Réflexions sur les notions de développement « alternatif » par Taher Elmouez
( traduit de l’arabe)
Comment ces idées liées à la macro-économie et à l’économie mondiale peuvent-elles être appliquées à de petits projets ?
Qu’est-ce que le développement durable ?
Quelle est la manière la plus « simple » de parvenir au développement (et non à la croissance) dans les pays pauvres ? Comment poursuivre le processus de développement à moyen et long terme ?
Le développement durable requiert l’indépendance des décisions ou la « souveraineté » et nécessite la participation des citoyens à tous les niveaux du processus de développement : de l’élaboration et la préparation à l’évaluation en passant par la mise en œuvre (la réalisation des projets). Les pays pauvres (Afrique, Asie et Amérique du Sud) ont la possibilité de mettre en place de grands projets qui nécessitent d’énormes dépenses, des machines, des technologies, des infrastructures, des installations et des services qui coûtent assez cher et réclament des financements importants, ou bien elaborer et réaliser des petits et moyens projets qui nécessitent également des infrastructures, des installations et des services, mais l’investissement est plus petit et dans tous les cas, il faut réfléchir à la source de financement (en évitant les prêts conditionnés autant que possible).
Personne ne peut ignorer l’environnement ou la situation internationale caractérisée par la domination impérialiste et le néolibéralisme mondialisé. D’une part, les entreprises transcontinentales accélèrent le processus de pillage des richesses des pays d’Afrique, d’Asie (y compris le monde arabe) et d’Amérique du Sud. D’autre part, les pays impérialistes n’hésitent pas à enfreindre les règles du libéralisme « classique » et instaurer un système de protection douanière qui entrave ou interdit l’entrée des marchandises étrangères sur les marchés des États-Unis et leurs alliés. L’impérialisme (surtout américain) tente d’étrangler toute économie concurrente, y compris l’économie chinoise, considérée comme « l’usine du monde », dès que la Chine commence à développer des technologies à haute valeur ajoutée : puces électroniques, batteries de voitures électriques, panneaux solaires etc et dès que ces produits sont vendus sur les marchés intérieurs américains, européens ou japonais. Cette concurrence est qualifiée de « déloyale ». Tous les pays impérialistes subventionnent l’agriculture, l’industrie, les services et la technologie et accusent les concurrents ( même les alliés, l’exemple de la concurrence entre Boeing et Airbus est éloquent) d’interventionnisme de l’Etat…
Le développement durable dans les pays pauvres nécessite une planification différente de celle des grands pays industrialisés et une stratégie basée sur la rupture avec le capitalisme, car il est impossible pour les pays en développement de « rattraper » les pays capitalistes avancés dans le cadre d’un système capitaliste basé sur des échanges inégaux entre pays riches ( qui exportent des capitaux, des technologies et des biens) et des pays pauvres qui exportent des minéraux, des matières premières et des biens qui répondent aux besoins des marchés et des citoyens (consommateurs) des pays « occidentaux ». Il n’est pas possible, non plus, de financer un programme de développement durable par des prêts du Fonds monétaire international, la Banque mondiale ou le Club de Paris, mais plutôt en mobilisant des ressources matérielles et intellectuelles de la population locale ou dans le cadre d’une coopération « Sud/Sud », et ce dans les domaines de la production agricole et toute production destinée à répondre aux besoins des citoyens (le marché local). Ce processus inclut la production et la transformation industrielle de toute « surproduction » (après la satisfaction des besoins de la population), au lieu de l’exporter à l’état brut. L’objectif est de créer une industrie de transformation de produits « utiles » à la population, d’ajouter une valeur aux produits de base et aux matières premières, au lieu de les exporter à l’état brut et à bas prix. C’est un processus de satisfaction des besoins locaux et de valorisation des ressources locales.
Toutes ces opérations s’inscrivent dans un processus d’éducation populaire de base qui doit associer la population locale dans la réflexion et la réalisation d’un programme d’industrialisation, de développement des zones rurales et d’exploitation des ressources (matérielles et humaines) et des énergies locales pour développer les domaines de la recherche scientifique, de l’innovation et du développement local. La mise en œuvre de ce plan ralentirait « la fuite des cerveaux » et le pillage des sociétés multinationales qui exploitent des jeunes diplômés ou des professionnels qualifiés, qui ont obtenu des diplômes grâce aux sacrifices des parents ou de la société pour leur permettre de réussir après des études longues et chères (comme la médecine ou l’ingéniorat ). Ce processus de développement nécessite l’association du processus de développement économique au processus de développement social ; l’association de la satisfaction des besoins fondamentaux des citoyens au développement de la technologie et l’amélioration des conditions de vie en mettant en place un système de santé de base, un démocratisant le système éducatif et en éliminant le chômage et de la pauvreté …
Une vision réaliste de l’environnement international nous oblige à prêter attention aux obstacles qui peuvent être créés par les créanciers (le Fonds monétaire international et la Banque mondiale), les pays impérialistes et leurs entreprises transcontinentales qui exploitent nos richesses. Ces forces rejettent et combattent cette approche de la question du développement durable ( « non capitaliste ») visant à s’appuyer sur les forces locales pour satisfaire les besoins des citoyens en matière de nourriture, de médicaments, de logement, de vêtements, etc. Par conséquent, le choix d’un développement durable indépendant nécessite une adhésion de la population et implique une discussion de tels projets avec les citoyens directement et par l’intermédiaire des organisations de la société civile et des syndicats et associatives. Cette consultation est un point de départ pour une mobilisation des citoyens autour de ces projets et d’une appropriation citoyenne du processus et des outils de développement : de la conception à la réalisation en passant par le suivi et l’évaluation des résultats des projets… Cela nécessite également un réseau d’éducation pour tous (toutes), de formation permanente etc.
Taher Elmouez.