par Laure Lemaire

Formation
Née en 1870 près d’Ancône dans les Marches enItalie, Maria Montessori est issue d’une famille bourgeoise. Son père, Alessandro Montessori appartient à une famille conservatrice de la région de Bologne. D’abord militaire, il endosse les fonctions d’inspecteur des finances de l’industrie du tabac et du sel. Sa mère, Renilde Stoppani, issue d’une famille aisée et catholique est comptable dans la fonction publique. Elle est la nièce du célèbre prêtre Antonio Stoppani, philosophe et savant milanais. Passionnée de littérature et affichant une vision libérale de la société malgré son éducation stricte, elle transmet cette modernité d’esprit à sa fille Maria, l’encourageant à être indépendante, à défendre ses idées et à assumer ses ambitions.
En 1873, ses parents déménagent à Florence puis à Rome. Jusqu’à l’âge de 11 ans, Maria est freinée dans ses études par des problèmes de santé (rubéole), mais, elle est brillante. Dès 14 ans, elle se passionne pour les mathématiques. Encouragée par sa mère, elle s’obstine et intègre, en 1884, un collège technique réservé aux garçons. Elle en sort diplômée et y découvre la biologie. En 1890, son baccalauréat en poche, elle s’inscrit à l’université, en sciences naturelles. En 1892, malgré de nombreux obstacles, Maria Montessori réussit à intégrer la faculté de médecine de Rome et décroche une bourse. A 26 ans, Maria Montessori est l’une des 1° femmes à obtenir son diplôme de docteur en médecine avec une thèse dans le domaine de la psychiatrie, pour laquelle elle bénéficie du soutien d’Ezio Sciamanna, directeur de la clinique psychiatrique de l’université de Rome.
1°expériences
Entre 1894 à 1896, elle travaille comme assistante dans cette clinique, où elle rencontre plusieurs enfants déficients mentaux. Elle constate avec effarement qu’ils sont mélangés aux adultes et qu’ils n’exercent aucune activité, n’ayant aucun jeu à leur disposition alors que la manipulation lui semble être un élément essentiel au bon développement cognitif. Elle obtient du directeur de l’hôpital la création d’un service séparé qui sera l’un des1° services pédo-psychiatriques d’Italie.
Parallèlement, elle découvre les recherches de 2 Français: Jean Itard (1774–1838), médecin, inventeur de l’otorhinolaryngologie (sourds-muets) et ses écrits sur Victor, l’enfant sauvage de l’Aveyron; et Édouard Séguin (1812–1880), pédagogue auprès d’enfants « idiots », à Bicêtre, auteur de Hygiène et éducation des idiots en 1846. Elle part en France étudier leurs méthodes éducatives et créer son propre matériel. Elle ramène de Paris leurs travaux qu’elle traduit et recopie à la main la nuit alors qu’elle travaille le jour avec des enfants déficients auxquels elle apprend à lire, à écrire grâce à son matériel. Maria Montessori conclut que l’éducation est plus bénéfique à ces enfants que les seuls soins médicaux: « J’eus l’intuition que le problème de ces déficients était moins d’ordre médical que pédagogique.» Peu de temps après, elle crée sa propre école d’orthophrénie, y forme des enseignants et leur fait prendre conscience de l’importance de l’observation : « Observer et non juger. »
Jean Itard et Victor de l’Aveyron.
Un enfant sauvage français, peut-être né dans le Tarn vers 1785, est trouvé dans l’Aveyron en 1797, alors qu’il a environ 12 ans. En 1797, un enfant d’environ 9-10 ans est aperçu dans le Tarn; 2 ans plus tard qu’il est capturé par des hommes et des chiens après s’être bien débattu, escorté au village de Lacaune et recueilli par une veuve. Il ne se nourrit que de végétaux crus, ou qu’il a cuits lui-même. Il fugue au bout d’une semaine. Durant l’hiver 1799, l’enfant passe du Tarn à l’Aveyron. En janvier 1800, un enfant nu, voûté, aux cheveux hirsutes, est débusqué par 3 chasseurs. Il s’enfuit, sort des bois et, on le retrouve chez le teinturier Vidal. Il ne parle pas et fait des gestes désordonnés. On dit « il marche à 4 pattes, se nourrit de plantes, est velu, sourd et muet. ». Sa désocialisation apparaît insignifiante si on la compare avec celle de l’autre enfant sauvage Marie-Angélique le Blanc. Il est envoyé dans un orphelinat de Saint-Affrique, puis à Rodez. L’aliéniste Philippe Pinel, médecin de l’hôpital de Bicêtre, fait un rapport et le considère comme un idiot de naissance.
L’abbé Bonnaterre, naturaliste l’emmène à l’École centrale et le ministre Lucien Bonaparte réclame son transfert à Paris. En 1801, l’enfant est confié au docteur Jean Itard qui lui donne le prénom de Victor après s’être aperçu que la vocalisation particulière de la lettre V était le son auquel il réagissait le plus, et celui qu’il vocalisait à son tour le mieux. Qu’il soit enfant sauvage ou enfant martyr, contre tous, Itard s’attelle à sa réinsertion sociale pendant 5 ans. Il publie rapport sur ses travaux mais considère comme un échec personnel son incapacité à parler. Lucien Malson publie les écrits du docteur Itard qui cherchait à humaniser le garçon. Il remarque les difficultés qu’il a éprouvées à faire retrouver à l’enfant une sensibilité, des sentiments, une faculté de raisonnement, mais surtout à lui apprendre à communiquer. Plusieurs psychiatres relèvent chez Victor des symptômes typiques de l’autisme, et posent un diagnostic rétrospectif, en raison notamment du fait qu’il est non-verbal.
Très vite, elle milite pour la reconnaissance des droits des femmes et la défense des enfants atteints de déficience mentale. En 1898, elle intervient au Congrès pédagogique de Turin pour présenter ses travaux sur les enfants dits « débiles ». Elle participe au congrès international des femmes à Berlin. Guido Baccelli, ministre de l’Éducation, lui confie le poste de directrice de l’école orthophrénique de Rome de 1899 à 1901.
La pédagogue

A partir de1901, elle s’intéresse aux enfants « normaux ». Elle entreprend des études de psychologie et de philosophie. Elle devient professeur à l’université de Rome et publie son 1° ouvrage Anthropologie pédagogique.
En 1906, elle crée sa méthode pédagogique pour les très jeunes enfants « normaux » et ouvre la 1° Maison des enfants dans le quartier populaire de San Lorenzo à Rome. Pour améliorer la vie du quartier, un organisme met en chantier la construction de 2 immeubles pour accueillir une population défavorisée. Son directeur demande à Maria Montessori d’organiser la vie des enfants de ces immeubles pour les empêcher d’errer, de semer le désordre et instaurer une harmonie familiale.
Les parents ont libre accès à l’école. En contrepartie, ils doivent veiller à la propreté et à la bonne tenue des enfants. L’institutrice habite dans l’immeuble pour mieux collaborer avec les parents. La Casa dei bambini devient une base de recherche et un laboratoire d’expérimentation où Maria Montessori construit et éprouve sa méthode. Elle devient mondialement connue. Sa méthode s’appuie sur la liberté des élèves, ce qui a révélé des changements de comportement inattendus chez eux. Les enfants les plus timides s’expriment!
La pédagogie Montessori repose sur les principes suivants : le libre choix de l’activité, l’autodiscipline, le respect du rythme de chacun et l’apprentissage par l’expérience. Elle affirme:
« Tout enfant est un roi en marche vers l’aurore »
L’objectif est de donner une éducation aux enfants pour qu’ils deviennent des adultes responsables, indépendants et capable de s’adapter.
« N’élevons pas nos enfants pour le monde d’aujourd’hui. Ce monde n’existera plus lorsqu’ils seront grands. Et rien ne nous permet de savoir quel monde sera le leur : alors, apprenons-leur à s’adapter. »
Aujourd’hui, il y a près de 200 écoles Montessori en France et plus de 20 000 écoles sur tous les continents. Plusieurs études ont montré l’intérêt de cette approche pour les enfants victimes de conflits armés ou les enfants autistes (combiné avec une approche cognitive).
Maria Montessori ne conçoit pas l’éducation comme une transmission de savoirs, mais comme l’accompagnement du développement naturel de l’enfant, via un environnement préparé, adapté aux caractéristiques et aux besoins de son âge. Sa méthode a vocation à être une pédagogie scientifique, basée sur la connaissance et le respect des lois du développement psychologique des enfants.
« L’intellect de l’enfant travaille partout et toujours, en liaison intime avec son corps, et son système nerveux et musculaire. »
Cette pédagogie est une méthode d’éducation dite « ouverte » qui repose sur :l’observation de l’enfant d’abord; elle considère l’enfant comme une personne digne d’intérêt mais surtout comme l’avenir de la société ; elle insiste sur l’importance de l’éducation et de l’instruction avant l’âge de 6 ans. Pour elle, le corps a une importance dans le développement intellectuel de l’enfant, ce qui peut être bénéfique pour les enfants qui ont une mémoire kinesthésique.
La renommée mondiale
Maria Montessori est invitée en Espagne, par le gouvernement afin de donner des cours de formation à sa pédagogie. Elle rédige des livres en espagnol. Elle forme ses 1° enseignants en prônant la supériorité de l’observation sur le jugement.. Des organisations caritatives lui demandent de créer des maisons d’enfants. Elle multiplie les voyages pour donner des conférences sur ses méthodes d’enseignement et organiser des stages de formation pédagogique.
Fin 1913, elle part aux États-Unis, accompagnée de son imprésario, Samuel S. McClure, qui se charge de la promotion de sa « Méthode », dont la traduction est un best-seller. Elle y crée un collège pour enseignants et y reste jusqu’en 1918. De 1921 à 1931, elle participe aux échanges de la Ligue internationale pour l’éducation nouvelle et rencontre d’autres grands pédagogues de ce mouvement, tels que Adolphe Ferrière, John Dewey et Roger Cousinet.
Lors du congrès de 1929 sur l’éducation nouvelle, Maria Montessori prend conscience de l’importance de sa pédagogie et de la nécessité de coordonner la diffusion de ses idées, de sauvegarder sa méthode, sa pédagogie et sa pensée au nom de l’Enfant. Elle fonde l’Association Montessori internationale (AMI) dont la maison mère est basée à Amsterdam. Le bâtiment a été acheté par Maria Montessori et son fils juste avant leur retour d’Inde. Ils ont vécu et travaillé dans cette maison jusqu’à leurs décès respectifs, en 1952 et 1982. Actuellement, elle accueille un musée contenant des documents, des ouvrages, des articles; une pièce dispose du matériel Montessori.
Le fascisme et la guerre mondiale

Benito Mussolini porte un fort intérêt aux écoles Montessori. Son gouvernement fasciste souhaite s’appuyer sur la réforme de l’instruction comme socle du nouveau régime. À la suite d’une entrevue en 1924, il confie à Maria Montessori des écoles d’État ainsi que la formation des enseignants. Elle se considère « apolitique » et pacifiste, dévouée à « la cause des enfants ». Puis l’emprise du régime fasciste sur les 70 établissements Montessori se fait de plus en plus forte: uniforme, salut fasciste, carte du parti, ce qui dévoie son enseignement. Elle se réfugie en Espagne qui vit les troubles opposant les partisans du général Franco et les Républicains. Elle est intimidée devant son domicile par des anarchistes. Elle doit à nouveau fuir. Mais elle se retrouve démunie financièrement. L’une de ses élèves, Ada Pierson, avec laquelle elle se liera d’amitié et qui deviendra la 2° épouse de son fils Mario, l’invite à la rejoindre aux Pays-Bas, s’y installe et crée l’association Montessori Publications.
En 1939, elle est invitée en Inde britannique, à Madras par la Société théosophique pour y donner une formation. Elle a 69 ans. Quand la 2° Guerre mondiale éclate, elle y est assignée à résidence en tant que ressortissante italienne. Elle reste en Inde jusqu’en 1946. Avec l’aide de son fils Mario, elle peut effectuer 2 autres formations, et utilise ce temps pour développer la méthode pour les 6-12 ans.
De retour sur le « Vieux Continent », lors d’un voyage à Londres, accompagnée de son ancienne élève et traductrice anglaise Margaret Homfray, elle découvre les dégâts causés par la guerre. L’ Italie la réhabilite, mais elle préfère s’installer aux Pays-Bas, à Noordwijk aan Zee, où elle meurt en 1952 à l’âge de 81 ans, peu avant un voyage prévu en Afrique. En 1949, elle est décorée de la Légion d’honneur à la Sorbonne