Je vous demande de visionner ce webinaire sur You Tube pour aider l’école populaire (M.B)



Mehdi Bouassa, universitaire et chercheur de l’université de Fès au Maroc, a réalisé un travail analytique des webinaires du Pr. Omar Aktouf. Il ne s’agit donc pas d’une transcription.
Il a extrait du discours du Pr. Omar Aktouf sur l’économie politique, les moments les plus « parlants ». Ces moments sont plus éloquents que d’autres car, au hasard de leurs « surgissements » lors de ses plus grands efforts pédagogiques ou au bonheur de ses digressions, ils nous restituent les chemins qu’il s’est frayés pour arriver à cet objet de la connaissance théorique : l’Economie politique.

Les jalons de ces chemins sont aussi multiples que les chemins de la vie, pas la vie en général, mais la sienne. Ils sont ces jalons, des lectures bien sûr; beaucoup, beaucoup, beaucoup de lectures attentionnées, notées et annotées, retenues par cœur. Ils sont aussi
les concepts clés sur lesquels il s’appuie pour avancer dans le processus mental (et verbal, puisqu’il nous parle) de distinction de l’objet de l’économie politique au cœur du brouillard et des gangues dans lesquels l’a précipité la « science économique ».
Mais, et tout aussi essentiel, les jalons peuvent être des émotions, des étonnements, des curiosités soudaines ou simplement des noms et des lieux.
Le berger Omar Aktouf n’a jamais quitté le Pr. Omar Aktouf, veillant à identifier la chaine des signifiants des mots, des phrases, des concepts rencontrés en chemins, ceux tracés par d’autres et ceux qu’il ouverts dans les friches entre ce qu’on appelle les disciplines à l’Université. Bref, il les examine dans et à travers leurs écosystèmes, leur conditions de naissance et de variations ou transformations
Personne ne sait mieux que les bergers, héritiers des savoirs des chasseurs, ce qu’est un écosystème et les multitudes de connexions, parfois visibles, le plus souvent perçues intuitivement, qui interagissent dans le processus de la vie.
Tout ce qui dit ou écrit Omar Aktouf relève d’un examen de l’écosystème des idées et reflète ce rejet des frontières entre auteurs, entre disciplines, entre théorie et pratique etc.
Son activité de berger s’apparentait encore dans le sud marocain à ce que nous pourrions appeler un travail d’artisan qui demandait un long apprentissage, sur l’environnement naturel rugueux dans lequel l’inattention se payait en pertes douloureuses. Le « comment faire » avec le bétail s’apprenait dans un processus qui mobilisait la totalité de l’attention et des affects de l’homme car aucun savoir partiel ne pouvait former l’homme au caractère multidimensionnel de cette activité.
Et vous savez quoi sur la première question d’un artisan devant un produit ?
C’est « comment il a été fait?, quels outils, quelles matières, quelle techniques.
Cela vous marque pour la vie et Omar Aktouf dans ses cours même s’interroge sur comment telle théorie s’est construite ? Dans mon adolescence dans un milieu encore emprunt de la culture de l’artisanat et des corporations nos mères nous recommandaient de « capter », le savoir des « sachants », de ceux qui savaient, des « mââlims » (ceux qui ont été correctement et pleinement formés) au sens presque de « voler » son savoir, de le capter non pas à leur insu mais d’aller au delà de ce qu’ils disaient ou pouvaient dire à atteindre à leur style, leurs marques personnelles qui marquaient de leur personnalité l’excellence de leur « chefs d’oeuvres ».
L’immersion dans l’écosystème de l’élevage artisanal qui permettaient le partage de la connaissance par une praxis ne permettaient pas seulement de comprendre que le choix de leurs lieux de sommeil qu’évoque Omar Aktouf, le relie nécessairement par le besoin de l’échange, voire d’une forme de troc, à un écosystème encore plus large, celui du souk de cette époque précapitaliste dans cette région précise. La fréquentation du souk au sens large, c’est à dire les lois de l’échange, lui révèle des lois non écrites du commerce dans ces sociétés. Engels parle de constitutions non-écrites des tribus à l’époque de le gens et Omar découvre ces lois que la valeur de la marchandise varie selon le statut social de l’acheteur. L’acheteur aisé ne marchande pas le prix car cela ne sied pas à son statut social et il posera invariablement la question « combien faut-il ? » qui communique au marchand qu’il n’a pas de souci du prix mais juste de la qualité du bien acquis. Pour d’autres moins fortunés le marchandage est une des modalités de l’existence du lien social : l’acheteur vient acquérir un bien nécessaire en rapport avec ses possibilités et non une marchandise. La culture de ce lien social est aussi vital pour le marchand que pour le client car il renforce le lien social qui garantit la survie de l’un et les gains de l’autre. De ce fait entre son père et le marchand s’établit non l’achat d’une marchandise mais de l’acquisition d’un bien et d’un bien socialement nécessaire que à la perpétuation du groupe, dans une culture de l’intérêt partagé, loi historique de la primauté du bien de la société sur celui des individus fussent-ils élevés au rang de Sachems.
Dans ces commerces, le négoce d’où nous vient la négociation etc. c’est autre chose, ce n’est donc pas la valeur qui est prévalente mais l’usage, bien plus conforme au troc des origines.
Ce clivage entre bien et marchandise, entre usage et consommation qui infirment la primauté de l’échange et donc de la centralité de la valeur et son incarnation fétichiste la monnaie et son accumulation en dehors de toute utilité sociale sous-tend toutes les observations et développements théoriques de Omar Aktouf.
Il serait essentiellement périlleux dans ce long parcours d’homme de faire croire à Omar Aktouf une nature anhistorique, éternelle et immuable de l’homme tournée vers la recherche du profit individuel. Il s’est attaché pour le plus grand bien des révolutionnaires ou des révoltés de cet ordre social d’élargir leurs connaissances, pour mieux le combattre, sur le néolibéralisme, forme ultime de réanimation du capitalisme arrivé à son stade suprême, l’Impérialisme.

Pourtant et curieusement, rien n’est plus transparent et visible que la « science économique » telle qu’elle a été « recueillie » et « formalisée » dans un incessant remaniement des textes des pères fondateurs a plus l’objectif d’améliorer une praxis que de connaitre un objet de pensée. Ce qui, justement, distingue la science de l’idéologie. L’idéologie a un objectif jamais un objet à penser, un objectif social, essentiellement à offrir, sans frais, les compensations aptes à faire accepter aux « damnés de la terre » leur condition misérable car déterminée par des forces incoercibles ou par leurs « inaptitudes ».
Mehdi Bouassa, sur cette longue série de webinaires a fourni un remarquable et extraordinaire effort. Non seulement il nous rend dans leur singularité chacune des idées de Omar Aktouf mais aussi nous révèle, chemins faisant, des repères et stations importantes de ces chemins, que sont certains auteurs; certains faits, certains souvenirs sous la forme de « thèses » que chacun pourra approfondir.
C’est un splendie canevas, très opérationnel, pour mieux organiser le travail individuel de révision des webinaires de Omar Aktouf ou pour approfondir la réfléxion et la connaissance.
C’est un magnifique travail qui permettra à des chercheurs d’aller plus avant, à des étudiants de se situer cet écosystème idéologique du capitalisme dans lequel s’affrontent les récits et les perceptions.
Il permettra aux « non-indifférents » dont parle Gramsci de mieux intervenir dans les débats publics ou dans leurs cercles d’amis.
Les jeunes du monde entier, entrés dans la révolte et le rejet de l’ordre du capitalisme ultra-financiarisé qui a ajouté l’absurde et l’obscurantisme à son injustice, pourront organiser leurs débats dans leurs environnements universitaires ou mieux industriels et trouver les matériaux inestimables pour leur travail en direction des masses de travailleurs, de jeunes, des femmes dans les champs ou dans les usines.
Rien ne sera plus conforme à la nécessité énoncé par Karl Marx: « Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de différentes manières, ce qui importe c’est de le transformer  » (Thèses sur Feuerbach 1845)
Merci infiniment à Omar Aktouf et à Mehdi Bouassa.

– Hannah Arendt : livre : La crise de la culture, comment les mensonges peuvent être une arme politique. Ernst Cassirer aussi, Pierre Clastres dans son livre La société contre l’État et Michel Foucault dans ses cours de 1978. Tous ces gens-là ont aussi traité la question du fascisme.

– L’une des dimensions mise en avant du fascisme, c’est notamment le mensonge et Hannah Arendt précise le mensonge comme arme politique.

– La première victime d’une guerre, c’est la vérité. Qui dit la vérité ? Propagande sur propagande de tous les côtés.

– Pour ce qui concerne l’économie management, le mensonge est une arme stratégique. Essayez de mesurer le nombre de mensonges par heure que peut faire un PDG d’une entreprise pour empêcher et affaiblir le syndicat, pour ne pas donner d’augmentation, pour ne pas améliorer les salaires, pour ne pas améliorer les conditions de travail, pour faire plus de profits. Juste avec la comptabilité, on peut vous enseigner plusieurs façons différentes pour faire vos états comptables pour établir des mensonges qui deviennent des armes avec lesquels vous vous servez. La comptabilité que vous faites vous permet de déclarer, si vous le voulez, des pertes ou des gains ou des profits ou pas et en fonction de la politique managériale que vous voulez appliquer. Autre mensonge, le dumping des Japonais, des Chinois et des Coréens. Le mensonge stratégique que l’économie management utilise pour que le capital maintienne sa domination et son renforcement par le détournement constant des gains de la production commune, parce que ce qui est produit dans une entreprise, ce n’est pas juste le patron qui l’a fait, les travailleurs et les ouvriers de base l’ont fait aussi donc c’est à eux aussi d’une certaine façon, pas juste aux patrons.

– Cascades : quand elle embauche des comptables et des MBA, elle est obligée de les déformer donc elle les met sous tutorat avec un ouvrier ou un employé qui connaît bien Cascades, ses cultures, ses coutumes et ses mœurs. Ces gens-là, il faut que les employés de Cascades les forment pour qu’ils quittent de leurs cerveaux pour les déprogrammer de cette superpuissance et cette omnipotence qu’on leur a inculquée dans les écoles de gestion. Ils appellent ça “cascadiser” et ce n’est qu’après que l’employé le décide que cette nouvelle recrue est “cascadisé” qu’on peut le recruter et si l’ouvrier dit que Cascade ne peut pas l’embaucher et bien il ne sera pas embauché. Même les directeurs et les cadres ne sont pas désignés ni nommés par la direction, ce sont les ouvriers qui interviewent leur futur dirigeant et les choisissent en dernière instance. Pour Cascades, tout cela n’est pas du gaspillage mais elle investit dans leur confiance parce que si ce sont eux qui choisissent leurs directeurs, ils ne vont pas faire une grève dans un mois pour dire que leur directeur est mauvais. Si ce sont les employés qui ont choisi leur directeur, ils vont l’aider à appliquer ses décisions etc, parce que c’est eux qui l’ont choisi donc ils vont aider la haute direction à voir qu’ils ont fait le bon choix.

– 935 mensonges pour attaquer l’Irak.

– La FED : n’est pas une banque centrale qui dépend en dernière instance du gouvernement américain comme l’ancienne banque centrale française ou les autres banques avant le néolibéralisme.

– Le libéralisme social, c’est celui qui va pondre plus tard l’État social et qu’on appelle aujourd’hui l’État providence.

– La Banque centrale européenne : est une banque indépendante privée qui appartient à un consortium de banques privées international.

– Adam Smith : a plusieurs fois corrigé dans son œuvre cette idée de son libéralisme classique, notamment dans une phrase où il laisse trois businessmen faire ce qu’ils veulent sans une instance qui surveille ce qu’ils font, c’est-à-dire l’État, et bien vous avez trois brigands. Adam Smith lui-même n’était pas à 100% pour la main invisible et pour le laisser-faire comme le chante le néolibéralisme.

– Il y avait plusieurs sortes de banques et ces banques ont été annihilées par le néolibéralisme. En 1996, Bill Clinton a abrogé l’acte qu’on appelle Glass-Steagall Act qui compartimentait l’action des banques. Alors, vous aviez la banque centrale qui était à la disposition du budget des besoins de l’État, vous aviez les banques d’épargne, les banques de commerce, les banques d’affaires, les banques de crédit, les banques de risques, les banques d’opérations internationales, des banques qui pouvaient faire de l’assurance et les banques qui ne pouvaient pas faire des assurances, les banques de crédit domestique, etc. C’était un compartimentage très bien structuré pour empêcher que les banques dilapident l’argent, notamment des épargnants qui sont les travailleurs qui payent leurs impôts à 50% de ceux qui gagnent. L’abrogation de l’acte Glass-Steagall a marqué un des jalons énormes du néolibéralisme, c’est-à-dire de décloisonner complètement les activités des banques. Ce qui fait que les banques industrielles se sont mises à se comporter comme des banques d’affaires, les banques d’épargne se sont mises à se comporter comme des banques de risques et de capital, etc. Et donc tout ça a fait que ce capital amassé, notamment sur le dos des travailleurs par les retraites des banques d’épargne, comme l’un des fils de Bush qui était patron de la banque d’épargne de Denver au Colorado, a ruiné cette banque et après il a été condamné à se repentir. Et évidemment, les pauvres retraités qui ont mis leurs économies et leurs retraites dans cette banque ont été ruinés aussi. Et ce n’est pas les seuls parce que sous Reagan, tous les patrons et les actionnaires des banques d’épargne sont devenus des milliardaires et ceux qui ont fait cette épargne, les travailleurs qui ont mis leur retraite là-dedans, ont été ruinés. Voilà les premiers huit ans du néolibéralisme aux États-Unis. Donc c’était dans un esprit que chaque banque s’occupe de quelque chose de bien précis et ne pas mélanger les changes. Une banque qui est là pour garder l’épargne des travailleurs pour leurs vieux jours, ça ne doit pas servir à son capital du risque et du boursicotage des produits dérivés pour augmenter le rendement de 200%, comme la retraite est garantie par l’État donc votre capital reste stable et on ne va pas chercher à faire du risque avec comme ça s’est fait et qui a conduit à ruiner les banques d’épargne américaine et le summum, ça a été la crise de 2008.

– 40 milliardaires ont écrit à Clinton et à Bush pour qu’ils les imposent parce que disaient-ils, nous payons moins d’impôts que nos domestiques alors s’il vous plaît, imposez-nous et le Congrès américain a répondu non à cause de la théorie de Arthur Laffer.

– La banque fédérale est privée, derrière la propriété de ce qu’est la banque fédérale américaine, il y a un peu près 13 banques privées dont en premier lieu Rothschild et Goldman Sachs, c’est-à-dire la banque qui a contribué à provoquer la crise de 2008, Lehman Brothers, c’est-à-dire celle qui a été la première à faire faillite en 2008. Vous trouverez JP Morgan, Stanley Morgan, Bank of New York, etc. Toutes ces grandes banques ont été citées dans le cataclysme de 2007-2008. Bush et après lui Obama ont imprimé 15 mille milliards de dollars pour sauver ces bandits qui ont dilapidé l’argent des épargnants américains et internationaux puisque évidemment 7/8ème du dollar mondial est prêté gratuitement aux États-Unis parce que 7/8ème du dollar mondial est hors des États-Unis parce que les pays sont obligés de conserver l’équivalent de leurs déficits commerciaux en devises étrangères, notamment en dollars puisque la plupart des transactions et des achats internationaux se font en dollar américain, lequel dollar américain aujourd’hui est appuyé sur l’étalon pétrole, cela explique ce qui se passe depuis la première guerre d’Irak. En effet, il avait perdu en 1971 l’étalon Or à cause de la guerre du Vietnam et de la déclaration unilatérale de Nixon, et donc il s’est appuyé sur l’étalon pétrole. Ce qui se passe aujourd’hui avec la Russie, l’Ukraine et les autres guerres, c’est pour maintenir et augmenter le prix du gaz de schiste et du pétrole, et donc tout bénéfice pour les États-Unis parce que leur dollar restera basé sur l’étalon pétrole et hydrocarbures et gaz tant qu’ils font ce qu’il faut par la guerre si nécessaire pour maintenir cette relation étalon hydrocarbures/dollar. Et la FED n’est pas totalement étrangère à ça non plus parce qu’elle agit sur les taux d’intérêt et elle contrôle une monnaie mondialisée.

– La FED n’est pas une banque centrale publique au service du gouvernement et de l’État comme ça l’était jusqu’à la deuxième guerre mondiale. L’argument néolibéral, c’est que si l’État domine et contrôle la banque centrale, on ne peut pas lui faire confiance car c’est un budgetivore, il ne sait que consommer les budgets, il ne sait pas les produire. L’État ne crée pas de l’argent, ne crée pas le revenu, ni le PIB, etc. Alors que dans le PIB et le PNB, il y a les investissements de l’État et sous Giscard d’Estaing, c’étaient les investissements de l’État qui maintenaient pendant dix ans l’économie française, ce n’étaient pas les investissements privés.

On a cet argument complètement fallacieux qui dit que l’État ne fait que consommer des budgets, mais c’est pour les écoles publiques, les infrastructures pour former les ouvriers, les ingénieurs, etc., tout ce qui va servir l’entreprise à faire les profits qu’elle fait. Cet argent-là n’est pas jeté par la fenêtre ou enfermé dans un placard.

– Obamacare : l’assurance maladie universelle que voulait installer Obama, et bien même les Américains pauvres, victimes du fait qu’il n’y a pas cette assurance universelle, ils étaient contre. Parce qu’on leur a mis dans la tête définitivement que s’ils acceptent vis-à-vis de leurs voisins, etc., ils vont passer pour des losers parce qu’ils ne veulent pas travailler et faire ce qu’il faut pour payer leur propre assurance. Donc cette mentalité-là est bien inscrite dans la mentalité américaine et après ça, c’est répondu avec le néolibéralisme. Regardons ce que sont devenus les filets sociaux en Europe et dans nos pays, les coupures sur le dos de qui ? Toujours sur le dos des plus pauvres et des plus vulnérables.

– John Steinbeck : livre “Les Raisins de la Colère” : jamais les idées sociale-démocrate ou social-socialiste ne rentreront dans la mentalité américaine parce que le système a tout fait pour que chaque Américain ait bien profondément inscrit dans le fin fond de son inconscient et de sa tête que s’il est pauvre et qu’il est en train de crever de faim et d’autres à côté, ce n’est pas parce qu’il y a de l’exploitation qui crée de la pauvreté aux États-Unis, pas du tout, c’est juste parce qu’il est un millionnaire momentanément dans l’embarras. Alors voilà ce que pense le pauvre Américain : je ne suis pas exploité, le patron qui fait des milliards et des millions, c’est un winner, il travaille fort. C’est pour ça qu’ils acceptent des salaires mille fois supérieurs à celui de l’employé en France ou ailleurs, ça ne serait pas accepté. Mais eux, ils acceptent parce que ce sont des winners et ils ont les salaires qu’ils méritent. Et puis de toute façon, les États-Unis sont le meilleur pays au monde où on peut tout faire, il suffit de vouloir, il suffit d’être motivé. D’ailleurs, c’est ce qu’on enseigne dans les écoles de gestion : soyez motivés et vous aurez tout ce que vous voudrez. Vous n’avez pas de Mercedes ? Eh bien, levez-vous tous les matins avec la motivation “Je suis motivé pour avoir une Mercedes” et vous finirez par l’avoir. C’est ça qu’ils ont dans la tête.

Être motivé pour améliorer son sort, et bien sinon ce n’est pas grave, l’Amérique est un pays fait de telle façon qu’un jour ou l’autre je serai millionnaire. Pour l’instant, je suis simplement un millionnaire momentanément dans l’embarras.

– L’État est considéré comme un budgetivore, il consomme des budgets et il ne produit rien. Il consomme le budget de qui ? Des riches, parce que ce sont les riches qui produisent. Donc, il faut arrêter de les imposer parce qu’eux vont faire un meilleur usage de cet argent que l’État. Pourquoi ? Parce que l’État le donne à un pauvre. Comme cette phrase de Reagan : donner un dollar à un riche, il va l’investir et donner un dollar à un pauvre, il va courir s’acheter un sandwich et le manger. Donc, il vaut mieux donner ce dollar aux riches qu’aux pauvres.

– Les États-Unis, avec leur système, ont besoin de dirigeants de moins en moins intelligents, de moins en moins savants ou sachants. Et puis d’ailleurs, c’est dans le monde entier, la politique nécessite aujourd’hui des gens de moins en moins instruits, de moins en moins cultivés, et même les citoyens d’ailleurs. Puisque l’on ferme les facultés de philosophie, de littérature, de mathématiques pures, d’histoire, d’histoire universelle, d’anthropologie, toutes les disciplines qui servent à donner de la pensée, de la conscience, de la capacité de discernement aux citoyens et de la capacité de participation à la vie politique, on les supprime. C’est ce qu’on appelle l’employabilité, c’est une catastrophe. L’employabilité, c’est-à-dire fabriquer juste le mécanicien que veut l’entreprise, l’électricien que veut l’entreprise, le comptable que veut l’entreprise. Et bien, je suis désolé, mais un comptable, il sait compter, point. Un mécanicien, il sait boulonner des boulons, point. Un électricien sait rafistoler les fils, point. Alors, où sont les citoyens qui vont penser le pays dans l’histoire, dans la philosophie politique ? Ce concept d’employabilité, l’université, l’école publique est là pour former ce qui sert à l’entreprise pour faire de l’argent.

– Normalement, la banque centrale dans l’histoire, c’était la banque qui imprimait la monnaie sur demande de l’État. Donc, c’est l’État qui emprunte lui-même à la banque centrale avec un taux d’intérêt qui arrange l’État. Alors, l’argument des néolibéraux, c’est que si l’État contrôle la banque centrale, il peut emprunter à 0% et si il emprunte à 0%, il va gaspiller sans limite. Mais gaspiller quoi ? Si l’État gaspille pour éduquer les citoyens, ce n’est pas du gaspillage. Si il gaspille pour améliorer les infrastructures du pays, ce n’est pas du gaspillage. On a refusé trois mille milliards de dollars à Biden pour améliorer les infrastructures américaines qui sont en train de tomber en ruines, sous prétexte que cet argent va être de la redistribution de richesse et qui va aller dans la poche des pauvres qui vont ruiner les riches et l’économie américaine. Alors, si l’État peut emprunter à 0% ou 1% pour avoir de l’argent disponible pas cher, il va avoir tendance à dépenser sans limite. Par contre, si la BCE est privatisée ou se comporte comme une banque privée, elle va dire à l’État : “Écoutez, moi je vous prête de l’argent, mais je vous prête au taux d’intérêt du marché, ou même plus, parce que prêter à l’État, c’est peut-être risqué si l’État met cet argent dans des programmes de guerre ou pour améliorer la condition des pauvres et de toute la nation. Pour eux, cet argent va dans des ruisseaux, c’est des puits sans fond et le tonneau des Danaïdes, donc pas question.” On a pondu cette théorie qui veut que la banque centrale se comporte comme une banque privée ou devient une banque privée, propriété de X autre banque privée, et puis à partir de là, prête à l’État comme si c’était un emprunteur privé et lui impose un taux d’intérêt élevé en fonction du risque qu’on calcule et qu’on évalue.

– Mario Draghi, ex-président de la BCE, vient de Goldman Sachs.

– L’État américain imprime à la demande du secrétariat du Trésor. Donc le ministre des Finances, qui est Hank Paulson, demande à la FED d’imprimer la monnaie. C’est le ministère des Finances qui demande d’imprimer la monnaie dont l’État a besoin, et il demande qu’on imprime 10 mille ou 15 mille milliards de dollars. Mais la FED lui dit : “Attention, moi je suis une banque privée, même si je suis constituée de toutes ces banques qui ont créé la crise et qui se sont mises plein les poches et qui ont mis cet argent Dieu sait où. Et bien, désolé, mais on vous impose un taux d’intérêt.” Alors ce qui fait que maintenant, l’État américain, qui a imprimé 10 mille ou 15 mille milliards de dollars pour sauver le système financier américain, se trouve dans l’obligation maintenant de rembourser à la FED, qui est une banque privée, ces 10 mille ou 15 mille milliards de dollars qui l’a pris et qui l’a mis dans leurs poches, dans la poche de Goldman Sachs, dans la poche de Rothschild, dans la poche de Stanley Morgan, dans la poche de JP Morgan, etc. Et cet argent, maintenant, l’État doit encore le redonner à ces mêmes banques via la FED avec intérêt. Alors, regardez un peu la folie. Donc, il faut comprendre comment le système financier est un système qui n’est pas du tout au service des peuples et des États comme représentants des peuples, mais le système financier mondial est strictement au service des intérêts privés et des intérêts privés à court terme. Dire qu’il faut former que des employables et pas du tout des philosophes, des anthropologues, de la recherche fondamentale, non, on ne veut pas de ça, on veut des étudiants qui nous donnent tout de suite ce qu’on peut vendre et mettre sur les marchés et faire de l’argent avec. Et bien, ça, c’est une conception du système financier comme étant un système qui a ses propres valeurs, qui a ses propres objectifs et qui a ses propres politiques qui sont essentiellement comment augmenter la masse financière dont le système financier peut se prévaloir et les accumuler et les utiliser pour faire plus de finance avec de la finance.

– Les banques et le système financier : c’est quelque chose dans cet esprit-là qui a été déjà vu, notamment par Aristote, 4ème siècle avant Jésus-Christ, dans l’Éthique à Nicomaque. Il mettait en garde sur les deux mauvais côtés de la monnaie parce que la monnaie est née deux siècles avant Aristote. (Marx et Ricardo ont traité cela et Maynard Keynes dans la Théorie générale de la monnaie.) Aristote dit : “Attention, la monnaie a deux côtés.” Alors, il dit le bon côté, c’est que la monnaie permet d’échanger plus facilement, de voyager avec quelques pièces ou des parchemins coupés en deux, ce qu’on appelait le rôle et le contre-rôle, qui a donné le mot contrôle, plutôt que de voyager avec des tas de bidons d’huile ou du blé, etc. Donc, ça facilite les échanges, alors ça va. Mais il dit : “Attention, la monnaie est la première chose dans l’histoire de l’humanité, depuis que l’humanité existe, c’est la première chose qui naît et qui donne à l’être humain, depuis qu’il existe, qu’il y a quelque chose dans ce monde qui peut s’accumuler à l’infini.” Et il a appelé ça la chrématistique, qui vient de khrema atos, donc argent et accumulation, que aujourd’hui on appelle ça la finance. Il n’y a personne qui avait l’idée, avant la naissance et l’introduction de la monnaie, aucun être humain n’avait l’idée de quoi que ce soit qui peut s’accumuler à l’infini sans limite, ce qui nous donne la crise d’aujourd’hui qui est une crise énième de l’idée qu’il peut y avoir une croissance infinie pour tout le monde, que tous les pays du tiers monde peuvent croître et rattraper l’Amérique, etc. Or, personne dans l’humanité jusque-là ne serait venu à l’idée d’accumuler des chaussures à l’infini ou des pelles à l’infini ou de l’huile à l’infini, il faut être malade, mais l’argent, oui, on peut l’accumuler.

Le système capitaliste qui se transforme en système financier, et voilà, la finance est l’ennemie de l’économie. Ce qui s’est passé en 2008, c’est la crise de la finance, pas de l’économie, mais évidemment, indirectement de l’économie aussi puisque la finance domine l’économie.

– La crise de 1929 : c’est la première crise qui va conduire à des comportements néolibéraux et des comportements, notamment de mise en avant de l’importance primordiale et vitale de la finance plutôt que de l’économie, ce qu’on appelle aujourd’hui l’économie réelle. Depuis la crise de 2008, soudain on parle d’économie réelle et d’économie non réelle, alors laquelle ? Personne ne précise trop, on dit virtuelle de la connaissance, mais en fait c’est de la spéculation. Vous avez l’économie réelle qui est de faire de l’économie avec du poisson, du blé, de la viande, du bois et du pétrole, l’économie qui donne des utilités et des commodités qui servent à l’être humain avant de penser à faire de l’argent avec, comme disait Marx, échanger des objets humanisés. Et bien ça a donné place à plutôt faire de l’argent pour faire de l’argent, ce que Aristote a appelé le Tokos, la bâtardise, parce qu’un mulet ne fait pas un mulet, puisque l’argent n’est pas un produit naturel en soi, et bien il ne peut pas se reproduire en soi. Ceux qui produisent de l’argent à partir de l’argent font quelque chose de bâtard, donc quelque chose contre nature. La crise de 1929, John Kenneth Galbraith, livre “The Great Crash 1929”. Il faut savoir que les premiers grands barons de l’économie, comme Trump, qui ne payait jamais ses ouvriers, a fait éliminer même physiquement les syndicats dans les années 1940 et il ne payait jamais ses fournisseurs. Pourquoi il n’a jamais publié ses déclarations d’impôts alors que depuis que la loi existe, tous les présidents l’ont rendues publiques sauf lui ? Et bien parce qu’il a volé des tas de gens et il a mis en faillite beaucoup de petites entreprises. Le grand-père de Trump a commencé à faire sa fortune avec des maisons closes (house en anglais signifie maison close, exemple de la célèbre chanson “There is a house in New Orleans they call the Rising Sun”). Le grand-père de Trump a construit un peu partout lors de la dernière ruée vers l’or dans le Yukon notamment et le nord-ouest plus ou moins canadien, des bordels avec des Amérindiennes comme esclaves. Et aujourd’hui encore, dans des villages fantômes, des baraques dans le nord-ouest américain et le nord du Manitoba, des maisons qui existent encore et c’est écrit dessus “Trump House” comme “Rising Sun House” exactement. Alors maintenant, ces territoires sont sous contrôle de nations amérindiennes en partie et puis des Blancs évidemment qui essayent d’organiser des tours touristiques pour aller visiter les lieux et les “Trump Houses” avec lesquelles le grand-père de Donald Trump a fait la fortune qui a permis à son fils d’acheter les immeubles à New York et ailleurs et qui a permis à son petit-fils d’en acheter encore et d’en faire en ne payant pas ses employés, etc. Il y a une fameuse spéculation qui est connue pour le 17ème ou le 18ème siècle sur les bulbes de tulipes et ça a commencé en Hollande. Les tulipes étaient des fleurs extrêmement cotées, ça valait des prix de diamant et d’émeraude et donc il y avait des bulbes de tulipes sur lesquels on spéculait, qui pouvaient valoir la moitié d’un pays, c’était inouï. Robert Heilbroner raconte l’histoire dans son livre “Les Grands Économistes”. Donc c’est un spéculateur de ces bulbes qui avait deux ou trois sur lui et qui valaient toute sa vie une fortune hyper colossale et qui était dans un bar et il avait mis ses tulipes sur le bar et quelqu’un d’autre à côté a pensé que c’était des oignons et il les a mangées. Et bien, le type qui s’est fait manger ses tulipes s’est suicidé après, c’est pour vous dire la folie humaine de la spéculation jusqu’où ça peut aller. Après, il y a eu la spéculation sur le sucre, il y a eu la spéculation sur le café et maintenant sur le blé et les céréales et le pétrole et tous les produits de première nécessité.

En 1929, on spéculait sur les terrains et dans la bourse. À l’époque, Monsieur et Madame Tout-le-monde, qui avaient fait des économies de 200 ou 300 dollars en faisant nourrir leurs enfants avec des pâtes bouillies à l’eau pendant 15 ans, et bien ces 200 ou 300 dollars, en se privant et privant leur famille, parce qu’ils imaginaient, comme on le dit encore aujourd’hui, “vous placez votre argent à la bourse, il suffit de le mettre à la bourse, 300, et par miracle vous revenez dans deux mois, ça devient 2000 dollars”, c’est ce que Monsieur et Madame Tout-le-monde avaient dans la tête. Ils rentrent à la bourse avec leurs 300 dollars et qu’est-ce qu’ils font ? Ils sont là et ils regardent qui achète quoi, quels sont les produits les plus côtés et les produits les plus côtés, ce sont ceux dont parlent le journal de Wall Street, dont parlent les journaux spécialisés pour chercher à attirer l’argent là où ils veulent, et les surenchères sur le parterre même de la bourse. Alors ces gens-là arrivent et entendent crier “terrain en Virginie, terrain en Virginie, Vanderbilt achète des terrains en Virginie”. Alors ils voient que tout le monde est apparemment en train de vouloir acheter des terrains en Virginie, alors ils achètent. Et dans le prospectus de ce qu’on leur dit sur qu’est-ce que c’est ces terrains en Virginie ? C’est soi-disant des plages luxuriantes où on va faire des millions avec le tourisme, il suffit de construire une cabane, etc. Mais dans les faits, dans le cadastre, ça se trouve que c’était des marécages en Virginie ou des marais en Caroline du Sud qui ne valaient strictement rien. Mais les gens achètent et quand ces marécages en Virginie ont rapporté 5 ou 10 millions de dollars de l’époque à ceux qui les ont mis en vente comme étant des plages, et bien du jour au lendemain, ils sont ruinés. Mais ceux qui ont vendu ces terrains comme étant des plages, ils sont super millionnaires. Voilà ! Alors tout cet argent de ces super millionnaires, c’est de l’argent ponctionné sur l’économie réelle américaine et qui empêche en fait l’économie réelle américaine et l’Amérique et le citoyen américain d’aller de l’avant puisque pour que ces gens-là fassent ces 10 millions avec des terrains qui sont des marécages en Virginie prétendus des plages magnifiques en Virginie de l’Est ou ailleurs, et bien ces gens-là deviennent des super pauvres américains qui ne peuvent même pas instruire leurs enfants, qui vont mendier, qui ont volé, etc. Alors voilà ce que ça donne. Deuxième exemple, David Rockefeller et JP Morgan. Tous les deux créent une entreprise fictive pour acheter une compagnie de cuivre, donc d’exploitation du cuivre, qui s’appelait Anaconda Copper Company. Donc ils créent une entreprise fictive qui s’appelle Amalgamated. Et qui est le PDG de cette Amalgamated ? C’est le chauffeur de Rockefeller. Qui est le trésorier ? C’est le cuisinier de Vanderbilt. Et là, Monsieur et Madame Tout-le-monde, avec 300 dollars, 200 dollars, 500 dollars d’économie sur 10 ans, 15 ans, 20 ans, rentrent à la Bourse. Et ils entendent les traders de Rockefeller et de JP Morgan, de tous ces gens-là qui réclament et crient “Amalgamated”. Monsieur Tout-le-monde, Madame Tout-le-monde, et bien ils achètent Amalgamated. En trois jours, ils ont émis et vendu pour 75 millions de dollars. Ils ont émis des actions de Amalgamated qui n’existait pas. Et ils ont fait 75 millions de dollars sur les actions qu’ils ont vendues. Avec ce qu’ils ont eu comme 75 millions, ils ont acheté Anaconda Copper Company qui se vendait pour 40 millions de dollars. Donc 40 millions moins 75 millions, ils ont fait 35 millions de dollars de bénéfices nets qui ne correspondent à rien dans l’économie réelle. Et ils ont en plus acquis Anaconda Copper Company. Voilà deux exemples que donne John Kenneth Galbraith de spéculation d’économie financière qui va commencer à faire pousser les bourses et la finance à travers le monde et donc finir par ruiner le monde avec le néolibéralisme parce que je suis désolé, mais aujourd’hui notre monde n’a jamais été aussi ruiné depuis qu’il existe.

– Professeur Bouhamidi : Platon considérait déjà que la véritable source de crises dans la cité et la véritable source d’absence d’harmonie dans la cité, c’était la recherche du gain. Selon lui, les écarts de fortune entre l’homme libre (les esclaves sont exclus de cette question) le plus riche d’entre eux ne devaient pas dépasser quatre fois le niveau de fortune du moins fortuné. Ainsi, la classe dangereuse pour la société était l’existence des marchands, poussés par ce qu’il appelait l’instinct de l’appât du gain et la recherche du gain.

– Les marchands avaient pour dieu Hermès, qui était le dieu des menteurs et des voleurs.

Pr. Omar Aktouf