Cette note de Laure Lemaire est décisive pour comprendre les derniers développements qui amèneront la naissance de la philosophie en tant que telle avec Socrate. Laure écrit ses notes sur l'histoire de la Grèce antique et ses transformations économiques, sociales et politiques pour éclairer les déterminations de la naissance et du développement de la philosophie grecque et ses héritages Mésopotamien et Égyptien. Cette note est en rapport direct avec mon webinaire 25-"Un autre tournant : de la rhétorique d'Empédocle aux sophistes". Je mettrai en bas de cette note le lien vers ce webinaire. De façon générale, je vais associer les notes de Laure avec mes webinaires concernés. Bonne lecture et (je l'espère) bon visionnage.

Syracuse (-734) et ses tyrans

Syracuse est fondée au -viiie siècle par des colons grecs de Corinthe, sur l’île d’Ortygie. Pour Cicéron, c’est la plus grande et la plus belle des villes grecques.

1° habitants

L’occupation d’Ortygie et des Epipoles, où ont été découverts des villages sicules, avec des objets mycéniens dans les sépultures  est donc plus ancienne que-1200. Les Phéniciens auraient installé un comptoir, permanent ou saisonnier, nommé Sour-ha-Koussim, « Pierre aux mouettes » d’où proviendrait le nom de Syracuse. Le commerce des Sicules avec les Grecs reprend après les siècles obscurs, au -VIIIe siècle. Dans les mythes grecs, Syracuse est une étape pour Héraclès et Enée.

La colonisation est menée par Archias de la famille des Bacchiades pour se poster sur les routes qui traversent la mer Méditerranée. Un autre BacchiadeChersicratès, fondeCorcyre sur la route  préexistante allant de la côte illyrienne à la côte Est de la Sicile.

Les 1° colons bâtissent des maisons rectangulaires garnies de céramique protocorinthienne, locale et cycladique. Ils fondent l’aristocratie foncière qui va gérer la cité, les Gamores. En prenant possession des terres, ils entrent en conflit avec les populations locales que les Doriens qu’ils sont, asservissent sous le nom de Cillicyriens, comparables aux Hilotes et aux Pénestes à Sparte. Les cultes indigènes auraient persisté dans les sanctuaires grecques telle Artémis Lyaia (Libératrice), vénérée dans la grotte de la Scala greca, héritière d’une Grande Déesse sicane et sicule, mère de fertilité et de fécondité, ou Aristée, inventeur de l’apiculture assimilable à son parèdre. Les sicules sont les 1° habitants de Malte après la désertification, où ils créent une brillante civilisation aux temples majestueux.

La ville se développe grâce à ses riches plaines pour devenir l’une des colonies grecques les plus brillantes d’Occident. Très agricole, elle développe un artisanat de céramique, du travail du métal et delainage, et le commerce grâce à son port; à partir du -VIIe siècle, elle fonde plusieurs établissements ou cités en Sicile.

Les tyrans: Gelon contre Carthage et Hérion I contre les Etrusques (-480)

Gélon, le tyran de Gela se rend maître de Syracuse en -485. Il  laisse son frère Hiéron à Gela.   Syracuse devient la puissance dominante, dont il renforce la population par l’arrivée de la 1/2 des habitants de Gela, de tous ceux de Camarina, et de nouveaux colons grecs. Ils s’installent sur  dans les nouveaux quartiers de Néapolis et de Tyché et y élèvent une 2° agora. Syracuse se dote d’entrepôts sur les quais, d’un arsenal et descasernes, consacre de nouveaux sanctuaires à Déméter, à Coré et à Athéna, enjolive celui d’Apollon. Gelon assoit son pouvoir par les alliances matrimoniales. Allié à Théron, tyran d’Acragas, il bat à Himère, en -480, une expédition carthaginoise ( le jour même où les Grecs battent les Perses à Salamine).

Après sa mort, son frère Hiéron lui succède. Plus violent selon Diodore, il commence une politique de mécénat et invite à sa cour les poètes et philosophes grecs XénophaneSimonide de Céos et son neveu Bacchylide, ,Eschyle Épicharme et Pindare qui compose en son honneur les 3 1°Pythique et la 1°olympique. Hiéron participe aux jeux panhelléniques, vainqueur aux courses de chevaux montés puis de chars, à 3 reprises aux Jeux olympiques et aux Jeux pythiques. Il commande aux sculpteurs Calamis et Onatas un groupe statuaire pour Olympie.

En -474, Hiéron I bat les Étrusques à la bataille de Cumes et dédie à Olympie un casque sur lequel il fait inscrire « Hiéron et les Syracusains à Zeus sur le butin fait sur les Etrusques à Cumes. » Il entre en conflit avec son frèrePolyzalos, maitre de Gela qui se réfugie auprès de son beau-père, Théron. Hiéron vide Naxos et Catane de leur population qu’il déporte. Il refonde Catane sous le nom d’ Etna) avec des colons du Péloponnèse et de Syracuse et contraint Zancle de lui donner l’accès au détroit de Messine. En 466, Thrasybule son frère lui succède. « Violent et sanguinaire, il fit mourir des citoyens et, les  exila  sur des accusations mensongères, il confisqua leurs biens au profit du trésor royal » raconte Diodore. Il est renversé en –465 et exilé.

La démocratie et l’expédition d’Athènes

Avec la chute des tyrans et l’installation d’un régime démocratique pour 60 ans, elle perd sa domination sur la partie orientale mais redevient la plus puissante cité de l’île par une série de victoires : en -453 contre les districts miniers étrusques en Corse et sur l’île d’Elbe, en -450 face au Sicule Doukétios, contre Agrigente, et contre les sicules en -445. Elle attaque en -427, Léontinoi et Egeste, alliées d’Athènes qui, en guerre du Péloponnèse, souhaite contrer la puissance de Syracuse et prendre pied en Sicile pour s’assurer le contrôle de la mer. L’expédition de Sicile prit la mer avec 134 trières portant 5 100 combattants en -415. Les Syracusains avec l’appui de Sparte défont sur terre aux Épipoles les Athéniens. En 410, des négociations pour rétablir la paix entre Agrigente et les Elymiens, alliée de Carthage échouent. En 406, Carthage attaque AgrigenteGela et Syracuse, mais survint une épidémie de peste. La paix est signée en -405 et l’équilibre des forces sur l’île n’est pas remis en cause.

Le nouveau tyran: Denys l’Ancien (-405)

La menace carthaginoise met au pouvoir en -405 Denys l’Ancien, d’origine modeste, pour négocier avec l’ennemi. Protégé par une garde de 1 000 hommes, le nouveau tyran persécute les aristocrates, affranchit les Cyllyriens et les esclaves. Il accroit son armée jusqu’à 50 000 fantassins et 10 000 cavaliers, la dote de catapultes portant à 300 m, et fait d’Ortygie, une citadelle imprenable qu’il complète du Château d’Euryale sur les Épipoles. Il construit des gymnases sur les rives de l’Anapo, élève des temples tout en pillant les trésors sacrés comme le manteau d’or de Zeus, levant des tributs, augmentant les impôts et altérant les monnaies pour couvrir les nombreuses dépenses.

Il conquiert une partie du territoire des Sicules et fonde à Adranon pour la contrôler. Il prend Catane, rase Naxos et obtient la reddition de Léontinoi, contraint des populations à s’installer à l’intérieur des terres. Contre les Carthaginois, dans 3 guerres successives, il prend Motyé  mais doit subir un siège à Syracuse  en 397, lors duquel les Carthaginois détruisirent le temple de Déméter et Coré et le tombeau de Gélon.

L’autoproclamé « archonte de Sicile » envoie des mercenaires pour aider le Perse Cyrus le Jeune dans sa révolte contre le souverain achéménide Artaxerxès, il s’allie à Archytas de Tarente, colonise la Corse, fonde Ancône et Adria sur la côte adriatique, pille Pyrgi en -384. Sous son règne, Syracuse est la cité la plus peuplée et la plus riche du monde grec.  Il veut réunir  des intellectuels grecs mais il supporte moins la liberté artistique que ces prédécesseurs : Platon, trop proche de Dion, est emprisonné, Philoxène de Cythère envoyé aux latomies. Amateur de drame et dramaturge amateur, il fait creuser dans la roche un théâtre grec. Les anecdotes sur Denys l’Ancien sont innombrables et l’on peut encore voir, la fameuse « Oreille de Denys », une imposante grotte dans laquelle le tyran enfermait ses prisonniers et dont l’acoustique permettait à Denys d’écouter leurs conversations.

Le déclin: le tyran Agathocle -337

Denys l’Ancien meurt en -367 et son fils  Denys le Jeune lui succède Il reprend le contrôle d’Ortygie mais Dion (le frère de l’épouse syracusaine de son père), lui était hostile. En 357, Dion, avec 1000 mercenaires, marcha sur Syracuse qui lui ouvrit la porte. 10 ans de luttes s’engagèrent qui contribuèrent à l’affaiblissement de l’empire syracusain en Sicile. Une série d’assassinats s’ensuivit. Les Syracusains demandent de l’aide à Corinthe, leur métropole, qui dépêche en -344 Timoléon; il exile Denys à Corinthe, démantèle la citadelle d’Ortygie, en fait un tribunal, et restaure les lois. Il repeuple la Sicile de colons grecs. Mais, quand Timoléon se retire en -337, il laisse un pouvoir fragile, qui revient aux mains d’un nouveau tyran, Agathocle.  Il prend le pouvoir à Syracuse après 2 jours de soulèvement populaire, avec l’aide d’anciens combattants des villes de l’intérieur. 4 000 personnes oligarques furent tuées et 6 000 opposants exilées. Il s’allie avec le peuple.  À la fin, Agathocle fut élu unique commandant avec les pleins pouvoirs. Il domine toute la Sicile grecque et s’empare deCorcyre. Démagogue, il promit l’annulation des dettes et la distribution des terres. Il a tenu ses promesses. Sa cruauté était dirigée contre la classe oligarchique et non à l’égard du peuple.

Carthage, en -311, envahit de nouveau la Sicile. Agathocle, assiégé dans Syracuse en -310, confia la défense de la ville à Antander et s’embarqua avec 14 000 hommes et 60 navires pour envahir le Nord de l’Afrique. Il établit son siège à Tynes la blanche, menaçant directement Carthage.

Hamilcar, subit une lourde défaite, fut capturé, torturé à mort, puis sa tête fut envoyée à Agathocle en Afrique. Mais Agathocle avait besoin de plus de troupes, il s’allia à Ophellas, gouverneur de Cyrène. Il conquit Utica et Hippone, capturant une grande force navale comprenant ses chantiers et ses bases mais échoua à Carthage. Les nouvelles de soulèvements en Sicile en -307 le contraignirent à rentrer.  la paix fut signée. Carthage conservait Héracléa Minoa, Solunte, Ségeste et Sélinonte, mais renonçait à son programme d’expansion.

Ce fut alors qu’il prit le titre de roi de Sicile ; pas de changement réel, seul un changement de statut dans le cadre des relations en « politique extérieure ». Il se consacra à étendre son royaume en Italie, il conquit Leucade et Corfou pour la donner en dot à sa fille, épouse de Pyrrhus Ier, roi d’Épire. Puis il prit pour 3° épouse, la fille de Ptolémée d’Égypte. Sous son long règne, la Sicile prospéra.

A sa mort, en -289, Syracuse s’enfonce dans des troubles politiques. Elle bat  Agrigente en -280, mais aucun dirigeant ne s’impose. Carthage menace une nouvelle fois Syracuse, qui en appelle àPyrrhus roi d’Épire et gendre d’Agathocle. Après 2 ans de batailles en Sicile, il se retire et l’un de ses officiers, Hiéron est choisi comme stratège par les Syracusains.

Hiéron II en -269, prit le pouvoir à Syracuse et il conclut un accord avec les Carthaginois. Jusqu’à sa mort en -215, il se soucia des relations commerciales sur le marché méditerranéen et égyptien. Très vite, il se rendit compte que l’astre émergent était Rome. En -263, il signa un traité avec elle et il lui resta fidèle, épargnant à ses sujets et ses alliés les terribles conséquences de la 1° guerre punique. Déjà, les troupes romaines avaient infligé de sévères coups aux villes de la Sicile occidentale.

Laure Lemaire.

Med Bouhamidi-Philosophie W25-Un autre tournant : de la rhétorique d’Empédocle aux sophistes.

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