La dernière daube-Zohra Mahi
C’est ainsi qu’aurait dû s’appeler le film portant sur un épisode de l’histoire de l’Algérie qui entre parenthèses n’existait pas en attendant que la France vienne en 1830 lui donner vie mais ça c’est une autre histoire.
Nous sommes au 16e siècle et l’Espagne qui venait de terminer sa reconquista et expulsé le dernier « arabe » s’est enhardie à poursuivre les expulsés jusque dans les pays de la côte sud de la méditerranée qui leur offraient l’hospitalité.
Les Espagnols déjà solidement installés à Oran et le resteront jusqu’à ce qu’ils en soient délogés par le Bey de Mascara Mohamed El Kurdi El Kabir en 1790-92 s’installent sur le penon face à Alger obligeant l’oligarchie Algérienne à leur payer un tribut pour chaque bateau qui accoste dans le port d’Alger
Le Cheikh Salim Ettoumi Ethaalibi sous la contrainte du conseil oligarchique qui gouvernait Alger et devant l’agressivité des Espagnols qui les menaçaient, fait appel à Aroudj , un pirate Turc pour le débarrasser de cette mainmise qui est en train de virer à la colonisation avec la construction par Charles Quint de Fort l’Empereur sur la côte algéroise.
Une fois les Espagnols battus à plate couture par les Turcs, ces derniers dont la mission est terminée, s’installent à demeure puis Aroudj trouve la place si bonne qu’il veut la prendre à son titulaire, Salim Ettoumi qu’il assassine et envisage, pourquoi pas, d’épouser sa femme Zaphira , laquelle se suicide en se coupant la gorge dans un déluge de sang lorsqu’elle est demandée en mariage par l’assassin de son mari.
Voilà à peu près l’intrigue de « La dernière reine » que je suis allée voir en trainant les pieds invitée par une amie bien intentionnée qui en est ressortie aussi consternée que moi.
A force de vouloir ressembler à Hollywood, le cinéma algérien se bollywoodise. C’est ce qui est arrivé à ce film qui a pris ses distances avec l’histoire et a choisi le clinquant des costumes et l’intrigue minimaliste au lieu de la vérité historique.
Il est clair que le discours idéologique de ce film vise à présenter nos frères Turcs comme des envahisseurs dont la férocité va nous réconcilier avec celle des Arabes Thaalibiyoun parce que malgré une propagande intense, la faribole de la colonisation arabe il y a 1400 ans n’a pas résisté à la prescription des siècles ni trouvé d’écho dans la majorité du peuple Algérien.
Une analyse objective des faits historiques doit remettre les choses en place.
Non Aroudj n’était pas un pirate, il était un corsaire au service des intérêts de tout pays musulman qui réclamait son aide, non, il n’a pas exécuté Salim Ettoumi pour prendre sa place mais c’est ce dernier qui après avoir demandé aux Turcs de venir se sacrifier pour Alger s’est mis à intriguer contre eux avec ses ennemis d’hier et a été exécuté par les siens ! C’était donc une lutte de pouvoir comme il y en a eu tant dans l’histoire et Salim, qui n’était pas roi, ne pouvait pas être regardé autrement que comme un traitre ingrat. Il a mérité son sort dans la logique de l’époque.
Quant à Zaphira dont l’existence n’est pas démontrée, elle se serait empoisonnée et ne fut pas, comme le veut le réalisateur de ce film, noyée par le sang de sa gorge coupée dans un bruit et une fureur dont le paroxysme a obligé une vieille Française assise à deux fauteuils de moi, à quitter la salle de projection. Elle a sans doute été heurtée par ces mœurs barbares.
Il est regrettable que nos frères Turcs qui ont porté à bout de bras l’empire musulman et l’ont arrosé de leur sang comme l’a si bien dit le dernier Khalife de l’Islam, le sultan Abdelhamid II, continuent à être vilipendés par des peuples qui les ont appelés à la rescousse pour ensuite se retourner contre eux comme le Bey de Tunis qui a appelé Charles Quint à venir parader à Tunis après avoir fait appel à Kheir Eddine Barberousse pour le délivrer de ce même Charles Quint !!
Bien sûr que le but de ce film est de faire oublier la nature de la colonisation de peuplement avec la disparition inévitable et programmée des indigènes. C’est la grosse ficelle dont usent et abusent les nouveaux intellectuels qui veulent nous persuader que toutes les occupations se valent mais certaines sont moins sanglantes que d’autres.
Faut-il rappeler à ces manipulateurs que les Turcs en dehors de quelques garnisons de janissaires n’ont jamais importé le peuple Turc pour remplacer celui qui se trouvait en Algérie et qu’en dehors de prélever un impôt nécessaire pour l’entretien de l’armée, les populations Algériennes se géraient elles-mêmes ?
Il est temps que la Turquie, débarrassée du règne des Dönmeh post Atatürk, retrouve la gratitude du monde musulman et que son retour parmi les nations musulmanes après tant d’années d’isolement soit enfin apprécié et que des films soient consacrés aux immenses sacrifices consentis par son peuple dans la défense de l’Islam.
Je regrette pour les acteurs Algériens qui ont cru participer à une œuvre majeure de nature à apporter prestige et gloire à notre pays mais je n’ai pas gouté ce film, et les torrents d’hémoglobine déversée et la violence montée en épingle comme si les nations européennes n’ont pas usé des mêmes procédés dans leurs affrontements, n’ont pas suffi à m’émouvoir.
Zohra Mahi.