mentale, leur absence de patriotisme, la gangrène qui sévit aux principales articulations de l’État.

Georges Freyha confirme à cette occasion la duplicité de Johnny Abdo, officier supérieur de l’armée libanaise et responsable en même temps des services de renseignements des milices chrétiennes, dont le travail de sape permanent à miner les structures du pouvoir central libanais.

Il précise à cet effet que «Johnny Abdo était en 1976 chef du 2me bureau des Forces Libanaises», groupement des milices chrétiennes et que cet officier avait rencontré à plusieurs reprises le général Ariel Sharon, ministre de la défense de l’État Hébreu et artisan de l’invasion israélienne du Liban.

«Johnny Abdo avait fait de son appartement, un appartement d’hôte pour Ariel Sharon», écrit-il, malgré les multiples dénégations de l’officier libanais sur ce point.

La profession de foi de Bachir Gemayel, Le Liban ne fait pas partie du Monde arabe et le tiers Monde est un monde arriéré.

A son élection, Bachir Gemayel convoque le directeur général du Ministère des Affaires étrangères et lui tient le propos suivant:

«L’immigration libanaise doit porter sa forte empreinte chrétienne. Je déploierai tous les moyens pour faire revenir les Chrétiens au Liban. Le Liban ne fait partie du Monde arabe. Le Liban est une civilisation et n’a aucun apport avec le tiers monde. Veuillez bien marquer dans vos démarches que nous n’appartenons pas au Tiers monde. Sortons de ce monde d’arriérés. Rallions le monde européen et le Monde libre de l’Amérique.

Caspar Weinberger, secrétaire à la Défense de Ronald Reagan, émet alors l’hypothèse d’inclure le Liban au sein d’une alliance stratégique.

«Je suis d’accord avec cela. Tirez nous vers l’Amérique. Offrez leur nos ports, nos aéroports. Ma relation est avec elle et l’Europe».

Lors d’une prise de contact avec le commandant en chef de l’armée libanaise, le général Victor Khoury paraît soucieux de donner des gages de loyauté confessionnelle au nouveau président:

«Les gradés musulmans sont désormais plus nombreux au sein de l’armée libanaise. Quand j’ai pris mon commandement, il étaient au nombre de 17.000, pour atteindre le chiffre de 24.000. J’ai alors décidé de licencier 4.000 d’entre eux»,

se vantera le Général Khoury, qui avait combattu les milices chrétiennes durant la guerre civile dans le secteur de Chekka, Nord du Liban. De l’opportunisme de grand art.

Puis, se livrant à une surenchère inattendue, le général Victor Khoury propose alors à Bachir Gemayel de «déclarer la guerre à la Syrie. Notre sœur la Syrie», a-t-il souligné

Épilogue

Président éphémère du Liban, Bachir Gemayel a été assassiné à la veille de sa sa prise de fonction, par Habib Chartouni. Si le meurtrier de Bachir survit dans la clandestinité la plus totale, sa famille a été décimée par les vendettas anonymes des sympathisants du «Bach».

L’élimination de Bachir Gemayel a réduit à néant l’édification d’un réduit chrétien fasciste sous la houlette des phalangistes, avec son prolongement stratégique, l’Alliance du «Réduit chrétien» adossé au «Réduit juif» au cœur du Monde arabe.

L’armée israélienne a opéré un retrait sans gloire du Liban, qui exercera depuis lors une fonction traumatique à l’endroit des Israéliens, en 2000, puis en 2006, jusqu’à nos jours.

Éclaboussé par le scandale du massacre des camps palestiniens de Sabra Chatila, Ariel Sharon devra abandonner la scène politique pendant une décennie, avant de revenir et de sombrer dans le coma, terminant sa vie politique et biologique en «légume».

Le traité de paix libano-israélien a été signé le 17 avril 1983, sous l’égide du frère aîné et successeur de Bachir, le président Amine Gemayel, mais n’a jamais été ratifié, mort-né sous les coups de boutoir des forces progressistes libanaises, décidées à sabrer de leur calendrier politique ce «jour d’infamie».

Illustration : victimes des massacres

Source : https://www.madaniya.info/2017/09/05/sabra-chatila-operation-salami-1-2/

René Naba – 10 septembre 2017

La devise phalangiste «Dieu, Patrie, Famille», doit se lire ainsi «Dieu et la Patrie au service de la famille Gemayel. Le livre a d’ailleurs fait l’objet d’une véritable censure de la famille Gemayel par ce qu’il révèle un secret, longtemps tu, concernant la vive rivalité qui a opposé au sein de la famille Gemayel Pierre Gemayel, le fondateur du parti, et Maurice, son beau frère. Pierre a épousé la sœur de Maurice. Ce profond désaccord entre les deux a conduit Maurice à démissionner du parti en 1970».

Le plan de partition du Liban prévoyait sa mise en œuvre en deux temps:

De 1975 à 1977, c’est à dire du début des hostilités à l’arrivée du Likoud au pouvoir en Israël, en 1977, l’objectif phalangiste était de constituer un état libanais allant du port de Jounieh, ville côtière située à 20 km au Nord de Beyrouth, au pied de la région montagneuse du Kesrouane au pont d’Al Madfoun, qui relie le Nord du Liban au reste du pays. En somme, un réduit chrétien adossé à Israël.

Dans cette perspective, Bachir a voulu écarter Georges de la direction du port de Jounieh pour s’épargner les affres de la présence d’un témoin gênant, lui préférant un autre membre du groupe consultatif.

L’arrivée d’Ariel Sharon au pouvoir au poste de ministre de la défense, en 1977, puis de Ronald Reagan, aux États Unis, en 1980, va changer la donne. Les livraisons d’armes tant de la part des Israéliens et que des Américains va amplifier le projet initial et assigner pour mission à Bachir Gemayel de s’emparer de la totalité du Liban. Cette séquence est connue sous le mot d’ordre phalangiste de «Le Liban des 10.452 km2».

Partisan résolu d’une alliance étroite avec Israël, ce groupe était hostile à la candidature de Bachir Gémayel à la Présidence de la République libanaise, en 1982, «en raison de son jeune âge, d’une part, et de l’hostilité de la population musulmane libanaise à son égard, d’autre part». Georges Freyha impute les malheurs du Liban à sa «renonciation à son alliance avec Israël».

Préfigurant la partition du Liban, Georges Freyha, à l’instigation de la direction phalangiste, a mis en route un plan de démembrement de l’Université libanaise.

Invoquant l’exemple de l’Université de Californie (UCLA), qui dispose de plusieurs établissements dans les principales villes de la côte Ouest des États Unis (San Francisco, Los Angeles etc), il a ainsi favorisé l’implantation de l’Université américaine de Beyrouth dans la zone chrétienne du Liban, sans habilitation préalable du pouvoir central.

Le projet phalangiste ne visait pas une spécialisation des établissements, (Faculté d’agriculture dans la plaine de la Bekaa, faculté d’électronique dans la périphérie industrielle du nord de Beyrouth), mais, à proprement parle, un démembrement selon des critères purement confessionnels: Des universités chrétiennes sous contrôle maronite dans les zones chrétiennes, des universités musulmanes dans les zones musulmanes, des universités druzes dans les zones druzes etc..

La dissolution du Conseil étudiant de l’AUB (American University Of Beyrouth), en 1971 a résulté d’une pression directe de Bachir Gemayel auprès de l’administration de l’établissement en raison du fait que cette instance représentative de la totalité des étudiants auprès de la hiérarchie de l’Université était composée majoritairement de représentants des mouvements nationalistes libanais et de la Résistance palestinienne.

Bachir Gemayel a envoyé des «fiers à bras» au sein du campus pour susciter des bagarres, offrant ainsi un prétexte à la hiérarchie universitaire de dissoudre le Conseil étudiant (student council) et d’organiser de nouvelles élections, truquées celles-là, pour favoriser l’élection de représentants proches de la «Ligue Libanaise», groupement de partis isolationnistes de l’extrême droite libanaise.

Dans un premier temps, la hiérarchie de l’Université a refusé d’obtempérer aux desiderata de Bachir Gemayel, d’ouvrir une branche de l’établissement à Achrafieh, situé dans le secteur EST chrétien de Beyrouth. Pour la faire fléchir, Bachir Gemayel a bombardé le campus de l’Université situé dans le secteur Ouest de Beyrouth, contrôlé par les forces palestino progressistes.

Comme la hiérarchie universitaire persistait dans son refus, Bachir Gemayel a menacé d’amplifier les bombardements. Ce qui sera fait en représailles à l’échec des pourparlers de la dernière chance menée conjointement auprès des autorités universitaires, par Bachir Gemayel et Dany Chamoun, chef de la milice des Tigres et son partenaire au sein du «Front Libanais». Le propre fils du vice président de l’Université, Georges Hakim sera blessé au cours de ce 2me bombardement, conduisant l’AUB à souscrire aux demandes de Bachir Gemayel.

Le schéma a été identique pour l’Université Libanaise pour l’implantation de succursales locales dans les zones sous contrôles des milices encadrées par les Israéliens.

Convoqué par Bachir Gemayel, le Recteur de l’Université Libanaise, Boutros Dib, n’a opposé la moindre résistance. Sans la moindre discussion préalable, il a demandé à signer le projet préparé par avance par les Phalangistes: «Je suis un homme malade. Je ne peux supporter, médicalement parlant, le fait d’être transporté à bord d’un coffre d’une voiture ou subir un supplice équivalent. Proposez moi ce que vous envisagez de réaliser et je vais signer sur le champ en ce qui concerne la création d’une section de l’Université libanaise à Achrafieh», a déclaré, résigné, le recteur libanais.

De tels comportements de Bachir Gemayel, de même que ses crimes de guerre ont été gommés des archives du «Mouvement du 14 Mars», le succédané post guerre des Forces Libanaises, le groupement des milices chrétiennes.

Un tel comportement criminel de Bachir Gemayel donne à penser que l’assassinat du Recteur de l’Université Américaine, Malcolm Kerr, en 1984, a pu être le fait des Forces Libanaises, en ce que le responsable de l’établissement était soucieux de fermer la branche d’Achrafieh de l’Université Américaine.

Universitaire lui même, Georges Freyha soutient que Bachir Gemayel avait transformé la section Achrafieh de l’Université Américaine en Lupanar en vue d’y soutirer un supplément de revenus.

Joseph Abou Assi, le propre garde de corps de Pierre Gemayel, le chef du Parti Phalangiste figurait parmi les fauteurs de troubles ayant débouché sur la dissolution du «Conseil Étudiant» de l’Université Américaine. Son forfait accompli, Joseph Abou Assi a été tué, selon toute vraisemblance par les services de renseignements jordaniens et sa mort constituera l’étincelle qui a déclenché la guerre civile libanaise , en avril 1975, à Ein Remmaneh, banlieue chrétienne de Beyrouth.

A sa réception d’une lettre du Président Ronald Reagan, Bachir Gemayel saute de joie et convoque aussitôt son équipe de conseillers en charge des relations avec les États Unis.

Au terme de plusieurs heures de discussions consacrées à la portée de ce courrier, l’équipe de conseillers, dirigée par Charles Malek, ancien ministre des Affaires étrangères lors du débarquement américain au Liban au terme de la première guerre civile en 1958, s’apprête à rédiger un projet de réponse. Mais quelle ne fut la stupéfaction des participants lorsqu’ils se rendirent compte qu’il n’était pas capable de rédiger une lettre en anglais.

Le chef d’équipe Charles Malek, qui fut pourtant Président de l’Université américaine de Beyrouth, proposa alors de recourir aux services de son «speach writer» habituel, Cecil Hourani, un universitaire anglais d’origine libanaise et frère d’Albert Hourani, le célèbre historien orientaliste anglophone, enseignant à St Anthony’s College, puis à l’Université américaine de Beyrouth et à l’Université de Chicago enfin à Oxford, par ailleurs auteur d’un remarquable ouvrage sur «l’Histoire des Peuples Arabes».

Économiste, Cecil Hourani a été le conseiller économique de Habib Bourguiba à l’époque où le président tunisien préconisait la «politique des étapes» dans la recherche d’un règlement au conflit israélo-arabe. Mais contrairement à son frère, Cecil Hourani témoignait une vive admiration pour le commandant Saad Haddad, l’officier dissident libanais fondateur de l’Armée du Sud Liban (ASL), qui faisait office de garde chiourmes des Israéliens dans la zone frontalière libano israélienne, lors de la guerre civile libanaise.

Bachir Gemayel, lui, nourrissait une vive admiration pour ce grand gourou du trône hachémite au point d’avoir ordonné à Georges Freyha de l’incarcérer pour le garder captif auprès de lui. Il finira par confier à Cecil Hourani, consentant, la gestion du dossier Égypte-Israël-Irak au sein de son groupe de conseillers.

Cecil Hourani a rédigé en 1984 un ouvrage intitulé «Le voyage inachevé» dans lequel ce philo sioniste va jusqu’à nier les visées territoriales d’Israël sur le Liban, témoigne de sa compréhension à l’égard de l’enrôlement de Juifs dans le groupe terroriste Stern, mais stigmatise le recours aux armes des Palestiniens pour faire valoir leurs revendications légitimes nationales.

Pour le malheur des Arabes, c’est ce philo sioniste convaincu d’origine arabe qui avait été désigné par les États arabes pour diriger le bureau d’information arabe chargé de défendre la cause palestinienne à New York, la grande métropole américaine, qui abrite la plus forte communauté juive du monde, dans la décennie 1940, en pleine phase de colonisation juive de la Palestine.

Source : https://www.madaniya.info/2017/09/10/sabra-chatila-operation-salami-2-2/

Journaliste-écrivain, ancien responsable du Monde arabo musulman au service diplomatique de l’AFP, puis conseiller du directeur général de RMC Moyen-Orient, responsable de l’information, membre du groupe consultatif de l’Institut Scandinave des Droits de l’Homme et de l’Association d’amitié euro-arabe. Auteur de « L’Arabie saoudite, un royaume des ténèbres » (Golias), « Du Bougnoule au sauvageon, voyage dans l’imaginaire français » (Harmattan), « Hariri, de père en fils, hommes d’affaires, premiers ministres (Harmattan), « Les révolutions arabes et la malédiction de Camp David » (Bachari), « Média et Démocratie, la captation de l’imaginaire un enjeu du XXIme siècle (Golias). Depuis 2013, il est membre du groupe consultatif de l’Institut Scandinave des Droits de l’Homme (SIHR), dont le siège est à Genève et de l’Association d’amitié euro-arabe. Depuis 2014, il est consultant à l’Institut International pour la Paix, la Justice et les Droits de l’Homme (IIPJDH) dont le siège est à Genève. Editorialiste Radio Galère 88.4 FM Marseille Emissions Harragas, tous les jeudis 16-16H30, émission briseuse de tabous. Depuis le 1er septembre 2014, il est Directeur du site Madaniya.