Il me semble à propos de s’interroger sur la nature du régime politique de la France à la suite de la manière dont il intervient dans le conflit Palestine-Entité Sioniste, soit par ses décisions, soit en empêchant le peuple de prendre position pour la Palestine. Après les « Emeutes » des quartiers délaissés de juillet, Frédéric Lordon avait fait une analyse remarquable du tournant que prenait la France depuis l’investiture de Macron à la tête de la république française. A la lumière de son blog, essayons d’appeler un chat, un chat, sans complaisance ni abus de langage.

Le pouvoir qui, tout à sa passion d’offenser socialement et symboliquement la population, n’a plus aucune légitimité politique et ne tient plus que suspendu à sa police. A propos du communiqué syndical policier raciste et factieux, Dupond-Moretti le garde des Sceaux, c’est-à-dire le conservateur de la Constitution et de sa Déclaration des droits de l’homme, ne s’exprime pas.
Darmanin arme un dispositif de laisser faire (encouragé en sous-main) le grand débrayage de la police ; le pouvoir de Macron est à la merci du moindre trouble ; Darmanin devient indispensable si une crise aigüe se redéclenche.
De l’observation passive de la dérive autoritaire, le régime passe à l’accompagnement actif, prend même la tête du processus. La pensée se remanie en temps réel pour s’ajuster : l’ordre est bon, l’ordre est désirable, rien ne doit venir en atténuer l’exercice. Que la logique des institutions y périsse n’a aucune importance. « L’ordre, l’ordre, l’ordre » : la république policière a trouvé sa devise.

Il n’y a plus que le maintien du signifiant « républicain », pour poser encore quelques problèmes dans cette fuite en avant qui abolit la république. Dès le départ, la confusion était installée. Car « république » n’ayant jamais rien dit d’autre que « chose publique », elle ne préjuge rien quant à sa forme. En France, le mot a reçu sa signification de la Révolution. La « république » était toute marquée des idéaux de démocratie et d’égalité, dont il est patent que la Ve République finissante leur est devenue totalement étrangère.
Les vrais territoires perdus de la république, ce sont les commissariats, les fourgons de police, la préfecture et l’IGPN, mais aussi le bureau du garde des sceaux d’où sortent des circulaires de talion, les tribunaux qui les exécutent en leur donnant la forme d’une justice d’abattage, dont les minutes sidèrent d’ignominie, les instituts médico-légaux qui falsifient les comptes-rendus, comme celui d’Adama Traoré, les prisons et les CRA bien sûr, et l’on pourrait y ajouter tous ces médias où le racisme a pris la consistance d’une ligne éditoriale.
Voilà les vrais territoires perdus de la république, à l’exact envers de ceux qui sont usuellement donnés pour tels, ces quartiers d’où monte pourtant la demande d’égalité authentiquement républicaine dans une république démocratique et sociale.

Dans l’état actuel de violence dégondée et de racisme incrusté où se trouve la police, il y a tout lieu de craindre que la république policière ne soit qu’une configuration transitoire dans un mouvement appelé à se poursuivre. On a longtemps réfléchi aux formes nouvelles que pourrait prendre un fascisme contemporain, qui permettraient de le qualifier sans qu’il ait à ressembler trait pour trait à celui des années 1930. Ces exercices d’imagination deviennent superflus quand des milices d’extrême droite prennent la rue pour y faire régner la terreur avec la bénédiction des forces de police qui regardent ailleurs, quand ces forces de police votent à + de 2/3 pour un parti d’extrême droite raciste, ou quand s’y répandent des insignes ouvertement fascistes voire néo-nazis. La convergence d’une police raciste hors de contrôle et des groupes de rue fascistes, 2 milices en quelque sorte, qui signe le possible devenir d’une « république fasciste ». C’est ce qu’il y a de plus terrifiant dans la situation présente.
« La police qui protège » était déjà une fiction en lambeaux, elle est complètement en cendres maintenant que nous avons vu le Raid, supposément nos « sauveurs » des jours d’attentat, tirant de bon cœur au fusil à pompe sur des émeutiers racisés. La confirmation est venue de Jean-Michel Fauvergues, ancien commandant du Raid devenu député Renaissance, qui réclame une « excuse de violence ». Il saute aux yeux que la police, dans un nombre croissant de ses unités, n’est plus qu’une milice sadique ivre de violence, livrée à ses vendettas personnelles, contre la famille Traoré par exemple ou contre des journalistes.

Mais c’est bien le bâtiment entier de la Ve « République » qui est en train de s’effondrer. Dans la main de la police, le gouvernement ne cesse plus d’installer un climat où l’intervention est en train de devenir la 1° des politiques publiques, en tout cas l’adjuvant nécessaire de toutes les autres. Alors le registre « policier » imprègne toute la vie publique.
L’une des tendances les plus frappantes de ce climat général réside dans la destruction avancée des libertés fondamentales. La restriction du droit de manifester par l’intimidation policière violente, qui aurait dû à elle seule scandaliser tous les démocrates, s’accompagne des interdictions par arrêtés à étouffer toute démonstration critique. La restriction des libertés politiques fondamentales prend la forme d’une illégalité d’État, entre arrêtés d’interdiction abusifs, ou publiés après coup donc hors droit. La partie de la justice qui ne s’est pas encore rendue à la ligne de répression totale, finit par condamner, mais pour combien de temps ? Les redispositions légales suivront de près les abus extralégaux, à l’image des drones, de la reconnaissance faciale ou de la censure des réseaux sociaux, « manières de faire » qui rangent la France de Macron au côté de l’Égypte, du Pakistan ou de la Chine. Comment appelle-t-on un pouvoir qui veut que le silence règne ?
Dans un lapsus fameux, au début de son 1°mandat, Macron voulant parler de la sortie de l’état d’urgence, avait dit : « Nous sortirons de l’État de droit ».


Mais le lieu où le renversement des catégories et des valeurs, l’abolition des principes et le déni d’humanité font des ravages, c’est la bourgeoisie. Elle n’a jamais trouvé personnage si adéquat que Macron pour la représenter. Macron a verbalisé le fond de sa pensée en explicitant la différence « de ceux qui ont réussi et de ceux qui ne sont rien », c’est-à-dire en installant formellement la catégorie des « riens ». D’où suit que avec les « riens », il a posé la structure élémentaire de la pensée raciste : une sous-humanité.
On comprend que la bourgeoisie y verse tête la 1°: racisme tout court à la suite du racisme social, quand la crise organique s’aiguise, que l’ambiance xénophobe se répand, et que tous les éléments de la conjoncture viennent se solidariser avec la défense aveugle de son ordre policier et raciste. « Il faut en passer par la pure ignominie politique pour défendre l’ordre bourgeois ». Voilà donc la bourgeoisie qui, sur les réseaux sociaux ou dans les médias, hurle de rage et de jouissance contre les Arabes et les Noirs, en plus de se déverser des milliers d’euros, dans la cagnotte de la honte pour un meurtrier d’enfant arabe.
Il y a une bourgeoisie éclairée, humaniste et cultivée, une bourgeoisie-de-gauche. Dans cette séquence ‘émeutes du printemps, le mot maudit, « illibéralisme », a émergé; on a commencé à faire parler les « intellectuels déçus du macronisme », manière de voir où en était leur enthousiasme libéral après un 49.3, une répression féroce des manifestations, la chasse aux casseroles, aux cartons rouges et l’entrée dans les arrêtés d’interdiction tombés de la lune. L’ invité des médias raisonnables s’alarme : « illibéralisme, pourquoi pas dictature pendant qu’on y est! ». Non, toute la bourgeoisie macroniste pense que « élections formelles » et « presse privée » sont la démocratie.
Le problème avec les emplois du mot fascisme contraints de coller parfaitement à la situation du moment et à elle seule, c’est qu’ avant l’heure c’est pas l’heure, mais qu’après l’heure c’est trop tard.
Françoise Fressoz : « La gravité des faits, combinée à la forte demande de l’opinion, commande [à Macron] d’aller plus loin pour contrer la surenchère sécuritaire de la droite et de l’extrême droite ». Soit, pour empêcher la survenue de l’extrême droite, menons nous-mêmes la politique de l’extrême droite. On reconnaît la « pensée » bourgeoise à ce que l’Histoire, porteuse de leçons, ne peut y trouver sa place, sauf comme une complète défiguration. Le macronisme en tant que tel n’est pas un fascisme mais il aura tout installé, et tout préparé. Les régimes monstrueux ne prennent jamais que sur des terreaux adéquats. En 6 ans, le macronisme, totalement ignorant de ce qu’est une société, des forces qui la composent, de ce qui peut s’y réveiller, a répandu partout une violence inouïe, y a déposé une épaisse couche de fumier où Tout peut pousser.