
D’après les notes de D. Bleitrach sur l’ Actualité des concepts sur l’impérialisme-
Le retour à Lénine aide à l’effort conceptuel pour penser ce basculement, cette “tombée en disgrâce” de l’occident pour reprendre les termes du politologue allemand dont nous publions l’analyse, une des nombreuses voix qui constatent la chute de l’empire occidental et tentent de le sauver.
Faut-il sauver l’ordre libéral occidental avec nos réformistes, par un « décentrage » ? Non
Les concepts de Lénine (qui ont besoin d’être retravaillés), sont indispensables pour percevoir la crise et en quoi elle impose ce “décentrage” mais sauver les nations occidentales et leur prolétariat impose de renoncer à “l’ordre libéral” et son salut passe la dénonciation de son propre impérialisme. Cette analyse léniniste va a contrario des espérances réformistes : on ne peut pas sauver l’ordre libéral (capitaliste à son stade impérialiste) parce qu’il est ce qu’il est ou il meurt. Les concepts léninistes, oubliés par les partis communistes occidentaux devenus réformistes, sont pourtant indispensables et nécessairement en pleine transformation face à la réalité du processus qu’il a mis en œuvre dans la révolution d’octobre suivie d’autres révolutions. Donc voici un bref et pédagogique rappel, pour formation basique.
Quand on parle de l’apport du léninisme, il faut y ajouter le travail théorique et politique de Staline ; d’abord, il a rédigé des thèses sous la direction de Lénine et les a complétées plus tard ; ensuite, il l’a fait dans le cadre de l’expérience soviétique et des transformations en pratique sur l’internationalisme. Mais il faut conserver la référence prioritaire au plan théorique à Lénine, parce que c’est par rapport à sa critique de la 2° internationale et à sa définition de l’impérialisme qu’il y a eu un véritable bouleversement de la question nationale. La manière de poser la question nationale pendant la deuxième internationale et celle que le mouvement ouvrier se pose à partir de Lénine, ne sont plus les mêmes, ni dans leur étendue, ni dans leur caractérisation.
Il y a bien sûr une réflexion très en vogue pour accompagner la remise en cause de cette caractérisation de ce qui est impérialiste et de ce qui ne l’est pas ce serait la nature “bureaucratique” des Etats prolétariens, l’URSS et maintenant la Chine et à peu près tous les Etats à dominante socialiste. Cette caractérisation a fortement été influencée par le trotskisme qui continue à voir dans le “stalinisme” (en fait tout ce qui ne correspond pas à la démocratie occidentale) l’ennemi principal.
Ecoutons Lénine :
« Le capitalisme en développement connait 2 tendances historiques dans la question nationale.
La 1°est l’éveil de la vie nationale et des mouvements nationaux avec la lutte contre toute oppression nationale et la création d’Etats nationaux.
La 2°est le développement et la fréquence accrue des relations de toutes sortes entre les nations; la démolition des cloisons nationales, la création de l’unité internationale du capital, de la vie économique en général, de la politique, de la science, etc…
Les 2 tendances sont une loi universelle du capitalisme. La 1° prévaut au début puis la 2° caractérise le capitalisme mûr, marchand vers sa transformation en société socialiste ».
Pour l’impérialisme, ces 2 tendances apparaissent comme des contradictions inconciliables car il n’ aborde la question des nations que par des annexions et des pillages coloniaux ; il doit maintenir tout dans un “tout unique” dont il est le maître.
Pour les communistes, ces 2 tendances ne sont que les 2 aspects d’une seule chose: l’émancipation des peuples opprimés du joug de l’impérialisme. Ils savent que l’union des peuples dans une économie mondiale unique n’est possible que sur la base d’une confiance mutuelle et d’un accord librement consenti; que la voie d’une union librement consentie des peuples passe par la séparation des colonies avec le “tout” impérialiste “unique”, passe par la transformation en Etat indépendant et souverain. De là, la nécessité d’une lutte opiniâtre contre le chauvinisme métropolitain des nations dominantes (Angleterre, France, Amérique, Japon, etc… ) et contre “les socialistes”qui ne veulent pas combattre leurs gouvernements impérialistes.
Lénine et Staline plus tard, vont plus loin : “sans une telle lutte, on ne saurait concevoir l’éducation de la classe ouvrière des nations dominantes dans l’esprit du véritable internationalisme, dans l’esprit d’un rapprochement avec les masses laborieuses des pays dépendants et des colonies, dans l’esprit d’une véritable préparation de la révolution prolétarienne.
La révolution n’aurait pas été vainqueur en Russie, si le prolétariat russe n’avait pas eu pour lui la sympathie des peuples opprimés de l’ancien empire russe. Mais pour gagner leur sympathie, il lui avait fallu d’abord rompre les chaînes de l’impérialisme russe et libérer ces peuples de l’oppression nationale. Sans cela, il eut été impossible de consolider le pouvoir soviétique, d’implanter l’internationalisme véritable, et de créer cette remarquable organisation de collaboration des peuples qui s’appelle l’Union des Républiques socialistes soviétiques et qui est la préfiguration vivante de l’Union future groupés dans une économie mondiale unique. ”

Mao Zedong reprit en 1940 dans “de la démocratie nouvelle” la distinction entre les 2 types de révolution mondiale:
« Le 1° appartient à la catégorie bourgeoise ou capitaliste. Son temps est depuis longtemps révolu; il a pris fin dès 1914, quand éclata la 1° guerre mondiale impérialiste, et plus encore en 1917, quand eut lieu la Révolution d’Octobre en Russie. Depuis, a commencé le 2° type de révolution mondiale, la révolution mondiale socialiste prolétarienne. Elle a pour forces principales le prolétariat des pays capitalistes et pour alliés les peuples opprimés des colonies et des semi colonies. Peu importe, chez les peuples opprimés, quelles classes, quels partis ou individus participent à la révolution, et peu importe qu’ils soient conscients ou non de ce que nous venons d’exposer, qu’ils le comprennent ou non, il suffit qu’ils s’opposent à l’impérialisme pour que leur révolution devienne une partie de la révolution mondiale socialiste prolétarienne et qu’ils en soient les alliés.»
On retrouve chez Fidel Castro et sa participation aux non alignés, dont il est plus que jamais question aujourd’hui, les mêmes échos du léninisme et de ce qu’il a réussi à rendre possible face à la trahison de la IIe internationale.
L’originalité du marxisme, du léninisme réside dans la nécessité de bien articuler les 2 “centres” du mouvement émancipateur : le prolétariat et sa relation au développement des forces productives, et le mouvement de libération nationale. Si on déséquilibre cette union, on vide le mouvement de son contenu émancipateur. Des penseurs comme Mao et Fidel n’ont jamais négligé le communisme comme véritable unificateur y compris pour les pays du tiers monde, et pour le développement.

On voit que les débats actuels au sein du mouvement communiste international sur la caractérisation du conflit ukrainien méritent d’être rapportés à la définition des concepts qui marquent des divergences. Ne jamais oublier la dimension “pratique” des concepts léninistes et mesurer les positionnements débouchant sur une efficacité ou non: si la paix est le choix fondamental de toute l’activité “diplomatique” et internationaliste des communistes, il faut donc s’interroger sur ce qui permet la paix et ce qui l’interdit. Si l’on admet que l’impérialisme a besoin de la guerre, l’appuyer en allant jusqu’à la folie du vote de la résolution 39 derrière l’OTAN par le parti communiste et toute la “gauche” dit qu’il y a là un très gros problème !