Avant-propos
Mehdi Bouassa, universitaire et chercheur de l’université de Fès au Maroc, a réalisé un travail analytique des webinaires du Pr. Omar Aktouf. Il ne s’agit donc pas d’une transcription. Il a extrait du discours du Pr. Omar Aktouf sur l’économie politique, les moments les plus « parlants ». Ces moments sont plus éloquents que d’autres car, au hasard de leurs « surgissements » lors de ses plus grands efforts pédagogiques ou au bonheur de ses digressions, ils nous restituent les chemins qu’il s’est frayés pour arriver à cet objet de la connaissance théorique : l’Économie Politique. Les jalons de ces chemins sont aussi multiples que les chemins de la vie, pas la vie en général, mais la sienne. Ils sont ces jalons, des lectures bien sûr; beaucoup, beaucoup, beaucoup de lectures attentionnées, notées et annotées, retenues par cœur. Ils sont aussi les concepts clés sur lesquels il s’appuie pour avancer dans le processus mental (et verbal, puisqu’il nous parle) de distinction de l’objet de l’économie politique au cœur du brouillard et des gangues dans lesquels l’a précipité la « science économique ». Mais, et tout aussi essentiel, les jalons peuvent être des émotions, des étonnements, des curiosités soudaines ou simplement des noms et des lieux. Le berger Omar Aktouf n’a jamais quitté le Pr. Omar Aktouf, veillant à identifier la chaîne des signifiants des mots, des phrases, des concepts rencontrés en chemins, ceux tracés par d’autres et ceux qu’il ouvre dans les friches entre ce qu’on appelle les disciplines à l’Université. Bref, il les examine dans et à travers leurs écosystèmes, leur conditions de naissance et de variations ou transformations Personne ne sait mieux que les bergers, héritiers des savoirs des chasseurs, ce qu’est un écosystème et les multitudes de connexions, parfois visibles, le plus souvent perçues intuitivement, qui interagissent dans le processus de la vie. Tout ce que dit ou écrit Omar Aktouf relève d’un examen de l’écosystème des idées et reflète ce rejet des frontières entre auteurs, entre disciplines, entre théorie et pratique etc. Son activité de berger s’apparentait encore dans le sud marocain à ce que nous pourrions appeler un travail d’artisan qui demandait un long apprentissage, sur l’environnement naturel rugueux dans lequel l’inattention se payait en pertes douloureuses. Le « comment faire » avec le bétail s’apprenait dans un processus qui mobilisait la totalité de l’attention et des affects de l’homme car aucun savoir partiel ne pouvait former l’homme au caractère multidimensionnel de cette activité.
Et vous savez quoi sur la première question d’un artisan devant un produit ?
C’est « comment il a été fait?, quels outils, quelles matières, quelles techniques?
Cela vous marque pour la vie et Omar Aktouf dans ses cours même s’interroge sur comment telle théorie s’est construite ? Dans mon adolescence dans un milieu encore emprunt de la culture de l’artisanat et des corporations, nos mères nous recommandaient de « capter », le savoir des « sachants », de ceux qui savaient, des « mââlims » (ceux qui ont été correctement et pleinement formés) au sens presque de « voler » son savoir, de le capter non pas à leur insu mais d’aller au delà de ce qu’ils disaient ou pouvaient dire à atteindre à leur style, leurs marques personnelles qui marquaient de leur personnalité l’excellence de leur « chefs d’oeuvres ».
L’immersion dans l’écosystème de l’élevage artisanal qui permettaient le partage de la connaissance par une praxis ne permettaient pas seulement de comprendre que le choix de leurs lieux de sommeil qu’évoque Omar Aktouf, le relie nécessairement par le besoin de l’échange, voire d’une forme de troc, à un écosystème encore plus large, celui du souk de cette époque précapitaliste dans cette région précise. La fréquentation du souk au sens large, c’est à dire les lois de l’échange, lui révèle des lois non écrites du commerce dans ces sociétés. Engels parle de constitutions non-écrites des tribus à l’époque de le gens et Omar découvre ces lois que la valeur de la marchandise varie selon le statut social de l’acheteur. L’acheteur aisé ne marchande pas le prix car cela ne sied pas à son statut social et il posera invariablement la question « combien faut-il ? » qui communique au marchand qu’il n’a pas de souci du prix mais juste de la qualité du bien acquis. Pour d’autres moins fortunés le marchandage est une des modalités de l’existence du lien social : l’acheteur vient acquérir un bien nécessaire en rapport avec ses possibilités et non une marchandise. La culture de ce lien social est aussi vital pour le marchand que pour le client car il renforce le lien social qui garantit la survie de l’un et les gains de l’autre. De ce fait entre son père et le marchand s’établit non l’achat d’une marchandise mais de l’acquisition d’un bien et d’un bien socialement nécessaire que à la perpétuation du groupe, dans une culture de l’intérêt partagé, loi historique de la primauté du bien de la société sur celui des individus fussent-ils élevés au rang de Sachems.
Dans ces commerces, le négoce d’où nous vient la négociation etc. c’est autre chose, ce n’est donc pas la valeur qui est prévalente mais l’usage, bien plus conforme au troc des origines.
Ce clivage entre bien et marchandise, entre usage et consommation qui infirment la primauté de l’échange et donc de la centralité de la valeur et son incarnation fétichiste la monnaie et son accumulation en dehors de toute utilité sociale sous-tend toutes les observations et développements théoriques de Omar Aktouf.
Il serait essentiellement périlleux dans ce long parcours d’homme de faire croire à Omar Aktouf une nature anhistorique, éternelle et immuable de l’homme tournée vers la recherche du profit individuel. Il s’est attaché pour le plus grand bien des révolutionnaires ou des révoltés de cet ordre social d’élargir leurs connaissances, pour mieux le combattre, sur le néolibéralisme, forme ultime de réanimation du capitalisme arrivé à son stade suprême, l’Impérialisme.
Pourtant et curieusement, rien n’est plus transparent et visible que la « science économique » telle qu’elle a été « recueillie » et « formalisée » dans un incessant remaniement des textes des pères fondateurs a plus l’objectif d’améliorer une praxis que de connaitre un objet de pensée. Ce qui, justement, distingue la science de l’idéologie. L’idéologie a un objectif jamais un objet à penser, un objectif social, essentiellement à offrir, sans frais, les compensations aptes à faire accepter aux « damnés de la terre » leur condition misérable car déterminée par des forces incoercibles ou par leurs « inaptitudes ».
Mehdi Bouassa, sur cette longue série de webinaires a fourni un remarquable et extraordinaire effort. Non seulement il nous rend dans leur singularité chacune des idées de Omar Aktouf mais aussi nous révèle, chemins faisant, des repères et stations importantes de ces chemins, que sont certains auteurs; certains faits, certains souvenirs sous la forme de « thèses » que chacun pourra approfondir.
C’est un splendide canevas, très opérationnel, pour mieux organiser le travail individuel de révision des webinaires de Omar Aktouf ou pour approfondir la réflexion et la connaissance.
C’est un magnifique travail qui permettra à des chercheurs d’aller plus avant, à des étudiants de se situer cet écosystème idéologique du capitalisme dans lequel s’affrontent les récits et les perceptions.
Il permettra aux « non-indifférents » dont parle Gramsci de mieux intervenir dans les débats publics ou dans leurs cercles d’amis.
Les jeunes du monde entier, entrés dans la révolte et le rejet de l’ordre du capitalisme ultra-financiarisé qui a ajouté l’absurde et l’obscurantisme à son injustice, pourront organiser leurs débats dans leurs environnements universitaires ou mieux industriels et trouver les matériaux inestimables pour leur travail en direction des masses de travailleurs, de jeunes, des femmes dans les champs ou dans les usines.
A plusieurs reprises les auditeurs ont demandé au Pr. Omar Aktouf les bibliographies qui furent essentielles à son travail. Au fil de ces transcriptions, ils peuvent en découvrir l’ampleur et faire leurs propres choix de lectures.
Rien ne sera plus conforme à la nécessité énoncé par Karl Marx: « Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de différentes manières, ce qui importe c’est de le transformer » (Thèses sur Feuerbach 1845)
Merci infiniment à Omar Aktouf et à Mehdi Bouassa.
Mohamed Bouhamidi
W7 : Principales composantes de l’ordre néolibérale : de Bretton Woods à la crise de 2008-
- Michel Chossudovsky : Il a élaboré une théorie économique qu’il a appelée l’économie du luxe, c’est-à-dire comment les plus riches et les plus puissants ne font plus fonctionner que l’économie du luxe, comme les portables où on implante des diamants et des rubis, etc.
- John Atkinson Hobson : Il explique le fait que quand on a beaucoup d’argent, on achète pratiquement plus rien à l’économie réelle comparé à l’argent qu’on a. Donc, les grandes familles riches, combien leur faut-il de café et d’huile et de blé à consommer ? Les riches ne consomment plus rien à l’économie réelle parce que physiquement, ils ne peuvent pas, à 10 ou 15 dans leurs familles, ils ne vont pas consommer plus d’un kilo de café par semaine. Physiquement, c’est impossible de contribuer plus que n’importe quel ouvrier ou employé pratiquement à l’économie réelle, donc la consommation réelle. Ces gens-là, dans quoi vont-ils mettre leur argent, ils en ont tellement ? Comme le dit aujourd’hui Chossudovsky qui s’est référé à Hobson, eh bien ils le mettent dans des produits farfelus qui ne servent à rien. (Comme les objets de grande valeur)
- Michel de Montaigne : Toute opinion qui n’est pas basée sur des connaissances reconnaissables, citables, localisables et contextualisables n’est pas une opinion, c’est du charlatanisme.
- La richesse militaire : Ce n’est que de l’immobilisation du capital fixe qui sert à tuer et à détruire, donc en quoi ça contribue à l’économie ? A Rien.
- Les titres boursiers : Quand on émet des titres, des obligations, des actions, etc... Les produits dérivés sur des produits quelconques en bourse, on émet des titres et ces titres ne sont absolument rien du tout, c’est juste des formes d’assurance sur des assurances ou des paris sur des paris.
- On gagne à la bourse quand on parie que ce qu’on achète à la bourse va perdre : Vous vous faites prêter, vous demandez à quelqu’un qui a par exemple plein de titres d’immobilier ou d’actions et vous lui dites de vous confier ou de prêter ou de vous vendre à l’avance et vous le paierez quand vous aurez vendu par exemple 1000 actions de son portefeuille immobilier mais ces 1000 actions, vous ne les avez pas payées, il n’y a pas un sou qui a bougé nulle part mais vous leur donnez une valeur, par exemple 100 dollars par action ou titre, et votre intérêt c’est de parier que ce que vous avez acheté chaque jour qui va venir va perdre de la valeur; disons que vous les avez achetées aujourd’hui à 100$/action, eh bien vous faites le pari que dans trois mois ces actions vaudront 20$. Pourquoi ? Parce que tout simplement quand les trois mois arrivent, l’action est à 20$ donc ils rachètent, ils mettent en place un mouvement d’achat qui va influencer tout ce qui boursicote, y compris les petits pauvres pères de famille qui économisent 300 dollars sur 4 ans en mangeant des spaghettis à l’eau, eh bien quand ils voient dans le Wall Street Journal ou dans les analyses des financiers qui travaillent pour Wall Street que telle action est en demande, elle a 20$ demain elle est à 25$ après-demain à 30$ etc... Ils achètent et font monter la valeur de l’action pour vous. Mais pendant ce temps, il y a des centaines de milliers de familles américaines qui ont économisé sou pour sou et qui ont tout perdu et c’est toute l’économie américaine qui perd.
- L’évasion fiscale : l’optimisation fiscale (légale).
- Lloyds Banking Group : Par exemple, en fin de compte, la banque Rothschild va voir la Lloyds et lui dit : “On a des titres ici, on en a pour des milliards parce que c’était des maisons construites ou en construction ou sur des plans qui étaient vendus sur papier". La Lloyds est l’un des plus grands assureurs dans le monde de toutes sortes de choses de très grande valeur (de fusée par exemple). Donc, ils ont demandé à la Lloyds d’assurer ces titres à 16% et est-ce que vous voulez assurer ça à 18% ? D’ici deux ans, les hypothèques vont commencer à être payées de façon significative et les intérêts vont s’accumuler parce que ce sont des assurances sur des assurances, etc... Mais chacun parie que ce qu’ils assurent ou ce qu’ils achètent finira par perdre de la valeur parce qu’ils veulent le racheter à un prix inférieur à celui où ils l’auraient acheté aujourd’hui. Donc, dans deux mois ou trois mois ou un an, quand il sera à un dixième de la valeur à laquelle je l’ai acheté aujourd’hui, je rachète et je fais ce qu’il faut pour faire un mouvement de rachat d’actions et quand ça commence à être racheté, leur valeur monte et chaque centime qui monte, c’est du bénéfice total, tout bénéfice pour moi puisque je n’ai jamais sorti un centime. Arrive l’échéance des deux ans et ça commence à rebours. La Lloyds demande à Rothschild et à Goldman Sachs, etc..., qui ont assuré chez elle les 4% de différence par rapport aux titres qu’elles avaient elles-mêmes souscrits comme valeur de plus-value donc avec intérêt. La Lloyds dit aux banques : “Vous m’avez dit dans deux ans, alors où est mon 4% ?” Alors, les banques qui ont assuré chez elle leur disent : “Attendez, on va se retourner vers ceux à qui on a assuré les titres parce qu’à notre tour, on les a assurés à 2% ou 4% pour notre part, et à qui ? Aux banques de Chicago et First City Bank, etc...” Et donc, ils vont vers le troisième du chaînon de la chaîne depuis le début qui sont les financiers qui ont vendu ces maisons pour rien à des gens qui n’ont pas de sous. Donc, les banques vont voir ces financiers et leurs compagnies et leur disent : “Les deux ans sont arrivés, alors les banques se retournent contre moi et me demandent de payer l’assurance qu’ils ont consentie pour mes titres.” Et là, chez qui vont-ils se retourner, les financiers ? Eh bien, ils se retournent vers les derniers de la chaîne à rebours, c’est-à-dire les underclass, celui qui a acheté la maison, celui qui n’a jamais voulu acheter puisqu’il n’avait pas de quoi l’acheter. (Leur pari sur les 8% ça n’a pas fonctionné parce que le rapport sur investissement dans l’immobilier est tombé à 3% quelques mois après, donc ce n’était plus du tout valable). Donc, ils vont voir ces gens-là et leur disent : “Écoutez, l’échéance est arrivée et malheureusement, il faut payer telle somme. On vous fait des facilités, vous n’allez pas payer en même temps. Nous, on va chercher des emprunts fictifs d’autres valeurs à d’autres institutions pour combler la différence".
- John Steinbeck : Dans son roman "Des souris et des hommes", il dit ceci : “On a intégré, enfoncé dans la tête de tout Américain et toute Américaine qu'aux États-Unis, c’est tellement beau et magnifique, extraordinaire pays, et la pauvreté, ça n’existe pas, la misère, ça n’existe pas, l’exploitation des pauvres, ça n’existe pas et si vous êtes pauvres, miséreux et exploités, vous n’êtes qu’un millionnaire momentanément dans l’embarras".
- Alexis De Tocqueville : (Il était colonialiste) et il a fait une monographie de la vie aux États-Unis, dans son livre "Démocratie en Amérique". Il a parcouru l’Amérique en 1835 pour voir s’il y avait vraiment une démocratie, eh bien, il est revenu avec la conclusion : “Je suis désolé, mais il n’y a pas de démocratie en Amérique". Il y a une nouvelle noblesse, mais une noblesse d’argent et qui sont le haut du chaînon et en bas de la chaîne où il y avait l’esclave et le serf, maintenant il y a l’ouvrier. Tout Américain moyen n’accorde d’importance primordiale qu’à ce qui est matériel, donc posséder. Alexis l’avait remarqué.
- Friedrich Nietzsche : il vivait au début du capitalisme moderne et il dit : “Je vois dans ce phénomène de bourse des sortes de sauvages face à des chiffres qui mangent et qui boivent et qui dorment les yeux rivés à leurs chiffres", et il disait que c’est un comportement de sauvage et non pas d’être humain. L’Américain, s’il y a une chose à laquelle il est attaché, c’est le matériel.
- General Motors : Ils ont fait la même chose que les subprimes mais avec les voitures. Ils ont été voir la Underclass et leur ont dit : “Voilà, vous n’avez pas d’argent, mais on vous offre des voitures. Vous ne payez rien du tout, l’intérêt va baisser d’ici deux ans parce que l’inflation aura baissé et là, vous allez commencer à payer les mensualités", disant que c’est dans 2 ans l’échéance pour commencer à payer. General Motors a mis dans les voitures un logiciel qui, à minuit le jour de l’échéance de 2 ans, stoppe net la voiture où que vous soyez, sous un pont ou sur une côte, peu importe, et elle ne démarre plus tant que vous n’avez pas payé votre première mensualité. Alors, il y a eu des problèmes et des accidents et les dirigeants de General Motors ont été interviewés et voilà ce qu’ils ont dit : “Écoutez, il y a peut-être un pourcentage de cas comme ça, mais vous savez, l’américain, qu’il ait de l’argent ou qu’il n’en ait pas, tient tellement à ce qu’il possède que cette voiture qu’il a possédée pendant 2 ans, il y est tellement habitué et il y tient tellement qu’il est prêt à tout pour payer la mensualité". Voilà la mentalité et ça fait partie du néolibéralisme.
- Quand les financiers vont voir la Underclass pour payer ce qu’ils devaient, alors monsieur et madame tout le monde qui ont acheté la maison avec l’espoir de ne rien payer et d’avoir une maison gratuite, eh bien ils disent aux financiers qu’ils n’ont pas d’argent pour payer. Alors, les financiers font évacuer les maisons parce qu’ils veulent rendre les propriétés libres avec l’aide des huissiers et de la police. L’espoir et le calcul, c’était qu’on va jouer sur le fait qu’on va rendre ces propriétés libres de toutes hypothèques ou toute attache et contrainte et comme en 2009 et 2010, ils espéraient que l’immobilier remonterait. Donc, pour avoir une propriété libre, ils espéraient pouvoir négocier avec les banques et la Lloyds avec qui ils ont pris tous ces paris d’assurance sur assurance, négocier un délai sur la propriété libre de toute contrainte et les banques, de toute façon, elles ont intérêt parce qu’il vaut mieux espérer avoir de l’argent dans un an ou deux ans que de mettre le couperet aujourd’hui et de n’avoir rien du tout. Les familles de la Underclass, quand elles ont vu que petit à petit, elles étaient mises dehors manu militari, eh bien, elles se sont mises à détruire l’intérieur des maisons avec un raisonnement de “Ah bon, ils me mettent à la porte après m’avoir promis tout ce qu’ils ont promis, eh bien, je casse tout, comme ça la maison vaudra 30 mille dollars de moins". Et quand la police et les huissiers arrivent, ils trouvent des ruines à l’intérieur et la famille sort en leur disant : “Allez-y maintenant, prenez ce qui reste".
Alors, qu’est-ce que les financiers ont commencé à faire ? Ils ont commencé à dire aux futurs évacués : “Écoutez, on vous donne un chèque de 15 mille dollars ou 10 mille, ça dépend de la maison, et s’il vous plaît, ne cassez rien". Alors, ce qui se passe, c’est que les quartiers autour de ces maisons qui commencent à se vider les unes après les autres, les gens qui habitaient ces quartiers-là commencent à se plaindre parce que toutes ces maisons vides autour font baisser les prix de l’immobilier. Donc, les prix moyens des maisons habitées des quartiers avoisinants commencent à baisser. Alors, ils ont commencé à faire des représentations et des attaques avec des cabinets d’avocats et des dizaines de millions de dollars au niveau de l’État local, au niveau du fédéral, etc... pour exiger la démolition de toutes ces maisons et la plupart ont obtenu gain de cause. La crise des subprimes a momentanément enrichi les financiers qui ont trouvé le moyen de vendre réellement quelques titres aux naïfs qui vont à la bourse en leur disant : “Regardez, ces titres-là, ils sont vendus, hypothèque payée et signée, et ils sont même garantis par la Lloyds. Alors, ce titre d’une maison, on le partage en 50, alors trouvez 49 personnes comme vous et vous allez payer 3000 dollars chacun et vous êtes tous propriétaires de cette maison et elle sera vendue quand elle sera amortie parce qu’elle sera amortie à 300 mille dollars et tout le surplus sera partagé entre vous".
- Alain Minc : livre “La Mondialisation Heureuse”.
- Jacques Attali : livre : “Karl Marx ou l’Esprit du Monde”.
- Karl Marx a dit : “Quand le pouvoir bancaire et le capital bancaire prendront le pas sur le capital industriel, l’économie sera perdue.” On y est, la banque centrale FED, il n’y a que les banques qui s’enrichissent, les banques contrôlent l’industrie, le capital bancaire et le capital boursier spéculatif ont pris le pas sur le capital industriel depuis longtemps.
- Les scientifiques qui ont enclenché ce qu’ils ont appelé la désobéissance civile scientifique, ils organisent des sortes de manifestations de désobéissance civile, des actes contre l’ordre établi pour manifester leur dégoût et leur écœurement de voir à quel point ils ne sont pas écoutés.
- Maynard Keynes a écrit cette phrase en 1918 : “Puisque ce monde est dirigé par des gens économiques et politiques fous, incompétents et pervers, notre actuelle civilisation ne durera pas longtemps".
- Pascal de Sutter : livre : “Ces Fous qui Nous Gouvernent”.
- On sait très bien que le pouvoir rend fou, surtout avec la façon dont on déifie les patrons au point qu’ils perdent le sens des réalités.
- L’économie dans laquelle nous sommes nous : le facteur variable, c’est l’emploi donc on régule le revenu de l’entreprise par l’emploi, c’est-à-dire quand le revenu baisse, j’élimine l’emploi et quand le revenu monte, j’augmente l’emploi parce qu’il y a de la demande. Donc, le modèle américain en tant que patron, on veut toujours avoir un revenu fixe ou plus donc on rend l’emploi variable. Alors qu’au Japon, en Allemagne, etc., cette équation est inversée, l’élément de l’équation qui est variable, c’est le revenu et c’est l’emploi qui est fixe. Donc, je ne licencie personne et le revenu de tout le monde devient variable. C’est pour ça que chez Cascades, tous les 6 mois, on fait le calcul du revenu d’une usine et on partage équitablement entre tout le monde. Si le revenu des 6 mois a baissé de 20%, on baisse le revenu de 20% de tout le monde, du directeur jusqu’au dernier apprenti embauché et on ne licencie personne. Si les revenus augmentent de 20%, on augmente tout le monde, et l’emploi reste fixe.
- Hannah Arendt a écrit une phrase : “Toute opinion exprimée par toute personne qui n’est pas basée sur un effort personnel d’information gigantesque, c’est du charabia". Donc, l’opinion par l’effort informationnel. Or, l’effort informationnel, on ne le fait pas et personne ne le fait plus, on gobe passivement ce que nous dit la télé (Noam Chomsky), on gobe à la limite les journaux si on les lit, on gobe ce que disent les réseaux sociaux du tout et n’importe quoi et on a notre opinion. Je répète ce que disent les speakers de la télé et c’est mon opinion. Donc, sans cet effort informationnel et sans cette construction d’opinion dans l’effort dont parle Hannah Arendt, on est des victimes passives extrêmement faciles et extrêmement malléables au système qui nous domine. Plus le peuple est ignorant et mal informé ou pire, désinformé parce qu’on ne nous informe pas, on nous désinforme, on nous informe strictement pour ce qui est le bien de la classe dominante, c’est-à-dire la classe d’argent. Quand on est dans ce système-là, on devient des objets ou des proies extrêmement faciles à toute idéologie qui vient nous assaillir, en l’occurrence l’idéologie néolibérale.
- La corvée : c’est une forme de solidarité qui existait chez les paysans et dans les sociétés primitives. Plusieurs familles d’une même ruelle, par exemple, qui se mettent ensemble pour nettoyer toute la rue pour la rendre belle et propre pour tout le monde. Et s'il y a une personne qui est malade, c’est toute la ruelle qui se relaie pour venir à son chevet ou pour aller lui faire ses courses. Ce genre de solidarité est organique et traditionnel ou mode de production antique ou primitif.
- Margaret Thatcher : elle disait “Je ne sais pas ce que c’est une société, il n’y a que des individus, chacun pour soi. Faire le bien de la société, je ne sais pas ce que c’est parce qu’il n’y a pas de société, chaque individu doit se débrouiller".
- Friedrich Hayek : l’un des pères spirituels du néolibéralisme a dit : “Chaque génération doit se suffire, chaque famille doit se suffire et chaque individu doit se suffire". Donc toi, individu, une fois arrivé à un point où tu peux te débrouiller, ne demande plus rien à ta famille, tu dois te suffire à toi-même. Toi, famille, ne demande rien au gouvernement, tu dois te suffire. Et toi, citoyen adulte, tu dois te suffire. Chacun pour soi et Dieu, on ne sait pas pour qui.
- L’humanité ne s'en sortira de ce grand dérangement dans lequel nous sommes, qui va provoquer un rebattage total des cartes mais alors à une échelle qu’on a peine à imaginer, c’est sûr qu’il va déboucher avec des dégâts et de gros dégâts certainement et chez ceux qui le méritent le plus. Mais peut-être que de ce grand dérangement va ressurgir un autre ordre où on sera obligé d’être solidaires et en état d’entraide parce que l’humanité ne peut pas s’en sortir individuellement, ni par nation, ni par village, ni par famille. On ne peut pas s’en sortir de ce grand dérangement, c’est impossible. Où on s’en sort tous avec un nouvel ordre solidaire et d’entraide, où individuellement et par nation, on ne s’en sortira pas parce que le problème est mondial.