Mehdi Bouassa, universitaire et chercheur de l'université de Fès au Maroc, a réalisé un travail analytique des webinaires du Pr. Omar Aktouf. Il ne s'agit donc pas d'une transcription.
Il a extrait du discours du Pr. Omar Aktouf sur l'économie politique, les moments les plus "parlants". Ces moments sont plus éloquents que d'autres car, au hasard de leurs "surgissements" lors de ses plus grands efforts pédagogiques ou au bonheur de ses digressions, ils nous restituent les chemins qu'il s'est frayés pour arriver à cet objet de la connaissance théorique : l'Economie politique.
Les jalons de ces chemins sont aussi multiples que les chemins de la vie, pas la vie en général, mais la sienne. Ils sont ces jalons, des lectures bien sûr; beaucoup, beaucoup, beaucoup de lectures attentionnées, notées et annotées, retenues par cœur. Ils sont aussi
les concepts clés sur lesquels il s'appuie pour avancer dans le processus mental (et verbal, puisqu'il nous parle) de distinction de l'objet de l'économie politique au cœur du brouillard et des gangues dans lesquels l'a précipité la "science économique".
Mais, et tout aussi essentiel, les jalons peuvent être des émotions, des étonnements, des curiosités soudaines ou simplement des noms et des lieux.
Le berger Omar Aktouf n'a jamais quitté le Pr. Omar Aktouf, veillant à identifier la chaine des signifiants des mots, des phrases, des concepts rencontrés en chemins, ceux tracés par d'autres et ceux qu'il ouverts dans les friches entre ce qu'on appelle les disciplines à l'Université. Bref, il les examine dans et à travers leurs écosystèmes, leur conditions de naissance et de variations ou transformations
Personne ne sait mieux que les bergers, héritiers des savoirs des chasseurs, ce qu'est un écosystème et les multitudes de connexions, parfois visibles, le plus souvent perçues intuitivement, qui interagissent dans le processus de la vie.
Tout ce qui dit ou écrit Omar Aktouf relève d'un examen de l'écosystème des idées et reflète ce rejet des frontières entre auteurs, entre disciplines, entre théorie et pratique etc.
Son activité de berger s'apparentait encore dans le sud marocain à ce que nous pourrions appeler un travail d'artisan qui demandait un long apprentissage, sur l'environnement naturel rugueux dans lequel l'inattention se payait en pertes douloureuses. Le "comment faire" avec le bétail s'apprenait dans un processus qui mobilisait la totalité de l'attention et des affects de l'homme car aucun savoir partiel ne pouvait former l'homme au caractère multidimensionnel de cette activité.Mehdi Bouassa, universitaire et chercheur de l'université de Fès au Maroc, a réalisé un travail analytique des webinaires du Pr. Omar Aktouf. Il ne s'agit donc pas d'une transcription.
Mehdi Bouassa a extrait du discours du Pr. Omar Aktouf sur l'économie politique, les moments les plus "parlants". Ces moments sont plus éloquents que d'autres car, au hasard de leurs "surgissements" lors de ses plus grands efforts pédagogiques ou au bonheur de ses digressions, ils nous restituent les chemins qu'il s'est frayés pour arriver à cet objet de la connaissance théorique : l'Economie politique.
Les jalons de ces chemins sont aussi multiples que les chemins de la vie, pas la vie en général, mais la sienne. Ils sont ces jalons, des lectures bien sûr; beaucoup, beaucoup, beaucoup de lectures attentionnées, notées et annotées, retenues par cœur.,
qui le concepts clés sur lesquels il s'appuie pour avancer dans le processus verbal dans la distinction de l'objet de l'économie politique du brouillard et des gangues dans lesquels l'a précipité la "science économique".
Mais, et c'est l'essentiel, les jalons peuvent être des émotions, des étonnements, des curiosités soudaines ou simplement des noms et des mots.
Le berger Omar Aktouf n'a jamais quitté le Pr. Omar Aktouf, veillant comme jadis avec ses moutons, à ces mots, ces phrases, ces concepts rencontrés en chemins, ceux tracés par d'autres et ceux qu'il ouverts dans les friches entre ce qu'on appelle les disciplines à l'Université.
Personne ne sait mieux que les bergers, héritiers des savoirs des chasseurs, ce qu'est un écosystème et les multitudes de connexions, parfois visibles, qui interagissent dans le processus de la vie.
Tout ce qui dit ou écrit Omar Aktouf relève d'un examen de l'écosystème des idées et reflète ce rejet des frontières entre auteurs, entre disciplines, entre théorie et pratique etc.
Son activité de berger s'apparentait encore dans le sud marocain à ce que nous pourrions appeler un travail d'artisan qui demandait un long apprentissage, sur l'écosystème justement et d'abord, sur le "comment faire" avec le bétail dans un processus sans division spécialisée du travail.
Et vous savez quoi sur la première question d'un artisan devant un produit ?
C'est "comment il a été fait?, quels outils, quelles matières, quelle techniques.
Cela vous marque pour la vie et Omar Aktouf dans ses cours même s'interroge sur comment telle théorie s'est construite ? Dans mon adolescence dans un milieu encore emprunt de la culture de l'artisanat et des corporations nos mères nous recommandaient de "capter", le savoir des "sachants", de ceux qui savaient, des "mââlims" (ceux qui ont été correctement et pleinement formés) au sens presque de "voler" son savoir, de le capter non pas à leur insu mais d'aller au delà de ce qu'ils disaient ou pouvaient dire à atteindre à leur style, leurs marques personnelles qui marquaient de leur personnalité l'excellence de leur "chefs d'oeuvres".
L'immersion dans l'écosystème de l'élevage artisanal qui permettaient le partage de la connaissance par une praxis ne permettaient pas seulement de comprendre que le choix de leurs lieux de sommeil qu'évoque Omar Aktouf, le relie nécessairement par le besoin de l'échange, voire d'une forme de troc, à un écosystème encore plus large, celui du souk de cette époque précapitaliste dans cette région précise. La fréquentation du souk au sens large, c'est à dire les lois de l'échange, lui révèle des lois non écrites du commerce dans ces sociétés. Engels parle de constitutions non-écrites des tribus à l'époque de le gens et Omar découvre ces lois que la valeur de la marchandise varie selon le statut social de l'acheteur. L'acheteur aisé ne marchande pas le prix car cela ne sied pas à son statut social et il posera invariablement la question "combien faut-il ?" qui communique au marchand qu'il n'a pas de souci du prix mais juste de la qualité du bien acquis. Pour d'autres moins fortunés le marchandage est une des modalités de l'existence du lien social : l'acheteur vient acquérir un bien nécessaire en rapport avec ses possibilités et non une marchandise. La culture de ce lien social est aussi vital pour le marchand que pour le client car il renforce le lien social qui garantit la survie de l'un et les gains de l'autre. De ce fait entre son père et le marchand s'établit non l'achat d'une marchandise mais de l'acquisition d'un bien et d'un bien socialement nécessaire que à la perpétuation du groupe, dans une culture de l'intérêt partagé, loi historique de la primauté du bien de la société sur celui des individus fussent-ils élevés au rang de Sachems.
Dans ces commerces, le négoce d'où nous vient la négociation etc. c'est autre chose, ce n'est donc pas la valeur qui est prévalente mais l'usage, bien plus conforme au troc des origines.
Ce clivage entre bien et marchandise, entre usage et consommation qui infirment la primauté de l'échange et donc de la centralité de la valeur et son incarnation fétichiste la monnaie et son accumulation en dehors de toute utilité sociale sous-tend toutes les observations et développements théoriques de Omar Aktouf.
Il serait essentiellement périlleux dans ce long parcours d'homme de faire croire à Omar Aktouf une nature anhistorique, éternelle et immuable de l'homme tournée vers la recherche du profit individuel. Il s'est attaché pour le plus grand bien des révolutionnaires ou des révoltés de cet ordre social d'élargir leurs connaissances, pour mieux le combattre, sur le néolibéralisme, forme ultime de réanimation du capitalisme arrivé à son stade suprême, l'Impérialisme.
Pourtant et curieusement, rien n'est plus transparent et visible que la "science économique" telle qu'elle a été "recueillie" et "formalisée" dans un incessant remaniement des textes des pères fondateurs a plus l'objectif d'améliorer une praxis que de connaitre un objet de pensée. Ce qui, justement, distingue la science de l'idéologie. L'idéologie a un objectif jamais un objet à penser, un objectif social, essentiellement à offrir, sans frais, les compensations aptes à faire accepter aux "damnés de la terre" leur condition misérable car déterminée par des forces incoercibles ou par leurs "inaptitudes".
Mehdi Bouassa, sur cette longue série de webinaires a fourni un remarquable et extraordinaire effort. Non seulement il nous rend dans leur singularité chacune des idées de Omar Aktouf mais aussi nous révèle, chemins faisant, des repères et stations importantes de ces chemins, que sont certains auteurs; certains faits, certains souvenirs sous la forme de "thèses" que chacun pourra approfondir.
C'est un splendie canevas, très opérationnel, pour mieux organiser le travail individuel de révision des webinaires de Omar Aktouf ou pour approfondir la réfléxion et la connaissance.
C'est un magnifique travail qui permettra à des chercheurs d'aller plus avant, à des étudiants de se situer cet écosystème idéologique du capitalisme dans lequel s'affrontent les récits et les perceptions.
Il permettra aux "non-indifférents" dont parle Gramsci de mieux intervenir dans les débats publics ou dans leurs cercles d'amis.
Les jeunes du monde entier, entrés dans la révolte et le rejet de l'ordre du capitalisme ultra-financiarisé qui a ajouté l'absurde et l'obscurantisme à son injustice, pourront organiser leurs débats dans leurs environnements universitaires ou mieux industriels et trouver les matériaux inestimables pour leur travail en direction des masses de travailleurs, de jeunes, des femmes dans les champs ou dans les usines.
Rien ne sera plus conforme à la nécessité énoncé par Karl Marx: "Les philosophes n'ont fait qu'interpréter le monde de différentes manières, ce qui importe c'est de le transformer " (Thèses sur Feuerbach 1845)
Merci infiniment à Omar Aktouf et à Mehdi Bouassa.
W1 : Économie, gestion : contenus, analyse critiques et pédagogique par Omar Aktouf
– Il y a des écoles qui enseignent avec le Monopoly, qui est considéré comme le summum de la qualité de l’enseignement et qui forme les étudiants avec le jeu de Monopoly. C’est-à-dire que tout ce qui est étudié à l’école primaire est déjà taxé sur l’idée du marché libre et d’accumulation de richesse pour accumuler la richesse. Alors, à la fin des mois ou de l’année, sont nommés au tableau d’honneur les élèves qui ont accumulé le plus de monnaie Monopoly. Ce ne sont pas les élèves qui ont le plus compris Alphonse Daudet ou la littérature et les maths. Alors, vous voyez un peu ce que ça peut donner comme idéologie et comme mentalité.
– Françoise Dolto : la psychanalyste spécialisée dans l’enfance, il y a des mécanismes qui font qu’on peut avoir des souvenirs de bébé, même à partir de l’âge de huit mois.
– Frantz Fanon : psychiatre, le colonialisme voulait garder l’image de l’indigène dans une case strictement de folklorisation, l’indigène ne peut pas être présenté autrement que comme quelque chose de folklorique, donc d’inférieur ou de ridicule sans valeur.
– La différence entre algérien et marocain au Maroc protectorat : au Maroc, les algériens étaient traités par les Français comme des français avec des droits que les marocains n’avaient pas, donc diviser pour régner. Notamment le droit d’aller à l’école française.
– Henri Atlan et Henri Laborit : la mémoire, c’est la base de la combinatoire entre ce qu’elle accumule, qui fait qu’on arrive à comprendre des choses et à faire des liens. La mémoire est comme un muscle, ça se renforce, plus vous y mettez des choses, plus il devient facile de mettre des choses. Quand je lis un nouveau livre, eh bien, ce qui est nouveau par rapport à tout ce que ma mémoire a accumulé de tout ce que j’ai lu avant, c’est peut-être 20 pages sur 300 ou 10 pages sur 200, tout le reste je le connais donc ça devient de plus en plus facile. Mais il faut faire cet effort quotidiennement et régulièrement, de lire et mémoriser afin d’être capable de faire des liens.
– Adam Smith : lui-même a critiqué sa propre main invisible.
– Taylor, œuvre complète : lorsque tous les coûts de l’entreprise sont payés, ce qui reste doit être partagé équitablement avec tous les employés.
– Fayol : a écrit que tout chef qui se respecte et qui ne demande pas l’avis des équipes de ses employés avant de prendre une décision, est un mauvais chef.
– La théorie critique : la comparaison par la superstructure dominante officielle comme les universités etc., tout ce qui est néolibéralisme, économie néolibérale et ce que disent les auteurs originaux, ce que dit la source originale de ce qui est dit aujourd’hui à propos d’économie et de gestion, et donc ça, ça m’a amené sans le savoir à agir mentalement et creuser derrière les apparences, derrière ce qu’on dit et ce qu’on ne dit pas. Donc ça m’a amené à avoir une position qui est celle très proche ou même tout à fait semblable à la position de ce qu’on appelle la théorie critique ou l’école de la théorie critique qui est essentiellement l’école de Francfort de philosophie. Elle a donné Herbert Marcuse avec son livre “L’Homme unidimensionnel” par exemple, qui est une très grande virulente critique de l’ordre capitaliste et la fausse conscience qui l’induit, qui rappelle un peu l’aliénation. Le plus ancien ancêtre de l’école de Francfort, peut-être pas de la théorie critique, mais c’est Arthur Schopenhauer, on le qualifie de sceptique et pessimiste. D’ailleurs, c’est lui qui a enfanté plus ou moins indirectement Nietzsche et les idées nietzschéennes. Arthur Schopenhauer avait cette phrase : “La vie pour l’être humain est chose très malaisée, douloureuse et je consacre ma vie à y réfléchir.” Aussi, indirectement, Franz Kafka : écrivain. Jürgen Habermas : philosophe allemand, Ludwig Wittgenstein : philosophe Théodore W. Adorno : philosophe Antonio Gramsci.
La théorie critique, c’est cette école qui soumet à vigilance intellectuelle. Critique : il ne faut pas le prendre dans le sens dénigrement, la critique est une attitude intellectuelle absolument nécessaire Comme le contrepouvoir en démocratie, toute démocratie où il y a un pouvoir sans contrepouvoir n’est pas une démocratie. Donc la critique, c’est le contrepouvoir de l’abus de langage et de conception d’école dominante intellectuelle à travers les siècles. C’est une vigilance intellectuelle qui consiste à faire attention à ce qu’on lit et à ce qu’on nous dit et à regarder ce qui se cache derrière. Et être un peu foucaldien à la manière de Michel Foucault, concerné par la généalogie et l’archéologie. Alors, d’où vient le mystère qui explique le mystère du mystère du mystère du mystère, etc. D’où viennent les idées qui ont fait Ricardo par rapport à Smith, qui ont fait Smith par rapport à Taylor, etc. Et là, on rentre dans la pensée complexe parce que j’y ajoute même le discours de la physique théorique et de la biophysique.
– Le néolibéralisme est une pensée composite qui a des origines et des ramifications quasi infinies. Ça va de la religion, de la métaphysique, de la philosophie, de la sociologie, de l’anthropologie, de l’économie jusqu’à la psychanalyse, etc. Donc, c’est des ramifications quasiment infinies pour essayer de comprendre cette idéologie qui nous domine aujourd’hui et qui nous met dans la situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui, celle de la crise.
– Il y a le mot liberté partout : c’est une manœuvre sémantique, c’est une manipulation linguistique. Quand on vous met le mot libre ou le mot liberté avant un mot quelconque, vous ne pouvez pas être contre. Qui peut être contre le libre commerce, le libre entrepreneuriat, la libre production, le libre échange ? Donc, il y a une manipulation là-dedans parce qu’on est comme culpabilisé si on essaye de critiquer ou d’essayer de voir ce qui se cache derrière ça. C’est comme si on était contre la liberté. Ou alors, quand vous entendez l’organisation scientifique du travail, mais c’est la science, c’est scientifique. Qui peut être contre la science ? Qui peut critiquer Taylor ? Qui va critiquer tous ces gens qui prétendent que ce qu’ils disent est scientifique ?
– Qu’est-ce qu’une société néolibérale ? D’abord, il faut comprendre que là aussi, il y a un piège linguistique. Néolibérale, c’est une fausse affirmation parce que le mot libéral en français a toujours signifié plutôt de gauche. Pendant le colonialisme, quand on disait d’un Français qu’il était libéral, ça voulait dire qu’il était gentil avec les colonisés et qu’il était pour les colonisés. Donc, c’est plus proche de l’idée de gauche que de droite. Donc, on a pris un mot qui voulait dire en fait gauche, donc le contraire de ce qui est le néolibéralisme qui est de l’extrême droite économique, et on a ajouté Néo. C’est comme si c’était une nouvelle gauche, une nouvelle pensée libérale. Déjà en soi, c’est un oxymore parce que ce qu’on met derrière le mot néolibéral, c’est une économie de droite et d’extrême droite alors que le mot libéral, c’est plutôt gauche.
– Friedrich Hayek vs Keynes : ils se sont mis d’accord que tout pays ou tout État qui se dit socialiste a besoin d’une élite au-dessus de tout soupçon, beaucoup plus que toute société ou État qui se dit capitaliste. C’était une discussion qu’ils avaient à propos de la planification. Est-ce qu’il faut ou non planifier l’économie ou laisser faire le marché ? Hayek était d’accord, mais il disait qu’il était de l’ordre de l’impossible d’avoir une élite politique aussi intègre que le nécessite le socialisme. C’est impossible, donc moi, Hayek, je préfère le marché plutôt qu’une élite qui se dit intègre et qui, par derrière, trafique encore plus que les autres.
– Ibn Khaldoun : les cinq étapes de l’analyse de la décadence d’une dynastie, la conquête, la croissance, la prospérité, la spoliation, et la dernière, c’est quand cette dynastie se met à imposer les producteurs de la société plus qu’ils ne produisent. Donc, l’impôt devient supérieur à la production du revenu et là, c’est un peu la formule très connue de l’impôt qui tue l’impôt qui est un peu vieille comme le monde. Niveau d’intersection ou vitesse et accélération De vélocité entre l’impôt et ce qui est imposé, donc quand l’impôt dépasse ce qui est imposé alors on est dans la cinquième étape de Ibn Khaldoun et la dynastie disparaît et elle est remplacée par une autre dynastie qui refait les mêmes cinq cycles. Influence de Arthur Laffer : la courbe de Laffer, c’est une courbe qui montre qu’il y a rupture de proportionnalité entre l’impôt et le produit national imposé à partir d’un certain seuil d’imposition de la société, ça s’est connu depuis Ibn Khaldoun. À un moment donné, si vous imposez les gens plus qu’ils ne gagnent et qu’ils ne donnent comme revenu à la société et à l’État, et bien évidemment il y a une rupture du cycle et une rupture de proportionnalité. Alors, dans cette courbe à plusieurs branches, évolution de l’impôt et évolution des revenus, mais il ne dit pas à quel seuil à partir duquel il y a rupture. Trop d’impôt tue le revenu qui donne l’impôt. Et il conclut que ce qu’il faut, si on diminue l’impôt, ces mêmes courbes montrent qu’il y a une proportionnalité entre diminution d’impôt que ça soit entre particuliers ou aux entreprises et production, donc moins les gens sont imposés plus ils sont incités à produire. Donc on peut inverser ça en diminuant l’impôt et il y a proportionnalité et progressivité entre baisse de l’impôt et hausse des revenus donc l’inverse de la première courbe. Alors voilà comment est née l’idée néolibérale en 1974, c’était dans un restaurant à Washington où déjeunaient Arthur Laffer, Donald Rumsfeld, Dick Cheney et un journaliste économique d’un journal américain. D’après ce que dit ce journaliste, Arthur Laffer aurait dessiné sa courbe sur un bout de papier ou la nappe sur la table, après il a publié et c’est devenu l’idéologie néolibérale qui a inspiré Reagan et Thatcher et qu’ils l’ont appliquée.
– La société néolibérale : la dite liberté, liberté de choix des citoyens, laisser les citoyens choisir ce qu’ils veulent comme ils veulent en termes de produits et de consommation etc., et cette liberté de produire et c’est aussi l’appui de l’économie du côté de l’offre et non pas du côté de la demande, le côté de la demande c’est le côté plus de gauche c’est-à-dire les salaires, le revenu, le filet social, faire en sorte qu’il y ait une demande solvable comme Keynes quand il a fait la réinsertion ou le réamorçage de la pompe économique en 1931 aux États-Unis. Du côté de l’offre, c’est mettre de l’argent dans les poches des patrons, diminuer tous les coûts et le coût principal sinon le seul coût de l’entreprise qui vient diminuer les profits c’est le travail, parce que les autres coûts tout le monde les paye la même chose (les machines, la technologie, les innovations etc.) il n’y a pas d’argent à faire là-dessus sauf pour ceux qui les produisent. Côté du patronat, côté de l’offre, baisser les coûts et en faisant ça on augmente les revenus et on fait progresser l’économie et la croissance et dans tout ça l’État évidemment ne doit surtout pas intervenir puisqu’il faut une liberté totale de choix et une liberté totale de production.
– Quelle est la différence fondamentale entre le libéralisme et le néolibéralisme ? Il n’y a pas de différence, ce sont deux notions qui n’ont pratiquement rien à voir l’une avec l’autre, c’est pratiquement l’opposé. L’idée libérale et l’idée ultra libertaire de l’économie, ça n’a rien à voir. Le mot juste, linguistiquement et sémantiquement, pour qualifier le néolibéralisme, ça serait le libertarisme, c’est-à-dire une économie libertaire qui vient des idées libertaires, par exemple le club de l’horloge à Paris. Libertarien, c’est-à-dire le laisser-faire absolument total, il n’y a pas d’État qui intervient dans absolument rien et c’est la jungle, la loi du plus fort dans toute sa splendeur. Alors que le libéralisme, par tradition dans la langue française et dans la langue anglaise, c’est le souci de l’autre, un libéral est quelqu’un qui ne pense pas qu’à lui, un libéral est quelqu’un qui se pose la question de savoir dans ce qu’il fait dans la société Et dans la vie, qu’est-ce que ça aide à progresser la société, ses voisins, ses enfants, la future génération et l’environnement, et puis une idée de justice. Le libéralisme, c’est aussi l’idée d’appliquer à ce que les êtres humains font entre eux ce que l’idée de liberté implique. L’idée de liberté dans son sens fondamental, c’est l’idée d’émancipation. Or, je ne peux pas m’émanciper si les autres ne s’émancipent pas. L’émancipation ne se fait pas individuellement, sauf si on appelle émancipation la recherche du nirvana par la méditation individuelle et la métaphysique, c’est autre chose. Mais donc, dans l’idée de libéralisme, il y a l’idée d’émancipation de l’être humain et l’émancipation de la société. Les libéraux français qui étaient de gauche pendant le colonialisme voulaient que les colonisés soient aussi émancipés que les Français, ou moins, pas loin. Donc, émancipé, ça veut dire participer à la société, participer à la vie sociale, participer aux décisions, participer à la définition de la société que nous voulons, participer à l’élaboration de cette société que nous voulons, etc. Tandis que le néolibéralisme ou le libertarisme, c’est chacun pour soi. Alors, dans chacun pour soi, il est évident que c’est toujours le plus fort qui va gagner. C’est celui qui vient d’une famille riche qui va étudier dans l’université la plus cotée, ce n’est pas celui qui vient du bidonville. Non, c’est chacun pour soi. Pour le libéral, celui qui vient de famille riche doit faire ce qu’il faut pour que celui qui vient d’un bidonville puisse aller à la même université que lui. Ça, c’est une idée libérale. Le libéralisme, c’est chacun pour tous et tous pour tous. Le néolibéralisme, c’est chacun pour soi.
– Les principes inamovibles de la gauche : c’est la perfectibilité de l’être humain. L’être humain est fait pour être libre et émancipé. L’être est fait pour être dans une société où le collectif l’emporte sur l’individuel, la société évolutive.
– Libéral : l’émancipation, l’évolution, la libération de chacun par le développement de tous (communisme).
– Définition de ce que peut être une société communiste dans la Sainte Famille : le socialisme ou le communisme, c’est quand on aboutira à des échanges de produits, de biens et de services exclusivement humanisés. Ça veut dire que depuis le producteur qui produit n’importe quoi, les idées et les objectifs qu’il y a dans cette production, c’est l’être humain, ce n’est pas l’argent, la richesse, le capital, l’accumulation de monnaie, mais c’est comment cela peut-il procéder à l’émancipation de mon semblable. (Ça, c’est libéral).
– Le néolibéral : c’est la liberté d’entreprendre pour faire ce qui rapporte. Donc, je fais tel produit s’il me rapporte de l’argent. S’il ne me rapporte pas l’argent que je veux mais qu’il est quand même utile à la société, ce qui serait une idée libérale, et bien je ne le ferai pas parce qu’il faut qu’il me rapporte juste de l’argent. Ce que Marx a appelé le fétichisme de la monnaie ou de l’argent, Keynes l’a traité à sa façon, Thorstein Veblen aussi.
– Chacun pour soi, si tu n’as aucun pouvoir et aucune possibilité d’améliorer ton sort, et bien tant pis pour toi, tu crèves. Et ça, ça vient d’idées religieuses de l’idée de prédestination, de la grâce qui est dans les idées anglicanes, de la traduction de la religion chrétienne catholique. Il y a beaucoup de ramifications et beaucoup de choses complexes là-dedans qui font qu’on arrive à ce genre de pensée et à propager des pensées qui sont les contraires de ce qu’elles veulent dire ou des pensées contraires qui chevauchent en même temps ce qu’on appelle des oxymores.
– La date de naissance libérale : les libres penseurs de l’école française d’abord, ensuite l’école anglaise et puis l’école allemande, c’est-à-dire Rousseau, Voltaire, les encyclopédistes Diderot, etc., qui étaient qualifiés de libres penseurs et parfois on a utilisé le mot libéraux ou libérale et aussi les mécréants rationalistes parce que c’étaient les premiers laïques Contre la monarchie et l’église qui sont en même temps en train de vampiriser le peuple, c’était ça la laïcité qui vient de laïkos qui est le peuple en grec et aussi la libre pensée et les rationalistes qui étaient mis en anathème. Alors à cette époque-là, l’ère culturelle c’était de cette époque-là c’était comme les idées de gauche de la modernité, mais maintenant le mot libéral a complètement perdu cette connotation.
– Les limites du néolibéralisme : ces limites, il les a atteintes en 1980 à peu près, il les a atteintes sans être déjà affirmé. Si on regarde ce qui s’est passé dans les trente glorieuses c’est-à-dire entre la fin de la deuxième guerre mondiale et les années 50, 60 et 70, l’économie mondiale avec le plan Marshall etc, était en expansion. Mais moi-même et un économiste chilien à qui on a attribué le prix Nobel alternatif d’économie que les économistes altérés et les économistes fâchés etc, on attribue un prix Nobel chaque année à un économiste qu’on considère comme économiste intelligent par opposition au Nobel officiel en Suède qui est le prix de la banque de Suède et l’union des banques à un Nobel qui évidemment dit ce qui intéresse on les banques. Donc il s’appelle Manfred Max Neef, et en même temps que moi à la fin des années 1980 il a eu la même intuition et nous avons travaillé sur la même sans le savoir, c’était qu’est-ce qui fait que les idées de crise mondiale qu’on a commencé à crier partout dans les années 1980, et aussi le moment où on a commencé à parler de mondialisation. L’intuition c’était que quelque part autour des années 1980 il y a quelque chose qui a cassé la croissance, cette croissance qui a fait les trente glorieuses et la gloire anticipée des théories néolibérales. Moi j’ai travaillé avec une méthode et lui avec une autre, moi j’ai travaillé avec les chiffres de la banque mondiale sur la valeur résiduelle des entreprises déclarée dans leurs bilans et leurs valeurs à la bourse, vous faites la différence entre les deux et vous avez la différence entre l’économie virtuelle qui ne vaut rien, la bourse ce n’est pas de l’argent économique c’est de l’argent financier fabriqué comme à la planche à billets, la bourse c’est une boîte où on fait des paris on ne fait pas des placements d’ailleurs Keynes a eu ce mot extraordinaire nous ne sommes plus dans l’économie nous sommes dans l’économie Casino. Alors l’idée pour moi c’était que l’économie Casino l’emporterait sur l’économie réelle et que ça évidemment n’a aucun sens parce que l’économie casino ça n’a
aucune valeur dans l’économie réelle et donc dans la réalité du progrès des conditions d’existence matérielles des êtres humains, donc la finance c’est du vent. Je suis arrivé à la conclusion avec les calculs à l’appui que progressivement la valeur à la bourse des entreprises augmentait de façon totalement disproportionnée à leurs valeurs réelles résiduelles qui est la valeur comptable des entreprises, ces machines, ces bâtiments, ces terrains, ces immobilisations, ces comptes à recevoir, la technologie, le savoir-faire, les forces productives, les idées, la capacité productive des employés, enfin tout ce qui est tangible et un peu moins tangible comme la matière grise de l’entreprise et qui fait la valeur de l’entreprise. La valeur à la bourse c’est la spéculation qu’on fait sur les actions de l’entreprise et qui lui donne une valeur à la bourse. Une entreprise du NASDAQ valait à la bourse 80 millions de dollars et sa valeur réelle c’est zéro, c’était un bureau avec un téléphone et c’est tout, aucun actif, aucune immobilisation, aucun capital fixe, rien, le chiffre d’affaires c’est deux millions, profit zéro, elle faisait des pertes. Alors comment ça se fait qu’une entreprise qui dans le bilan, l’état comptable le plus important qu’on dépose de chaque exercice, ne vaut rien et fait des pertes et fait un chiffre d’affaires de 2 millions, comment se fait-il qu’elle vaut 80 millions à la bourse ? C’est juste de la spéculation que font les parieurs qui parient à découvert, On l’a découvert dans la crise de 2008 : ils vendent ce qui n’est pas à eux, ils empruntent des actions qui ne sont pas à eux et font des paris à la baisse sur les actions. Elles baissent, ça tente les gens de les acheter et avant que les gens ne les achètent, ceux qui ont parié à la baisse sur ces actions qu’ils ont empruntées, et bien ils achètent juste au seuil où ça ne peut pas baisser plus. Et donc, quand ils achètent, une fois que d’autres commencent à acheter parce que ça a été acheté par ceux qui ont parié tellement à la baisse dessus qu’ils ont acheté pour une bouchée de pain, et bien les autres enchérissent, ils les laissent enchérir. Pourquoi ? Ils enchérissent parce qu’ils voient qu’il y a des acteurs à la bourse qui achètent cette action qui a dégringolé jusqu’à ce niveau et ils ont acheté pratiquement la totalité des actions. Tout ça, c’est complètement psychologique et complètement tarabiscoté. Donc, le public se met à acheter et puis c’est ça qui fait que par exemple cette entreprise, sa valeur en bourse a augmenté jusqu’à 80 millions. Et vous faites 80 millions (valeur à la bourse) moins 2 millions (du chiffre d’affaires) et vous avez 78 millions qui est du vent. Et ce vent, c’est la crise de 1980 qui a fait chuter l’économie réelle et qui a donc obligé les occidentaux à pondre cette économie néolibérale avec la mondialisation pour aller chercher ailleurs avec des coûts toujours plus bas (économie du côté de l’offre du bois, du pétrole, du caoutchouc, de la main-d’œuvre, etc.).
Manfred Max Neef a travaillé avec une autre méthode, l’augmentation du PNB mondial depuis la révolution industrielle de 1900 jusqu’à 1986. Et lui, il s’est demandé donc qu’est-ce qui arrive entre l’augmentation du PNB, donc incluant l’économie virtuelle, et la qualité de vie réelle, donc les conditions d’existence des populations mondiales. Il a constaté qu’à partir de 1982 et 1985, les deux courbes du PNB qui n’arrêtent pas d’augmenter et de la qualité de vie ont fait une rupture, ce qu’on appelle “El Punto Umbrale” de Max Neef, le point d’inflexion de Max Neef, c’est-à-dire qu’à partir de 1985, à laquelle il a daté la séparation de la courbe de la qualité de vie à celle du PNB. Normalement, quand la croissance du PNB augmente, la croissance de la qualité de vie doit suivre, elle ne doit pas se séparer, la qualité de vie des gens doit s’améliorer si le PNB augmente. Alors lui, ce qu’il constate, c’est que le PNB augmente et la majorité de la qualité de vie des gens sur cette planète dégringole. Pourquoi ? Et bien, il est arrivé à la même conclusion que moi, c’est une rupture entre l’économie réelle et l’économie virtuelle et à partir de là, les conclusions sur la mondialisation et sur le néolibéralisme qui est né à partir des années 1980, comme par hasard, sur le plan pratique avec Reagan et Thatcher.