A l’heure où de nombreux communistes quittent leur parti parce qu’il n’est plus marxiste (la lutte des classes sans concession), ni léniniste (une seule voix contre l’impérialisme et le colonialisme), il est bon de rappeler ces grands principes.
Le 2 mars 1919, alors que la guerre civile sévit encore en Russie, Lénine tente de placer sur le même ligne, tous les partis marxistes de la planète. Il fonde à Moscou la IIIe Internationale communiste (IC), aussi appelée Komintern, lors d’un congrès réunissant 54 participants de 21 pays. Elle a pour but de prendre le relais des 2 Internationales socialistes (1864 et 1889)
Un peu d’histoire d’abord
L’Association internationale des travailleurs (AIT) est le nom officiel de la 1° Internationale, fondée en 1864 à Londres à l’initiative de travailleurs et de militants français, anglais, allemands et italiens, son objectif est de coordonner le développement du mouvement ouvrier naissant dans les pays européens récemment industrialisés. Malgré les répressions gouvernementales, elle connaît un succès rapide et se constitue en sections nationales dans plusieurs pays dont la Suisse, la Belgique, la France, l’Allemagne et, à partir de 1867, l’Italie, l’Espagne, les Pays-Bas, l’Autriche et les États-Unis. En 1869, un débat divise l’AIT entre partisans de Karl Marx, favorables à la gestion centralisée de l’association et à la création de partis politiques, et les « anti-autoritaires » avec l’anarchiste Mikhaïl Bakounine. En 1871, la défaite de la Commune de Paris et la répression qui la suit accentue le débat et provoque la rupture définitive entre les 2 tendances. Bakounine est exclu par le congrès de La Haye en 1872. Il crée avec les libertaires, l’Internationale anti-autoritaire et la Fédération jurassienne à Saint-Imier. La 1° Internationale disparaît en 1876. Elle est prolongée, en 1889, par l’Internationale ouvrière.

Se fondant, comme la 1° Internationale, sur le constat de la lutte des classes, la 2° Internationale milite sur les bases du marxisme. Le 4° congrès de Londres de 1896, affirme l’opposition à la colonisation et le droit des nations à l’autodétermination. Mais des courants se développent à sa droite, prêchant l’abandon du principe selon lequel « l’émancipation des travailleurs doit être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes » (principe révolutionnaire qui était celui de la 1° Internationale) et recommandant de privilégier le parlementarisme et le réformisme. En 1904, le congrès donne raison au révolutionnaire Jules Guesde contre le « réformiste » Jean Jaurès.
La 2° Internationale ou l’Internationale ouvrière a des sections dans 20 pays. En 1912, elle enregistrait 3 372 000 adhérents et son influence s’exerçait sur 7 315 000 de coopérateurs, 10 830 000 de syndiqués, 12 millions d’électeurs et les lecteurs de 200 grands quotidiens. La section française de l’internationale ouvrière (SFIO) est créée en 1905. En 1907, la 1° Conférence internationale des femmes socialistes met à sa tête Clara Zetkin et décide du 8 mai, jour de la libération des femmes.
Après le déclenchement de la 1° Guerre mondiale, les dirigeants socialistes (à l’exception des Russes et des Serbes), votèrent les crédits militaires demandés par les gouvernements. Les militants fidèles à l’internationalisme et au pacifisme dénoncent ce reniement, et militent contre la guerre ( ce qui leur vaut d’être exclus comme Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht en Allemagne). Ils seront plus tard appelés « communistes », par opposition à leurs ex-camarades socialistes. Durant le conflit, 2 conférences, celle de Zimmerwald en 1915 et surtout celle de Kiental en 1916, ont réuni les militants de l’Internationale, parfois exclus, pour s’opposer à la guerre et aux dirigeants socialistes la soutenant. prônèrent la trêve sociale au nom du nationalisme « Union sacrée ». Leurs positions allaient de la gauche révolutionnaire (en faveur d’une nouvelle Internationale et appelant à transformer le chaos de la guerre en révolution sociale) au centrisme pacifiste (plus modérés et croyant à la possibilité de convaincre la majorité de la 2° internationale) qui appelaient les prolétaires de chaque pays à faire bloc avec leur bourgeoisie contre les prolétaires des autres pays. Vers 1916-1917, dans la plupart des partis, l’aile centriste opposée à la poursuite de la guerre, reprend le dessus contre les réformistes chauvins. Mais cela ne suffira pas à maintenir l’unité. L’Internationale cesse de fait d’exister pendant la guerre.
La Révolution russe de 1917 va ajouter un clivage dans le mouvement ouvrier international : tandis que la révolution enthousiasmait de larges masses ouvrières, elle était condamnée par les vieilles directions réformistes. La plupart du mouvement zimmerwaldien soutint la révolution russe, puis des dirigeants qui furent dans l’Union sacrée finirent par s’y rallier. Dans ses Thèses d’avril de 1917, Lénine affirme la nécessité d’une nouvelle internationale.
En février 1917, un mouvement populaire provoque la chute du régime tsariste en Russie, et un gouvernement provisoire bourgeois est mis en place. Lénine rentre en Russie, et parvient à orienter le parti bolchévik sur une ligne sans concession mais capable d’obtenir l’appui croissant des masses. Le Premier Mai (le 18 avril, d’après le calendrier russe d’alors) eut lieu une immense manifestation populaire à Petrograd. Des bolchéviks avaient installé sur la façade du palais Marie, alors siège du gouvernement provisoire, une banderole rouge proclamant : « Vive la Troisième Internationale ! » La politique du parti bolchévik lui permet, en Octobre, de diriger la 1° grande révolution socialiste.
Cette victoire, créant une « grande lueur à l’Est » (Jules Romains), contribue à une vague révolutionnaire en Europe, et donne aux bolchéviks un immense prestige. Selon un dirigeant communiste allemand, la révolution russe « rendait le courage aux découragés, le calme à ceux qui désespéraient, l’orgueil aux humiliés, l’humanité aux déshumanisés ». D’autres révolutions en Europe semblaient imminentes. Mais l’insurrection spartakiste de Liebknecht fut brisée.
En1919, les dirigeants de la 2° internationale se réunissent à la Conférence de Berne. Les délégués de l’aile droite et du centre s’étaient affrontés, sur la question de la Russie et des Bolcheviks et sur la reconstitution de la 2° Internationale. Plusieurs partis socialistes (ceux d’Italie, de Suisse, de Serbie, de Roumanie et d’Amérique) s’étaient abstenus d’envoyer des délégués. L’aile droite l’avait emporté, et l’on avait sévèrement condamné les méthodes de « dictature » employées en Russie.

Répondant à la conférence de Berne, le congrès de fondation de la 3° internationale a lieu à Moscou en mars 1919, en pleine guerre civile donc les décisions sont reportées au 2° congrès en 1920 Partout, des socialistes (majoritaires ou minoritaires selon les pays) quittent la 2° Internationale pour rallier l’Internationale communiste. On distinguera désormais les« communistes » et les « socialistes ». Le marxisme a été complètement repensé. Certains ont employé l’expression « marxisme de la IIe Internationale » ( Georg Lukàcs) par opposition au marxisme vivant de la IIIe Internationale. En grande partie, la IIIe Internationale a maintenu les meilleures traditions militantes de la IIe Internationale, que celle-ci abandonnait.
La 3° internationale (IC) ou Komintern fixe des conditions précises pour qu’un parti puisse y appartenir, les « 21 conditions » pour que les nouveaux partis communistes soient clairement révolutionnaires.
Les 21 conditions d’admission des Partis dans l’Internationale Communiste
Le 1° Congrès de l’IC n’a pas élaboré les conditions précises de l’admission des Partis dans la III° Internationale car il n’y avait que des tendances et des groupes communistes au sein des partis. Le 2° Congrès se réunit quand dans la plupart des pays, il y a des Partis et des organisations communistes.
De plus en plus souvent, des Partis et des groupes qui appartenaient à la II° Internationale et qui voudraient maintenant adhérer à l’Internationale Communiste s’adressent à elle, sans pour cela être devenus véritablement communistes. Les Partis intermédiaires s’efforcent de s’appuyer sur l’Internationale Communiste, en espérant conserver une « autonomie » qui leur permettrait de poursuivre leur ancienne politique opportuniste. L’IC a conquis les sympathies de la grande majorité des travailleurs conscients du monde entier et constitue une puissance qui croît de jour en jour.
En outre, certains Partis importants (italien, suédois), dont la majorité se place au point de vue communiste, conservent encore en leur sein de nombreux éléments réformistes et social-pacifistes qui n’attendent que l’occasion pour relever la tête, saboter la révolution prolétarienne. L’union des communistes hongrois avec les réformistes a coûté cher à la République des soviets hongroise. C’est pourquoi ce 2° Congrès international fixe de façon précise les conditions d’admission des nouveaux Partis et indique aux Partis déjà affiliés les obligations qui leur incombent. Il décide que les conditions d’admission dans l’Internationale sont les suivantes :
1. La propagande et l’agitation quotidiennes doivent se conformer au programme et aux décisions de la III° Internationale. Tous les organes de la presse du Parti doivent être rédigés par des communistes sûrs, ayant prouvé leur dévouement à la cause du prolétariat. Il ne convient pas de parler de dictature prolétarienne comme d’une formule apprise ; la propagande doit être faite de manière à ce que la nécessité en ressorte pour tout travailleur, pour toute ouvrière, pour tout soldat, pour tout paysan, des faits mêmes de la vie quotidienne, notés par notre presse. La presse et tous les services d’éditions doivent être soumis au Comité Central du Parti, que ce dernier soit légal ou illégal. Il est inadmissible que les organes de publicité mésusent de l’autonomie pour mener une politique non conforme à celle du Parti. Dans les colonnes de la presse, dans les réunions publiques, dans les syndicats, dans les coopératives, partout où les partisans de la III° Internationale auront accès, ils auront à flétrir impitoyablement la bourgeoisie, et ses complices, réformistes de toutes nuances.
2. Toute organisation désireuse d’adhérer à l’IC doit régulièrement écarter des postes de responsabilité dans le mouvement ouvrier (organisations de Parti, rédactions, syndicats, fractions parlementaires, coopératives, municipalités), les réformistes et les « centristes » et les remplacer par des communistes éprouvés, – sans craindre d’avoir à remplacer des militants expérimentés, par des travailleurs sortis du rang.
3. Dans presque tous les pays de l’Europe et de l’Amérique, la lutte de classes entre dans la période de guerre civile. Les communistes ne peuvent se fier à la légalité bourgeoise. Il est de leur devoir de créer, parallèlement à l’organisation légale, un organisme clandestin, capable de remplir au moment décisif, son devoir envers la révolution. Dans tous les pays où, par suite de l’état de siège ou de lois d’exception, les communistes n’ont pas la possibilité de développer légalement toute leur action, la concomitance de l’action légale et de l’action illégale est nécessaire.
4. Le devoir de propager les idées communistes implique la nécessité absolue de mener une propagande et une agitation systématique et persévérante parmi les troupes. Là, où la propagande ouverte est difficile, elle doit être menée illégalement ; s’y refuser serait une trahison à l’égard du devoir révolutionnaire donc incompatible avec l’affiliation à la III° internationale.
5. Une agitation systématique dans les campagnes est nécessaire. La classe ouvrière ne peut vaincre si elle n’est pas soutenue par une partie des travailleurs des campagnes (journaliers agricoles et paysans les plus pauvres) et si elle n’a pas neutralisé par sa politique une partie de la campagne arriérée. L’action communiste dans les campagnes acquiert une importance capitale. Elle doit être le fait des ouvriers communistes en contact avec la campagne. S’y refuser ou la confier à des demi-réformistes douteux, c’est renoncer à la révolution prolétarienne.
6. Tout Parti désireux d’appartenir à la III° Internationale, a pour devoir de dénoncer autant que le social-patriotisme avoué le social-pacifisme hypocrite ; il s’agit de démontrer aux travailleurs que, sans le renversement révolutionnaire du capitalisme, nul tribunal arbitral international, nul débat sur la réduction des armements, nulle réorganisation « démocratique » de la Ligue des Nations ne peuvent préserver l’humanité, des guerres impérialistes.
7. Les Partis désireux d’appartenir à l’IC ont pour devoir de reconnaître la nécessité d’une rupture définitive avec le réformisme et de la préconiser parmi les membres des organisations. L’action communiste n’est possible qu’à ce prix. L’IC exige sans discussion cette rupture dans le plus bref délai. L’IC ne peut admettre que des réformistes avérés, tels que Turati, Kautsky, Hilferding, Longuet, MacDonald, Modigliani etc., aient le droit de se considérer comme des membres de la III° Internationale, et qu’ils y soient représentés. Cela ferait ressembler par trop la III° Internationale à la II°.
8. Dans la question des colonies et des nationalités opprimées, les Partis des pays dont la bourgeoisie possède des colonies ou opprime des nations, doivent avoir une ligne de conduite claire. Tout Parti appartenant à la III° Internationale a pour devoir de dévoiler impitoyablement les prouesses de « ses » impérialistes aux colonies, de soutenir, non en paroles mais en fait, tout mouvement d’émancipation dans les colonies, d’exiger l’expulsion des colonies des impérialistes de la métropole, de nourrir au cœur des travailleurs du pays des sentiments véritablement fraternels vis-à-vis de la population laborieuse des colonies et des nationalités opprimés et d’entretenir parmi les troupes de la métropole une agitation continue contre toute oppression des peuples coloniaux.
9. Tout Parti désireux d’appartenir à l’IC doit poursuivre une propagande persévérante et systématique au sein des syndicats, coopératives et organisations des masses ouvrières. Des noyaux communistes doivent être formés, dont le travail opiniâtre et constant conquerra les syndicats au communisme. Leur devoir sera de révéler la trahison des social-patriotes et les hésitations du « centre ». Ces noyaux communistes doivent être complètement subordonnés à l’ensemble du Parti.
10. Tout Parti appartenant à l’IC a pour devoir de combattre avec énergie l’« Internationale » des syndicats jaunes fondée à Amsterdam. Il doit par contre concourir de tout son pouvoir à l’union internationale des syndicats rouges adhérant à l’IC.
11. Les Partis désireux d’appartenir à l’IC ont pour devoir de réviser la composition de leurs fractions parlementaires, d’en écarter les éléments douteux, de les soumettre, non en paroles mais en fait, au Comité Central du Parti, d’exiger de tout député communiste, la subordination de toute son activité aux intérêts véritables de la propagande révolutionnaire et de l’agitation.
12. Les Partis appartenant à l’IC doivent être édifiés sur le principe de la centralisation démocratique. A l’époque actuelle de guerre civile acharnée, le Parti Communiste ne pourra remplir son rôle que s’il est organisé de la façon la plus centralisée, si une discipline de fer confinant à la discipline militaire y est admise et si son organisme central est muni de larges pouvoirs, exerce une autorité incontestée, bénéficie de la confiance unanime des militants.
13. Les Partis Communistes des pays où les communistes militent légalement doivent procéder à des épurations périodiques de leurs organisations, afin d’en écarter les éléments intéressés et petit-bourgeois.
14. Les Partis désireux d’appartenir à l’IC doivent soutenir sans réserves toutes les républiques soviétiques dans leurs luttes avec la contre-révolution. Ils doivent préconiser le refus des travailleurs de transporter les munitions et les équipements destinés aux ennemis des républiques soviétiques, et poursuivre, soit légalement soit illégalement, la propagande parmi les troupes envoyées contre elles.
15. Les Partis qui conservent les anciens programmes socialdémocrates ont pour devoir d’élaborer un nouveau programme communiste adapté aux conditions spéciales de leur pays et conçu dans l’esprit de l’IC. Il est de règle que les programmes des Partis affiliés à l’IC soient confirmés par le Congrès International ou par le Comité Exécutif. Au cas où il refuserait sa sanction à un Parti, celui-ci aurait le droit d’en appeler au Congrès de l’IC.
16. Toute les décisions des Congrès de l’IC, et celles du Comité Exécutif, sont obligatoires pour tous les Partis affiliés à l’IC. Agissant en période de guerre civile acharnée, ils doivent tenir compte des conditions de lutte si variées dans les pays et n’adopter de résolutions générales et obligatoires que dans les questions où elles sont possibles.
17. Conformément à tout ce qui précède, tous les Partis adhérant à l’IC doivent modifier leur appellation. Tout Parti désireux d’adhérer à l’IC doit s’intituler Parti Communiste de… (section de la III° Internationale Communiste). Cette question d’appellation n’est pas une simple formalité ; elle a une importance politique considérable. L’IC a déclaré une guerre sans merci au vieux monde bourgeois tout entier et à tous les vieux Partis socialdémocrates jaunes. Il importe que la différence entre les Partis Communistes et les vieux Partis « socialistes » officiels qui ont vendu le drapeau de la classe ouvrière, soit plus nette aux yeux de tout travailleur.
18. Tous les organes dirigeants de la presse des Partis de tous les pays sont obligés d’imprimer tous les documents officiels importants du Comité Exécutif de l’IC.
19. Tous les Partis appartenant à l’IC ou sollicitant leur adhésion sont obligés de convoquer, dans un délai de 4 mois après le 2° Congrès de l’IC au plus tard, un Congrès extraordinaire afin de se prononcer sur ces conditions. Les Comités Centraux doivent veiller à ce que les décisions du 2° Congrès de l’IC soient connues de toutes les organisations locales.
20. Les Partis qui voudraient adhérer à la III° Internationale, mais qui n’ont pas encore modifié radicalement leur ancienne tactique, doivent préalablement veiller à ce que les 2/3 des membres de leur Comité Central et des Institutions centrales les plus importantes soient composés de camarades, qui déjà avant le 2° Congrès s’étaient ouvertement prononcés pour l’adhésion du Parti à la III° Internationale. Des exceptions peuvent être faites avec l’approbation du Comité Exécutif de l’IC. Le Comité Exécutif se réserve le droit de faire des exceptions pour les représentants de la tendance centriste mentionnés dans le paragraphe 7.
21. Les adhérents au Parti qui rejettent les conditions et les thèses établies par l’IC doivent être exclus du Parti. Il en est de même des délégués au Congrès extraordinaire.

L’IC et les révolutions coloniales
Au cours des 1° années de la révolution russe se posa avec force le problème des nationalités qui avaient été opprimées par le régime tsariste ou qui, vivant au voisinage de la Russie, avaient été éveillées par la Révolution. Aussi l’IC fut amenée à prendre des positions sur la question nationale et coloniale, à ses 2e 4e et 5e Congrès. Voici les conclusions de l’IC :
- L’IC se prononce pour le droit des nationalités à disposer d’elles-mêmes, jusque et y compris le droit de séparation. Ceci n’était pas une chose acquise, même parmi les marxistes révolutionnaires: Rosa Luxemburg considérait que seule la bourgeoisie en profiterait.
- L’IC considère – pour la 1° fois dans l’histoire du mouvement ouvrier international que les nationalités et les peuples colonisés en lutte contre l’impérialisme peuvent être des alliés de la révolution socialiste. Dans la 2° Internationale avant 1914, des partis s’étaient élevés contre les expéditions coloniales, mais pas contre la colonisation. L’IC a donc dû débarrasser de leurs préjugés d’anciens cadres socialistes de l’IC.
- L’IC se prononce pour l’indépendance des partis communistes des pays colonisés, par rapport aux forces anti-impérialistes en lutte dans ces pays, tout en préconisant des alliances avec elles.
- L’IC envisage la possibilité pour des pays de devenir des républiques soviétiques sans passer par une étape capitaliste. Mais on peut dire que cette position était liée à la perspective d’une victoire rapide de la révolution socialiste à l’échelle mondiale; elle concernait d’anciens territoires de l’Empire tsariste. L’IC a organisé un Congrès des peuples de l’orient à Bakou en 1920.
En France, dans la jeune SFIC, un groupe autour de Nguyen-Ai-Quac (le futur Ho Chi Minh) fut très impliqué dans l’organisation des travailleurs d’origine coloniale vivant en France – l’Union intercoloniale. A partir d’avril 1922, une publication spécifique fut lancée : Le Paria. Hadjali Abdelkader et Messali Hadj furent également dans ce milieu et fondèrent l’Étoile Nord-Africaine, le 1° grand mouvement pour l’indépendance de l’Algérie. Les 2 grandes guerres de libération nationale qui ont secoué la France après 1945 – l’Indochine et l’Algérie – ont eu leurs origines dans les milieux communistes à Paris dans les années 1920.

En France, le congrès de Tours est le 18e congrès national de la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO, futur Parti socialiste).
La ville de Tours fut choisie comme terrain neutre près de Paris car les militants les plus hésitants avaient peur d’être submergés par les partisans de l’adhésion à la IIIe Internationale communiste majoritaires dans la fédération de la Seine. Arrivés à Moscou en juin 1920, les deux délégués Frossard et Cachin assistent aux travaux du 2° congrès du Komintern, comme observateurs, tandis que les révolutionnaires Alfred Rosmer et Marcel Ollivier, déjà membres de la IIIe Internationale, y participent comme délégués. De retour en France, ils vont se rallier à la motion d’adhésion du Comité de la 3e Internationale dirigé par Fernand Loriot et Boris Souvarine. Y participent des syndicalistes révolutionnaires non membres de parti, tel Pierre Monatte.
Durant le congrès, la SFIO se divisa en 3 camps :
- Le1°, largement majoritaire, le plus à gauche de la SFIO, rassemble les partisans de l’adhésion à la IIIe Internationale communiste (qui ne partageaient cependant pas toutes les 21 conditions des bolchéviks, qui de fait ne furent pas votées lors du congrès). Il s’agit surtout des plus jeunes dirigeants du parti (Fernand Loriot, Charles Rappoport, Boris Souvarine), et des anciens des courants socialistes de droite ou du centre (Marcel Cachin et Ludovic-Oscar Frossard). Ce camp révolutionnaire, pacifiste et désirant que le parti soit dirigé par des élites socialistes issues du monde ouvrier et non de la bourgeoisie intellectuelle, obtient les 3/4 des votes.
- Le 2° camp au centre, pacifistes menés par une minorité acceptant l’adhésion (Jean Longuet et Paul Faure), mais ils contestent l’article 17 qui mentionne que le parti doit respecter les directives centrales de la IIIe Internationale (c’est-à-dire qu’ils ne sont plus libres de leur politique) et l’article 21 qui met en place la révolution par une insurrection (révolution « blanquiste » des bolcheviks).
- Le 3° camp, mené par Léon Blum, Jules Guesde, Albert Thomas refusait totalement l’adhésion; on y trouvait des « guesdistes ». Ce camp qui avait voté les crédits de guerre, souhaitait rester au sein de la IIe Internationale.
En réalité, les jeux sont faits car les grandes fédérations telles la Seine (¼ des délégués), le Nord et le Pas-de-Calais ont voté majoritairement pour l’adhésion. La motion présentée par le camp de Léon Blum, est retirée du vote par ses auteurs, si bien que la scission en 2 sections est inévitable : d’une part la « Section française de l’Internationale communiste » (SFIC, futur Parti communiste), majoritaire à Tours (3208 voix), formée du 1° camp et rassemblant la majorité des militants, et d’autre part la SFIO, minoritaire (1022 voix), regroupant les 2 autres camps, et représentant la majorité des élus.
Les communistes conservent la direction de l’Humanité, les socialistes celle du Populaire.
La SFIO socialiste plaça alors à sa tête Paul Faure.
Cette scission fut suivie par celle de la CGT en 1921, avec la formation de la Confédération générale du travail unitaire (CGTU), de tendance révolutionnaire (communistes et libertaires).
