Mehdi Bouassa, universitaire et chercheur de l'université de Fès au Maroc, a réalisé un travail analytique des webinaires du Pr. Omar Aktouf. Il ne s'agit donc pas d'une transcription. Il a extrait du discours du Pr. Omar Aktouf sur l'économie politique, les moments les plus "parlants". Ces moments sont plus éloquents que d'autres car, au hasard de leurs "surgissements" lors de ses plus grands efforts pédagogiques ou au bonheur de ses digressions, ils nous restituent les chemins qu'il s'est frayés pour arriver à cet objet de la connaissance théorique : l'Economie politique. Les jalons de ces chemins sont aussi multiples que les chemins de la vie, pas la vie en général, mais la sienne. Ils sont ces jalons, des lectures bien sûr; beaucoup, beaucoup, beaucoup de lectures attentionnées, notées et annotées, retenues par cœur. Ils sont aussiles concepts clés sur lesquels il s'appuie pour avancer dans le processus mental (et verbal, puisqu'il nous parle) de distinction de l'objet de l'économie politique au cœur du brouillard et des gangues dans lesquels l'a précipité la "science économique".Mais, et tout aussi essentiel, les jalons peuvent être des émotions, des étonnements, des curiosités soudaines ou simplement des noms et des lieux. Le berger Omar Aktouf n'a jamais quitté le Pr. Omar Aktouf, veillant à identifier la chaine des signifiants des mots, des phrases, des concepts rencontrés en chemins, ceux tracés par d'autres et ceux qu'il ouverts dans les friches entre ce qu'on appelle les disciplines à l'Université. Bref, il les examine dans et à travers leurs écosystèmes, leur conditions de naissance et de variations ou transformations Personne ne sait mieux que les bergers, héritiers des savoirs des chasseurs, ce qu'est un écosystème et les multitudes de connexions, parfois visibles, le plus souvent perçues intuitivement, qui interagissent dans le processus de la vie. Tout ce qui dit ou écrit Omar Aktouf relève d'un examen de l'écosystème des idées et reflète ce rejet des frontières entre auteurs, entre disciplines, entre théorie et pratique etc. Son activité de berger s'apparentait encore dans le sud marocain à ce que nous pourrions appeler un travail d'artisan qui demandait un long apprentissage, sur l'environnement naturel rugueux dans lequel l'inattention se payait en pertes douloureuses. Le "comment faire" avec le bétail s'apprenait dans un processus qui mobilisait la totalité de l'attention et des affects de l'homme car aucun savoir partiel ne pouvait former l'homme au caractère multidimensionnel de cette activité.
Et vous savez quoi sur la première question d'un artisan devant un produit ?
C'est "comment il a été fait?, quels outils, quelles matières, quelle techniques.
Cela vous marque pour la vie et Omar Aktouf dans ses cours même s'interroge sur comment telle théorie s'est construite ? Dans mon adolescence dans un milieu encore emprunt de la culture de l'artisanat et des corporations nos mères nous recommandaient de "capter", le savoir des "sachants", de ceux qui savaient, des "mââlims" (ceux qui ont été correctement et pleinement formés) au sens presque de "voler" son savoir, de le capter non pas à leur insu mais d'aller au delà de ce qu'ils disaient ou pouvaient dire à atteindre à leur style, leurs marques personnelles qui marquaient de leur personnalité l'excellence de leur "chefs d'oeuvres".
L'immersion dans l'écosystème de l'élevage artisanal qui permettaient le partage de la connaissance par une praxis ne permettaient pas seulement de comprendre que le choix de leurs lieux de sommeil qu'évoque Omar Aktouf, le relie nécessairement par le besoin de l'échange, voire d'une forme de troc, à un écosystème encore plus large, celui du souk de cette époque précapitaliste dans cette région précise. La fréquentation du souk au sens large, c'est à dire les lois de l'échange, lui révèle des lois non écrites du commerce dans ces sociétés. Engels parle de constitutions non-écrites des tribus à l'époque de le gens et Omar découvre ces lois que la valeur de la marchandise varie selon le statut social de l'acheteur. L'acheteur aisé ne marchande pas le prix car cela ne sied pas à son statut social et il posera invariablement la question "combien faut-il ?" qui communique au marchand qu'il n'a pas de souci du prix mais juste de la qualité du bien acquis. Pour d'autres moins fortunés le marchandage est une des modalités de l'existence du lien social : l'acheteur vient acquérir un bien nécessaire en rapport avec ses possibilités et non une marchandise. La culture de ce lien social est aussi vital pour le marchand que pour le client car il renforce le lien social qui garantit la survie de l'un et les gains de l'autre. De ce fait entre son père et le marchand s'établit non l'achat d'une marchandise mais de l'acquisition d'un bien et d'un bien socialement nécessaire que à la perpétuation du groupe, dans une culture de l'intérêt partagé, loi historique de la primauté du bien de la société sur celui des individus fussent-ils élevés au rang de Sachems.
Dans ces commerces, le négoce d'où nous vient la négociation etc. c'est autre chose, ce n'est donc pas la valeur qui est prévalente mais l'usage, bien plus conforme au troc des origines.
Ce clivage entre bien et marchandise, entre usage et consommation qui infirment la primauté de l'échange et donc de la centralité de la valeur et son incarnation fétichiste la monnaie et son accumulation en dehors de toute utilité sociale sous-tend toutes les observations et développements théoriques de Omar Aktouf.
Il serait essentiellement périlleux dans ce long parcours d'homme de faire croire à Omar Aktouf une nature anhistorique, éternelle et immuable de l'homme tournée vers la recherche du profit individuel. Il s'est attaché pour le plus grand bien des révolutionnaires ou des révoltés de cet ordre social d'élargir leurs connaissances, pour mieux le combattre, sur le néolibéralisme, forme ultime de réanimation du capitalisme arrivé à son stade suprême, l'Impérialisme.
Pourtant et curieusement, rien n'est plus transparent et visible que la "science économique" telle qu'elle a été "recueillie" et "formalisée" dans un incessant remaniement des textes des pères fondateurs a plus l'objectif d'améliorer une praxis que de connaitre un objet de pensée. Ce qui, justement, distingue la science de l'idéologie. L'idéologie a un objectif jamais un objet à penser, un objectif social, essentiellement à offrir, sans frais, les compensations aptes à faire accepter aux "damnés de la terre" leur condition misérable car déterminée par des forces incoercibles ou par leurs "inaptitudes".
Mehdi Bouassa, sur cette longue série de webinaires a fourni un remarquable et extraordinaire effort. Non seulement il nous rend dans leur singularité chacune des idées de Omar Aktouf mais aussi nous révèle, chemins faisant, des repères et stations importantes de ces chemins, que sont certains auteurs; certains faits, certains souvenirs sous la forme de "thèses" que chacun pourra approfondir.
C'est un splendie canevas, très opérationnel, pour mieux organiser le travail individuel de révision des webinaires de Omar Aktouf ou pour approfondir la réfléxion et la connaissance.
C'est un magnifique travail qui permettra à des chercheurs d'aller plus avant, à des étudiants de se situer cet écosystème idéologique du capitalisme dans lequel s'affrontent les récits et les perceptions.
Il permettra aux "non-indifférents" dont parle Gramsci de mieux intervenir dans les débats publics ou dans leurs cercles d'amis.
Les jeunes du monde entier, entrés dans la révolte et le rejet de l'ordre du capitalisme ultra-financiarisé qui a ajouté l'absurde et l'obscurantisme à son injustice, pourront organiser leurs débats dans leurs environnements universitaires ou mieux industriels et trouver les matériaux inestimables pour leur travail en direction des masses de travailleurs, de jeunes, des femmes dans les champs ou dans les usines.
Rien ne sera plus conforme à la nécessité énoncé par Karl Marx: "Les philosophes n'ont fait qu'interpréter le monde de différentes manières, ce qui importe c'est de le transformer " (Thèses sur Feuerbach 1845)
Merci infiniment à Omar Aktouf et à Mehdi Bouassa.
Webinaire2 le global et le restreint continuation de la définition du néolibéralisme par le Pr. Omar Aktouf
Pour aider à la visibilité des vidéos du Pr. Omar Aktouf, visionnez les sur YouTube
Transcription par Mehdi Bouassa
– Jean Rostand : écrivain, la grandeur d’une civilisation se mesure à la façon dont on traite les plus faibles.
– L’économie, c’est des êtres humains en état d’échange. Vous enlevez l’être humain et il n’y a plus d’économie.
– Le libéralisme : en Europe, il existe sous deux connotations différentes. Il y a ce qu’on appelle le libéralisme classique, c’est-à-dire qui est sorti des libres penseurs Rousseau, Montesquieu, etc., et qui étaient contre l’État et qui le dénonçaient. Ils disaient que l’État dans le contrat social, même si Rousseau laisse entrevoir l’idée d’un État qui pourrait être un État collaborateur avec la société civile et les plus démunis, l’État de Rousseau c’était la monarchie et la noblesse, et ce n’est pas l’État de Max Weber. Voilà l’État contre lequel le libéralisme classique se révoltait, ce qui peut faire croire que le mot libéral est plutôt comme le néolibéralisme contre l’État et l’intervention de l’État. L’autre connotation du libéralisme, c’est le libéralisme social et ce libéralisme social, plus politique avec les Jean Jaurès, Balzac, Émile Zola, Diderot, Voltaire, etc, beaucoup plus la connotation collective de la chose publique, la respublica que voulaient ces gens-là et cette respublica était basée et appuyée sur la volonté populaire. Le libéralisme social et une partie du libéralisme classique, tout ça, ça avait une connotation gauche par rapport à ce qu’on appelle aujourd’hui le néolibéralisme.
– Le néolibéralisme : on nous a fait croire que c’est une nouvelle façon de penser la pensée et l’attitude politique, idéologie politique par exemple des démocrates aux États-Unis puisque c’est né aux États-Unis. Attention au mot néolibéralisme, il est préférable de l’appeler ultralibéralisme, peut-être que ça peut être plus proche de la signification réelle, mais peut-être que le mot le plus adéquat serait néo-capitalisme sauvage.
– Les crises : chaque 10 ans, 15 ans, le capitalisme a besoin de voir naître une crise, la façon de la faire est différente. Ce qui se passe, c’est que toute crise du capital est au contraire un renforcement du pouvoir du capital. Marx l’a analysé en partie et John Maynard Keynes aussi dans le rôle de la monnaie qui n’est pas neutre, la manipulation de la monnaie par les bourses ce n’est pas neutre, la monnaie n’est pas un instrument neutre d’échange, c’est aussi quelque chose qui peut devenir un pouvoir en soi et comme la monnaie et l’argent sont thésaurisés essentiellement par le capital et les capitalistes, et bien c’est une arme non neutre dans l’économie qui est au service du capital. Comment ça renforce le capitalisme ? Et bien pour sortir de la crise, il faut demander des sacrifices, sacrifices à qui ? Toujours aux mêmes, on licencie les employés et les ouvriers, on affaiblit les syndicats. La plupart des syndicats qui restent aux États-Unis sont des syndicats maison.
– Si par exemple moi je ne suis pas à mon bureau, je suis absent, mes collaborateurs et les employés peuvent prendre des décisions ? Et s’ils prennent des décisions qui ne sont pas correspondantes à mes idées ? Vous êtes directeur de votre entreprise pour qu’elle marche bien ou pour qu’elle marche selon vos idées ? Ce n’est pas la même chose, vos idées ne peuvent pas être forcément excellentes, parfois des idées de vos collaborateurs peuvent être bien meilleures que les vôtres, pourquoi pas ? D’où vous sortez ça que si ça ne marche pas selon vos idées ce n’est pas bon ?
– Quand les profits baissent, comment faire pour ne pas licencier ? Ce que font les Japonais, ce que fait Cascade, c’est qu’on se réunit et on discute parce que chaque usine c’est quelque chose de particulier, le produit n’est pas le même, le marché n’est pas le même, les coûts ne sont pas les mêmes, les fournisseurs ne sont pas les mêmes. Il n’y a pas une solution qui peut venir du 18ème échelon hiérarchique pour tout le monde, ce n’est pas possible. Donc quand chaque usine, dans ses spécificités, examine les raisons pour lesquelles les stocks montent et les ventes baissent, ils négocient avec leurs fournisseurs ne sont pas les mêmes, il n’y a pas une solution qui peut venir du 18ème échelon hiérarchique pour tout le monde, ce n’est pas possible. Donc, quand chaque usine, dans ses spécificités, examine les raisons pour lesquelles les stocks montent et les ventes baissent, elle négocie avec ses fournisseurs, elle négocie avec ses acheteurs et avec notamment les employés et les syndicats. Quand l’employé arrive le lundi en se demandant si ça sera son tour cette semaine de se faire mettre à la porte, comment va-t-il travailler toute la semaine ? Alors que l’ouvrier japonais ou l’ouvrier de Cascade, il ne se pose jamais cette question. Il arrive le lundi, il sait qu’il sera là le lundi suivant, donc aucune anxiété et aucune angoisse.
– Le néolibéralisme, avec ses ramifications et ses tentacules innombrables, fait qu’il est tellement résistant, même devant les faits et devant la réalité. Comme la crise du COVID et la crise du dérèglement climatique.
– À chaque crise, le capital se renforce. Les directeurs des entreprises résolvent la crise en renforçant leur pouvoir, comment ? Ils licencient et ils disent à ceux qui restent, avec le même salaire, “vous allez me faire le travail de trois personnes”. Mais ils sont gagnants, avec le même salaire, ils ont le travail de trois salaires. Alors c’est le capital au pays des merveilles. Il renforce le pouvoir en affaiblissant le syndicat, parce qu’à partir de là, tous ceux qui sont syndiqués n’ont pas de promotion et n’ont pas de formation. Ceux qui sont gâtés avec les primes, etc., c’est les non-syndiqués d’abord.
– Après la résorption de la crise de 2008 : Obama a donné 15 mille milliards de dollars pour sauver le système financier. 75% de la structure financière de General Motors appartenait à l’État américain, 13% appartenait à l’État canadien parce qu’ils ont aussi des usines au Canada et c’est l’État qui a casqué, et le reste appartenait au syndicat.
– L’une des grandes erreurs que Marx aurait commises : c’est de n’avoir jamais pensé que l’État lui-même deviendrait le capital. Malgré le fait qu’il a dit que l’État, c’était le comité de gestion de la classe dominante. Même ses auteurs, comme Leszek Kolakowski et Ernest Mandel, il n’a pas vraiment palpé le fait que l’institution étatique deviendrait elle-même, non seulement instrument, mais conscience et fluide sanguin du capitalisme, du capital et de la finance.
– Stephen Marglin : économiste américain, titulaire à 29 ans à l’école de Harvard. Article : À quoi servent les patrons ?
– L’argent de la bourse, ce n’est que de l’argent artificiel qui ne correspond à aucun bien et matériel de l’économie réelle et c’est de l’argent qu’il vaut mieux brûler que mettre en circulation. Parce que dès qu’on met cet argent en circulation, qui ne correspond à aucun bien et service ni à conservation de l’énergie par le travail, et bien cet argent ne fait que détruire.
– Produire et multiplier l’argent pour produire et multiplier l’argent : c’est ça qui fait que la boule de neige, produire de l’argent pour produire de l’argent, finit par tuer les sources qui produisent de l’argent, c’est-à-dire le travail et la nature. Le travail et la nature ont tellement été esquintés, massacrés, saccagés, réduits quasiment à néant, qu’on ne peut plus produire, comme ils disent, des richesses parce que la nature n’en peut plus et parce que le travail, aujourd’hui, les gens courent après les gens pour venir travailler parce qu’après la crise du COVID, les gens ne veulent plus travailler aux conditions du capital néolibéralisme.
– Le licenciement qui permet d’employer : si le patron est complètement libre, free for all, s’il a le droit sans aucune entrave de licencier comme il veut, quand il veut, et bien il ne va pas hésiter à employer parce qu’il sait que celui qu’il va employer, s’il ne fait pas l’affaire, s’il parle de syndicat, s’il ronchonne un peu trop, il peut le renvoyer quand il veut. Et bien, il va embaucher plus facilement parce qu’il sait que ça lui sera plus facile de licencier. Le licenciement comme tremplin pour augmenter l’emploi.
– Le plus intelligent des deux n’est pas celui qui résout un problème, mais c’est celui qui le formule. Un problème correctement formulé est un problème à moitié résolu. Le problème de “how to make money ?” Avec une reformulation en “how to make smart intelligent money and money that doesn’t hurt nobody and nothing”. Comment faire de l’argent intelligent, de l’argent qui a du sens et sans porter atteinte ni à la nature ni au bien-être des citoyens ? Ça, c’est un problème bien formulé ! Et alors on aura le bon modèle économique qui fera que chacun trouvera son compte y compris la nature.
– L’humain et les machines : la machine ou l’ordinateur de dernière génération, il y a plusieurs problèmes qui sont les mêmes. La machine ne reçoit pas de salaire, ne paye pas d’impôts, elle ne fait pas d’épargne ni d’investissement donc la machine ne contribue en rien à l’économie. Il y a des économistes qui ont proposé une sorte de salaire calculé au prorata du salaire de l’humain qui aurait été au poste en question et de faire comme si la machine touchait ce salaire et donc on prélèverait sur ce salaire un certain montant. Mais la machine n’achète pas, elle ne va pas chez l’épicier, elle ne va pas au cinéma, elle ne va pas au théâtre donc tous les secteurs vont baisser de revenu comme on l’a vu avec le COVID parce qu’on remplace un salarié par une machine, c’est de la folie.
– Karl Marx : il ne faut pas confondre Marx et marxiste et encore moins Marx et Marxien. Marx et méthode marxienne, Marx et politique, tout ce qui a été fait en politique au nom de Marx, Marx aujourd’hui le renierait. À la fin de sa vie, il disait “je ne suis pas marxiste” pendant deux ans, il disait ça. Ce qu’il faut savoir, c’est que Marx est l’un des auteurs de l’humanité les plus fondamentaux, les plus profonds, les plus extraordinairement féconds qu’on ait jamais rencontrés. C’est pour ça qu’il est l’auteur sur lequel on écrit le plus au monde avec Jésus Christ et le prophète Mahomet. Ces trois-là sont les personnages de l’histoire humaine sur lesquels on écrit le plus, ce n’est pas pour rien.
– Ferdinand Lassalle : théoricien socialiste.
– Léon Trotski : est un révolutionnaire communiste.
– Karl Marx : a dit attention, les machines c’est bon, ça produit, mais attention à ne pas croire qu’elles vont remplacer l’être humain parce que la machine c’est du travail mort, l’être humain c’est du travail vivant. La différence, c’est que le travail mort répète un algorithme ou une formule ad vitam aeternam alors que le travail vivant répète un certain temps mais au bout d’un moment, il s’aperçoit que dans la répétition, il y a quelque chose qui ne va pas et il y rajoute quelque chose, c’est ce qu’on appelle l’innovation et l’amélioration, la machine n’en est pas capable.
– À quoi servent les machines ? Pour faire du travail mort. Lequel travail mort est obsolète aussitôt que quelqu’un d’autre, comme les Japonais, utilise plus le travail vivant que le travail mort. Voilà pourquoi les produits japonais, allemands, scandinaves, coréens et maintenant chinois sont les meilleurs produits dans tous les domaines et constamment en progrès. Pourquoi ? Eh bien, il faut comprendre que la robotisation après la mécanisation. Dans la mécanisation, on nous dit qu’on va mettre des machines mécaniques qui vont faire du travail routinier, du travail inintéressant que le travailleur n’aime pas faire, etc., et puis le travailleur, lui, il va être spécialisé dans le travail plus intelligent, etc. Mais le problème, c’est que les patrons en ont profité pour mettre les machines et mettre les ouvriers à la rue. Voilà, c’est tout, pas d’ouvrier qui fait des choses intéressantes, la machine les fait et l’ouvrier est dans la rue. Et bien très vite, les voitures américaines ont été dépassées, les voitures françaises ont été dépassées, traînées par qui ? Notamment par les Japonais et déjà par les Allemands, etc. Pourquoi ? Plusieurs raisons, la première raison, c’est que l’entreprise japonaise, l’entreprise allemande, l’entreprise suédoise, la mission que se définissent ces entreprises, comme on dit en stratégie, c’est “Comment faire de bonnes voitures ?” Moi, Volvo, c’est “how to make a good car?” Voilà pourquoi je suis là. Et c’est ce que Thorstein Veblen avait appelé le technicien et le capitalisme techniciste ou technologique qui subordonne le financier. Dans le capitalisme, c’est le financier qui décide. C’est le financier qui dit à l’ingénieur “je te donne un budget de tant de millions de dollars pour faire tel modèle parce que je dois donner à mes actionnaires tant. Je dois donner tant de prime à mon PDG. J’aurais tant de prime à moi-même, tant de prime à mes chefs exécutifs, tant de prime pour le lobbying à Washington (corruption officielle), etc. Voilà ce qui te reste pour faire une voiture, débrouille-toi.” Avec ce qui reste, le pauvre ingénieur fait la voiture qu’il peut. Donc, il va la faire avec du mauvais caoutchouc, du mauvais acier, du mauvais aluminium. Une voiture qui va tomber en panne tous les 200 km. Alors que les autres, c’est l’ingénieur qui dit au PDG financier etc, “Pour faire la Toyota ou la Mercedes, j’ai besoin d’un chèque de tant.” Et le financier signe le chèque et ce qui reste est distribué aux actionnaires et aux patrons. Donc voilà, il y a des différences énormes. La dernière, c’est qu’il faut comprendre que quand les Japonais, qui ont été les premiers à robotiser, pourquoi ils ont mis des robots dans les usines ? Ils ont mis les robots dans les usines pour compléter, pour aider le travailleur et l’ouvrier, pas pour le remplacer. Parce que les produits japonais, allemands, suédois, etc étaient tellement en demande dans le monde.
– La Chine en Afrique : les motos que fabrique la Chine dans les pays d’Afrique, 50% pour les pays où elle a amené les premières motos et gratuitement. Ils font payer quand l’entreprise qui est créée dans le pays en question commence à produire ses propres motos à 100% contenu du pays où l’entreprise a été implantée et bien là ils commencent à rembourser la Chine. Ce qui fait que la Chine est entrain de rentrer très intelligemment avec des produits de qualité et avec une réputation et un accueil et une attitude des Africains qui n’a rien à voir avec l’attitude envers les Américains et les autres.
– Noam Chomsky : On utilise un langage qui n’est pas le langage qu’on entend à la radio, à la télévision, en politique de concurrence, compétitivité, ce que j’appelle le discours minimum garanti, le DMIG, Discours minimum interprofessionnel garanti. Vous mettez dans votre discours, n’importe où dans le monde néolibéral aujourd’hui, compétitivité, Michael Porter, chaîne de valeur, valeur, valeur ajoutée, mondialisation, support à l’exportation, IDE, etc. Et vous avez fait un discours impeccable que tout le monde comprend. Mais comme le dit Chomsky, quelqu’un qui tient un discours qui va contre le discours que tout le monde comprend a besoin de parler beaucoup plus parce qu’il faut d’abord qu’ils déconstruisent ce que l’autre croit avoir compris et ensuite reconstruire pour faire comprendre ce que lui, l’auteur ou l’orateur, veut faire comprendre. Comme le dit la linguistique, se parler c’est mettre des mots les uns après les autres. On ne peut pas téléporter les mots et on ne peut pas compresser les phrases et les explications.
– Professeur Bouhamidi : le fast-food de la pensée, tronçonner ce qu’on nous fait passer pour de la pensée pour faire de nous de simples consommateurs, et est des consommateurs d’idées toutes faites, les pensées moues, creux et vide, c’est eux qui pensent, c’est nous qui consommons.