Avant-propos

Mehdi Bouassa, universitaire et chercheur de l’université de Fès au  Maroc, a réalisé un travail analytique des webinaires du Pr. Omar Aktouf. Il ne s’agit donc pas d’une transcription. Il a extrait du discours du Pr. Omar Aktouf sur l’économie politique, les moments les plus « parlants ». Ces moments sont plus éloquents que d’autres car, au hasard de leurs « surgissements » lors de ses plus grands efforts pédagogiques ou au bonheur de ses digressions, ils nous restituent les chemins qu’il s’est frayés pour arriver à cet objet de la connaissance théorique : l’Économie Politique. Les jalons de ces chemins sont aussi multiples que les chemins de la vie, pas la vie en général, mais la sienne. Ils sont ces jalons, des lectures bien sûr;  beaucoup, beaucoup, beaucoup de lectures attentionnées, notées et annotées, retenues par cœur. Ils sont aussi les concepts clés sur lesquels il s’appuie pour avancer dans le processus mental (et verbal, puisqu’il nous parle) de distinction de l’objet de l’économie politique au cœur du brouillard et des gangues dans lesquels l’a précipité la « science économique ». Mais, et tout aussi essentiel, les jalons peuvent être des émotions, des étonnements, des curiosités soudaines ou simplement des noms et des lieux. Le berger Omar Aktouf n’a jamais quitté le Pr. Omar Aktouf, veillant à identifier la chaîne des signifiants des mots, des phrases, des concepts rencontrés en chemins, ceux tracés par d’autres et ceux qu’il ouvre dans les friches entre ce qu’on appelle les disciplines à l’Université. Bref, il les examine dans et à travers leurs écosystèmes, leur conditions de naissance et de variations ou transformations Personne ne sait mieux que les bergers, héritiers des savoirs des chasseurs, ce qu’est un écosystème et les multitudes de connexions, parfois visibles, le plus souvent perçues intuitivement, qui interagissent dans le processus de la vie. Tout ce que dit ou écrit Omar Aktouf relève d’un examen de l’écosystème des idées et reflète ce rejet des frontières entre auteurs, entre disciplines, entre théorie et pratique etc. Son activité de berger s’apparentait encore dans le sud marocain à ce que nous pourrions appeler un travail d’artisan qui demandait un long apprentissage, sur l’environnement naturel rugueux dans lequel l’inattention se payait en pertes douloureuses. Le « comment faire » avec le bétail s’apprenait dans un  processus qui mobilisait la totalité de l’attention et des affects de l’homme car aucun savoir partiel ne pouvait former l’homme au caractère multidimensionnel de cette activité.
Et vous savez quoi sur la première question d’un artisan devant un produit ?
C’est « comment il a été fait?, quels outils, quelles matières, quelles techniques?
Cela vous marque pour la vie et Omar Aktouf dans ses cours même s’interroge sur comment telle théorie s’est construite ? Dans mon adolescence dans un milieu encore emprunt de la culture de l’artisanat et des corporations, nos mères nous recommandaient de « capter », le savoir des « sachants », de ceux qui savaient, des « mââlims » (ceux qui ont été correctement et pleinement formés)   au sens presque de « voler » son savoir, de le capter non pas à leur insu mais d’aller au delà de ce qu’ils disaient ou pouvaient dire à atteindre à leur style, leurs marques personnelles qui marquaient de leur personnalité l’excellence de leur « chefs d’oeuvres ».
L’immersion dans l’écosystème de l’élevage artisanal qui permettaient le partage de la connaissance par une praxis ne permettaient pas seulement de comprendre que le choix de leurs lieux de sommeil qu’évoque Omar Aktouf, le relie nécessairement par le besoin de l’échange, voire d’une forme de troc, à un écosystème encore plus large, celui du souk de cette époque précapitaliste dans cette région précise. La fréquentation du souk au sens large, c’est à dire les lois de l’échange, lui révèle des lois non écrites du commerce dans ces sociétés. Engels parle de constitutions non-écrites des tribus à l’époque de le gens et Omar découvre ces lois que la valeur de la marchandise varie selon le statut social de l’acheteur. L’acheteur aisé ne marchande pas le prix car cela ne sied pas à son statut social et il posera invariablement la question « combien faut-il ? » qui communique au marchand qu’il n’a pas de souci du prix mais juste de la qualité du bien acquis. Pour d’autres moins fortunés le marchandage est une des modalités de l’existence du lien social : l’acheteur vient acquérir un bien nécessaire en rapport avec ses possibilités et non une marchandise. La culture de ce lien social est aussi vital pour le marchand que pour le client car il renforce le lien social qui garantit la survie de l’un et les gains de l’autre. De ce fait entre son père et le marchand s’établit non l’achat d’une marchandise mais de l’acquisition d’un bien et d’un bien socialement nécessaire que à la perpétuation du groupe, dans une culture de l’intérêt partagé, loi historique de la primauté du bien de la société sur celui des individus fussent-ils élevés au rang de Sachems. 
Dans ces commerces, le négoce d’où nous vient la négociation etc. c’est autre chose, ce n’est donc pas la valeur qui est prévalente mais l’usage, bien plus conforme au troc des origines.
Ce clivage entre bien et marchandise, entre usage et consommation qui infirment la primauté de l’échange et donc de la centralité de la valeur et son incarnation fétichiste la monnaie et son accumulation en dehors de toute utilité sociale sous-tend toutes les observations et développements théoriques de Omar Aktouf.
Il serait essentiellement périlleux dans ce long parcours d’homme de faire croire à Omar Aktouf une nature anhistorique, éternelle et immuable de l’homme tournée vers la recherche du profit individuel. Il s’est attaché pour le plus grand bien des révolutionnaires ou des révoltés de cet ordre social d’élargir leurs connaissances, pour mieux le combattre, sur le néolibéralisme, forme ultime de réanimation du capitalisme arrivé à son stade suprême, l’Impérialisme.    
Pourtant et curieusement, rien n’est plus transparent et visible que la « science économique » telle qu’elle a été « recueillie » et « formalisée » dans un incessant remaniement des textes des pères fondateurs a plus l’objectif d’améliorer une praxis que de connaitre un objet de pensée. Ce qui, justement, distingue la science de l’idéologie. L’idéologie a un objectif jamais un objet à penser,  un objectif social, essentiellement à offrir, sans frais, les compensations aptes à faire accepter aux « damnés de la terre » leur condition misérable car déterminée par des forces incoercibles ou par leurs « inaptitudes ».
Mehdi Bouassa, sur cette longue série de webinaires a fourni un remarquable et extraordinaire effort. Non seulement il nous rend dans leur singularité chacune des idées de Omar Aktouf mais aussi nous révèle, chemins faisant, des repères et stations importantes de ces chemins, que sont certains auteurs; certains faits, certains souvenirs sous la forme de « thèses » que chacun pourra approfondir.
C’est un splendide canevas, très opérationnel, pour mieux organiser le travail individuel de révision des webinaires de Omar Aktouf ou pour approfondir la réflexion et la connaissance.
C’est un magnifique travail qui permettra à des chercheurs d’aller plus avant, à des étudiants de se situer cet écosystème idéologique du capitalisme dans lequel s’affrontent les récits et les perceptions.
Il permettra aux « non-indifférents » dont parle Gramsci de mieux intervenir dans les débats publics ou dans leurs cercles d’amis.
Les jeunes du monde entier, entrés dans la révolte et le rejet de l’ordre du capitalisme ultra-financiarisé qui a ajouté l’absurde et l’obscurantisme à son injustice, pourront organiser leurs débats dans leurs environnements universitaires ou mieux industriels et trouver les matériaux inestimables pour leur travail en direction des masses de travailleurs, de jeunes, des femmes dans les champs ou dans les usines.
A plusieurs reprises les auditeurs ont demandé au Pr. Omar Aktouf les bibliographies qui furent essentielles à son travail. Au fil de ces transcriptions, ils peuvent en découvrir l’ampleur et faire leurs propres choix de lectures.
Rien ne sera plus conforme à la nécessité énoncé par Karl Marx:  « Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de différentes manières, ce qui importe c’est de le transformer  » (Thèses sur Feuerbach 1845)
Merci infiniment à Omar Aktouf et à Mehdi Bouassa.
Mohamed Bouhamidi
- Michel Albert : livre : “Capitalisme contre Capitalisme”.
- Michel Villet : livre : “L’Homme qui Croyait au Management”.
- Hervé Sérieyx : livre : “L’Entreprise du 3e Type” (la pensée américaine et la réalité de ce qui se passe dans les entreprises).
- La méthode pédagogique : la narration commentée, donc je narre, je raconte et j’expose, je contextualise, je parle des gens dont je parle, ce qu’ils sont et d’où ils viennent, etc., et aussi je commente ce dont je parle pour mieux l’entourer de sens historique, de sens linguistique, de sens sociologique, etc. Il a eu l’idée de faire la différence entre le complexe et le compliqué. Tout ce qui est aux business schools et aux polytechniques, etc., est traité sur le mode plutôt du compliqué. Un Boeing, c’est compliqué, mais il dit : “Je peux très bien démonter un Boeing pièce par pièce avec un esprit analytique et l’esprit analytique s’oppose à l’esprit synthétique. Or, tout dans ce monde est dialectique et synthétique, il n’y a rien de strictement analytique, coupé comme ça en tranches isolables. S’ajoute à l’esprit analytique cette idée de choses qui peuvent se traiter sans croisement de connaissances préalables donc quelque chose qui peut se traiter uniquement avec le langage de la physique. Or, non, quelque chose qui est physique, elle est aussi traitable avec un tas d’autres sciences comme la biophysique, la chimie, etc. Dans l’idée du simplisme, on essaye de réduire le complexe au compliqué. Par contre, ce que je ne peux ni comprendre ni démonter analytiquement ni refaire, c’est un plat de spaghetti. Ça relève du complexe.”
- René Thom : mathématicien français, mathématiques des catastrophes, les points de rupture.
- Léon Tolstoï : livre : “Anna Karénine”. Il a écrit : “Les privilèges indus des classes dirigeantes ne sont pas mauvais uniquement parce qu’ils sont immoraux, mais parce qu’ils sont irrationnels.” Ça veut dire qu’on a traficoté quelque chose dans la raison humaine.
- Enchevêtrement des connaissances multidirectionnelles polysémiques.
- La recherche opérationnelle : qui est devenue l’une des grandes branches des écoles de gestion avec notamment l’usage des statistiques probabilistes et des équations de Maxwell et des équations de la cinétique des gaz et des électrons. Cette recherche opérationnelle a un credo ou une pratique ou procédure inscrite dans le déroulement de la recherche opérationnelle, c’est ce qu’on appelle relaxer les problèmes. Alors, qu’est-ce que c’est que relaxer un problème ? C’est avoir devant soi un problème extrêmement complexe, par exemple une équipe de gestion dans un projet quelconque qui fait grève, qui en a marre, il y a X centaines de revendications, personne ne s’entend sur exactement quel est le problème ? Où est le problème ? Qui a fait quoi ? Qui a dit quoi ? Chacun dit le contraire de l’autre, le chef dit encore plus le contraire, le sous-chef dit le contraire du chef, etc., une complexité à mourir. Eh bien, relaxer le problème, c’est ramener le problème complexe auquel je ne comprends rien ou presque à quelque chose de plus simple que je connais. Alors, je ramène tout ce problème à un problème de motivation et j’analyse tout ce qui se passe dans cette équipe avec la grille de motivation. Et qu’est-ce que c’est la grille de motivation ? C’est : est-ce que la personne est satisfaite de son lieu de travail ? Est-ce que la personne est satisfaite de son salaire ? Est-ce que la personne est satisfaite de sa relation avec sa hiérarchie ? Et puis, nous allons construire un questionnaire avec toutes ces questions-là et nous allons aller résoudre le problème. Alors là, c’est du placage, la grille avec laquelle vous analysez une situation. La situation vous répond dans le cadre de la grille dans laquelle vous l’interrogez. Vous interrogez une situation avec une grille motivationnelle. Elle va vous répondre en langage motivationnel et vous serez très content en vous disant : “Eh bien voilà, j’ai la réponse à mon problème”. Mais vous n’avez pas de réponse à votre problème, vous avez la réalité qui vous répond en faisant écho à votre langage avec lequel vous l’interrogez.
Gaston Bachelard disait : “La nature ne répond jamais qu’avec la langue dans laquelle on l’investigue”. Si vous investiguez la nature avec la langue chimique, elle vous répondra en chimie. Si vous l’investiguez en langue physique, elle vous répondra en physique. Si vous l’investiguez en langue agronomique, elle vous répondra en agronomie. Alors c’est moi qui ai mis les mots dans ce que ces gens ont comme problème complexe où la nature doit me répondre et c’est ce qui s’appelle de la tautologie qui est le fait de trouver la même chose en refaisant les mêmes choses. C’est tautologique, on désigne les mêmes choses avec les mêmes mots et on tourne en rond comme un chien qui se mord la queue.
- Bretton Woods : où se sont déroulées les négociations de la fin de la deuxième guerre mondiale. Alors quel monde allons-nous organiser après cette guerre 1945-1946 ?
Et là, il y avait la délégation anglaise dirigée par Maynard Keynes et la délégation américaine dirigée par le général Marshall, le père du fameux plan qui porte son nom, et aussi Harry Dexter White qui a eu un rôle important dans la création du FMI et de la Banque mondiale. Et il y avait 42 autres délégations des pays dits alliés comme la France, l’Italie, l’Espagne, la Suède, l’Irlande, etc. Mais il n’y avait que trois pays qui avaient droit au chapitre. La voix la plus forte était américaine, la deuxième anglaise et la troisième française. Les autres voix n’avaient évidemment pratiquement pas droit au chapitre, seulement témoins et assistaient comme public. La principale bataille se passait entre la délégation anglaise et américaine.
- Maynard Keynes a écrit la théorie générale de la monnaie. La théorie de l’État, notamment l’État providence.
- La logistique et la communication sont les deux piliers énormes et complexes. En gestion de projet, un problème qui mêle la communication et la logistique, donc il y a eu une mauvaise communication pour que tel produit ou telle pièce arrive à temps à telle équipe pour compléter à temps les délais partiels du projet ou une partie du PERT( technique d'évaluation et d'examen de programmes/Program Evaluation Review Technique) du projet, la date au plus tôt et la date au plus tard, etc... Eh bien, on ramène ça à des méthodes d’analyse comme le max minime minimax ou le lissage exponentiel qui est le calcul des moyennes et faire le lissage par des logiciels qui vous disent quelle est la moyenne la plus probablement rentable sur le temps qu’il faut adopter. Par exemple, dans les écoles de gestion, on fait des simulations faites de toutes pièces d’abord par des informaticiens et des mathématiciens qui ne connaissent rien à la stratégie, ni à la planification, ni à la production, etc... Et donc ils prennent ce que vous leur donnez, vous qui êtes professeur de stratégie ou d’économie, etc... Ce que vous leur confiez comme données sur un projet, par exemple de développement multinationales d’exploitation de mines de charbon ou gisement de pétrole dans tel pays. Alors on vous rentre dans l’ordinateur un logiciel où il y a tous les pays que vous avez cités avec les chiffres que vous avez donnés, donc les capacités réelles des gisements et leur capacité potentielle avec les composantes géographiques, le passage des oléoducs, des gazoducs, les distances, les bateaux, les raffineries, le nombre de personnels qu’il faut, les techniciens, les ingénieurs, leur coût relatif, etc... Vous avez tout ça et donc vous rentrez tout ça dans le logiciel et le logiciel, qu’est-ce qu’il fait ? Il fonctionne comme l’a dit le grand Samir Amin, uniquement sur ce que fait un ordinateur ou un logiciel, c’est-à-dire essentiellement des règles de trois compliquées. Et la règle de trois, ça ne va pas très loin en termes de raisonnement, c’est un raisonnement à un niveau et demi, et encore, même pas à un niveau de recul par rapport à la situation qu’on analyse, comme peut le faire l’être humain. Alors l’ordinateur, lui, tous les chiffres que vous lui donnez, vous savez que ce que vous mettez dans ce logiciel, que tels chiffres, c’est les humains ou ressources humaines et il y a les gisements de pétrole, le gisement potentiel, les coûts du transport, le capital investi, le rendement sur capital escompté par pays, etc. Mais l’ordinateur, lui, comment peut-il faire la différence entre le chiffre qui représente les êtres humains et le chiffre qui représente les camions ? Comment ? Or, si un ordinateur avec un logiciel fait des calculs et des simulations qui me poussent, moi être humain, à prendre des décisions sur ce qui arrive à des camions et des êtres humains, quand l’instrument qui me pousse à prendre ces décisions ne sait pas ce que c’est qu’un camion et ne sait pas ce que c’est qu’un être humain et ne sait pas faire la différence, eh bien, je suis désolé, mais c’est gravissime. Parce que le logiciel, il prend tous les chiffres, les ressources humaines, les camions, les bulldozers, etc...Et il vous fait les moyennes des chiffres, il vous fait le lissage et il vous dit voilà la moyenne la plus optimale ou la plus rentable parmi tous ces chiffres, donc ça vous pousse à prendre des décisions de licenciement, par exemple.
- Avant les deux guerres mondiales : on a eu l’ordre Westphalien, c’est-à-dire les traités de Westphalie au 17ème siècle, donc c’était pour mettre fin à la guerre de Trente ans et toutes les guerres de tribus et de clans qu’on avait un peu partout en Europe et qui donc mettaient à plat la capacité de l’Europe à commercer et à vivre en paix. Le traité de Westphalie a marqué la naissance de ce qu’on appelle l’État-nation ou les pays, donc ce ne sont plus des tribus et des clans ou un roi avec des vaisseaux et des duchés qui se chamaillent entre eux, qui s’arrachent l’Alsace ou la Bavière réciproquement, ce n'est plus ça, donc c’est des États. Et ces États ont des frontières et ces frontières sont inviolables et à l’intérieur de ces frontières, il y a une sorte d’unicité linguistique, culturelle, religieuse, etc... Des critères sur lesquels on s’est basé pour définir ce qu’est une nation (un peuple, c’est autre chose) et à travers ces frontières, on fait du commerce, de l’échange et puis on se met d’accord entre États avec des arbitrages, mais pas de guerre. Le traité de Westphalie, c’était une sorte de dépassement du haut Moyen Âge pour passer vers l’État civilisé du monde et dépasser définitivement l’État barbare.
Le traité de Bretton Woods et plus tard le néolibéralisme, encore plus avec la mondialisation et l’ouverture totale de toutes les frontières, marque le début de la destruction de l’ordre Westphalien. C’est donc la destruction de tout le fonctionnement du monde qui était basé sur ces questions de commerce entre la France et la Belgique, par exemple, bilatéraux, donc tout le monde pouvait s’arranger avec tout le monde, il n’y avait personne qui venait imposer les prix en disant “tous payer le même prix pour ceci ou pour cela”, on se mettait d’accord bilatéralement.
- Bretton Woods : l’idée était de créer un nouveau monde où l’on fait plus que du commerce et des échanges en paix, c’est le credo numéro un officiel. Deuxièmement, on met en place des institutions internationales qui vont dépendre de l’ONU, qui a succédé à la SDN, la Société des Nations. Ces institutions internationales vont se charger de faire jouer à tout le monde les mêmes règles du jeu. C’étaient les trois qu’on appelle aujourd’hui les Institutions Financières Internationales (IFI), c’est-à-dire la Banque Mondiale, le Fonds Monétaire International et le GATT (General Agreement on Tariffs and Trade) qui va être l’ancêtre de l’OMC. Donc, ces trois institutions étaient chargées d’organiser un monde qu’on a appelé le monde de Bretton Woods et qui sera un nouveau monde, un nouvel ordre qui fera de ce monde un monde où l’on ne fera qu’échanger et commercer, s’entraider sans guerre, ni querelles, ni invasion, ni contre-invasion, ni même nécessité des armes, plus besoin d’armées. Alors, au profit de qui ces négociations ont-elles tourné ?
- Karl Marx : l’histoire bégaie, la première fois en tragédie et la deuxième fois en farce.
- Quel ordre va sortir après l’annulation, l’abrogation, l’éradication de l’ordre westphalien et maintenant l’éradication de l’ordre néoclassique et puis on va vers l’éradication de l’ordre néolibéral ? Alors, qu’est-ce qui vous laisse sortir de l’éradication successive de ces trois ordres qui ont quand même tenu dans la durée ? Et bien, c’est très complexe et très difficile.
- Une voiture électrique, pour naître, provoque pratiquement autant de dégâts que construire une voiture conventionnelle. Alors donc, il faut amortir trois voitures conventionnelles pour arriver à ce qu’une voiture électrique soit rentable, sans compter ce qu’il faut pour les batteries (le lithium pour les batteries, les terres rares) ; les éoliennes aussi, c’est des terres rares, sans compter qu’elles provoquent des champs magnétiques qui tuent le bétail en France notamment et qui provoquent des maladies chez les humains parce que l’électricité circule en sous-terrain et apparemment, ils n’ont pas trouvé le moyen de l’isoler suffisamment, alors ils provoquent des champs magnétiques nocifs.
- Ilya Prigogine : livre : La Nouvelle Alliance. Il a beaucoup travaillé sur ce qu’on appelle les phénomènes éloignés des états d’équilibre, c’est-à-dire quand on chauffe, essentiellement quand on met beaucoup d’énergie dans un liquide, par exemple. Parce que lui, il a beaucoup travaillé sur les liquides qu’on appelle les liquides de Ménard, et donc ça consiste à les chauffer, les porter à plus qu’ébullition et donc provoquer un désordre. Parce que quand vous faites bouillir de l’eau, c’était de l’eau qui était en état d’équilibre thermodynamique stationnaire et quand vous la chauffez, vous l’éloignez de son état d’équilibre thermodynamique stationnaire qui était à la température ambiante. Donc, vous lui faites dépasser la température ambiante et vous l’éloignez de l’état d’équilibre. Alors, Prigogine s’intéressait à ce qui se passait dans les différentes phases d’éloignement de l’état d’équilibre et il a constaté qu’à un certain stade d’éloignement de cet état d’équilibre, le désordre, parce que l’ébullition, c’est le désordre, parce qu’il y a les molécules qui s’accélèrent, mais s’accélèrent en désordre. D’abord, elles ne s’accélèrent pas toutes à la même vitesse et ne s’accélèrent pas toutes de la même dimension, elles s’entrechoquent, etc., donc désordre total. Et là, Prigogine observe qu’après un certain temps de désordre, il y a un ordre qui apparaît, une forme d’ordre. Qu’est-ce que c’est, cet ordre ? C’est que les molécules de ce liquide se comportent comme si elles tournaient en cercle, comme les engrenages, mais en cercle inverse les unes par rapport aux autres. Et donc, en tournant comme ça, les molécules d’un cercle influencent la façon dont se comportent les molécules du cercle voisin, comme des engrenages, et ainsi de suite. Donc, il y a un ordre qui sort de ce désordre et il a appelé ça les structures dissipatives. Alors pourquoi les structures dissipatives ? Ce sont de nouvelles structures qui sortent de l’absence de structure et qui dissipent les effets de l’absence de structure.
Quelques économistes et des gens de l’ingénierie ont trouvé moyen de transposer cette idée d’ordre nouveau qui sort du désordre complet aux affaires humaines. De ce désordre du marché, qui est apparemment un désordre, et il va faire du désordre à la nature : le dérèglement du climat, la pollution, les maladies qui augmentent, les animaux qui deviennent fous, les humains avec, etc. De tout ce désordre va sortir un nouvel ordre.
- Stephen Hawking : il écrit une phrase qui dit : il faut non seulement tenir compte des effets entropiques, qui est la dégradation d’énergie continue qui nous conduit vers un désordre continu, c’est-à-dire le non-être ou le néant, dégradation d’énergie et cette grandeur qui mesure l’ampleur de la dégradation d’énergie, ça s’appelle entropie et c’est Rudolf Clausius qui lui a donné ce nom. Et donc, elle va augmenter jusqu’à annihiler totalement la physique que l’on connaît de ce monde et donc l’ordre newtonien lui-même, on ne sait pas s’il va persister (gravitation, pas gravitation, onde gravitationnelle, attraction, champs magnétiques).
Hawking a essayé de trouver la grande unification entre les deux grandes théories de la physique, donc la subatomique et la supra atomique, et il nous dit qu’il faut tenir non seulement compte de cette évolution entropique, mais il faut tenir compte aussi de l’évolution qui intègre dans les équations l’ordre anthropique (avec un A), donc humain, entropique (en) dégradation d’énergie à l’infini et anthropique avec (an) la présence de l’humain. Hawking dit que rien, et absolument rien, ne nous garantit en tout ça en physique, qui est la science des sciences, que n’importe quel ordre peut intégrer l’être humain. On n’a aucune idée. L’ordre qui va sortir de ce désordre qui est en train de nous menacer, ou du dérèglement climatique, est-ce que c’est un ordre où l’être humain sera encore présent ? Ou sa présence sera-t-elle encore admise ? On n’en sait rien.
C’est un peu ce genre de préoccupation qui nous occupe en ce moment. Alors, ce monde, jusqu’à quand va-t-il pouvoir encore conserver l’être humain dans l’ordre que nous sommes obligés de subir puisqu’il a la capacité de nous l’imposer, quoi que nous fassions ?
- Karl Marx : Dans le premier livre du Capital ,La paupérisation générale, c’est-à-dire que Marx a constaté que la logique du capital, c’est l’accumulation infinie de tout. Or cela est impossible, là il reprend Aristote, on ne peut pas faire l’infini dans le fini. Alors il dit, étant donné ça, je peux présumer que cette logique du capital va le conduire à une autre logique qui va, au lieu de l’enrichir, va l’appauvrir de plus en plus. Alors il faut comprendre cet enrichissement et cet appauvrissement dont parlait Marx, pas dans le sens individuel, mais qu’en voulant comme ça accumuler à l’infini, le capital sera obligé d’adapter régulièrement ses moyens de production et sa force de production. L’objet de production, il n’y peut rien, il n’y a rien à adapter parce que c’est le fer, c’est le poisson, etc... sauf essayer de le gaspiller moins, mais ça ce n’est pas ce que sait faire le capital. Mais les moyens de production et les forces de production, il va donc les adapter, mais comment ? Les moyens de production, il va être obligé de mettre de plus en plus de mécanisation à la place de l’être humain parce que la machine produit plus évidemment parce qu’elle ne s’arrête pas, elle ne se fatigue pas, elle peut travailler jour et nuit, elle n’a pas sommeil, elle n’a pas faim, elle n’a pas soif. Juste à cause de ça, elle va produire plus que l’être humain, et donc il faut évacuer l’être humain. Ce à quoi on assiste aujourd’hui en Occident, le rapport robot/être humain est en faveur des robots, il y a infiniment plus de robots que d’être humain parce qu’on a mis des robots en Occident pour remplacer et éliminer les humains parce qu’ils coûtent des salaires, des congés maladie, etc... Alors que le robot, lui, il produit et il ne fait pas de syndicat et il se tient tranquille, il ne fait rien du tout. Mais ce qu’on a oublié, c’est qu’un robot, ça ne consomme pas, ça n’a pas de salaire, ça n’épargne pas, ça ne paye pas d’impôt, ça ne permet pas l’épargne, ça ne permet pas l’investissement. Et donc, Marx dit voilà un premier facteur qui va commencer ce qu’il a appelé le phénomène de paupérisation général continu partout où se trouve le capital. Et il ajoute un deuxième élément, un rapport ou une équation qui dit pour ça, il sera obligé d’augmenter le rapport suivant M/L qui est M : means et L : labor.
Il dit que le capital sera obligé d’augmenter le rapport constamment aussi, le rapport mécanisation machine par rapport à l’être humain. Or, dit-il, c’est qu’on remplace de plus en plus le travail vivant qui est le travail humain. Alors qu’est-ce qu'il appelle travail vivant ? Comme il le dit si bien, c’est quand le fait que quand l’être humain travaille, il produit et se produit. Comme le disait Hegel et Anaxagore, l’être humain a une intelligence parce qu’il a une main, ça c’est Anaxagore, c’est l’homo faber qui a fabriqué l’homo sapiens depuis l’homo erectus. Si l’être humain n’avait pas pu se mettre sur deux pieds, devenir vertical et utiliser le pouce et ses mains, il n’aurait pas développé son cerveau comme il l’a développé. D’ailleurs, l’anthropologie et la paléontologie nous le montrent très bien, développement de l’espace pour le cerveau, les muscles qui servaient à l’appréhension avec la bouche se sont atrophiés pour agrandir l’espace pour le cerveau, ce qui fait que nous avons un rapport poids du cerveau/corps le plus élevé.
Marx nous dit que grâce à ce que fait l’être humain avec ses mains, il alimente son cerveau et son cerveau à son tour, dialectique, réalimente ses mains et donc c’est un travail vivant. Celui qui fait des souliers ne fait pas les mêmes souliers qu’au temps d’Aristote avec ses mains et l’interaction, la dialectique vivante entre son cerveau et ses mains. Eh bien aujourd’hui, il fait des chaussures qui n’ont aucun rapport avec ce qui se faisait au Moyen Âge ou il y a dix ans. Donc ça, c’est le travail vivant qui met de l’amélioration et l’avancement et la transformation vivante et constante dans ce qui est fait dans la manufacture ou par le capital. Mais Marx dit pourquoi le capital sera obligé d’augmenter le rapport M/L, travail mort sur le travail vivant. Eh bien, parce que le travail mort lui coûte moins cher, une machine on la paye une fois pour toutes et tout le monde la paye au même prix, on ne peut pas faire de plus-value ni absolue ni relative ni extra sur une machine comparée à son pouvoir d’achat ou à son coût. Par contre, l’être humain par rapport à son salaire, vous pouvez toujours gratter comme ce qu’on appelle plans sociaux, ce qu’on appelle rationalisation, restructuration, reengineering, ça porte plusieurs noms mais ça ne veut dire qu’une chose : éliminer le salariat, éliminer cet être humain qui fait des syndicats, qui nous embête, qui fait des grèves, qui peut faire de la mauvaise qualité et qui peut saboter.
- Martin Sprouse : livre : Sabotage in the American Workplace : Anecdotes of Dissatisfaction, Mischief and Revenge.
Et la conclusion de ce livre, où il a fait des études sur la motivation ou la non-motivation des employés et des ouvriers américains dans toutes sortes de secteurs, depuis les banques, les assurances, les ports, les transports, etc., est la suivante : le plus grand problème des manufacturiers et des patrons américains aujourd’hui n’est plus comment motiver leurs employés, mais comment éviter qu’ils ne sabotent, parce qu’ils sabotent.
- Huw Beynon : livre : “Working for Ford”. Il était capitaliste dans les années 80.
- William Foot Whyte : “L’établi” ou faire de l’observation participante, mais c’était surtout dans un esprit de mieux faire remonter à la direction les détails qui peuvent échapper en utilisant la méthode anthropologique socio-ethnologique, etc...
- Richard Pfeiffer : livre : “Working for Capitalism”. Ils ont vu comment les employés et les ouvriers, d’abord pour l’entretien du recrutement, quand vous postulez pour un poste de cadre, vous rentrez par la porte principale, mais quand vous postulez pour un poste d’ouvrier, vous rentrez par la porte de service de livraison des pièces détachées. Vous ne rentrez pas par la porte principale parce que vous êtes un simple mortel de rien du tout. Si vous rentrez par la porte principale, eh bien, vous allez être admis par les dieux, mais ça, ça ne se peut pas.
- Paul Sweezy : économiste, auteur de plusieurs livres.
- Paul A. Baran : économiste marxiste.
- Stephen Marglen : qui a écrit avec André Gorz la critique de la division du travail et particulièrement le chapitre “What do bosses do? They do nothing”. General Motors a 18 échelons hiérarchiques, du 18ème à l’ouvrier, on ne fait rien sinon une chose : s’assurer du taux de production de profit et de la destination des profits, et pas d’améliorer les voitures, améliorer le travail. Taylor lui-même le disait quand il disait qu’il était étonné et abasourdi de constater que les chefs de la Bethlehem Steel, à partir de contremaître, ils ne savaient rien de ce que faisait l’ouvrier.
- Florence Noiville : livre : “J’ai fait HEC et je m’en excuse”.