Le Sahel comprend 10 pays africains, et constitue une source inépuisable de traditions, d’arts et de croyances. Dès les XIème-XIIème siècles, il était une plaque tournante pour les marchands qui faisaient le lien entre l’Afrique du Nord et le littoral ouest-africain. Des royaumes notoires s’y sont constitués, comme les Mossi, Songhaï, Kanem-Bornou, Bambara. Ses peuples sont également très divers, nomades ou sédentaires : les Touaregs, les Peuls, les Toucouleurs…ll est urgent de faire de cette région, actuellement l’une des plus pauvres du monde, une zone où il fait bon vivre pour les générations futures.

En Afrique, le Sahel n’est pas une région aux frontières fixées par le droit, comme un Etat. Ici, c’est la nature qui fait loi : la bande sahélienne s’étend de l’océan Atlantique à la Mer Rouge, du Sénégal au Soudan en passant par le Mali et le Burkina Faso. Cette région africaine, particulièrement connue pour ses saisons sèches, n’en est pas moins un vivier économique et humain sous-estimé.

Le mot Sahel désigne « rivage » ou « bordure » en arabe. C’est l’espace de transition qui sépare au nord le désert du Sahara, et au sud la zone soudanienne. La région inclut, au sens large, 10 pays le Burkina Faso, le Cameroun, la Gambie, la Guinée, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Nigéria, le Sénégal et le Tchad. Certains pays au Sud ne sont qu’« effleurés » ( la Gambie, le Nigeria ou le Cameroun). 6 pays sont centraux : le Sénégal, le Mali, le Niger, le Tchad, le Burkina Faso et la Mauritanie. De ces 6 pays, 5 se sont rangés derrière une même bannière, le G5 Sahel, pour conduire la lutte anti-terroriste

C’est une bande de 5 500 km de longueur (soit 51/2 fois la France) sur 500 km de largeur (de Paris à Lyon) une superficie totale de 3 M de m2. Le Sahel présente un riche dégradé climatique marqué par le désert : aridité, semi-aridité savane, la zone est complexe et en mouvement constant. La saison sèche, qui dure de 8 mois, rythme la vie pastorale sédentaire et nomade, et mène les éleveurs de bétails à se déplacer pour la transhumance. La proximité avec le désert a une grande influence sur le mode de vie des habitants. Autrefois, c’était pour éviter de souffrir de la chaleur excessive et de la sécheresse que les groupes humains ont migré vers le sud. Aujourd’hui, la zone désertique tend à s’étaler toujours plus au sud, posant nombres de difficultés pour les populations, puisque l’occupation est liée au climat. 75 % de la population vivent dans les zones humides et subhumides, 20 % dans la zone semi-aride (sahélienne) et 5 % dans les zones arides.

D’Ouest en Est, la population sahélienne présente une grande diversité. Le désert mauritanien est le domaine des nomades Maures, qui se sédentarisent. Le long de la vallée du fleuve Sénégal cohabitent les peuples afro-mauritaniens noirs : Ouolof, Sarakolé, Peul et Toucouleur. Au Mali se succèdent du Nord au Sud, les nomades touareg, puis les pasteurs peul, enfin les paysans bambara, manding, sarakolé, aux côtés des commerçants Dioula, tandis que le delta intérieur du fleuve Niger accueille les pêcheurs bozo et les Songhaï. Au Nord duBurkina Faso, les populations de paysans mossi dominent à 90%. Au Niger, jusqu’aux confins de l’Aïr, on retrouve les pasteurs touareg, auxquels se mêlent, venant du Sud, les Peuls Wodaabe. Côté tchadien, les nomades toubou et téda du Nord cèdent la place plus au centre aux tribus arabisées originaires du Soudan, alors que le sud est le domaine du groupe composite des Sara, riverains du fleuve Chari.

Si le Sahel est marqué la discontinuité de son peuplement, il présente pourtant 3 principaux foyers de population (densités moyennes supérieures à 40 hab./km2). À l’Ouest, le 1°, le bloc sénégalais coïncide avec la presqu’île du cap Vert et le bassin arachidier, et se poursuit en auréole de densité décroissante le long du fleuve Sénégal, en Casamance et dans le Ferlo. Au centre, le 2° foyer est encadré à l’Ouest par un axe reliant les villes de Bamako, Ségou et Mopti (Mali) et, à l’Est, celles de Ouahigouya et Kaya (Burkina Faso). Le 3° foyer s’étend au Niger selon un axe ouest-est le long des villes de Birni-Kkoni, Maradi et Zinder. Entre ces foyers s’intercalent des zones de très faible peuplement et 2 grands vides démographiques (Sénégal oriental-delta intérieur du Niger ; Est du Niger-lac Tchad).

Le Sahel fait pourtant face à une crise multidimensionnelle. Les inégalités profondes qui séparent ces strates des populations nourrissent des conflits: politique, de déplacements forcés, humanitaire, économique, environnementale, climatique, alimentaire et sécuritaire.

On distingue 2 grandes crises humanitaires régionales, dans le Sahel central et dans le bassin du lac Tchad. Celle du Sahel central se détériore le plus rapidement au monde; 20% de la population sahélienne, soit 24 M de personnes ont besoin d’une assistance humanitaire d’urgence en termes d’abris, d’accès à l’eau, à la nourriture et à des moyens d’existence, aux soins de santé, à l’éducation et à une protection effective et non-discriminéeAu Sénégal, en Mauritanie, au Burkina Faso, au Mali et au Niger, la1/2 de la population vit avec -2 dollars/jour. Avec la croissance démographique élevée, les indicateurs de développement humain (IDH) sont insuffisants. 4 pays sahéliens (le Burkina Faso, le Mali, le Niger et le Tchad) sont classés parmi les 10 derniers. L’IDH est calculé à partir des indicateurs suivants :

  • l’espérance de vie à la naissance, significative des conditions de vie à venir des individus (alimentation, logement, eau potable…) et de leur accès à la médecine ;
  • le niveau d’éducation, qui détermine l’autonomie professionnelle et sociale
  • le revenu national brut par habitant, révélateur du niveau de vie des individus et ainsi de leur accès à la culture, aux biens et services, aux transports…

Aggravée par les conséquences économiques du COVID-19, la guerre en Ukraine et le changement climatique, des pays ( Burkina Faso) se trouvent dans une situation de crise alimentaire intenable.

La présence française au Sahel, était induite par ses anciennes colonies d’Afrique de l’Ouest (Sénégal, Mali, Burkina, Mauritanie). Sa politique est critiquée par les anticolonialistes mais aussi par des éléments du camps néocolonial. Voici la version des journalistes en général:

 » Début 2012, des groupes djihadistes prennent des villes au Nord du Mali, Kidal, Gao et Tombouctou, dans le but de renverser le Président Amadou Toumani Touré; la France lance en 2013 l’opération Serval en déployant 5000 soldats pour enrayer la progression des djihadistes, puis, une mission de l’ONU, la MINUSMA, est créée. L’opération Barkhane suit: déploiement de troupes françaises en opération extérieure plus important , beaucoup plus de soldats sont envoyés et le matériel mobilisé est colossal. Elle s’inscrit dans une logique de partenariat avec le G5 Sahel. Si la France a obtenu plusieurs victoires, la situation se détériore rapidement au Mali où le président malien Ibrahim Boubacar Keïta est renversé par un putsch après plusieurs mois de crise politique irrésolue. En juin 2021, Macron annonce un retrait progressif des troupes françaises puis y met fin en février 2022 « .

Ci-dessous, la position du triste sir Bernard Lugan qui exposait les conditions d’une main mise plus efficace de la France:

 » Déjà auto-chassés de Centrafrique par nos erreurs, nous courrons vers un nouvel échec dans la BSS (Bande Sahélo-Saharienne). Les décideurs français, ont fait une fausse analyse en voyant le conflit régional à travers le prisme de l’islamisme. Or la réalité est différente.

Au nord, il s’agit de la résurgence d’une fracture inscrite dans la nuit des temps, d’une guerre ethno-historico-économico-politique menée depuis 1963 par les Touareg. Ici, la solution du problème est détenue par Iyad Ag Ghali, chef historique des précédentes rébellions touareg. Depuis 2012, il fallait nous entendre avec ce chef Ifora avec lequel nous avions des contacts, des intérêts communs, et dont le combat est d’abord identitaire. Or, par refus de prendre en compte les constantes ethniques séculaires, la politique africaine française a considéré qu’il était l’homme à abattre. Macron a ordonné de l’éliminer alors que les autorités de Bamako, négociaient directement avec lui une paix régionale. Le 10 novembre 2020, Bag Ag Moussa, son lieutenant, avait été tué par une frappe aérienne.

Le conflit du sud, région dite des « 3 frontières » Nord et Est du Burkina Faso), a lui aussi des racines ethno-historiques résultant de la confrontation séculaire entre Peul et populations sédentaires. À la différence du Nord, 2 guerres très différentes s’y déroulent. L’une est l’émanation de larges fractions peul regroupées sous le drapeau d’AQMI. L’autre est religieuse aussi et elle est menée par l’EIGS (État islamique dans le Grand Sahara). L’EIGS a pour objectif la création dans toute la BSS, d’un vaste califat trans-ethnique remplaçant et englobant les actuels États. Tout au contraire, les chefs régionaux d’AQMI sont des ethno-islamistes qui ne prônent pas la destruction des États sahéliens.

En jouant sur les rapports de force régionaux et ethniques, la question du Nord Mali pouvait être réglée, et l’armée française aurait pu opérer sur la région des « 3 frontières », donc contre l’EIGS. Or, Paris conserva sa stratégie « à l’américaine », « tapant » indistinctement les groupes armées terroristes. Les dirigeants français nient la question ethnique.

La réaction de Paris face au coup d’État du colonel Assimi Goïta au Mali en août 2020 a été de couper les ponts avec l’ancien commandant des Forces spéciales maliennes dont la prise de pouvoir était pourtant une chance pour la paix. Elle l’a fait au nom de la démocratie et de l’État de droit, notions complétement hors de propos ici. Ayant par ses fonctions une juste appréciation des réalités du terrain, ce Minianka, branche minoritaire du grand ensemble Sénoufo, n’avait de contentieux historico-ethnique, ni avec les Touareg, ni avec les Peul, les 2 peuples à l’origine des 2 conflits du Mali. Il ouvrit donc des négociations avec Iyad Ag Ghali, ce qui déplut à Paris. Englués dans leurs a priori idéologiques, il continua à parler de refus de « négocier avec le terrorisme ». Prenant pour prétexte ce coup d’État, Macron décida de replier Barkhane, ce qui fut compris comme un abandon. Et, pour achever le tout, Bamako ayant demandé l’aide de la Russie, la France menaça.

Des grandes leçons doivent être tirées de ce nouvel et cuisant échec politique africain :

À l’avenir, nous ne devrons plus intervenir au profit d’armées locales qui, (à l’exception de celle du Sénégal et de la garde présidentielle tchadienne), sont incompétentes car les États étant artificiels, aucun véritable sentiment patriotique n’y existe.

La France devra laisser l’ordre naturel africain se dérouler. Il faut comprendre que les anciens dominants n’accepteront jamais que leurs anciens sujets ou tributaires soient maintenant leurs maîtres par le jeu de l’ethno-mathématique électorale (uniquement parce qu’ils sont plus nombreux qu’eux). Cela choque la philosophie politique occidentale, mais telle est pourtant la réalité africaine. Depuis plus d’un demi-siècle, en Afrique, l’obsession occidentale des droits de l’homme conduit aux massacres, l’impératif démocratique provoque la guerre et les élections débouchent sur le chaos. Le gouverneur général de l’AOF dit en 1953 : « Moins d’élections et plus d’ethnographie, et tout le monde y trouvera son compte »

Le Sahel est prêt à devenir une région du monde où il fait bon vivre. Encore faut-il que les bouchers tortionnaires, les décideurs de génocides en tout genre, ceux que la presse du monde entier appelle les « grands démocrates », disparaissent à tout jamais.

Le Sahel abrite de véritables trésors, outre sa grande richesse culturelle. Il regorge de richesses naturelles, énergétiques et culturelles (qui pourraient générer du tourisme) qu’une jeunesse bien formée peut aider à mettre en valeur.

Sa population (les 6 pays) pourrait passer de 135 M de personnes en 2015 à 330 M en 2050 si les taux de natalité actuels se maintiennent. Les personnes âgées de – de 25 ans représentent 65% de la population totale.

Depuis les années 1930, un accroissement démographique sans précédent, lié à l’effondrement de la mortalité sans baisse de natalité ( 5 enfants par femme). Les traditions sont maintenus: précocité du mariage, faible recours à la contraception, polygamie, besoin de main-d’œuvre dans les campagnes, faible niveau d’instruction (30% d’alphabétisés). Si les taux d’urbanisation restent faibles (20 % au Burkina Faso, 50 % en Mauritanie), ils progressent du fait de l’exode rural. Nombre de jeunes sans emploi continuent de migrer vers les pays du littoral, pour travailler dans les plantations de cacaoet de café du Ghana, les régions arachidières du Sénégal ou les industries forestières de Côte d’Ivoire. Territoire de bergers par excellence, le Sahel est une des principales régions d’élevage en Afrique, essentiellement pour le lait, la viande et, un peu la traction. Mené dans un cadre extensif (sauf autour des grandes villes où des formes plus intensives existent), l’élevage transhumant est une remarquable forme d’adaptation face à l’insuffisance et à la variabilité pluviométriques.

Les jeunes ont joué un rôle politique déterminant dans les évolutions politiques de certains pays au Sénégal et au Burkina Faso et dans les récents coups d’état au Mali et au Niger. Par ailleurs, le Sahel dispose de ressources minières très importantes en métaux précieux, en gaz, et des sources d’eau douces encore inexploitées, et un accès à l’Atlantique par la Mauritanie et le Sénégal.

Dans le domaine minier, le sous-sol malien renferme des gisements d’or, de phosphate , de sel gemme, de pétrole, de calcaire, de bauxite, de fer, de manganèse, de gypse, d’uranium et de marbre. La présence de pétrole et de métaux rares au nord du Niger et du Mali érige donc la région en « hub énergétique » convoité par les grandes puissances. La Chine a depuis une décennie, beaucoup investi en Afrique.