La pistache était, et reste, au cœur d’une gigantesque guerre commerciale entre l’Iran et les États-Unis (Californie). L’Iran est le plus gros producteur de pistaches naturelles, sans pesticides ni OGM. Les fruits sont pauvres en calories, riches en vitamines. C’est une petite noix dont le marché, en constante progression, est estimé à 5 mds $ par an en 2020..

Les Etats-Unis ont importé des plants d’arbres d’Iran et même des palmiers dattiers de Tunisie et d’Iraq. Ils ont commencé à cultiver des noix, des pistaches et des amandes et des palmiers dattiers dans les étendues de Californie. Aujourd’hui les Etats-Unis sont des concurrents redoutables des fruits secs d’Iran et de l’orient, des dattes d’Algérie, de Tunisie ou d’Iraq. Les pistaches californiennes (comme les amandes qui sont en majorité plates, donc de moins bonne qualité que les rondes) sont trop grosses par rapport aux pistaches d’Iran ou de Syrie qui sont naturelles. Les fruits secs et autres produits agricoles américains subissent des manipulations génétiques (sont génétiquement modifiés) et produites avec beaucoup de pesticides. La culture intensive aux Etats-Unis, comme ailleurs, a engendré un déséquilibre écologique. L’exemple le plus visible est celui de la destruction des forêts, la pollution des eaux, le massacre des oiseaux et des abeilles… Les arbres ou les plantes des plantations américaines sont parfaitement alignées, parfaitement espacées, Les fruits, dont les pistaches sont tous du même calibre, génétiquement modifiés et parfaitement emballée dans des petits sachets en plastique, par des femmes noires très mal payées, depuis des décennies. Les paragraphes qui suivent essaient de commémorer la lutte des travailleuses noires dans les usines qui décortiquent et emballent les noix, les pistaches et les amandes dans de mauvaises conditions de travail et avec des salaires très bas. .

Pendant la Grande Dépression, la Funsten Nut Factory (Usine de noix de Funsten ou pistaches) de St Louis était divisée sur le plan racial. Les travailleurs noirs, principalement des femmes, travaillaient plus dur et gagnaient moins que leurs homologues blancs. Alors les noirs, hommes et femmes se sont mis en grève, en mai 1933, à Saint Louis, et ont demandé à leurs collègues blancs de les rejoindre. Carrie Smith n’avait que dix-huit ans. Elle travaillait dans l’atelier d’une usine de transformation de noix à St Louis et a été à l’origine de l’une des actions syndicales les plus réussies de la Grande Dépression. 

La grève des noix de « Funsten » est peu connue, mais c’est une des luttes les plus importantes du « Midwest », ainsi que la grève générale de 1877. La grève de la société « Funsten Nut Factory » a mobilisé deux mille prolétaires à prédominance noire dans cinq usines, pendant dix huit jours. La grève a été dirigée et organisée par des femmes noires, dont la jeune Carrie Smith, qui a défié publiquement un contremaître pour encourager ses collègues à résister. Elle s’est disputée avec le directeur de l’usine pendant deux heures avant d’annoncer à ses collègues : « Nous ne pouvons pas perdre! »

Le Parti Communiste Américain s’est impliqué et a soutenu les grévistes, jusqu’au bout. Il a utilisé la grève comme un moment fort pour marquer le Midwest urbain comme un nouveau foyer pour une politique ouvrière radicale dirigée par des travailleuses noires.

À Saint-Louis, la lutte juridique contre la loi ségrégationniste de « Jim Crow » a renforcé les organisations populaires et les actions directes menée par des citoyens ordinaires, non classés comme militants politiques. Ce sont les travailleurs noirs, en particulier des femmes noires et les communistes qui ont inspiré la lutte juridique contre « Jim Crow » mais ce sont les organisations populaires qui menaient la lutte quotidienne et la résistance dans un environnement de pauvreté extrême. Ces luttes ont engendré une solidarité et des amitiés solides entre les habitants de ces quartiers pauvres, habités par des citoyens noirs.

Un an avant la grève des noix de Funsten, le matin du 8 juillet 1932, les pauvres et les dépossédés de la Dépression ont organisé une manifestation devant le bâtiment de la mairie, exigeant d’être nourris. Il y avait plus d’un millier de personnes avec des pancartes indiquant le refus de l’expulsion des chômeurs de leurs logements : «No Evictions of Unemployed» et «We Will Work But We Won’t Starve» (لا إخلاء للعاطلين من مساكنهم »و« سنعمل لكننا لن نتضور جوعًا ). Les enfants portaient des pancartes exigeant « Lait gratuit pour les enfants des chômeurs ».

Quelques jours plus tard, une douzaine de manifestants ont occupé le bureau du maire tandis qu’une foule de plusieurs milliers de personnes se rassemblait à l’extérieur. Les journaux ont rapporté des extraits d’un manifestant noir : « Il n’y a plus qu’un seul chemin pour la classe ouvrière, c’est le chemin militant. Je parle pour les travailleurs noirs qui savent se battre et se battront. Nous ne continuerons pas à mourir de faim paisiblement… »

Lorsque la foule a été informée que le maire ne rencontrerait pas les organisateurs du Parti communiste, cinquante femmes noires s’apprêtaient à occuper le bureau du maire lorsque la police a lancé une grande quantité de bombes lacrymogènes contre les manifestants, blessant plusieurs personnes.

L’émeute de juillet faisait partie d’une série de «marches de la faim» des années 1930 dans la ville. La police a utilisé des armes à feu contre les manifestants et en a tué quatre. Des enfants ont été piétinés. Les policiers ont arrêté des membres présumés du Parti communiste de Saint-Louis pour leur rôle présumé dans les manifestations. Mais malgré la répression, l’émeute de juillet 1932 a obligé le conseil municipal à donner une subvention de 25 000 $ aux centres de distribution alimentaire de la ville. Au printemps suivant, en mai 1933, la lutte a atteint les lieux de production. Les décortiqueurs (عُمال مواقع تكسير وتقشير وتعبئة الجوز ) de noix de plusieurs usines de transformation ont commencé à tenir des réunions secrètes. Les rendez-vous étaient dirigés par des femmes noires, dont plusieurs étaient des vétérans de l’émeute de juillet 1932.

St Louis était le centre de l’industrie de la noix de pécan (جوز البقان ), en amont de la vallée du fleuve Mississippi qui s’était avérée idéale pour la culture de grands bosquets de noix de pécan naturelles. Dans la Gateway City de St Louis, seize usines, dont sept appartenaient à l’entreprise Funsten Company, employaient environ trois mille femmes dans des emplois subalternes, d’exécution, dans la transformation des aliments.

À l’époque, les ouvriers noirs sont séparés des autres. St Louis n’avait aucun fonctionnaire noir dans les bureaux et les services administratifs da la mairie. La ville était le « dernier arrêt sur le chemin de fer avant d’entrer dans le Sud », écrit Fichtenbaum. « C’est ici que les voitures du train des blancs doivent être séparées des voitures des « colorés ».

Les femmes représentaient environ 30 % de la main-d’œuvre » dans le Missouri des années 1930. Les professions ouvertes aux femmes noires étaient coiffeuse, serveuse, aide à la cafétéria, couturière, femme de ménage, blanchisseuse, ouvrière d’usine de tabac et ouvrière d’usine d’emballage de noix. Tous ces lieux de travail ont maintenu les politiques « Jim Crow » en séparant physiquement les travailleurs dans différentes installations.

Deux ans avant la grève, le journal local St. Louis Post-Dispatch notait que les femmes de l’usine de Funsten avaient subi cinq réductions de salaire. L’employeur triche lors de la pesée finale des noix décortiquées…

Le salaire des femmes noires avant la grève à Funsten Nut s’élevait à environ 6 $ par semaine. Elles gagnaient 3 à 4 cents par livre de noix décortiquées, alors que les travailleurs immigrés polonais gagnaient 4 à 6 cents. Les femmes noires effectuaient des travaux qui exigeaient des efforts physiques, séparant la chair des noix de leurs coquilles, tandis que les femmes polonaises avaient la tâche de trier et de peser les morceaux. À Funsten, les femmes noires travaillaient neuf heures par jour, cinq jours et demi par semaine, commençant à 6 h 45 et s’arrêtant à 16 h 45 avec quarante-cinq minutes de repos pour le déjeuner. Les femmes blanches travaillaient des journées plus courtes, commençant à 7 heures du matin, s’arrêtant à 16 h 30 avec 60 minutes pour le déjeuner.

 Les femmes blanches travaillaient au premier étage, tandis que les femmes noires travaillaient au sous-sol de certains immeubles et au deuxième étage d’autres. Les locaux étaient sales, humides, sans fenêtres et sans aération. La chair de noix produisait des taches permanentes sur la peau et les vêtements et le coût des tabliers était déduit du salaire hebdomadaire des travailleurs. Les toilettes étaient insalubres même si les travailleurs manipulant de la nourriture. Les noix émettaient une poussière qui précipitait la toux et qui cause des problèmes de l’appareil respiratoires. 

La séparation de la chair et de la coque exigeait de la vitesse, de la dextérité et une patience sans fin. Le tri aussi. Les femmes noires qui décortiquaient étaient payés trois cents la livre de noix entières sans coque et deux cents pour la livre de noix en morceaux. Les grévistes exigeaient dix cents pour les noix entiers, quatre pour les morceaux.

Ces mauvaises conditions de travail et ces salaires très bas ont inspiré les slogans et les revendications. Lors de la grève, des banderoles, à l’extérieur d’une usine de Funsten indiquant : « Les animaux du zoo sont nourris pendant que nous mourrons de faim ». « Nous pensons que nous avons le droit de vivre aussi bien que les autres vivent », a déclaré Carrie Smith au maire nouvellement élu Bernard F. Dickmann lors d’une réunion. « Nous avons droit à un salaire qui nous fournira suffisamment de nourriture et de vêtements ». Lors des négociations, une ouvrière nommée Caroline Lewis a dit au maire que les bas salaires des femmes qui travaillaient ne leur épargne pas la pauvreté.

Les maris et les enfants ont rejoint la marche d’usine en usine, appelant les femmes restées travailler à l’intérieur à sortir et participer à la grève et les manifestations. La solidarité, organisée surtout par le parti communiste était importante et décisive pour la poursuite de la grève et pour le moral ( معنويات ) des grévistes.

Le premier jour de la grève, seules des femmes noires se tenaient sur les lignes de piquets de grève. À la seconde journée, les lignes étaient multiraciales. Une ouvrière blanche a déclaré : « Ils sont venus, ils nous ont annoncé : Sortez, la grève est lancée ! et la plupart des femmes ont abandonné leur postes de travail et sont sorties pour se joindre aux grévistes ».

Le travail à Funsten Nut était un exercice « habituel » de discrimination raciale, mais l’organisation de piquets de grève etait multiraciale, à partir du deuxième jour de grève et étaient représentatives des réalités de la vie ouvrière à St Louis, où les quartiers ouvriers étaient souvent peuplés de communautés noires et immigrées. Dans ces quartiers pauvres entremêlés, la solidarité ouvrière pourrait se construire entre voisins.

Pendant huit jours, la police municipale a escorté des briseurs de grève à travers des foules en colère, et au moins quatre-vingt-dix grévistes ont été arrêtés pour avoir « troublé l’ordre public ». De nombreuses femmes ont été arrêtées dans les espaces publics, pour comparaitre en urgence devant le tribunal habitué à traiter des meurtres.

Le neuvième jour, le 24 mai 1933, les propriétaires de la société Funsten et le maire Dickmann ont senti le danger de l’élargissement du mouvement de contestation. Ils ont commencé à négocier avec des représentantes des ouvriers. La jeune militante ouvrière noire Carrie Smith, militante du Parti communiste est sortie de l’hôtel de ville et a annoncé une offre de l’entreprise de doubler les salaires – proche du quota exigé. Carrie Smith et le maire se sont rendus au siège du Parti communiste où sept cents grévistes s’étaient rassemblés et leur ont présenté la proposition de l’entreprise qui a été approuvée publiquement à l’unanimité.

Les grévistes de Funsten Nut avaient montré au mouvement ouvrier et au mouvement des droits civiques la voie à suivre qui est celle de la lutte, de l’unité et de la transparence. Les grévistes ont farouchement résisté à la répression et au chantage. Ils ont démontré les limites du réformisme libéral, et ont fait le lien de manière créative entre les luttes locales pour la justice économique et la liberté des Noirs, et ont ouvert de nouvelles voies pour le leadership des femmes de la classe ouvrière.

Une brochure da Trade Union Unity League (TUUL – رابطة اتحاد النقابات العمالية ) indique à tous les ouvriers « Vous devez vous organiser aussi et faire la grève ! Le journal « working women  –  المرأة العاملة» indique que les décortiqueurs de noix avaient « réveillé les masses de Saint-Louis comme aucune autre grève depuis des années », gagnant « l’entière sympathie et la solidarité de la classe ouvrière de Saint-Louis. . . . On croirait que la femme noire a été formée pendant des années dans le mouvement ouvrier ».

La grève des noix de Funsten a inauguré une vague de lutte au cours des deux décennies suivantes. Les femmes ouvrières ont permis de fusionner les programmes féministes, syndicaux, de liberté des Noirs et de lutte contre la pauvreté, pour construire des programmes d’autogestion et la démocratisation de la vie locale et des cités urbaines.

Les travailleurs noirs de Saint-Louis ont continué à faire grève pendant les années de la Dépression et de la Seconde Guerre mondiale, ce qui a radicalisé certains militants des droits civiques, comme Marian Oldham, Frankie Freeman, DeVerne Lee Calloway et Ora Lee Malone. Il ne s’agit plus de se limiter au droit de vote et à la fin de la séparation physique des personnes, mais de l’égalité économique, d’accès aux logements, aux lieux publics. Le courant dominant du mouvement de la lutte des noirs insiste sur la critique de l’injustice économique.

La grève de l’usine de Funsten était une action de longue haleine, organisée lors de réunions clandestines, dans divers lieux. Les organisateurs ont été aidés par le Parti communiste de Saint-Louis, en particulier un militant syndicaliste du nom de William Sentner.

Keona Ervin : Gateway to Equality: Black Women and the Struggle for Economic Justice in St. Louis – Kentucky Press – 2017 ( – تأليف الباحثة كيونا إرفين – بوابة المساواة: النساء السود والنضال من أجل العدالة الاقتصادية في سانت لويس- تأليف الباحثة « كيونا إرفين –  )

Walter Johnson : The Broken Heart of America: St. Louis and the Violent History of the United States – 2020 (القلب المكسور لأمريكا: سانت لويس والتاريخ العنيف للولايات المتحدة  )

Jack Conroy The Disinherited – roman 1933 – (« المحروم من الميراث » (رواية

Myrna Fichtenbaum « The Funsten Nut Strike » 1992 ( (  إضراب مصنع فونستن للجوز